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EAN : 9782268106670
304 pages
Les Editions du Rocher (02/02/2022)
4.14/5   7 notes
Résumé :
L’Algérie restera la grande douleur d’Albert Camus. Petit Blanc d’une Algérie française besogneuse, il ne peut accepter la position officielle de la France et des intellectuels de l’époque, et s’insurge que sa communauté, celle des pieds-noirs, soit, comme le dit Sartre, la victime expiatoire du drame qui se joue devant lui entre 1954 et 1961.

Comment approuver la rébellion algérienne quand celle-ci pourrait « tuer sa mère dans un tramway d’Alger » ? ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Quand je lis certains livres, je me demande toujours s'ils trouveront leur public, même si, bien sûr, je le souhaite.
L'on parle peu, très peu de la guerre d'Algérie – des « événements », disait-on à l'époque, des « événements », disent encore certains (si), pour qui rien ne semble s'être passé, là-bas. Aussi c'est avec intérêt que j'ai lu ce livre, très bien documenté, qui nous parle de ce qui se passait là-bas, de l'autre côté de la Méditerranée, qui nous parle aussi de ce qui se disait, en France, du côté des intellectuels « rive gauche ».
Albert Camus paraît seul – et pourtant. Il a une vie amoureuse que je qualifierai de riche, de complexe. Il était partagé entre plusieurs amours, qui lui inspiraient, pour chacune des femmes qu'il a aimé, des lettres passionnées. Il était partagé entre la France et l'Algérie, lui qui est né, a grandi, a étudié sur la terre algérienne, lui qui craint chaque jour pour sa mère, lui qui sait également la misère qui règne là-bas.

Albert Camus écrit beaucoup, et n'est pas toujours compris par ceux qui sont sûrs de la justesse de leur position, par ceux qui n'ont pas vécu là-bas. La violence et l'horreur des « événements » (oui, je garde le terme) nous sont racontés, et je me demande ce que l'on en savait réellement en France, à l'époque. Mais… il est tant de faits qui paraissaient « normaux » à l'époque, qui peut-être paraissent encore normaux aux yeux de certains, au nom du « la fin justifie les moyens ». En étant aussi elliptique, j'ai l'impression de passer à côté de ce qui s'est joué à cette époque, en Algérie, en France, des tourments, bien réels, vécus par Albert Camus. Et pourtant, ce livre nous parle de lui, de cette époque, de tout ce qui a été vécu, enduré, souffert.
Un livre à découvrir, pour ceux qui veulent en savoir plus sur la vie d'Albert Camus et sur ses liens avec sa terre natale.
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Passionnant.
Albert Camus et la guerre d'Algérie : deux histoires tragiques, la seconde alimentant la première. L'ouvrage est en effet le récit d'un véritable écartèlement. Enfant des quartiers pauvres d'Alger, devenu philosophe, Albert Camus est écartelé entre d'une part son attachement à la terre qui l'a vu naître, et d'autre part son humanisme qui l'a conduit, dès 1939, à dénoncer la misère de la Kabylie, et à refuser le statu quo en Algérie. Lui qui, ébloui par le site des ruines romaines de Tipasa, sur fond de mer et de ciel bleus, a magnifié les noces de l'homme et de la nature, est horrifié par celles, sanglantes, du terrorisme et de la répression (page 116). Il va donc, tout au long du conflit, imaginer une troisième voie qui préserve les intérêts des deux communautés : le troisième tome de ses Chroniques algériennes, qui paraissent peu après le 13 mai 1958, en définissent le cadre. Ses efforts seront vains, mais non pas absurdes comme l'illustre le mythe de Sisyphe. L'ouvrage d'Alain Vircondelet met ainsi en évidence combien les efforts d'Albert Camus vont solliciter son énergie, au point de miner sa santé et d'affecter son équilibre conjugal.

On en tirera un plus grand profit, si on a pu lire au préalable le chef-d'oeuvre posthume d'Albert Camus, le premier homme, que domine la figure de sa mère, et auquel l'auteur fait référence tout au long du récit. Orphelin de père, Albert Camus voue en effet un amour inconditionnel à sa mère. Sa mère, qui vit sur place, devient le symbole de toutes les mères d'Algérie, dont certaines payent le prix fort de la haine et du fanatisme. "Dans son for intérieur, Camus pense à sa mère : elle aurait pu, elle aussi, innocente passante dans la rue, se trouver face aux tueurs" (page 97). Elle survivra pourtant de quelques mois à son fils, s'éteignant le 20 septembre 1960. Mais son prénom perdurera avec la fille d'Albert Camus, aussi appelée Catherine...

