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Critiques de Séra (72)
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Mon frère, le fou

♫Bien plus qu'un monde qui s'ouvre à l'un et pour l'autre chavire

Bien plus qu'une mer qui supplie quand la source est tarie

C'est tout notre amour qui s'éloigne des rives et se perd♫

Mon frère-Daniel Lévi-2000-



Avec Séra,

tout homme est frère

tout homme est fou,

créature inachevée.

Lui-même est à la fois Séra et Phou,

tel est son nom complet.

Une superbe préface de Yann Queffélec

Pourtant ça sentait bon les embruns , le varech

Je sais, j'ai péché, 2.5 points à la ligne

Faut dire la fille, pas ma ligne !

se fait inviter à bord par un parano

Mais le frérot s'prend un rateau !!?

Perso, j'ai trouvé le sujet bateau 🚢

Par contre pour le dessin, il a mis le thon

Inspiré de l'histoire naturelle de Buffon !!!

Et soit dit en passant

Loin des cris berçants

le Fou est de Bassan...











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L'âme au bord des cheveux

On va découvrir l'histoire récent du Cambodge, ce pays situé en Asie du Sud-est coincé entre la Chine et le Vietnam quand ce dernier fut entraîné malgré lui dans la guerre du Vietnam. Le Vietnam est quand même le seul pays au monde à avoir défait 3 des 5 membres du Conseil permanent de l'ONU (France puis Etats-Unis puis Chine). Mieux vaut les avoir avec soi que contre soi !



C'est assez compliqué à suivre mais je vais schématiser en disant que ce pays a été envahi par les forces communistes qui souhaitaient étendre leur emprise sur toute la région de l'Asie du Sud-Est. Les américains ont d'ailleurs payé un lourd tribut avec la guerre du Vietnam et ils ont abandonné le sud du Vietnam à leur triste sort comme ils ont abandonné également le Cambodge et plus récemment l'Afghanistan. Cette grande puissance s'était pourtant engagé à défendre les idéaux et les promesses de liberté et de démocratie...



Malheureusement, pour le Cambodge, les khmers rouges qui se sont installés au pouvoir ont tué des millions de gens dont le père de l'auteur de la BD qui n'avait que 13 ans le 17 avril 1975 quand la capitale Phnom Penh est tombée. Ce fut le début d'une purge sans précédent qui a duré des années. On parle de génocide de tout un peuple. Ceci ne sera pas montré dans la BD qui n'évoque que la chute.



C'est évidemment emprunt d'émotion face à ce terrible drame qui sépare les familles bienheureuses. Il faut dire que ce pays pacifique n'était pas préparé à une telle déferlante de violence.



L'auteur semble condamné les accusations portées contre les américains sur des bombardements massifs alors que l'ennemi communiste a fait la même chose à son peuple dans l'indifférence générale de l'opinion publique internationale. Bref, on se rend compte que le soutien américain était primordial afin de pouvoir résister à l'envahisseur. A noter que les français et leur collaboration avec l'ennemi seront également fustigés.



Bref, tout cela n'est pas simple et c'est toujours bien d'avoir un autre regard sur l'histoire qui diffère singulièrement avec une BD que j'ai lu récemment à savoir « Song ». On peut s’intéresser à cet ouvrage qui constitue un travail de mémoire sur l'histoire tragique et récente du Cambodge.



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L'Eau et la Terre

Avril 1975, après cinq années de guerre acharnée, au Cambodge, les Khmers rouges prennent le pouvoir sur tout le pays, qui s'appellera dorénavant le Kampuchéa Démocratique. Ils dévastent tout sur leur passage, obligent les gens à quitter leur maison, à venir travailler pour eux, soit dans l'armée soit dans les terres. C'est toute une population qui est prise et manipulée par ces soldats que rien ne semble arrêter. C'est une véritable dictature qui s'impose dans ce pays, et pourtant, rien ni personne n'interviendra pendant de longues années...



Séra nous parle de cette guerre, de ces horreurs, de cette population soumise, de ces paysans forcés à travailler et de ces enfants que l'on n'a pas épargnés. Cet album se démarque essentiellement par ce graphisme incroyable, certaines planches pourraient nous faire penser à des photos prises sur le vif. Un dessin rempli d'émotions, de tristesse et de sensibilité retrace cette parenthèse désenchantée de l'histoire que beaucoup semblent avoir oubliée. Les couleurs sombres collent parfaitement à cette période grave.

