AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Critiques de Jacob et Wilhelm Grimm (330)
Classer par:   Titre   Date   Les plus appréciées


Les trois Cheveux d'Or du Diable

Je ne suis pas loin de penser que ce conte des frères Grimm est mon préféré, à tout le moins, l'un de mes préférés. Un conte ni trop simpliste, ni trop empreint de religion comme on pourrait le craindre au vu du titre et dont le thème s'appuie à la fois sur le destin et la confiance que l'on doit accorder à la jeunesse.



Un très joli conte, donc, et je ne suis pas surprise qu'il ait fortement inspiré des auteurs jeunesse actuels (je pense, entre autres, à Béatrice Tanaka et son album La Montagne Aux Trois Questions, par exemple). Alors je vous concède que si l'épisode de l'abandon du nouveau-né sur la rivière par décision du roi est un appel du pied évident au récit biblique de la jeunesse de Moïse, le reste du conte ne me semble pas trop contaminé par des influences religieuses exacerbées.



La destinée : un enfant est né " coiffé " (Je remercie Nathalie alias Nastie 92 de m'avoir expliqué que cela signifie " né avec un morceau de membrane fœtale collé sur la tête " et que c'était censé porter chance au nouveau-né.) et tout lui réussira jusqu'à obtenir la main de la fille du roi. Dit autrement, l'amour a ses raisons que la volonté parentale ne contrôle pas. Qu'il le veuille ou non, roi ou pas roi, ces deux-là se rencontreront et finiront ensemble, ça peut déplaire à certains mais c'est comme ça, c'est le destin.



Deuxième axe du conte : faire confiance à celui qui entre dans la famille. À plusieurs reprises dans l'histoire la question est posée au jeune homme « Que peux-tu ? » et lui de répondre : « Je peux tout. » Et malgré tous les freins et chausse-trappes que s'ingéniera à placer le roi sur le trajet de " l'enfant-coiffé ", celui-ci parviendra jusqu'aux bras de sa fille et une fois mariés, au lieu de se montrer beau joueur, le roi contrarié en rajoutera une couche en surimposant une ultime épreuve réputée insurmontable : prélever trois cheveux d'or au diable en personne.



Dit autrement, à peine le mariage célébré, le père dénie à son gendre toute possibilité de le surprendre en bien. Il ne lui laisse pas sa chance et souhaite l'écarter rapidement pour réparer ce qu'il considère être une mésalliance. N'est-ce pas une bien belle leçon à méditer pour nous autres qui avons ou qui auront des fils ou des filles à marier ?



Et, bien au-delà de l'institution discutable du mariage, n'est-ce pas une bien belle philosophie de vie encore plus générale ? Donnons la chance au nouvel associé ou collègue avant de le juger négativement, donnons la chance à l'étranger de montrer ce dont il est capable, donnons la chance au jeune et à sa façon de faire de surprendre notre vieille expérience, etc.



Bien évidemment, ceci n'est que mon avis de diablesse un poil tiré par les cheveux et j'aime autant vous laisser découvrir ce conte par vous-même si ce n'est déjà fait pour en savoir le fin mot et constater que tout bien pesé, ce que je viens d'en dire ne signifie pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          12410
Cendrillon

Quatre années passées à écrire frénétiquement des critiques quasi quotidiennes sur Babelio, dont voici la 1100 ème aujourd'hui. Et tout ça pour quoi ? Pour finir par vous parler d'un conte que tout le monde connaît depuis sa plus tendre enfance ?



On attendrait autre chose : le Jeu Des Perles de Verre, Les Frères Karamazov, Autant En Emporte le Vent, 1984, le Docteur Jivago, Robinson Crusoé, Une Vie, les Lettres Persanes, Germinal, Seul Dans Berlin, enfin bref, un vrai livre, quoi.



Et au lieu de ça : Cendrillon ! Oui, j'assume ce choix douloureux, ce choix ambitieux, ce choix fastidieux au risque d'être incomprise de mes contemporains et d'en supporter les ires et les foudres pendant quatre générations : je vous parlerai de Cendrillon, ne vous déplaise. À la nuance près qu'il s'agit de la Cendrillon des frères Grimm.



Celle que vous connaissez, c'est celle de Perrault (voire celle de Disney), mais celle des frères Grimm, la connaissez-vous vraiment ? D'ailleurs, combien savent encore ce que signifiait, à l'époque de Perrault ou des frères Grimm, le terme " cendrillon " ?



Souvenez vous que Perrault nous dit que l'aînée des soeurs l'appelle Cucendron et que Cendrillon est une forme plus " sympathique ". Cucendron : littéralement, cul maculé de cendres, c'est-à-dire, le terme que l'on utilisait pour désigner le chaudron qui restait à demeure dans l'âtre de la cheminée pour la tambouille quotidienne.



Donc, surnommer quelqu'un de " Cendrillon " à l'époque reviendrait presque à dire de nos jours à une jeune demoiselle : " Hé, toi, la femme au foyer ", ou " Ho, la ménagère de moins de 50 ans " voire même " Hep ! reste à la niche, Bonniche ! " Et dire qu'il se trouve des gens pour appeler leur fille Cindy ! Pauvres petites, j'espère qu'elles n'apprendront jamais l'origine de leur prénom.



Bref, dans la tradition allemande recueillie en dialecte hessois (région de Francfort) par Jacob et Wilhelm Grimm, il n'y a ni marraine, ni citrouille, ni souris, ni rats, ni lézards pour faire un bel attelage et il n'est donc jamais question de l'heure fatidique de minuit.



En revanche, Cendrillon se rend trois jours de suite au bal et chaque jour dans une tenue qui irradie plus de magnificence. L'élément magique ici, c'est la triple combinaison du recueillement pieux sur la tombe de sa mère, du noisetier qu'elle y a planté et de l'oiseau blanc qu'elle y rencontre chaque matin.



Les Allemands ayant un esprit beaucoup plus cartésien que le nôtre ont dû juger que l'histoire de la godasse perdue dans la précipitation était peu crédible et l'ont remplacée par un élément irréfutable scientifiquement.



Le soir du troisième bal, le prince déçu de toujours perdre celle avec laquelle il aimerait se marier décide d'engluer les marches de l'escalier dérobé avec de la poix. Si bien que quand la gente demoiselle pose son escarpin délicat dans la mixture collante, celui-ci reste immédiatement prisonnier.



Ah ! ils ont l'esprit pratique ces Allemands, y a pas à dire ! Bon, ce serait peut-être un rien moins poétique que dans la version originale mais en tout cas, scientifiquement tout colle, c'est le cas de le dire. Faut-il que j'aborde la séance d'essayage de pantoufle poisseuse ?



Bon, d'accord, comme vous voudrez. Là où Charles Perrault se contentait de dire que toutes les filles ne pouvaient entrer leur pied dans la pantoufle, le lyrisme allemand rajoute une petite touche personnelle.



L'aînée des soeurs se sectionne le gros orteil pour l'enfiler et la cadette se tronçonne le talon. de sorte que les deux parviennent à chausser la tatane mais, c'est au sang qui dégouline qu'on s'aperçoit finalement qu'elle n'est pas à leur taille. Si bien que…



Oui, vous avez deviné, la charmante et brave Cendrillon va donc passer son joli pied-pied dans la petite chaussure maculée de poix, inondée à l'avant du sang de la soeur aînée et à l'arrière du sang de la cadette, d'où l'expression, sans doute, trouver chaussure à son pied.



Okay, c'est un tout petit peu plus gore outre-Rhin mais c'est d'une logique implacable. de même, on sent un petit esprit revanchard dans la version des frères Grimm à l'endroit des deux horribles frangines.



On se souvient que la Cendrillon de Perrault, magnanime, avait pardonné aux affreuses et leur avait même trouvé à chacune un parti avantageux. Ici, il n'en est pas tout à fait de même. Non contente de l'automutilation, la tradition populaire germanique a fait en sorte que lors du mariage de Cendrillon, les oiseaux d'Hitchcock soient présents à la cérémonie et aillent crever les yeux des deux vilaines. Bien fait pour elles…



Mais aimez vous quand même les uns les autres nous précise le conte, car il faut être pieux et bien aller prier tous les soirs sur la tombe de sa maman. Bonne nuit les enfants.



Au demeurant, est-il encore besoin de préciser que ceci n'est qu'un avis au cul cendreux ? C'est-à-dire bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          10913
Les musiciens de la ville de Brême

Ce conte est peut-être le plus emblématique et le plus réussi des frères Grimm. En tout cas, c'est un de ceux que je préfère : bref, tonique, efficace et spirituel.



Voici un conte qui prend tout son sens quand on essaie de l'interpréter, et plusieurs interprétations peuvent se défendre, sans nécessairement s'exclure mutuellement. En premier lieu, la thématique du vieillissement, de la prise d'âge et de maturité, j'irai même jusqu'à l'acquisition de sagesse et du savoir.