Entre la rébellion et la répression, Albert Camus va chercher à tracer un chemin étroit. Il condamne la répression de toutes ses forces, mais place toujours avant elle "les débordements de la rébellion". Il dénonce ainsi la "gauche femelle", celle qui se couche aux pieds de la rébellion (pages 115-116). "Les indignations de ceux qui font la guerre depuis Saint-Germain-des-Prés, bien calés dans les banquettes de velours ou de moleskine de Lipp ou des Deux Magots" le conduisent donc à mépriser ces combattants de salon (page 176).
En parallèle, et à l'inverse, il refuse de signer l'appel de Jacques Soustelle, qui crée en mars 1956 l'Union pour le Salut et le Renouveau de l'Algérie Française (USRAF). Dans l'ombre, il intervient fréquemment en faveur de prisonniers Arabes internés en Algérie, ou pire, condamnés à mort. Car, à cette époque, l'Algérie se compose de trois départements, Oran, Alger et Constantine, non pas d'outre-mer, mais bien partie intégrante de la France. Les attentats sont donc passibles de la peine de mort et la guillotine fonctionne à plein régime (cf. François Mitterrand et la guerre d'Algérie). C'est à ce titre qu'hostile à la peine de mort, Albert Camus publie en 1957 ses Réflexions sur la peine capitale, qu'il co-signe avec Arthur Koestler.

Sa vision n'est que de relier les hommes entre eux et d'assurer une protection absolue aux civils. "Aucune cause ne justifie la mort de l'innocent" (page 122). Une trêve s'impose donc à lui. Mais il est sommé de choisir son camp, ce qu'il ne fera pas. Dès lors, les pieds-noirs ne le reconnaissent plus comme l'un des leurs. D'ailleurs, il n'utilise pas l'expression "pied-noir". Il parle des Arabes, jamais des Algériens, car l'Algérie n'est pas une nation et n'a donc pas de nationaux (page 119). Il ne parle pas de colonisation ou d'indépendance, il parle de la terre chère à son coeur. Peu à peu, il s'isole et se tait. Il peut compter sur un ami fidèle, le poète de l'Isle-sur-la-Sorgue, René Char. Il joue surtout de ses talents de séducteur, qui s'exercent notamment dans le cadre du théâtre, et qui révèlent en creux une vraie instabilité amoureuse. A l'actrice Maria Casarès, rencontrée en 1944 et devenue sa maîtresse (cf. Correspondance (1944-1959) : Albert Camus / Maria Casarès), il ajoute à son "tableau de chasse" l'actrice Catherine Sellers en avril 1956, le mannequin danois Mette Ivers en février 1957, et la liste n'est pas close. La culpabilité qu'il ressent à l'égard de Francine, sa femme, se double de la difficulté de ménager les jalousies réciproques de ses admiratrices. Comme si le conflit armé n'était pas suffisant et qu'il fallait en ajouter un second, amoureux...

En plein désarroi affectif, et sceptique sur le résultat de ses efforts de paix, Albert Camus publie en 1957 L'exil et le royaume, dont le titre révélateur reflète "la douleur secrète du manque et l'aspiration à l'idéal" (page 172). le 16 octobre, il apprend qu'il vient d'obtenir le Prix Nobel de littérature. A Stockholm, le 12 décembre, il accepte un débat avec les étudiants suédois, nourris de l'air du temps. Pris à partie, il argumente sa position et prononce la phrase désormais célèbre : "J'ai toujours condamné la terreur. Je dois condamner aussi un terrorisme qui s'exerce aveuglément dans les rues d'Alger, par exemple, et qui un jour peut frapper ma mère ou ma famille. Je crois à la justice, mais je défendrai ma mère avant la justice" (page 197). Avec la somme perçue au titre du prix Nobel, il acquiert une magnanerie à Lourmarin dans le Lubéron, près de son ami René Char. Cette maison sera pour lui, l'homme des deux rives de la Méditerranée, à la fois l'exil et le royaume...
Et c'est de Lourmarin, le 4 janvier 1960, qu'il entamera son ultime et funeste voyage. Il ne connaîtra pas l'issue de la guerre.

Albert Camus et la guerre d'Algérie : un récit émouvant qui rend Albert Camus attachant et qui donne envie d'approfondir son oeuvre, à laquelle il constitue une superbe introduction. Je conclurai par une citation de Jean Daniel, qui résume bien le drame d'Albert Camus : que devient une patrie quand elle cesse de l'être ?