Séra nous relate les histoires de ceux qui se sont retrouvés au sein de ce conflit et il est bon de se rappeler que cette guerre a fait des millions de morts et qu'elle a laissée des plaies ouvertes à jamais.



En prime, une superbe préface de Rithy Panh (réalisateur du documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge, primé à cannes en 2002) qui ne peut que nous émouvoir et rendre compte de l'horreur bien des années plus tard.



L'eau et la terre, l'air de rien, brille de mille feux!
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L'Eau et la Terre

Les vacances d'été approchant , une légitime envie d'ailleurs devrait dès lors vous titiller le passeport . Séra , de son vrai nom Phousséra Ing , vous propose ici le Cambodge . Un autre regard , bien loin de celui des cartes postales estivales fleurant bon l'exotisme et la sérénité bouddhiste .

Cambodgien de naissance ( 24 juin 1961- ) et expatrié en 1975 dès l'arrivée des Khmers Rouges au pouvoir , à défaut de se raconter , il retrace douloureusement les brutales exactions de ces nouveaux dirigeants sanguinaires qui auront irrémédiablement plongé ce pays devenu autarcique aux yeux du monde dans un chaos indescriptible .



Ni juge ni partie , Séra se pose en témoin privilégié pour délivrer cette incroyable BD document .

Un récit fort , poignant et triste , à l'image de cette éprouvante parenthèse historique génitrice de près de deux millions de morts en un peu moins de quatre ans .

Quatre longues années de terreur à plier sous le joug de ces despotes toujours plus enclin à une barbarie journalière semblant ne posséder aucune limite .

Citadins , paysans , soldats , trois castes bien distinctes , trois trajectoires désormais diamétralement opposées , trois regards forcément différents sur ce qu'il convient désormais d'appeler un génocide .

Des rapports oppresseurs / oppressés finement évoqués si tant est qu'un tel drame puisse être de quelque finesse que ce soit...

Séra se fait le porte-parole d'un peuple meurtri dans sa chair et dans son âme sans manichéisme aucun mais avec le pressent désir de rendre hommage à un peuple , à son peuple .



Un graphisme monochrome proprement hallucinant d'authenticité .

Une mise en image ingénieuse laissant la part belle à une voix off judicieuse .

Des textes d'une justesse éblouissante .

Séra est toujours sur le fil , tel un funambule , en sous-tendant plutôt qu'en démontrant . Ni gore , ni ketchup au menu mais la puissance explosive du suggestif , beaucoup plus efficace .

Un superbe et douloureux album au final...



L'Eau et la Terre : l'air de rien , du feu de dieu !

http://www.youtube.com/watch?v=1-SI8RF6wDE
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L'âme au bord des cheveux

L'âme au bord des cheveux, titre énigmatique auquel on peut trouver une certaine poésie, mais qui, en langue Khmère, signifie "mort de peur".

Tout de suite, la sensation n'est plus la même.

Que sait-on de la peur quand on n'a pas vécu d'événements dramatiques ?

Dans ce magnifique album, Séra, nous décrit celle qui le hante depuis le 17 avril 1975.

Le jour où sa vie, celle de ses parents, de sa famille et de nombreuses autres, basculent.

La chute de Phnom Penh.

Le Cambodge à feu et à sang.

Lui, échappera à la conscription, évitant l'incorporation dans l'armée khmère, grâce un passeport français qu'il doit autant à la nationalité de sa mère qu'à la chance du dernier espoir.

Personne ne sort indemne d'une guerre, qui plus est, fratricide.

Cet album est un cri.

Sorte d'exorcisme, que l'auteur s'impose, par devoir de mémoire ou pour tenter de se soulager de ce poids qui l'opprime depuis son adolescence.

Tout s'est passé si vite, personne n'y croyait, c'était impensable.

Un mauvais rêve qui dure depuis plus de 45 ans pour l'artiste qu'il est devenu.

Serait-il le même homme s'il n'y avait pas eu ce 17 avril ?

Séra nous offre son regard, sur l'événement, ceux qui l'ont fait et sur la géopolitique de l'époque.

Il pointe d'un doigt accusateur, les belligérants et la complicité, drapée d'hypocrisie, de pays comme les États-Unis ou la France.

Il montre toute la violence de ces jours de folie qui virent le Cambodge sombrer dans le chaos.