L'âne tout d'abord, puis le chien, puis le chat et enfin le coq, tous, en raison de l'affaiblissement (selon leurs maîtres respectifs) de leurs capacités (sauf dans le cas du coq) sont sur le point d'être remplacés — et donc soumis à une mort certaine —, décident de fuir pour échapper au trépas qui les attend dans leur ancienne fonction. Seul le coq n'est pas accusé de faiblir, mais est sacrifié à des intérêts qui lui sont jugés supérieurs.



Je ne peux pas m'empêcher de voir dans ce conte une magnifique allégorie du licenciement boursier ou économique dans le seul but d'accroître la rentabilité, au détriment des salariés qui ont pourtant trimé toute leur vie et qu'on sacrifie comme de vieilles chaussettes puantes, sans considération de l'être qui habite les mains du travailleur…



Avec beaucoup d'ironie, au vu de leur aptitudes vocales si mélodieuses, tous quatre décident de s'adonner à leur hobby, la musique, en la municipalité de Brême, et surtout de s'unir dans cette nouvelle vie. J'y vois quant à moi une allégorie de la retraite, dédiée au loisir, perçue telle une échappatoire à l'exploitation jusqu'à la corde que nous proposent nos employeurs, une invitation à se soustraire à la vie active, pour en entamer une nouvelle, moins laborieuse, mais qui elle est réellement une vie.



Enfin, nos quatre compères, non parvenus encore à destination de Brême, sont contraints de faire étape pour la nuit. Prêts à se contenter d'un spartiate abri en forêt, ils détectent non loin d'eux un havre qui leur semble plus prometteur. C'est un repaire de brigands...



Que va-t-il advenir, je vous le laisse découvrir, mais... et s'il s'agissait d'une discrète invitation à s'unir et à se révolter contre ces voleurs qui nous saignent quotidiennement ? Allez savoir !



Je tiens à préciser que tout ceci n'est que le recueil maladroit et mal ficelé d'un faisceau de mes interprétations, lesquelles sont très discutables et loin d'être les seules possibles, autant dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          1032
Le conte du genévrier

Quelle horreur ! Meurtre, infanticide, cannibalisme, gore ! Tout y est ! Vous pensez que c'est du Stephen King ? non mes braves gens, seulement les frères Grimm et la tradition orale germanique de Poméranie (entre Allemagne et Pologne, au bord de la Mer Baltique).



Waouh ! Il décoiffe ce conte ! À éviter pour les enfants à moins que vous ne cherchiez à tout prix à leur faire faire des cauchemars ou à les dérégler psychologiquement. C'est une véritable abomination.



Un couple vit heureux mais ne parvient pas à avoir d'enfant. Un jour de neige, l'épouse se coupe un doigt en pelant une pomme sous le genévrier du jardin. De ce jour, elle ne tarde pas à tomber enceinte. Seulement, à mesure que sa grossesse se déroule son état de santé décline. À telle enseigne que sitôt que son fils voit le jour, elle décède.



Le père longtemps la pleure mais finit par se remarier et avoir une fille de son second mariage. La seconde épouse est très sèche et fielleuse vis-à-vis de son beau-fils, petit garçon calme au teint pâle comme… la neige qui recueillit quelques gouttes de sang sous le genévrier.



La belle-mère, non contente de faire sans cesse des différences de traitement entre sa fille et son beau-fils, finit par inaugurer un nouveau modèle de guillotine avec un coffre à pommes, sans toutefois aller jusqu'à en revendiquer le brevet. La tête du fils étant décollée des omoplates, celle-ci se contente de replacer le morceau manquant en ficelant le tout d'un joli foulard.



C'est alors que quand sa fille se plaint que son frère ne répond pas à ses questions, la mère suggère à la jeune enfant de lui décocher une belle torgnole s'il continue de lui témoigner un tel mépris. Imaginez la tête de la gamine quand elle vit voler la tête de son frère après le juste châtiment qu'elle lui administra.



Or, la mère, pas avare de bonnes idées, se dit que pour faire disparaître le cadavre discrètement, rien de mieux que d'en faire un bon petit ragoût qu'on fera déguster au père. Lequel père avalera tout sans sourciller et en redemandera même.



Donc, vous constatez que je ne vous avais pas menti et qu'on atteint les hautes sphères du gore. Je m'en voudrais cependant de vous révéler la fin de ce conte dont la morale interlope semble enjoindre à se méfier des familles recomposées...



Je me suis interrogée sur la signification et/ou la symbolique du genévrier. On sait qu'il possède certaines vertus médicinales, parfois proches de la toxicité. Il est source de nombre de croyances et de vertus pseudo-magiques. Mais là-encore, je ne voyais pas spécialement de rapport. Alors, sous toute réserve (je m'en remets à des personnes davantage expertes qui sauraient peut-être nous apporter de plus amples éclaircissements), j'en viens à croire que cet arbre a été choisi tout simplement pour les dessins très particuliers qui ornent son bois. On croirait parfois y déceler des taches de sang.



Mais ceci n'est bien sûr que mon avis, loin de valoir un verre de gin ou d'aquavit, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          1004
Neige-Blanche et Rose Rouge

Beaucoup connaissent le fameux premier long métrage de Walt Disney en 1937 intitulé Blanche-Neige et les sept Nains. J'ai déjà eu l'occasion de dire combien le conte traditionnel rapporté par les frères Grimm et qui s'intitule lui juste Blanche-Neige est différent du film.



Je pense pouvoir affirmer sans trop me tromper que le film de Disney doit aussi beaucoup à ce conte. Le personnage de Neige-Blanche qu'on rencontre ici n'a, a priori, rien à voir avec celui de Blanche-Neige (même si, je vous l'accorde, on constate une certaine homophonie) mais cela n'a pas rebuté Walt Disney qui a puisé abondamment dans celui-ci également pour faire son film.



Le personnage de Grincheux, notamment, trouve son origine ici, de même que la longue barbe blanche des nains, de même que leur exploitation des pierres précieuses et de même que leur activité souterraine. Ceci n'est pas rien.



Pour le reste, comme je l'ai dit plus haut, les deux contes n'ont rien à voir entre eux, seul le rapprochement ultérieur opéré par Walt Disney les relie. Ici, il est question de deux sœurs, ma foi, fort gentilles et bienveillantes comme on n'en fait plus, qui, tellement bonnes et généreuses, n'hésitent pas à ouvrir leur porte à un ours au plus fort de l'hiver.



Maîtrisant leurs peurs et leurs appréhensions, elles s'occupent généreusement du rustre animal durant tout l'hiver. Toutefois, au printemps, le gros plantigrade annonce qu'il doit repartir. Les deux sœurettes essuient une petite larme à l'œil et s'en retournent à leurs tâches quotidiennes quand…



… apparaît un vilain nain rouspéteur et mal embouché qui trépigne avec la barbe coincée au milieu d'une souche qu'il essayait désespérément de fendre. Mais je ne suis pas bien certaine de devoir vous annoncer ce qu'il advient ensuite car, ça, c'est aux Neige-Blanches et Rose-Rouges que vous êtes de vous en charger, si le cœur vous en dit.



En somme, un conte de fée dans la plus pure tradition classique. Idéal pour lire le soir aux petites filles qui n'ont pas trop peur des ours… mais sans doute pas un incontournable non plus. En tout cas c'est mon avis, ni blanc ni rouge, c'est-à-dire bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          882
Le Petit chaperon rouge

L'intéressant, quand on lit la version du Petit Chaperon Rouge recueillie par les frères Grimm, c'est de la comparer à celle de leur aîné Charles Perrault. Et dans cet exercice, les différences, quoique peu nombreuses, se révèlent d'une importance capitale.



Tout d'abord, ici, la petite fille et sa grand-mère ont la vie sauve à la fin, ce qui n'était pas le cas chez Perrault. Pour ce faire, les frères Grimm adjoignent la présence d'un chasseur qui vient leur sauver la mise (avec une très étonnante suture finale façon Le Loup Et Les Sept Chevreaux).



Le Chaperon Bleu Blanc Rouge emportait à sa grand-mère du beurre et de la galette (donc elle devait être plutôt bretonnante sur les bords) alors que le Chaperon Noir Jaune Rouge emporte quant à elle du vin et du gâteau (l'histoire ne précise pas s'il s'agit de Gewurztraminer et de Streusel, auquel cas, la petite fille se retrouve parachutée de Brocéliande en Forêt Noire).



D'autre part, le Chaperon allemand est mis en garde par sa mère et enfreint donc la consigne tandis que ce n'est pas explicitement le cas du Chaperon français. Il y a donc une certaine notion d'obéissance, de bonne mœurs et de vague rapport à la religion outre-Rhin, laquelle est absente et même carrément différente chez Perrault.