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Les lecteurs français, du moins ceux qui s'intéressent à l'histoire de la guerre d'Algérie, à ses causes lointaines, seront bien inspirés de lire l'ouvrage d'Alain Vircondelet : Albert Camus et la guerre d'Algérie, histoire d'un malentendu. Cette dernière indication complémentaire est capitale car le rapport qu'a vécu Camus avec le conflit algérien est empreint de ce malentendu. Pourtant , la publication de nombreux articles dans Alger Républicain entre novembre 1938 et novembre 1939 , sous la direction de Pascal Pia range Camus dans le camp des dénonciateurs du colonialisme , et ils ne sont pas légion à cette époque à aborder le thème de la misère de la Kabylie , titre de l'une de ses chroniques , ou le thème de la clochardisation des populations arabes , constat qui sera fait plus tard par des appelés français en Algérie , en plein bled , dans « l'intérieur » , selon l'expression employée pour désigner l'au-delà du littoral algérien .
Alain Vircondelet prend une précaution décisive :il admet très clairement que Camus a été porteur , ou victime, d'une mythologie de l'Algérie : «C'était toujours ainsi sur cette terre , où, il y a cinquante, soixante-dix ans, des hommes et des femmes étaient venus, avaient labouré, creusé des sillons de plus en profonds ou au contraire de plus en plus tremblés, jusqu'à ce qu'une terre légère les recouvre et ils avaient procréé puis disparu (…) et les fils de ceux-ci s'étaient retrouvés sur cette terre, sans passé et sans morale . »
L'attachement charnel et affectif de Camus a-t-il pu l'empêcher de manifester davantage de clairvoyance dans le conflit algérien ?
Alain Vircondelet l'admet en citant Camus lui-même : « J'ai ainsi avec l'Algérie une longue liaison qui sans doute n'en finira jamais, et qui m'empêche d'être tout à fait clairvoyant à son égard. »
Alain Vircondelet souligne à de nombreuses reprises le déchirement de Camus lors des différentes étapes du conflit. Il est révulsé par les attentats à la bombe, les exactions commises par le FLN contre les populations civiles, notamment lors des massacres de Philippeville et de Mélouza. Il ne se range pas non plus du côté des ultras, de ceux qui prônent une répression encore plus intense, plus aveugle, plus cruelle. Non, il pense, et d'aucuns y voient alors une grande naïveté, ou au mieux de l'opportunisme et de la lâcheté, que la seule voie est de sauver des vies innocentes, européennes comme arabes : il soutient ainsi la démarche de Germaine Tillion conduite pendant la bataille d'Alger pour obtenir une trêve entre les parties en présence .La fameuse phrase sur la mère préférée à la justice prononcée lors de la remise de son prix Nobel en 1957 est resituée dans son contexte et son énoncé intégral : « Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifia pas que j'ai cessé d'agir. J'ai été et je suis partisan d'une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l'égalité. J'ai dit et répété qu'il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique jusqu'à ce que la haine de part et d'autre soit devenue telle qu'il n'appartient plus à un intellectuel d'intervenir, ses déclarations risquant d'aggraver la terreur. »

Alain Vircondelet souligne l'importance prise dans la vie de Camus par son épouse, Francine, ses amis Jean Grenier, René Char, ses maîtres parmi lesquelles Catherine Sellers et bien sûr la grande Maria Casarès, actrice hautement célèbre à l'époque. Cette biographie thématique sera vue comme un excellent complément à celles déjà existantes écrites par Olivier Todd ou Michel Onfray. À recommander, pour clarifier les débats actuels sur le passé colonial de la France.
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J'attendais le livre d'Alain Vircondelet : « Albert Camus et la guerre d'Algérie. Histoire d'un malentendu » avec un grand intérêt. Je connaissais ses livres sur l' Algérie : Alger l'amour , Maman la blanche et Albert Camus fils d'Alger et j'ai toujours apprécié à la fois son style littéraire et ce qu'il disait de l'amour de son pays, de sa nostalgie, sentiment que j'éprouvais moi-même et qu'il savait écrire.

Concernant ce rapport de Camus avec la guerre d'Algérie c'est , évidemment , une question absolument centrale et elle a été tout a fait centrale pour Albert Camus comme il le montre bien.

Je dirai d'abord que ce livre est écrit par un écrivain et le lecteur aimera la façon dont Alain Vircondelet se saisit de cette question mêlant des faits historiques, les analyses de Camus et sa propre analyse dont la dominante me semble littéraire plus que politique. Ce n'est donc pas un livre d'historien même si l'histoire n'est pas du tout négligée et qu'elle est, au contraire décrite dans le détail.