On comprend ses blessures.

Séra, enfant de la France et enfant du Cambodge, peut-être plus encore.

Parce que c'est là que sont ses racines, c'est là que repose son père et que ce sont les souvenirs de ce pays qui le hantent.

Un vrai coup de cœur pour cet album, humain, puissant et émouvant.
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Secteur 7

Laurent Luttès vient d'emménager à Paris. Ayant trouvé une grande maison dans le VIIème arrondissement par le biais d'une agence, il a rendez-vous justement avec une femme pour finaliser l'acquisition. Au cours de la visite des lieux, celle-ci monte au grenier et se jette dans le vide... Le fait n'est pas rare puisque la police dénombre un chiffre important de suicides dans ce secteur depuis plusieurs mois. Le commissaire en charge de l'enquête, Cintoma, a pour mission de calmer les esprits qui s'échauffent et de résoudre cette affaire bien mystérieuse. Très vite pris dans un climat hostile et froid, Laurent ne se sent pas très bien dans ce quartier, d'autant plus qu'on l'a agressé. C'est le docteur Xuan qui s'est occupée de lui. Il se sent comme observé et deviendra bientôt la cible de nombreux soupçons...



Après avoir été éblouie par Séra dans «L'eau et la terre», c'est par pur hasard que je le retrouve dans cet album. D'abord attirée par cette magnifique couverture qui en dit long sur la beauté du contenu, je me suis plongée dans cette enquête policière bien étrange.

Du point de vue scénaristisque, on peut dire que le mystère l'emporte sur l'enquête proprement dite qui manque peut-être d'approfondissement. Mais, Polonsky tient son lecteur en haleine car l'intrigue est bien ficelée. Le récit est en parfaite adéquation avec le graphisme.

Par contre, Séra a fait un véritable travail d'orfèvre: de magnifiques pages pleines, des tons obscurs et inquiétants, des jeux d'ombre et de lumière impressionnants, des couleurs finement travaillées et glaciales, une ambiance froide et humide, des décors au plus proches de la réalité et une mise en page incroyable, un mélange de photos et de peinture singulier... Séra fait dans l'art!



Secteur 7... 13 épatant...
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Mon frère, le fou

Je suis éblouie par la beauté des planches de cet album ! Non seulement les visages et les paysages sont splendides mais il se dégage une ambiance presque magique de ces dessins. C'est tout juste si je n'ai pas entendu le cris des fous de bassan et senti l'odeur iodée des embruns. L'histoire est simple mais touchante avec une pointe de mystère un peu onirique. Nous sommes à Audierne,le milieu de la pêche. Joël et Gaël ont perdus leur père alors qu'il était en mer. Le temps semble s'être arrêté ce jour là pour leur mère qui vit recluse dans son penty et nourrit malgré elle une rivalité entre les deux frères. Flore vient apporter la lumière,le retour à la vie. La nature est peut-être le personnage principal de cette bd.
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Impasse et rouge

Séra, lui-même d'origine cambodgienne, revient, dans cette magnifique bd, sur la guerre qui permit l'installation des khmers rouges au pouvoir.



On suit un jeune soldat, Snoul, durant les dernières heures du conflit, alors que tout espoir s'est envolé. Une atmosphère de fin du monde règne et personne ne se fait d'illusion sur ce que les communistes apportent dans leurs bagages : seule l'ampleur de la catastrophe demeure une question...



Et celle-ci fut énorme. Rappelons que le régime de Saloth Sâr, plus connu sous le nom de Pol Pot, est responsable de la mort de plus de 1,7 millions de personnes (soit 20% de la population cambodgienne de l'époque). J'ai beaucoup apprécié la dimension historique de l'ouvrage, matérialisée par un texte de quelques pages (à la fin), retraçant (entre janvier et avril 1975) la chute de Phnom Penh, ainsi que les cartes qui l'accompagnent.



D'un strict point de vue scénaristique c'est assez pauvre, il y a très peu de dialogue et pas vraiment d'histoire. Mais quels dessins ! C'est vraiment l'atout majeur de cette bd. La première édition était en noir et blanc (1995) et une autre est sortie, en couleur, en 2002 (la version que j'ai lue). Pour le coup, l'ajout de la couleur n'est pas du tout artificiel et magnifie le trait. les teintes sont assez uniformes, dans les bruns ocres et renforcent cette impression de fin du monde, de crépuscule. Les contours sont souvent "noyés" dans la couleur, créant une atmosphère cotonneuse, incertaine...comme l'avenir. Séra s'appuie, pour certaines cases, sur des photos d'époque et cela renforce le réalisme de l'ensemble. Seuls les engins militaires sont rendus avec une incroyable précision. C'est bien, malgré la fin qui approche, la réalité de la guerre qui domine.