J'en viens à la plus notable des différences, à savoir la présence d'une moralité explicite chez Charles Perrault et pas ici chez Jacob & Wilhelm Grimm. Au demeurant, la morale sous-jacente du conte allemand (« Ne sors pas des règles sans quoi il t'en cuira. ») ne semble pas du tout la même que celle du conte français (« Sur le chemin qui te conduit vers la maturité, il y a beaucoup d'écueils dont tu devras te méfier. »). (Je vous laisse en juger par vous-même).



Quand aux illustrations et formats, on trouve pléthore de variantes plus ou moins réussies, à vous de trouver celle qui vous sied le mieux.



Dans l'ensemble, le fond de morale judéo-chrétienne contenue dans cette version allemande et le côté infantilisant qui prescrit de ne pas s'éloigner des droits chemins m'agrée moins que celle de Perrault, mais ce n'est là que mon petit chaperon d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          872
Le Roi-Grenouille ou Henri-le-Ferré

Respecter la parole donnée, renvoyer l'ascenseur, honorer ses engagements, faire preuve de fidélité, de loyauté, de tendresse, de bienveillance, toutes ces notions devenues assez floues et à géométrie variable dans le monde où nous évoluons.



Voilà pourtant le thème essentiel de ce conte qui est tout sauf récent. Mis par écrit au début du XIXème siècle par les frères Grimm mais présent, sous sa forme orale depuis bien plus longtemps, tellement longtemps qu'on en a perdu la source ou, plus exactement, les multiples sources, depuis des temps immémoriaux.



Ce conte est également l'archétype, le stéréotype, la matrice, le modèle, le creuset, le moule, le canevas, que sais-je encore, du conte de fée. Ce n'est certes pas le plus ancien ni le plus explicite mais le coup du prince métamorphosé en grenouille est devenu, avec les années (et à présent les siècles) un grand classique du genre.



Voici donc une jeune princesse qui a tous les atouts en poche : ascendance prestigieuse, extraordinaire beauté, richesse colossale. Dès lors qu'elle a terminé de lécher sa cuillère en argent, elle s'amuse donc à jouer avec une balle en or. Elle s'amuse tellement à jeter cette balle en l'air auprès d'une fontaine que ce qui devait arriver arriva : la balle chut, s'en alla promener à la claire fontaine et trouva l'eau si belle qu'elle s'y baigna.



La belle petite princesse est alors inconsolable et sort toutes les larmes de son corps pendant qu'une grenouille observait toute la scène. L'histoire ne précise pas si elle se mit à coasser mais, de toute façon, la princesse lui eût sûrement dit : « Chante, grenouille, chante, toi qui a le cœur gai, moi, je l'ai à pleurer. J'ai perdu ma balle sans l'avoir mérité. »



N'importe. Percevant la tournure des événements, l'humble grenouille se proposa d'aller quérir la précieuse sphère moyennant une légère indemnité pour sa prestation. Quelque peu surprise par l'expédient, mais tant désireuse de recouvrer l'usufruit de sa pelote d'or, la princesse se sent disposée à offrir toute sorte de récompense au service rendu.



Mais les grenouilles, ont parfois de bien étranges requêtes : celle-ci ne réclame que sympathie et contacts prolongés — la guigne ! Peu importe, on dira oui pour la convaincre et après… sitôt la boule dorée empochée…à dieu va !



Et que dira le roi son père d'un tel comportement ? Qu'en est-il d'Henri, surnommé " le ferré " ? Quelle belle morale quasi-philosophique tirer d'un tel conte ? Voilà ce que cet avis ne vous révèlera jamais, car sous les feuilles de nénuphar, jamais je ne vais voir…



Ne restera qu'un bel album, joliment illustré, un joli conte à la sauce Grimm qui vaut probablement un petit détour, soit dans sa prime jeunesse, soit beaucoup plus tard, c'est à vous de voir, car ce n'est qu'une grenouille d'avis, pas même ensorcelée, pas même enfermée dans des arceaux de fer, autant dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          868
Le malin petit Tailleur

Il ne faut pas confondre cette brève histoire avec un autre conte très célèbre des frères Grimm, Le Vaillant Petit Tailleur. Non, ici, il s'agit bien d'un malin (au sens roublard) petit tailleur. Je suis toujours surprise que la tradition populaire allemande attribue une telle place aux tailleurs mais il suffit, pour se l'expliquer et s'en convaincre, d'examiner la fréquence du nom de famille Schneider chez nos amis d'outre-Rhin pour mesurer l'importance qu'avait autrefois chez eux cette profession.



Toujours est-il qu'il est ici question de trois tailleurs ; deux sont des ouvriers impeccables, le troisième un bon à rien mais doué d'un bagout admirable. À mi-chemin entre les mythes d'Œdipe d'une part et de David et Goliath, d'autre part, ce conte chemine près d'une princesse qui, pour départager ses prétendants, joue à la plus fine en donnant des énigmes à résoudre qu'elle imagine insolubles.



Vous vous doutez bien que notre fieffé baratineur de tailleur, qui souvent taille la bavette, mu d'une audace assez comparable à celle du tailleur de l'autre conte dont j'ai parlé plus haut, va trouver la solution de l'énigme. Mais la princesse est peu encline à se marier avec ce tailleur, quand bien même il aurait résolu toutes les énigmes imaginables.



Elle lui concocte donc une suprême épreuve : passer une nuit en compagnie d'un brave ours mangeur d'homme. Ah ! on verra s'il fera encore le malin ce petit tailleur ! Par contre, je suis au regret de vous annoncer que je ne peux absolument pas vous parler du dénouement de ce conte car vous savez bien que, comme le dit Milan Kundera, La Vie est Tailleur…



Bref, un bon conte dans la moyenne de ceux que nous proposent les frères Grimm dans leurs recueils. Toutefois, souvenez-vous que la coupe est discutable car l'avis est tailleur et parfois, même, il se taille avec la caisse… Il ne représente donc sans doute pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          850
Cendrillon - Le vaillant petit Tailleur - B..

Voilà un recueil — et quel recueil ! — de trois contes mythiques (ici l'adjectif mythique n'est pas utilisé dans son acception métaphorique ou superlative mais première, c'est-à-dire, ayant valeur de mythe) collectés du bouche à oreille populaire par les frères Grimm. Qu'ils en soient mille fois remerciés.



On y trouve d'abord celui qui n'a aucun secret pour nous de ce côté du Rhin, Cendrillon, mais qui a fatalement subit des transformations en franchissant le pont de Kehl pour ce rendre chez nos amis germanophones. Beaucoup connaissent la version de Charles Perrault (voire celle des studios Dysney) mais beaucoup moins nombreux sont ceux qui connaissent cette version de la tradition orale allemande recueillie en dialecte hessois (région de Francfort) par Jacob et Wilhelm Grimm.



Ici, il n'y a ni marraine, ni citrouille, ni souris, ni rats, ni lézards pour faire un bel attelage et il n'est donc jamais question de l'heure fatidique de minuit. En revanche, Cendrillon se rend trois jours de suite au bal et chaque jour dans une tenue qui irradie plus de magnificence. L'élément magique se situant dans la triple combinaison du recueillement pieux sur la tombe de sa mère, du noisetier qu'elle y a planté et de l'oiseau blanc qu'elle y rencontre chaque matin.



Les Allemands ayant un esprit beaucoup plus cartésien et prosaïque que le nôtre ont dû juger que l'histoire de la chaussure perdue dans la précipitation était peu crédible (car une Allemande véritable serait retournée chercher sa godasse quoi qu'il en coûte) et l'ont remplacée par un élément irréfutable scientifiquement.



Le soir du troisième bal, le prince déçu de toujours perdre celle avec laquelle il aimerait se marier décide d'engluer les marches de l'escalier dérobé avec de la poix. Si bien que quand la gente demoiselle pose son escarpin délicat dans la mixture collante, celui-ci reste immédiatement prisonnier.



Ah ! ils ont l'esprit pratique ces Allemands, y a pas à dire ! Bon, ce serait peut-être un rien moins poétique que dans la version originale mais en tout cas, scientifiquement tout colle, c'est le cas de le dire. Faut-il que j'aborde la séance d'essayage de pantoufle poisseuse ?



Bon, d'accord, comme vous voudrez. Là où Charles Perrault se contentait de dire que toutes les filles ne pouvaient entrer leur pied dans la pantoufle, le lyrisme allemand rajoute une petite touche personnelle…



L'aînée des soeurs se sectionne le gros orteil pour l'enfiler et la cadette se tronçonne le talon. de sorte que les deux parviennent à chausser la tatane mais, c'est au sang qui dégouline qu'on s'aperçoit finalement qu'elle n'est pas à leur taille. Si bien que…



Oui, vous avez deviné, la charmante et brave Cendrillon va donc passer son joli pied-pied dans la petite chaussure maculée de poix, inondée à l'avant du sang de la soeur aînée et à l'arrière du sang de la cadette, d'où l'expression, sans doute, trouver chaussure à son pied.