Ce mélange d'histoire et d'analyse littéraire rend le livre parfois complexe mais permet de voir, si je puis dire, se créer et évoluer la pensée de Camus sur cette guerre. Alain Vircondelet cherche à aller au plus profond de ce que ressent Albert Camus.

Il analyse évidement la position de Camus en face de la question de l'indépendance du pays. Comme beaucoup il montre que Camus ne pouvait envisager de quitter ce pays mais il le fait de manière très approfondi en remontant à toute l'histoire personnelle de cet écrivain.

C'est presque à une psychanalyse qu'il se livre en insistant , par exemple, sur tout ce qu'il a vécu à Tipaza, sur les leçons de Tipaza et sur les leçons de son père avec sa maxime : « un homme ça s'empêche » leçons qui sont à la source de sa position si controversée.

Il montre longuement comment Camus dès ses débuts, très jeune encore critique fortement les méthodes du pouvoir colonial.

Amour de cette terre : oui, lutte contre le pouvoir colonial :oui.

Mais par contre Albert Camus ne peut accepter le terrorisme qui s'attaque aux victimes innocentes.

Alain Vircondelet montre très bien ce terrorisme du FLN, il décrit ces actes odieux comme les attentats dans les bars du Centre d'Alger (p.155) et il montre comme d'autres l'ont fait avant lui les positions opposées de Sartre (et sa phrase odieuse) et de Camus sur ce thème du terrorisme qu'il ne peut absolument pas accepter.

D'ailleurs en ouverture du livre Alain Vircondelet rappelle cette phrase de Camus : « Ghandi a prouvé qu'on pouvait lutter pour son peuple et vaincre, sans cesser, un seul jour de rester estimable. Quelle que soit la cause que l'on défend, elle restera toujours déshonorée par le massacre aveugle d'une foule innocente où le tuer sait d'avance qu'il atteindra la femme et l'enfant. » Chroniques Algériennes. Avant-propos.

Le livre nous montre cette violence aveugle et complétement barbare et, évidemment, l'enchaînement de violence qui s'en suit. (p 179 et s.)

Camus voit aussi au delà il : « voit au contraire l'ombre inquiétante de la Russie soviétique recouvrir lentement sa terre natale. A qui, en effet, sinon à elle, les nouveaux chefs de l'Algérie nouvelle vont-ils se livrer eux-mêmes ne serait-ce que pour reconstruire le pays et l'administrer autrement ? » (p. 223)

Je trouve Alain Vircondelet un peu sévère à l'égard de Macron et ses tentatives d'apaiser le climat franco-algérien ainsi qu'à l'égard de Benjamin Stora mais je suis d'accord sur le fait que le pouvoir Algérien et une partie des élites liés à ce pouvoir continuent de ne voir qu'un côté des crimes !

En définitive un livre dense, complet, qui va au fond des questions , qui le fait, non pas en universitaire, mais en écrivain et qui rend justice à Albert Camus à un moment où l'on peut dire que sa pensée a triomphé et commence même à être apprécié en Algérie.
Lien : http://jpryf-actualitsvoyage..
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On dit que nul n'est prophète en son pays : Camus aurait pu contresigné cette citation biblique. Cette biographie le dessine, passionnément français, passionnément algérien.
Insurgé contre la misère du peuple indigène, incapable d'imaginer une Algérie qui ne soit pas française. Fils de deux peuples, mais d'une seule terre. Il mécontenta à la fois cm ses "amis" existentialistes, pour qui les français d'Algérie, installés là depuis des générations, devraient partir, et les conservateurs, qui l'estimaient trop proche du peuple indigène...

Je suis entrée dans ce texte sans a priori, n'ayant d'Albert Camus qu'une connaissance des plus vagues. A peine connaissé-je ses oeuvres phares (et encore, à la lecture de cette biographie particulière, je me rends compte que je n'en connais que quelques unes...).
J'ai découvert un homme profond, réfléchi, une Cassandre moderne qui vit l'avenir sans réussir à convaincre...

L'amour de Camus pour l'Algérie transparaît entre les lignes, de la lumière éclatante de Tirasa à l'air marin des premiers pique-niques de l'année en bord de mer...

Une belle lecture !!