Au final, une bd qui se lit très vite, instructive et dont l'identité graphique marque les esprits. Cinq étoiles c'est peut-être un peu surnoté, mais rien que pour les dessins, c'est mérité.
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L'âme au bord des cheveux

L’âme au bord des cheveux , le titre de cet album graphique signifie être mort de peur .

L’histoire autobiographique de Sera , auteur franco- cambodgien nous donnera la clé de ce titre énigmatique .

Deuxième enfant d’un couple mixte , de père cambodgien et de mère française , il va être aux premières loges de la tragédie de la guerre fratricide des khmers rouges .

L’auteur raconte la guerre , qui montre toujours nos instincts les plus bas , la cruauté des hommes et puis toutes ces vies embarquées dans la tourmente .

Un jour , un seul , et Sera passe de l’enfance à l’âge adulte sans transition comme tous les enfants qui vivent en période de guerre .

Ce livre est aussi un hommage au couple de ses parents , un couple solide , amoureux , sa mère a à peine 18 ans quand elle rencontre son futur mari et part pour le Cambodge pour le meilleur et le pire , heureusement personne ne connaît à l’avance le déroulé de l’Histoire .

C’est aussi un récit très documenté qui explique la situation politique de l’époque , la cruauté des vainqueurs .

Une lecture qui ne laisse pas indifférent , très émue après cette très belle découverte .

Merci à # NetGalley et aux éditions Delcourt .
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3 pas dans la pagode bleue

C’est un tout petit livre, une trentaine de page, 16x12 cm. Il raconte juste une petite halte lors d’un voyage au Cambodge dans une pagode bleue, comme un carnet de voyage aux couleurs délavées. C’est un moment détaché du temps, un temps de recueillement, un hommage simple, au passé cruel de ce pays qui renaît de ses cendres, et à Vann Nath, peintre cambodgien qui vient alors de décéder. J’ai lu il y a peu “Vann Nath, le peintre des Khmers rouges” de Matteo Mastragostino et Paolo Castaldi. Les 3 pas dans la pagode bleue résonnent comme un écho à cette lecture, sensible et touchante.
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Mon frère, le fou

Des dessins de mer et des visages expressifs. Chaque planche ressemble à un tableau. Un vrai régal pour les yeux. Bretagne, deux frères, mésentente, père pris par l’Océan, mer et mère divisent, pêche, un Fou de Bassan qui vole au-dessus du bateau.



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L'âme au bord des cheveux

L'âme au bord des cheveux, c'est l'expression khmère équivalant à "mort de peur". Séra, à travers cet album, retrace l'histoire de sa famille et du pays où il est né, le Cambodge et dont il a vu le pire. D'abord avec l'insouciance de la jeunesse, aveugle à ce qui l'entoure, avant de prendre une leçon de vie des plus difficile. Il raconte sa famille, sa ville, ses amis, ceux dont il n'a plus jamais entendu parlé, le chemin vers l'exil des plus difficile.

Les dessins qui racontent toute cette histoire sont magnifiques, rempli de détails et d'une grande finesse.

L'album est complété d'une bibliographie pour approfondir notre connaissance de cette guerre et de cette page de l'Histoire.
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L'âme au bord des cheveux

Séra n'a pas connu le génocide cambodgien, mais il en a vécu les prémices. Fils d'un intellectuel et haut fonctionnaire cambodgien, il vit avec ses parents à Phnom Penh. Le 17 avril 1975, jour de la prise de la ville par les Khmers rouges, il se réfugie avec ses parents à l'ambassade de France.  Avec tous les étrangers, il est expulsé vers la frontière thaïlandaise à la fin du mois d'avril. Mais son père, Cambodgien, est contraint de quitter le refuge de l’édifice diplomatique pour se livrer aux révolutionnaires. Il meurt quelques semaines plus tard. Depuis ce printemps 1975, Séra vit ce qu'il décrit comme un conflit, né du déracinement imposé par les remous de l'histoire. Ce conflit trouve son terrain d'action dans le rapport à la parole. Un combat qu'il doit mener tous les jours, contre lui-même et contre les autres. Silence collectif, d'abord : dans la morale traditionnelle du Cambodge, la culture du silence est prépondérante. Silence intime ensuite, l'artiste rappelle souvent la réticence qu'il a toujours éprouvée face à la démarche autobiographique, qu'il reconnaissait comme très intéressante, mais dans laquelle il voyait aussi une forme d'obscénité. 