Certes, c'est un tout petit peu plus gore outre-Rhin mais c'est d'une logique implacable. de même, on sent un petit esprit revanchard dans la version des frères Grimm à l'endroit des deux horribles frangines : on se souvient que la Cendrillon de Perrault, magnanime, avait pardonné aux affreuses et leur avait même trouvé à chacune un parti avantageux.



Ici, il n'en est pas tout à fait de même. Non contente de l'automutilation, la tradition populaire germanique a fait en sorte que lors du mariage de Cendrillon, les oiseaux d'Hitchcock soient présents à la cérémonie et aillent crever les yeux des deux vilaines. Bien fait pour elles… Mais aimez vous quand même les uns les autres nous précise le conte, car il faut être pieux et bien aller prier tous les soirs sur la tombe de sa maman. Bonne nuit les enfants, faites de beaux rêves…



Ensuite, on trouve le conte ô combien célèbre du Vaillant Petit Tailleur. « De l'audace, encore de l'audace, toujours de l'audace ! » Telle est la philosophie de vie délivrée ici. de l'audace, une inaltérable confiance en soi et aussi une bonne dose de forfanterie, voilà comment faire votre chemin dans la vie : cela pourrait presque être une devise de l'american way of life.



« Osez, risquez, ne vous satisfaites pas de votre piètre condition et vous deviendrez les rois du monde. » Car c'est ce qu'il fait ce vaillant petit tailleur. Parti de peu, se jugeant à l'étroit, il s'invente un titre de gloire et, à coup de grande gueule et de paris osés, se hisse peu à peu jusqu'à la royauté.



C'est effectivement très joli comme concept et l'on peut même citer ici ou là des gens pour qui cela a réellement fonctionné. Ceci étant dit, cela équivaut, peu ou prou comme dans un jeu de hasard, à jouer quitte ou double sur son avenir. Alors, comme dans tous les jeux de hasard, quand tout se goupille bien : parfait, magnifique. Mais… si tout ne se goupille pas exactement comme espéré ?… qu'advient-il ?… Cela, le conte ne le précise pas.



Nous voici donc avec un brave petit tailleur qui, bourré d'énergie et n'ayant pas froid aux yeux, tourne en rond dans son atelier. Après avoir constaté que de trop nombreuses mouches tournaient autour du déjeuner qu'il s'était promis, il prit la mouche et s'en alla les moucher d'un bon coup de mouchoir.



PAN ! Sept d'un coup ! Si ça ce n'est pas un exploit ! Il décide donc de faire un maximum de publicité autour de cet événement majeur et se confectionne une ceinture où chacun peut y lire en gros caractères : SEPT D'UN COUP. Je vous laisse la joie de découvrir l'effet qu'aura cette inscription sur son auditoire ainsi que les douze travaux auxquels notre petit tailleur risque fort d'être soumis avant d'atteindre la position qu'il convoite…



Enfin, cerise sur le gâteau (ou plutôt pomme sur le streusel) voici venir Blanche-Neige. Vanité des vanités, tout est vanité ! La beauté, peut-être plus encore que tout le reste… et pourtant, de nos jours encore…



Beaucoup d'enfants occidentaux connaissent le conte de Blanche-Neige dans des versions plus ou moins modifiées, notamment sous l'influence des productions Disney, moins nombreux sont ceux qui connaissent l'original fixé par écrit par les frères Grimm.



Quel plaisir de lire dans cette version allemande du début XIXème une déformation ou des inspirations issues de la Belle Au Bois Dormant de Charles Perrault, lequel Perrault avait lui aussi puisé l'inspiration de contes plus anciens encore en les déformant à sa sauce. On peut y voir aussi certaines relations avec plein d'autres contes, notamment le Conte du Genévrier.



Quel plaisir aussi de constater que ce conte est à son tour le géniteur ou du moins le très fort inspirateur de la trame d'autres contes ultérieurs. Je pense bien évidemment à Boucle D'Or Et Les Trois Ours où la scène centrale est une recopie quasi intégrale de l'exploration de la maison des nains par Blanche-Neige. On sait encore la descendance qu'aura Boucle D'Or et même jusqu'à Babelio dont les créateurs se désignent eux-mêmes comme " les trois ours ".



Il est à noter qu'à chaque fois, les contes fils se teintent de nuances et de significations qui correspondent à leur époque et qui peuvent différer sensiblement du message délivré par leurs ancêtres textuels. Ici, partant du principe que tout le monde connaît plus ou moins le dessin animé de Walt Disney, je vais m'attacher à souligner les différences entre cet original et la version la plus populaire actuellement.



Première différence : le chasseur qui épargne Blanche-Neige tue un marcassin (c'est moins glamour, il est vrai) et lui prélève non pas le coeur, mais le foie et les poumons (alors là, pour le glamour, c'est zéro pointé !). Ce faisant, la reine ne place pas l'organe dans un joli petit coffret mais se les fait cuisiner et les dévore elle-même. (Le cannibalisme n'était plus trop à la mode aux États-Unis à la fin des années 1930.)



Deuxième différence notable, Blanche-Neige arrive dans une maison des nains très propre et bien tenue. (Eh oui ! on est en Allemagne les enfants, et ça ne se fait pas de laisser une maison mal tenue.) La table est même déjà prête et la Blanche-Neige n'hésite pas à jouer les pique-assiettes et à se siffler un peu de pinard avant d'aller piquer son roupillon dans le lit d'un des nains (en ayant défait au passage les pieux de tous les autres, bravo la ménagère ! Bon, il faut dire que dans cet original, Blanche-Neige n'a que sept ans et qu'elle n'est donc pas encore la charmante donzelle bonne à marier qu'on nous présente dans le film.)



Troisième différence notable, la reine est obligée de s'y reprendre à trois fois pour venir à bout de Blanche-Neige : à coup d'étouffement au lacet, à coup de peigne empoisonné et finalement seulement, à coup de demi-pomme empoisonnée. Et Blanche-Neige, pas finaude, ne reconnaît jamais la marâtre déguisée en paysanne ou en colporteuse bien que les nains lui aient si clairement spécifié de n'ouvrir à personne et de bien sagement faire bobonne à la maison.



Quatrième différence notable : ce n'est pas un prince charmant qui délivre Blanche-Neige du poison à coup de baisers enflammés mais les porteurs du cercueil qui, par maladresse et brusquerie, lui secouent tellement le prunier qu'elle finit par cracher la bouchée de pomme qui lui était restée en travers de la gorge. (Là encore, pour le glamour, c'est pas top l'histoire du renvoi par les soins délicats des déménageurs !)



Enfin, cinquième et dernière grosse différence notable, la méchante reine n'est pas entraînée vers l'abîme par un éclair bien senti mais est invitée sciemment au mariage de Blanche-Neige avec la ferme intension… de la torturer à mort en lui faisant porter des souliers de fer chauffés au rouge. (Eh oui, là encore, les méthodes de cuisson de la viande rouge avaient quelque peu évolué dans l'Amérique puritaine de la première moitié du XXème siècle.)



Que dire encore de la morale propre de ce conte ? Il me semble évident que le propos consiste à dénoncer la vanité (au moins celle de la beauté car celle du sang n'est pas remise en cause). Mais, ce qui m'interpelle et, pour être franche, me révulse un peu, c'est que derrière cette apparente sagesse morale se cache quelque chose de bien plus retors : Blanche-Neige doit rester bien sagement à faire bobonne à la maison et ne surtout pas s'émanciper. Elle doit toujours absolument écouter la parole sage et quasi parentale des nains qui savent tout mieux qu'elle. Et elle ne doit trouver l'amour que si les gentils " parents " nains y consentent parce que le monde est dangereux, plein de chausse-trappes, maléfique. Pouah ! que ça pue cette morale-là ! Quelle vision de la condition de la femme cela présuppose !



J'en ai fini. Trois classiques à découvrir ou à redécouvrir, quitte à s'en étonner ou à s'en offusquer. Bien entendu ceci n'est qu'un nain d'avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          846
Les quatre musiciens de Brême

Inaltérable Gerda Muller ! Elle qui faisait déjà les belles heures des Albums du Père Castor dans les années 1950-60, en illustrant notamment des albums devenus cultes au rang desquels on compte Boucle D'Or Et Les Trois Ours, cher au cœur des fondateurs de Babelio, ou bien encore Les Bons Amis ou Marlaguette.