Un grand merci à NetGalley et aux éditions du Rocher pour cette lecture !!
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Mais le malheur veut, pense-t-il avec détresse, que lui-même est né dans ce pays, qu'il s'en considère l'enfant, qu'il ne peut être un ennemi de tous ceux qu'il a croisés dans sa jeunesse, et avec lesquels il a fraternisé réellement. Il s'estime en ce domaine touché par une contradiction qui se transforme vite en crucifixion : comment à la fois être solidaire de la volonté d'un peuple à retrouver sa dignité et sa liberté et l'être aussi d'un petit peuple de colons qui a bâti ce pays, l'a fait prospérer, l'a enfin ouvert au monde moderne ? Comment renier l'héritage de ses ancêtres ? Cette longue filiation de pionniers qui sont devenus à leur tour des " enfants du pays ", au même titre que ceux que ces colons appellent " les indigènes " ? Il mesure les exigences de la solidarité et en même temps la solitude à laquelle elles le mènent.
Comment concilier son désir de tolérance qui le conduit inévitablement à dénoncer les effets coupables d'une colonisation brutale, et admettre en même temps que l'Algérie, quoi qu'en disent les Algériens aujourd'hui (et surtout), ne pouvait se revendiquer ni d'une économie ni d'infrastructures en 1830 ? Comment accabler davantage les colons pionniers qui ont relevé le défi d'organiser un territoire jusqu'alors livré à des tribus rivales et au despotisme ottoman qui mettait en esclavage par un système odieux de piraterie la jeunesse des pays qui ourlaient la mer Méditerranée ? (pages 84-85).
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Les premières répétitions de Requiem pour une nonne commencent le 18 juin. Il est ravi d'avoir confié le rôle principal à Catherine Sellers, la petite Algéroise de 23 ans, si fragile et si forte intérieurement, diamant noir qui le fascine comme l'avait fasciné en 1944 le rayonnement solaire de Maria Casarès. Est-il tombé sous son charme ? Il se méfie de lui-même surtout, connaissant sa faiblesse de don Juan réputé, mais qu'il interprète à sa manière. Cette faiblesse, celle de succomber à son désir, cet amour irrépressible des femmes qu'il a manifesté depuis sa jeunesse, ne relève pas tout à fait du "cas" donjuanesque, mais bien plutôt d'une sorte de manque originel qu'il essaie de combler par tous les moyens, voire dans une polygamie frénétique qui lui est finalement douloureuse. Dans ses Carnets, il décrit Catherine Sellers en ces termes : " J'aime ce petit visage soucieux et blessé, tragique parfois, beau toujours ; ce petit être aux attaches trop fortes mais au visage éclairé d'une flamme sombre et douce, celle de la pureté, une âme [...] Pour la première fois, depuis longtemps, touché au cœur par une femme, sans nul désir, ni intention, ni jeu, l'aimant pour elle, non sans tristesse ". L'éloge est beau et fort, mais pas tout à fait exact. L'aiguillon du désir a déjà percé son âme et Camus est touché (pages 146-147).
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Je me suis tu depuis un an et huit mois, ce qui ne signifia pas que j’ai cessé d’agir. J’ai été et je suis partisan d’une Algérie juste, où les deux populations doivent vivre en paix et dans l’égalité. J’ai dit et répété qu’il fallait faire justice au peuple algérien et lui accorder un régime pleinement démocratique jusqu’à ce que la haine de part et d’autre soit devenue telle qu’il n’appartient plus à un intellectuel d’intervenir, ses déclarations risquant d’aggraver la terreur.
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Tandis qu'il lit scrupuleusement son texte, la mémoire quelquefois s'échappe, il pense à son pays natal, il se dit avec son art de plaisanter, célèbre, qu'il fait sa "louette", ce qui dans l'argot pied-noir veut dire "qui fait son malin, son dégourdi". Il pense aussi à Maria, lui réclame de l'aide, lui dit qu'il lui sourit dans une sorte de communion spirituelle qui l'aide à survivre. Le discours n'étonne pas ses amis, ni les Gallimard, ni surtout Francine. Eux savaient déjà qu'en dédiant ce discours à monsieur Germain, il faisait ainsi un éloge à l'école de la République. En creux, un hommage à tous ces maîtres qui, par vocation pour la plupart, ont quitté la France pour ses colonies et sont allés enseigner dans les douars les plus reculés et qui, en retour, se sont fait égorger (page 195).
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Il rend visite à sa mère, qui devient à ses yeux le symbole même des mères d'Algérie.
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Alain Vircondelet vous présente son ouvrage "Et nos pleurs seront des chants" aux éditions Fayard.
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