L'oeuvre dessinée de Séra constitue donc une forme de reconquête de la parole, un travail sur la mémoire consacré à une tragédie. Un crime contre l’humanité face auquel d'autres se sont réfugiés dans les silences coupables. Ainsi l'auteur rappelle-t-il dans ses interviews que les crimes contre l'humanité qui ont été perpétrés par les Khmers Rouges au Cambodge se sont déroulés dans un silence absolu de la part de la communauté internationale, et ont été soutenus et applaudis par nombre de journalistes et d'intellectuels de la gauche française des années 70. Deux éléments très différents ont décidé Séra à rompre ces silences et à construire une oeuvre qui donnerait à son tour la parole à tous les protagonistes de la tragédie cambodgienne. Un film, pour commencer, pour commencer.  Sorti en 1989, "Site 2", parfois sous-titré "Aux abords des frontières", est un documentaire franco-allemand réalisé par Rithy Panh. Le long métrage porte le nom d'un camp de réfugiés cambodgiens situé en Thaïlande, près de la frontière entre les deux pays. Il constitue pour le dessinateur de BD un premier déclic. Le second est une déclaration de Maitre Vergès dans Paris-Match. L'avocat déclarait en substance, que les Khmers rouges n'étaient pas criminels, mais des révolutionnaires idéalistes. Des mots difficilement supportables pour celui dont le père a été tué par ceux qui avaient pour slogan : "L'élimination des ennemis n'est pas la conséquence de la révolution, c'est son essence même." Et pour ces révolutionnaires admirés par une partie de l'intelligentsia française, les ennemis étaient légion. 



Ainsi Séra commence-t-il la création d’une oeuvre consacré à la mémoire des massacres perpétrés par les Khmers Rouges et par l'Angkar ; littéralement « L’Organisation », surnom du Parti communiste cambodgien. Une entreprise artistique qui se déploie à ce jour dans albums : Première ébauche en 1987 : c'est chez Futuropolis que sort le premier album de Séra sur le Cambodge ; vient ensuite  Impasse et rouge, initialement édité chez Rackham, en 1995 ; L'Eau et la Terre, sort chez Delcourt en 2005 ; puis Lendemains de cendres, en 2007 chez le même éditeur ; Concombres amers, ensuite, en  2018 chez Marabout. Et cette année, L'âme au bord des cheveux, édité par Delcourt. Cet album constitue le faîte de l’édifice du souvenir érigé par le dessinateur, le premier à adopter la forme de l’autobiographie.







Album après album, Séra donne toute sa mesure à la démarche artistique qui le guide depuis 1987  : redonner corps à l’histoire par un un profond travail sur l’image. Contrairement à la Guerre du Vietnam, le conflit cambodgien a été peu documenté, peu d'ouvrages de photo ont été publiés sur cette guerre et sur les massacres qui l'ont suivie. C'est le phénomène de l'image manquante, qui inspiré à Rithy Panh un de ses plus grands films. Pour combler ce vide, le dessinateur se consacre à la recherche de documents visuels, des photos d’agences de presse oubliées et qui réapparaissent ces dernières années sur les réseaux sociaux. Il  collecte des milliers d'images, qui constituent avec le temps la trame de son imaginaire artistique, la matière première de cet édifice du souvenir. Afin que le lecteur ne subisse aucune rupture dans la continuité visuelle des images, Séra se réapproprie les documents par le dessin. La photographie devient ainsi la matière d’une mosaïque, une matière qui coïncide dans sa nature fragmentaire avec la nature diététique des albums. Il en va ainsi de l’album L'Eau et la Terre qui recueille une mosaïque de témoignages, y compris ceux de Khmers rouges. L’album mêle photographies d’archives et souvenirs qui obsèdent l’auteur depuis 1977. Ce jeu kaléidoscopique induit un ensemble de contraintes qui donnent au travail de Séra une facture unique.  