Eh bien figurez-vous que Gerda Muller est toujours dans le coup fin 2014 avec cet album des Quatre Musiciens De Brême, en véritable Hokusai du livre jeunesse, elle qui fêtera bientôt ses quatre-vingt-dix printemps. Elle a même pris — notoriété oblige — quelques galons dans l'entrefaite car elle a migré du Père Castor à l'École des Loisirs.



Mais hormis ce léger changement dans l'estampille, l'esprit, le style, le trait, l'ambiance sont restés exactement les mêmes qu'à l'époque bénie des trente glorieuses où ses albums s'adressaient aux grands-parents des enfants auxquels ils s'adressent aujourd'hui. À telle enseigne que, — fait exceptionnel — sitôt sortie, cette adaptation du célèbre conte des frères Grimm, Les Musiciens de Brême, celle-ci fait déjà figure d'album ultra-classique qu'on s'offrira de mère en fille pour se rappeler le grand vieux temps.



Un trait simple mais réaliste, qui évoque dans les premières pages le plat pays qui est le sien (les Pays-Bas) pour peu à peu s'enfoncer dans une germanique forêt digne des Nibelungen ou à peu près.



Voici un conte qui prend tout son sens quand on essaie de l'interpréter, et plusieurs interprétations peuvent se défendre, sans nécessairement s'exclure mutuellement.



En premier lieu, la thématique du vieillissement, de la prise d'âge et de maturité, j'irai même jusqu'à l'acquisition de sagesse et du savoir. L'âne tout d'abord, puis le chien, puis le chat et enfin le coq, tous, en raison de l'affaiblissement (selon leurs maîtres respectifs) de leurs capacités (sauf dans le cas du coq) sont sur le point d'être remplacés et donc soumis à une mort certaine, décident de fuir pour échapper au trépas qui les attend dans leur ancienne fonction. Seul le coq n'est pas accusé de faiblir, mais est sacrifié à des intérêts qui lui sont jugés supérieurs.



Je ne peux pas m'empêcher de voir dans ce conte une magnifique allégorie du licenciement boursier ou économique dans le seul but d'accroître la rentabilité, au détriment des salariés qui ont pourtant trimé toute leur vie et qu'on sacrifie comme de vieilles chaussettes puantes, sans considération de l'être qui habite les mains du travailleur.



Tous quatre décident de s'adonner à leur hobby, la musique nocturne (je vous laisse soupeser le nuage d'ironie qu'il y a là-dessous), en la municipalité de Brême, et surtout de s'unir dans cette nouvelle vie. J'y vois quant à moi une allégorie de la retraite, dédiée au loisir, perçue telle une échappatoire à l'exploitation jusqu'à la corde que nous proposent nos employeurs, une invitation à se soustraire à la vie active, pour entamer une nouvelle vie, moins laborieuse, mais qui elle est réellement une vie.



Enfin, nos quatre compères, non parvenus encore à destination de Brême, sont contraints de faire étape pour la nuit. Prêts à se contenter d'un spartiate abri en forêt, ils détectent non loin d'eux un havre qui leur semble plus prometteur. C'est un repaire de brigands...



Que va-t-il advenir, je vous le laisse découvrir, mais... et s'il s'agissait d'une discrète invitation à s'unir et à se révolter contre ces voleurs qui nous saignent quotidiennement ? Allez savoir !



Mais ceci n'est que mon avis et la seule chose qu'il faut en retenir c'est : " Chapeau Gerda ! ", le reste n'a probablement pas beaucoup d'importance…
Commenter  J’apprécie          840
La Belle au Bois dormant

Il est décevant ce texte des frères Grimm. Très décevant même en comparaison de l'original de Perrault. Une histoire assez pauvre, bourrée d'énormités et à la morale profonde comme une flaque sur un parking.



Alors voilà : treize fées mais seulement douze couverts ; pas de chance, tout de même, pour un roi...



Alors voilà la fée qu'elle est évincée qu'elle n'est pas contente, pas contente du tout, oh non, non, non, alors elle va jeter un méchant, méchant sort et alors la gentille, gentille petite princesse elle va mourir, à coup de quenouille dans les phalanges, ouh ! là, là que ça fait mal ces bêtes-là...



Mais voilà, la gentille dernière fée qu'elle a pas encore parlé, qu'elle va réussir à commuer cette malédiction cruelle, cruelle, en un simple petit sommeil de cent ans et après, tout il ira bien. Mais comme la reine et le roi y zon pas trop confiance tout de même, y zon été très, très prudent, et y zon fait brûler tous les méchants fuseaux du royaume (L'histoire ne précise pas si au passage ils ont complété leur service à fée, pour pouvoir manger plus nombreux autour de la table.)



Et pile le jour de les 15 ans de la madame qu'est devenue la princesse qu'est plus petite, la reine et le roi (qui sont un peu couillons, faut bien l'avouer), laissent précisément la gentille belle madame toute seule à errer dans le château et à bricoler avec des fuseaux. Mince alors, un accident domestique !



Que c'est cul-cul mes aïeux ! Que c'est tarte ! Heureusement, les frères Grimm ont eu l'idée de faire un texte assez court donc on n'en prend pas pour trop longtemps.



Vous avez compris que je considère ce conte comme une niaiserie absolue, certes passée au rang de patrimoine culturel, mais une niaiserie tout de même. Je me suis longuement interrogée sur l'éventuelle morale d'un tel conte. Hormis un vague rapport avec les évangiles chrétiens, la fameuse cène et les treize à table dont un traître, je ne vois pas grand chose d'autre à signaler, et même ainsi, c'est un peu court, jeune homme ! etc., etc.



Si je me suis tout de même trahie jusqu'à accorder trois étoiles, c'est pour ne pas pénaliser l'illustratrice qui a elle, fait un boulot admirable. (NB : la couverture présentée ici n'est plus celle que l'on trouve actuellement dans le commerce et l'illustratrice est différente).



Excusez-moi les frères Grimm, je sais bien que vous n'y êtes pour rien puisque vous n'avez fait que collecter, mais c'est loin d'être ce que vous avez su recueilli de meilleur, et, au demeurant, ce n'est que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          833
Doucette

Doucette, c'est la version originale francophone de ce qui est devenu maintenant — et internationalement depuis le film de Walt Disney —, Raiponce. En fait, Doucette, tout comme Raiponce est en réalité une dénomination pour une salade. (La raiponce étant le nom vernaculaire d'une plante du genre Phyteuma qui peut être dégustée en salade).



Une femme enceinte mal en point voit, depuis chez elle, le jardin de sa voisine, où ladite salade prospère et lui fait follement envie, au point qu'elle supplie son mari d'aller lui en cueillir une botte. Le brave mari s'exécute, mais l'opération n'est pas sans risque car le potager appartient à une sorcière.



Une première nuit, l’homme escalade le mur de la sorcière et parvient sans encombre à se procurer quelques précieuses feuilles. Sa femme est ravie et lui commande la même chose le jour suivant. Mais voilà, le bonhomme tombe nez à nez avec la sorcière…



De cette rencontre malheureuse il ressort que la sorcière consent à céder encore un peu de salade moyennant quoi le couple devra faire l’offrande de l’enfant à la sorcière dont elle sera l’exclusive nourrice.



S’il est certain que le père n’est pas un négociateur hors pair, le devenir de l’enfant qui s’avère être une petite fille, affublée du nom de la salade à laquelle elle doit cette fabuleuse destinée, se déroule au haut d’une tour sans porte ni escalier, autant dire une prison.



La sorcière a fait de l’enfant sa chose, sa propriété, sans la maltraiter pour autant, et en grandissant, hormis l’allongement démesuré de sa chevelure, — qui, transitoirement, sert de monte-charge à la sorcière pour se hisser au sommet de la tour — elle acquiert également un don certain pour la chanson.



Et c’est justement par ce chant alléché qu’un jeune et noble prince vint se laisser prendre en ses filets et voulut à tout prix connaître la propriétaire d’une aussi jolie voix. Mais sera-ce du goût de la sorcière ? C’est ce que je me propose de vous laisser découvrir si vous ne connaissez pas du tout l’histoire.



Sachez seulement qu’elle est notablement différente de l’adaptation qu’en a récemment faite Disney dans son film Raiponce. Bref, un brave petit conte (le texte est très court), sans trop de prétention ni de luminescence non plus et des illustrations à l’avenant, sans déplaisir ni génie, mais c’est là une considération toute personnelle, mon simple avis de salade verte, c’est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          824
Jean le Veinard

Voici un conte étonnant sur la façon de percevoir la vie et de savoir faire contre mauvaise fortune bon cœur. Jean est un brin nigaud mais brave. En échange de son travail, on lui fait un présent mais qui s'avère être une charge trop importante.