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L'Eau et la Terre

Un carnet de voyage dans le temps de l'horreur, de la colère.



" Pendant trois ans, huit mois et vingt jours, ils [ les Khmers rouges ] firent régner un régime de terreur, provoquant près de deux millions de morts, dans un pays de sept millions et demi d'habitants. " - extrait de l'introduction par Rithy Panh, réalisateur ( son documentaire S-21, la machine de mort Khmer rouge a été primé au festival de Cannes 2002 ).



Des chapitres courts pour raconter l'innommable à la façon de chroniques sur l'exode des citadins réduits en esclavage, pris en otage dans ce pays totalement fermé par et sur la dictature révolutionnaire. Un récit documentaire qui présente des cartes, des illustrations aux légendes informatives. Quelques histoires, dans lesquelles les personnages se croisent, qui disent tout du génocide; kaleidoscope dément. Des instantanés qui cognent, vertige et nausée qui précipitent dans cette fosse historique.



Les dessins sont incroyables, de véritables photographies ( inspirées de photographies comme j'ai pu le lire en dernière page ) aux tons sépias, passés, qui n'atténuent en rien l'intensité, la profondeur de la douleur exprimée, le désespoir, l'effroi et la folie.



Des pages éprouvantes qui mériteraient pourtant relecture tant la violence du récit aveugle parfois; les limites de ce que l'on peut lire et admettre, comme les récits de ce soldat khmer de 14 ans - " L'Angkar est juste. Il ne doute pas. Il fait seulement quelque taches de sang qui seront vite absorbées par la terre et le noir du tissus en coton. " -



Une lecture à poursuivre avec Lendemains de cendres 1979 - 1993




Lien : http://www.lire-et-merveille..
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L'Eau et la Terre

Avril 1975. Les Khmers rouges ont pris le pouvoir au Cambodge. Le régime de l’Angkar s’arroge désormais le pouvoir de décider de la vie et de la mort de millions de Cambodgiens.



De 1975 à 1979, les Khmers rouges vont faire régner la terreur. Des déportations massives de populations vers les camps de travail ou les Centres de sécurité ont lieu, les marches forcées font vivre l’enfer aux civils. La liberté est bannie, les écoles sont fermées, les familles sont décimées, il est interdit de rire !



« Sur le chemin de l’exode, les citadins vont découvrir l’autobiographie. Ils allaient devoir raconter leur vie dans les moindres détails… Leurs maigres bien emportés à la hâte seront peu à peu confisqués. Tous devaient gagner les rizières et travailler dur pour remettre le pays sur pieds. Dans le même temps, les Khmers rouges se retirèrent de la Communauté internationale. Il n’y eut plus aucune liaison avec le monde extérieur. Le pays se refermait sur lui-même volontairement. Cet isolement, les Cambodgiens allaient devoir le subir aussi au quotidien. Tout était devenu interdit : l’argent, la religion, les fêtes, le rire, la musique… Tous les jours devaient être consacrés au travail et à rien d’autre » (L’eau et la terre, avril 1975).



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Séra rend hommage à ces hommes, femmes et enfants qui ont été meurtris dans leurs corps et dans leurs âmes. L’album s’ouvre sur une magnifique illustration qui dépeint des palmiers à sucre. Une voix-off s’installe, « Nous sommes en pays khmer, il y a cinq mille ans, ces terres n’existaient pas. Elles étaient entièrement recouvertes par la mer. Selon la légende, les premiers habitants étaient des Nâgas, des serpents mythiques. Pour le reste du monde, le Cambodge était le Pays du Sourire ». De sourire, nous n’en verrons pas dans cet ouvrage… exceptés ceux que les êtres qui peuplent ce récit ont vécus par procuration grâce à quelques billets de Riels (ancienne monnaie cambodgienne) que l’on cache comme des trésors.



Les couleurs de l’album nous y préparent avant même que la lecture ne commence. Les gris et les sépias sont les porte-paroles des deux principaux protagonistes de ce travail de mémoire : la Peur et la Mort. Ces entités invisibles s’imposent avant même que quelques civils cambodgiens se démarquent dans le récit. Des individus semblables à des fantômes tant ils sont dépossédés d’eux-mêmes, tétanisés par la violence quotidienne qui les enserre. Contraints d’accepter cette loi du plus fort, ils s’effacent pour survivre.