Chemin faisant et par trocs successifs, il perd toujours au change et son trésor fond comme neige au soleil. Mais n'étant finalement pas très attaché aux possessions matérielles, notre brave Jean, loin de s'en affliger finit toujours par trouver de bons côtés au fait de perdre quelque chose.



Une intéressante petite philosophie de vie issue de la tradition populaire allemande à transmettre à nos enfants, si vous êtes veinard(e), mais la chance, c'est comme le reste, vous le savez maintenant, pas grand-chose en vérité.
Commenter  J’apprécie          800
Tom Pouce

Les frères Grimm ont récolté en chemin tout ce qu'ils ont trouvé sur le territoire germanophone. Certaines histoires étaient du cru, d'autres étaient des emprunts ou des versions modifiées, altérées, fusionnées ou séparées d'autres traditions, françaises, italiennes ou autres.



C'est le cas ici avec une histoire folklorique tout droit venue de Grande-Bretagne et remise à la sauce allemande. Voilà notre Tom Thumb devenu Daumesdick. La cour du roi Arthur n'étant plus exactement adaptée, le passage correspondant a été tronqué.



Il s'agit donc ici simplement d'un vieux couple qui se désespère de ne pas avoir d'enfant et qui se déclarerait satisfait d'en avoir un, quand bien même il ne serait pas plus grand que le pouce. Ne croyant sans doute pas si bien dire, voilà que le sort (ici, ce n'est pas très clair, dans la version anglaise, il y avait l'entremise d'une fée) donne à ce couple un fils… pas plus grand que le pouce !



Le petit Tom fait la joie de ses parents et s'avère remarquablement doué dans tout ce qu'il entreprend. Là encore, c'est assez obscur dans cette version allemande, la version originale expliquait par des pouvoirs magiques cette réussite hors du commun.



Toujours est-il que le petit bonhomme ne manque pas d'attirer l'attention, parfois même de malandrins qui voient dans ce phénomène un moyen facile de gagner sa vie dans une grande ville en qualité de montreur de curiosité.



Les parents souhaiteront-ils se séparer de leur fils ? Le fils sera-t-il partant pour un tel mode de vie ? Qu'adviendra-t-il en chemin ? Quelles fantaisies l'extraordinaire petitesse de Tom Pouce lui permettra-t-elle ? Voilà bien ce dont je ne voudrais même pas dévoiler un morceau grand comme le pouce.



Bref, un conte légèrement dénaturé par rapport à l'original et qui, du coup, dans cette forme allemande aurait peut-être quelque chose à voir avec l'héritage des fables de type La Fontaine (Le Lion et le Rat, La Belette entrée dans un Grenier, par exemples).



Bien évidemment, tout ceci n'est que mon avis, un tout petit avis qui tient sans problème dans une coquille d'escargot, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          742
Frérot et Sœurette

Frérot Et Sœurette est un conte de fée traditionnel dans la plus pure veine canonique. Par certains aspects, il rappelle Cendrillon, par d'autres, il évoque davantage Hansel et Gretel mais quoi qu'il en soit, il répond aux attentes des enfants en matière de vilaine sorcière et de bon roi magnanime.



Les deux enfants ont perdu leur maman alors qu'ils étaient très jeunes ; ils échouent chez une odieuse marâtre qui leur mène la vie dure ; ils décident de s'enfuir et de s'assumer seuls ; la marâtre avec sa fille borgne s'avère être une sorcière et elle digère mal la fuite des deux enfants ; elle enchante tous les ruisseaux et les rivières à la ronde histoire d'être bien certaine de leur nuire dès qu'ils s'abreuveront ; la gamine est extralucide mais le garçon un peu couillon ; ce qui doit arriver arrive et il faut tâcher de se débrouiller dans ce pétrin.



Mais je vous en ai déjà lâché beaucoup il me semble. Ce ne serait pas très correct de continuer dans cette voie. Encore vous ai-je suggéré la présence d'un roi mais dans quel sens intercèdera-t-il, si tant est qu'il intercède ? De tout cela, mystère. Mais vous le découvrirez par vous même si la source enchantée de ce conte vous susurre à l'oreille le fin mot de l'histoire.



Bref, un conte de fée, quoi ! Vraiment pas à tomber par terre mais pas scandaleux non plus : dans la moyenne de ce qu'on peut décemment attendre d'un conte de fée grimé de la sorte. Mais ce n'est, bien entendu, qu'un avis mes frérots, mes sœurettes, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          742
L'Oiseau d'Or

Je poursuis ma route dans l'exploration des contes de Grimm. Hier, c'était mauvaise pioche, et comme les jours se suivent et ne se ressemblent pas toujours, aujourd'hui, c'est une très bonne pioche.



L'Oiseau D'Or synthétise à lui seul beaucoup des invariants de la structure dite " de conte de fée ". C'est une mouture à mon sens parfaitement réussie qui mérite d'être un peu détaillée.



On commence avec un roi. (C'est quasiment toujours soit le destin des puissants avec leurs déboires, comme dans la presse à scandale actuelle ; soit au contraire quelqu'un de très faible extraction qui fait son chemin dans le monde jusqu'à atteindre les sommets, comme c'est le cas dans les portraits ou les biographies à deux balles qu'on diffuse sur les chaînes bon public pour vous montrer qu'en travaillant un peu c'est possible et que si vous, vous n'y arrivez pas, c'est que vous êtes vraiment un individu quelconque peu digne d'intérêt.)



Ce brave roi a trois fils. (C'est très souvent un nombre premier, trois, cinq ou sept qui préside aux destinées du conte.) Parmi ces trois, deux ne valent rien et le troisième est un gars bien, c'est un thème lui aussi très récurrent, de Perrault aux Mille et Une Nuits. (Dommage, si le Père Goriot avait eu trois filles, peut-être que la dernière auraient été bonne ! C'est ballot de s'être arrêté trop tôt.)



Ensuite, vient le côté magique ou ensorcelé, c'est-à-dire, le sens général et étymologique du mot " fée " et qui fait référence au destin (fatum en latin), donc à l'élément qui peut influer sur la destinée plus que le gentil personnage féminin doué d'un hennin et d'une baguette qu'on imagine ordinairement lorsqu'on parle de fée.



D'ailleurs, dans ce conte, le personnage de type " fée " est un renard ultra-lucide qui n'est pas sans m'évoquer quelque peu le fameux renard de Saint-Exupéry dans Le Petit Prince.



L'autre élément féérique réside dans l'oiseau d'or, bientôt lui-même supplanté par un cheval d'or, deux éléments qu'on retrouve fréquemment tant dans la mythologie grecque que dans les traditions arabes ou indiennes.



Vient après l'immanquable prophétie faite au héros et que le héros, un peu couillon sur les bords, n'a pas été assez rusé pour prendre au sérieux. Souvenez-vous-en la prochaine fois que vous rencontrerez un renard magique : ça peut servir.



Le héros, bien souvent, n'a d'héroïque que le fait d'avoir épargné la vie d'une pauvre bête sans défense alors que les pas gentils héros l'auraient trucidée sauvagement. Ça c'est pour prouver au lecteur que derrière cette enveloppe charnelle du héros ne sommeille pas qu'un brave couillon qui comprend rien aux prophéties mais aussi… un petit cœur qui bat, tendre et rose comme un marshmallow.



Sur le chemin, toujours peu ou prou, si vous êtes un gentil prince ou un preux chevalier, vous croisez une jolie princesse (le fait qu'elle soit jeune et jolie, c'est important, si elle était vieille et laide, on s'en foutrait qu'elle parvienne à être heureuse et qu'elle puisse se savoir aimée).



Mais ladite princesse n'est jamais trop facile à lever et c'est là que le gentil couillon qu'écoute pas les prophéties des renards savants doit savoir faire la preuve de sa valeur. Parfois, comme c'est le cas ici, il n'a pas beaucoup de valeur mais il se sert de la magie de son copain car celui-ci, puisqu'il est extra-lucide, avec vingt coups d'avance, il sait déjà que si A + B = C et que C + D = F, si et seulement si, l'élément E rentre en lice au moment G (qui parfois se confond avec le point G, mais ça c'est une autre histoire, ce que font les jolies princesses et les couillons héros en dehors des heures de travail ne nous regarde pas).



Donc voilà : épreuve ; contre-épreuve ; re-épreuve de sorte que maintenant le brave couillon sait à quoi s'en tenir avec ses méchants frangins, il a la jolie princesse, il a récolté en route un beau paquet de pognon et il peut revenir au bercail. Papa va dormir tranquille car la relève est assurée. (On croirait lire les aventures du petit Arnaud Lagardère mais non, je vous assure qu'il s'agit bel et bien de L'Oiseau D'Or des frères Grimm.)



Bon trêve d'humour de goût douteux, c'est un très bon conte de fée que celui-ci même si, une fois encore, ceci ne représente que mon avis, c'est-à-dire, pas grand-chose.
Commenter  J’apprécie          720
Les sept Corbeaux

On sait que les frères Grimm récoltèrent un peu tout ce qu'il trouvèrent en matière de tradition orale populaire germanique. Ils s'efforcèrent de compiler et de préserver, un peu à la manière d'un conservatoire de graines anciennes ou de variétés disparues.



Évidemment, il y a des trésors insoupçonnés dans le lot ; mais, comme à chaque fois qu'on prend le tout-venant, il y a du moins bon. Selon moi, Les Sept Corbeaux appartiennent à cette catégorie : un conte auquel je peine à trouver un quelconque intérêt si ce n'est celui d'entretenir la discute lors des longues veillées d'hiver d'antan.



Encore le fameux coup des sept quelque chose — les contes aiment bien les nombres premiers : trois, sept… Alors ici, c'est un brave couple qui souhaite avoir une fille. Pas de bol, ils ont eu sept fils ; le tirage au sort n'a pas été favorable.



Cependant, à force de persévérance, la huitième tentative fut la bonne. Mais la petite puce semble chétive et bien mal en point. Face à l'urgence, le père demande à l'un des sept chérubins d'aller quérir de l'eau, or, les autres se précipitent en même temps pour être les premiers. De sorte qu'au lieu de s'aider, les sept fils se gênent et se nuisent si bien que le père s'impatiente en voyant sa petite fille mal en point.



S'ensuit un cortège de détours qu'un de nos anciens présidents qualifierait volontiers d'abracadabrantesques : pour faire simple, une malédiction suivie de la conjuration de cette malédiction. Et pour finir, tout il est bien qui li finit bien, tout le monde il est gentil, fait risette à papa et va te coucher.



Bref, un conte d'une totale absence d'intérêt, qui ne s'appuie sur rien, qui n'a aucune valeur d'édification ou d'amendement moral, un vrai désert. J'ai accordé deux étoiles pour ne pas pénaliser les illustrations, qui sont, ma foi, honnêtes. En tous cas, si vous en avez l'occasion, évitez ce conte à vos enfants, il y en a tellement d'autres très bons dans le patrimoine des frères Grimm qu'on peut certainement se permettre d'oublier celui-ci. Toutefois, ce n'est la qu'un huitième corbeau d'avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
Commenter  J’apprécie          722
Le vaillant petit Tailleur et autres contes

Ce recueil de chez Folio junior regroupe 9 contes de longueur et d'intensité inégales. Tous ces contes recueillis par les frères Grimm aux quatre coins des espaces germanophones au début du XIXème siècle émanant de la tradition orale populaire et furent couchés sur le papier par les deux philologues dans l'espoir que cet héritage ne s'éteigne pas.



Certes, comme ils le craignaient, la tradition orale a pour ainsi dire totalement disparu sous le rouleau compresseur que furent d'abord le XIXème puis le XXème siècle. (Le XXIème siècle s'annonce également comme un bon pourfendeur des traditions.) Mais grâce à ces textes, nous pouvons encore jouir aujourd'hui de ces contes et leur diffusion, originellement assez limitée à quelques zones de l'Europe centrale se trouve maintenant largement mondialisée. Merci les frères Grimm.



On trouve parmi ces neuf contes, bien évidemment le conte-titre :

1) LE VAILLANT PETIT TAILLEUR.

C'est un conte sur l'audace, une sorte de philosophie de vie qui prônerait comme principe une inaltérable confiance en soi couplée à une bonne dose de forfanterie pour faire son chemin dans la vie.



Cela pourrait presque être une devise de l'american way of life : osez, risquez, ne vous satisfaites pas de votre piètre condition et vous deviendrez les rois du monde. C'est ce que fait le petit tailleur, qui, se jugeant à l'étroit, s'invente un titre de gloire et, à coup de grande gueule et de paris osés, se hisse peu à peu jusqu'à la royauté.



C'est effectivement très joli comme concept et l'on peut même citer ici ou là des gens pour qui cela a réellement fonctionné. Ceci étant dit, cela équivaut, peu ou prou comme dans un jeu de hasard, à jouer quitte ou double sur son avenir. Alors, comme dans tous les jeux de hasard, quand tout se goupille bien : parfait, magnifique. Mais… si tout ne se goupille pas exactement comme espéré ?… qu'advient-il ?… Cela, le conte ne le précise pas.



2) RAIPONCE

Voici un conte rendu internationalement célèbre auprès des petites filles depuis le film de Walt Disney. En fait, Raiponce (tout comme une autre traduction qu'on trouve ici ou là : Doucette) est en réalité le nom d'une salade (plante du genre Phyteuma).



Une femme enceinte, mal en point, voit depuis chez elle le jardin de sa voisine où ladite salade prospère et lui fait follement envie. Au point qu'elle supplie son mari d'aller lui en cueillir une botte. le brave mari s'exécute, mais l'opération n'est pas sans risque car le potager appartient à une sorcière...



La sorcière inévitablement découvrira la chose et exigera que l'enfant à naître lui revienne. Elle fera de la petite fille sa chose, l'élèvera au haut d'une tour comme dans une prison mais sans la maltraiter pour autant. En grandissant, hormis l'allongement démesuré de sa chevelure, — qui, transitoirement, serira de monte-charge à la sorcière pour se hisser au sommet de la tour — Raiponce acquerra également un don certain pour la chanson, ce qui lui portera peut-être bonheur…



3) LE PÊCHEUR ET SA FEMME

C'est un conte qui pose, en termes simples et accessibles aux enfants, une question déterminante pour les choix de vie : Saurez-vous vous arrêter à temps ? Ne laisserez-vous pas l'appât du gain, l'orgueil et l'avidité faire de vous d'éternels insatisfaits ?



Un pauvre pêcheur attrape un jour un turbot doué de pouvoirs exceptionnels et décide de lui sauver la vie en le relâchant à la mer. La femme du pêcheur le fustige en lui reprochant de ne rien avoir demandé en échange à ce poisson merveilleux.



Le brave homme ne tarde pas à demander et obtenir du poisson tout ce que sa femme réclame mais sitôt qu'elle est exaucée, cette dernière émet de nouvelles requêtes, toujours plus mirobolantes…



4) JEANNOT ET MARGOT

Plus connu sous son titre original Hansel et Gretel, voici la transcription allemande revisitée du Petit Poucet de Perrault. Les principales différences avec le conte français sont qu'il n'y a plus sept frères mais seulement un frère et une soeur (plus proche du modèle familial rural allemand de l'époque) et

la maison de l'ogre, transmuée au passage en sorcière, est devenue mangeable.



Les autres différences sont que l'élément négatif chez Perrault (le père, l'ogre) s'est entièrement féminisé chez les frères Grimm (la mère, la sorcière) par contre l'héroïsme est partagé entre la soeur et le frère, aucun des deux n'a le monopole de la duperie du monstre.



Ceci dit, ces deux contes très semblables et apparentés ont pourtant des morales bien différentes, chez Perrault, c'était qu'il ne fallait négliger personne, tandis qu'ici ce serait plutôt « au sein de la famille, il faut se serrer les coudes, coûte que coûte, même si les conditions sont rudes, car le salut viendra de la famille. »



5) LES SEPT CORBEAUX

Voici un conte que j'ai beaucoup moins apprécié. Un brave couple qui souhaiterait avoir une fille n'a toujours eu que des garçons : sept fils ; de sorte que le jour où, la huitième tentative, une petite fille, s'annonce, c'est l'effervescence générale.



Toutefois, l'enfant semble bien chétive et prête à mourir. Face à l'urgence, le père demande à l'un des sept fils d'aller quérir de l'eau, or, les autres se précipitent en même temps pour être les premiers. Si bien qu'au lieu de s'aider, les sept fils se gênent et se nuisent jusqu'à attirer sur eux une malédiction… Je vous laisse découvrir comment s'opèrera la conjuration de cette malédiction.



6) BLANCHE-NEIGE

Faut-il encore présenter ce conte ? Sauf à dire, peut-être, qu'il présente de nombreuses différences avec l'adaptation de Disney et que sa morale semble reposer sur la vanité de la beauté. Ce conte est aussi l'inspirateur d'un autre conte très célèbre : Boucle D'Or Et Les Trois Ours.



7) L'OISEAU D'OR

Autant j'aime peu Les Sept Corbeaux, autant j'apprécie beaucoup L'Oiseau D'Or qui synthétise à lui seul beaucoup des invariants de la structure dite " de conte de fée ".



Un roi se désole de voir les pommes d'or de son pommier se faire voler toutes les nuits par un inconnu. Il mandate alors tour à tour ses deux fils aînés pour surveiller ses pommes mais à chaque fois, ceux-ci faillissent.