Il est peu fait référence au positionnement de la Communauté internationale face à ce génocide. Tout au plus, un ou deux passages y font référence mais sans aucun jugement de valeur. Il n’en reste pas moins que le silence des autres nations face à ce drame fait réfléchir. L’Occident a laissé la population cambodgienne aux mains de ses bourreaux pendant quatre années…



Phoussera Ing (son nom complet) est né au Cambodge en juin 1961. Il quitte son pays natal en 1975 pour la France et réside encore aujourd’hui à Paris (…). En 2005, il revient avec un récit réel et poignant sur le pays de son enfance peut-on lire sur Bedetheque.



On perçoit rapidement le positionnement de l’auteur pour les cambodgiens mais ce parti pris ne s’impose pas au lecteur ; sa motivation semble n’être nourrie que par la volonté de rendre hommage à son peuple sans avoir à dénigrer quiconque.



Aucun pathos dans le traitement du sujet, l’auteur ne semble pas rechercher des réactions extrêmes (pitié, indignation) chez le lecteur. Il refuse de juger ouvertement les actes qui ont été commis durant le régime de l’Angkar. Il est passeur de témoignages et sa neutralité est assez déroutante. En effet, les propos contenus dans cet album nous permettent d’accéder aux témoignages et au quotidien des civils comme à ceux des soldats Khmers rouges. Il me semble que Séra a su trouver un équilibre narratif percutant.



Ce serait une grave erreur de ne pas parler de la qualité du travail d’illustration de l’auteur. Les propos n’hésitent d’ailleurs pas à s’effacer à de nombreuses reprises, laissant le lecteur seul face à des visuels d’une grande force. A ce sujet, l’auteur explique dans une interview « Là, c’est ma fibre cambodgienne qui parle. Le silence est parfois plus parlant que les bavardages longs et inutiles. L’Eau et la Terre est un ensemble de fragments de vie » (source : Auracan). Tout est en retenue, tout est silencieux. Le dessin réaliste de Séra nous saisit. L’utilisation de photographies retouchées vient régulièrement compléter les dessins. Il n’y a pas d’étalage de violence, pas de scènes chocs, les choses sont abordées avec pudeur.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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Concombres amers

Depuis qu'il a dû fuir le Cambodge en 1975, Sera a conservé tout les articles qu'il a pu trouver sur son pays tant regretté. J'ai lu cette bande dessinée après deux romans qui traitaient du conflit au Vietnam et pourtant j'ai eu du mal à suivre, à digérer toutes les informations. En fait, Sera ne propose pas une récit linéaire, mais une compilation d'événements qui ont conduit au drame que l'on sait. C'est un travail immense qui a été fait : la démarche est admirable et les dessins de Sera sont magnifiques bien sûr. Pourtant, j'ai peiné dans ma lecture, j'ai eu du mal à m'y retrouver. Les ramifications de ce conflit sont tellement complexes ! Bref, j'ai atteint mon seuil de saturation et mes deux lectures précédentes n'y sont certainement pas pour rien. Je pense que ce livre est très important pour quiconque cherche à comprendre comment le conflit commencé au Vietnam a embrasé le Cambodge (et le Laos) et débouché sur le génocide de 2 millions de cambodgiens. En ce qui me concerne, il faudra que j'y revienne pour mieux comprendre, mais plus tard... beaucoup plus tard.
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Lendemains de cendres

Cambodge, 1978. Les troupes vietnamiennes envahissent le pays.

Le peuple est terrorisé, persécuté, torturé ou encore chassé des villages par des soldats aveuglés et abêtis pas le régime qu'ils servent.

De ces violences innommables, deux amis, Nhek et Chantrea, tentent d'en réchapper. Ils partent en exil et cherchent à rejoindre, à leurs risques et périls, la frontière thaïlandaise. Un parcours du combattant qui ne sera pas sans embûches.

Dix-huit ans après, c'est l'heure du retour au pays et du constat des ravages de la guerre mais, surtout, des souvenirs d'enfance se réveillent alors et les habitants, malgré l'incertitude de leur avenir, affichent un visage souriant. Un retour aux sources qui était nécessaire.



Une BD émouvante et poignante, superbement illustrée avec des encarts historiques brefs mais appréciables afin de recontextualiser l'histoire dans l'Histoire du Cambodge.