C'est alors le troisième frère qui s'y colle et qui découvre que ces pommes d'or sont en fait dérobées par un oiseau d'or. le même manège se reproduit pour la capture de l'oiseau d'or, les deux aînés échouent lamentablement et c'est le petit dernier qui va devoir s'ingénier pour le retrouver.



Il sera aidé en cela par un étonnant renard savant et plein de sagesse. Conduit successivement de l'oiseau d'or à un cheval d'or, puis du cheval d'or à une princesse le tout compliqué encore de mille péripéties, le troisième fils pourra néanmoins rejoindre le château de son père et je vous laisse en découvrir les moindres dénouements.



8) JEAN LE VEINARD

Voici un conte étonnant sur la façon de percevoir la vie et de savoir faire contre mauvaise fortune bon coeur. Jean est un brin nigaud mais brave. En échange de son travail, on lui fait un présent mais qui s'avère être une charge trop importante.



Chemin faisant et par trocs successifs, il perd toujours au change et son trésor fond comme neige au soleil. Mais n'étant finalement pas très attaché aux possessions matérielles, notre brave Jean, loin de s'en affliger finit toujours par trouver de bons côtés au fait de perdre quelque chose.



9) LA CLÉ D'OR

C'est un minuscule conte, qui ne casse pas des barres, mais qui vient clore le recueil en manière de pied de nez.



En somme, un très bon recueil pour découvrir le très riche héritage légué par les frères Grimm et une sélection de contes majoritairement de qualité (sauf peut-être Les Sept Corbeaux, à mon sens). Bref, une très bonne idée de livre à offrir à un enfant bon lecteur (à partir de 8-9 ans). Mais ce n'est bien évidemment que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.



Commenter  J’apprécie          710
Hansel et Gretel

Chacun sait que l’Hansel & Gretel des frères Grimm est une réécriture du Petit Poucet de Perrault (on trouve aussi des traductions plus francisées sous forme de Jeannot et Margot). Comme toujours, ce qui est intéressant, c’est de placer les deux textes côte à côte comme une synopse pour en mieux mesurer les ressemblances et les dissemblances.

Aussi grandes et fréquentes que puissent être les ressemblances, ce sont toujours les dissemblances qui sont porteuses de sens et qui nous aident à réfléchir au projet de l’auteur de ces aménagements.

Même si j’ai déjà avoué que j’aimais mieux l’original que la copie, il faut malgré tout reconnaître que ce remake est un bon remake et que les modifications sont très intéressantes voire intrigantes.

Petit rappel de l’architecture du conte chez Perrault : 7 frères, l’un d’eux a un statut très différent des autres qui sont trois paires de jumeaux ; grande pauvreté, le père décide de perdre les enfants, la mère est contre, longues discussions entendues par le Petit Poucet ; finalement premier raid en forêt pour perdre les enfants, astuce du petit, retour à la case départ ; seconde tentative plus aboutie, le Petit Poucet mène l’expédition en forêt pour trouver un abri, repérage de la maison de l’ogre ; l’ogresse est bienveillante mais l’ogre impitoyable ; nouvelle astuce du Petit Poucet pour duper l’ogre vis-à-vis de ses propres filles ; fuite, épisode des bottes de sept lieues, captage du magot de l’ogre ; retour dans le foyer familial, tout va pour le mieux.

Passage au test de la synopse, voici ce que cela donne chez les frères Grimm : première modification, non plus sept enfants mais seulement deux et respect de la parité garçon/fille ce qui crée une structure plus équilibrée et plus proche du modèle familial rural allemand de l’époque ; première moitié du conte sinon très similaire à la différence toutefois qu’ici c’est la mère qui veut se débarrasser de ses enfants, le père est contre et accepte du bout des dents. La seconde modification, l’importante et grande trouvaille des frères Grimm, c’est le coup de la maison mangeable, ça, faut bien l’admettre, c’est un coup de maître et cela renouvelle vraiment le conte car ici, il y a un appât à enfants, et des plus insolites alors que chez Perrault, c’était le hasard et la mauvaise fortune qui avait conduit les enfants chez l’ogre. Autre modification, ce n’est plus un ogre ignoble, mais une ogresse sorcière.

Nouvelle modification de taille, la sortie du bourbier se fait conjointement sous l’impulsion tant de Hansel que de Gretel (mais surtout de Gretel) et s’opère sur une longue période à la différence de la fugitive visite du Poucet chez l’ogre.

Enfin, dernière et notable modification, au retour des enfants chargés de trésors chez leurs parents, la mère est trépassée.

Pour conclure, l’élément négatif chez Perrault (le père, l’ogre) s’est entièrement féminisé chez les Grimm (la mère, la sorcière) par contre l’héroïsme est partagé entre la sœur et le frère, aucun des deux n’a le monopole de la duperie du monstre.

Ceci dit, ces deux contes très semblables et apparentés ont pourtant des morales bien différentes, chez Perrault, c’était qu’il ne fallait négliger personne, à peu de choses près c’était la fable de La Fontaine « On a toujours besoin d’un plus petit que soi. » tandis que chez Jacob et Wilhelm Grimm, ce serait plutôt « au sein de la famille, il faut se serrer les coudes, coûte que coûte, même si les conditions sont rudes, car le salut viendra de la famille. »

Donc, contrairement à d’autres remakes de Perrault opérés par les frangins Grimm, je trouve cette adaptation plutôt originale et réussie, quoique ma préférence aille malgré tout au Petit Poucet dont il est issu, mais, comme toujours, tout ceci est éminemment subjectif, n’engage que moi et n’est donc que mon avis, c’est-à-dire, bien peu de chose.



N. B. : Il existe pléthore de versions et d'illustrations différentes de ce conte et toutes ne se valent pas mais le regroupement bibliographique a un peu tassé tout ça.
Commenter  J’apprécie          700
Les trois Langages

Question : À quoi juge-t-on de la valeur d'une police ? de l'action d'un gouvernement ?

Réponse : À la qualité de ses informateurs, à la prise en compte de tous les indicateurs, aussi infimes soient-ils.



Vous vous demandez sûrement pourquoi je vous parle de police ou de bonne gouvernance à propos d'un conte des frères Grimm qui n'y fait pas explicitement référence. C'est vrai, vous avez raison. Cela vient sans doute du fait que ce conte est une allégorie et que sa valeur réside plus dans son symbole que dans sa lettre.



De quoi est-il question ? Un vieux comte suisse désespère de son fils et d'arriver à rien lui inculquer. Il décide donc de l'envoyer étudier au loin auprès d'un maître réputé. À l'issue d'un an d'étude, le vieux comte demande à son fils ce qu'il a appris et ce dernier lui expose qu'il connaît désormais les moindres subtilités des aboiements des chiens.



Fou de rage devant cet inutile bagage ô combien peu académique, le père envoie son fils ailleurs auprès d'un autre maître. Rebelote, le manège se reproduit et le fiston prétend savoir désormais le langage des petits oiseaux.



Ultime chance avant la crise d'apoplexie, le vieillard expédie son cancre de fils au loin dans le maigre espoir de lui voir apprendre quelque chose " d'utile ". Même procédé, même déception ; le fils revient avec une parfaite maîtrise des coassements des grenouilles.



Ç'en est trop pour le père qui répudie son infect rejeton et ordonne de le faire trucider au coin d'un bois. Je vous laisse découvrir ce qu'il adviendra du fils polyglotte animalier.



Ce qui est certain, dans cette tradition populaire, c'est l'importance d'une écoute attentive des plus petites voix issues du peuple dans ses différentes couches. Il y a des informations qui ne sont pas accessibles à tous ni à n'importe qui et la voix des puissants ou celle des milieux " autorisés " ne sont peut-être pas les seules à prendre en compte.



Et c'est là que j'en viens à faire le lien avec ce que j'exprimais au départ. Une police n'est rien sans un réseau d'information diversifié et prenant directement appui sur la base et ce dans toutes ses couleurs et toutes ses dimensions. Un gouvernement, aussi puissant et aussi invulnérable qu'il puisse se croire, n'est probablement pas grand-chose s'il se montre sourd aux multiples petites voix qu'il est censé représenter et qui, dans leur diversité, représentent une grande source de sagesse.



À bon entendeur, salut. Mais ce n'est qu'un avis, exprimé dans un seul langage, c'est-à-dire bien peu de chose, surtout pour une oreille peu attentive.
Commenter  J’apprécie          685




Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Jacob et Wilhelm Grimm Voir plus

Quiz Voir plus

les nom de contes

la belle au ............ dormant

cygne
bois
rose
roi

7 questions
314 lecteurs ont répondu
Thème : Les contes de Grimm de Jacob et Wilhelm GrimmCréer un quiz sur cet auteur

{* *}