Le graphisme est sombre, tout comme l'histoire, et les personnages sont représentés avec des traits qui mettent en relief leurs émotions. Aussi, leur regard "parle" au lecteur, avec force.

Enfin, les pastels qui accompagnent le retour au pays mettent en avant, par la douceur des couleurs, l'espoir d'un avenir plus paisible.

A découvrir absolument.
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Lendemains de cendres

Après le terrible album L'eau et la terre ( le Cambodge sous la domination des Khmers Rouges de 1975 à 1979 ), celui-ci poursuit le chemin du martyr du peuple cambodgien aux heures troubles de la chute du régime Khmer, le pays en guerre contre le Vietnam - " les Vietnamiens... venus en libérateurs, ils allaient vite devenir des occupants. " Après l'exode vers les campagnes, c'est l'exil des survivants vers les frontières de la Thaïlande. Séra accompagne les jeunes Nhek et Chantrea dans cette agonie.



Récit en témoignage : l'album présente des documents ( slogans, carte, extraits d'articles de presse, textes explicatifs ) permettant de comprendre la complexité des enjeux de pouvoirs internationaux pour la domination de cette Indochine, creusant encore la misère extrême d'une population en perte totale de repères, de valeurs, éprouvée et coupée du monde par une dictature sanglante.



Des pages sombres dans tous les sens du terme, un crayon tourmenté inspiré par les photographies des reporters de guerre, comme des esquisses, des flous parfois, des portraits, sur le vif, dans le vif; des images cruelles, puissantes. Des pages enfin éclairées, en fin d'ouvrage, par le carnet d'aquarelle et les croquis de Séra de retour au Cambodge en 1993, dix-huit ans après l'avoir quitté, en avoir été chassé, enfant. Ses mots et ses couleurs qui reviennent à la rencontre de Phnom Penh, des paysages et des visages de son enfance.




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L'Eau et la Terre

Une publicité récente a attiré mon attention sur la sortie d’un nouveau volume racontant la tragédie cambodgienne d’un auteur Séra dont je n’avais pas encore croisé la route.

« Impasse et rouge » raconte l’histoire du Cambodge entre 1970 et 1975.

Ma bibliothèque proposait la seconde partie « l’eau et la terre » couvrant la période 1975-1979.

Le roman graphique nous balance dans ce qui s’appelait encore le Cambodge qui allait devenir d'un coup le "Kampuchea démocratique" sous le régime de l'Angkar.

Nous serons au fil des pages des observateurs de la longue errance imposée à un peuple qui n’avait pas d’autre choix que d’attendre la mort comme une délivrance !

Des personnages qui se retrouvent toujours très étonnés d’être encore en vie et capables de faire ce qu’on leur ordonne de faire … c’est le prix de la survie !

Pas de scènes gores, tout est suggéré et éclairé par un texte illustrant les slogans répétés encore et encore, vidés de leur sens.

Le dessin est remarquable, l’authenticité des portraits est saisissante, l’utilisation de photos appuie s’il en était encore besoin pour nous faire ressentir l’atmosphère empoissonnée des scènes décrites.

Les couleurs choisies bien loin d’exprimer la terreur mais plutôt la dissolution dans un cadre majestueux, l’individu disparaissant pour se fondre dans le paysage et disparaître comme si il n’existait déjà plus.

Un vrai travail de mémoire pour que la terre du Cambodge n’oublie pas ce qui s’est passé ainsi que la communauté internationale qui a laissé faire !
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L'Eau et la Terre

C'est compliqué d'écrire une critique et de mettre des étoiles sur un tel ouvrage. Le lecteur est envoyé au Cambodge, devenu d'un coup le "Kampuchea démocratique" sous l'assaut des Khmers rouges et de leurs atrocités.

Cette BD est (évidemment) très noire, et retrace le destin de plusieurs personnes, au coeur du génocide cambodgien. Je pense qu'il faut déjà connaître un minimum l'histoire des Khmers rouges pour comprendre toute la BD, mais elle est bien documentée avec des cartes.

On en finit pas de l'horreur qu'a subie la population, et on se rend compte que quel que soit son camp, on meurt de la même façon... C'est poignant et criant de vérité.

Certains dessins sont tellement précis qu'on dirait des photos; il y a là un vrai travail d'artiste, et tellement d'émotions aussi pour décrire l'inadmissible. Malheureusement ce genre de récit est encore tellement nécessaire pour dire "Plus jamais ça."

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