Citations de Adrien Goetz (237)
L'amour de l'art peut-il changer votre vie ? S'il avait voulu expliquer cela à n'importe lequel de ses collègues, il se serait fait rire au nez.
Tous les arcs de triomphe sont creux, Wandrille vient de l'apprendre et il est assez fier de donner un cours d'architecture à l'académicien. Ils sont creux, ça les rend plus solides. Craonne murmura : "J'en connais d'autres..."
Cantucci et Vin santo
C'est la madeleine de Proust de la Toscane. Il faut se verser un verre de ce vin blanc un peu liquoreux, y tremper des cantucci bien secs, ces biscuits craquants au goût d'amande : rituel toscan typique. Il en sortira toute la Toscane de vos souvenirs, et peut-être quelques-unes des images de ce livre.
Notre-Dame de Paris n'est donc pas un monument du Moyen Age. C'est, Hugo l'a compris avant tout le monde, la succession visible des temps. Chaque génération y a laissé des traces d'elle-même, des strates visibles. Notre-Dame est un vaisseau où est embarquée une histoire de l'humanité.
Une branche a craqué. Il n'y a plus de vent. Le bruit s'est détaché sur le fond de la pluie. Kintô est assis sur son lit. Il écoute, dans son pyjama à carreaux. Cela va réveiller les fleurs.
On dit qu'elle a un Titien...
— Un vrai ?
— Ou pas, c'est le Titien à sa mémère, comme on dit.
Les étudiants américains visitent l'Europe comme un parc d'attractions grandeur nature. On prend le train. En quinze jours, on court de Vienne à Copenhague et de Madrid à Venise avec la même facilité que du train fantôme à la maison de Pinocchio. Il faut à Prague, goûter toutes les formes de goulasch, voir la tombe de Kafka et se faire photographier sur le Pont-Charles, comme à Venise on prend le vaporetto, le bateau-mouche sur la Seine. Pour ceux qui restent un peu plus, on recommandera les arènes de Vérone, le festival d'Aix pour un soir, une matinée au Liechtenstein, le lac de Starnberg pour écouter le vent souffler du Wagner, ou, la fin du fin, la croisière sur un bateau ami devant les côtes yougoslaves, les îles de Hvar et de Mljet...(pg 122)
Depuis cette rencontre, je ne suis plus tout seul à l'atelier. Dans la pièce voisine, se cache une jolie fille qui entre et sort à mon gré. C'est la Folie, mon invisible compagne, dont la jeunesse est éternelle et dont la fidélité ne lasse pas.
Quand nous n'avions plus de couleurs, nous retournions en acheter à Rome avant de repartir. Je voulais saisir par l'étude tout ce qu'il y a de fugitif, les nuages, les ombres qui tournent sur les murs ; et la perspective aérienne, le sommet de l'art du paysage, car elle ne tient à rien. Faire voir que le ciel s'éloigne quant on regarde l'horizon. C'est simple à dire, mais prenez un pinceau et essayez donc.
Santa Croce
Corinne, la diaphane héroïne du roman de Mme de Staël, se promène en méditant dans ce Panthéon médicéen :
« Cette église de Santa Croce contient la plus brillante assemblée de morts qui soit peut-être en Europe. Corinne se sentit profondément émue en marchant entre ces deux rangées de tombeaux. Ici, c'est Galilée qui fut persécuté par les hommes, pour avoir découvert les secrets du ciel ; plus loin, Machiavel, qui révéla l'art du crime, plutôt en observateur qu'en criminel, mais dont les leçons profitent davantage aux oppresseurs qu'aux opprimés ; l'Arétin, cet homme qui a consacré ses jours à la plaisanterie, et n'a rien éprouvé, sur la terre, de sérieux que la mort ; Boccace, dont l'imagination riante a résisté aux fléaux réunis de la guerre civile et de la peste ; un tableau en l'honneur du Dante, comme si les Florentins, qui l'ont laissé périr dans le supplice de l'exil, pouvaient encore se vanter de sa gloire ; enfin, plusieurs autres noms honorables se font aussi remarquer dans ce lieu ; des noms célèbres pendant leur vie, mais qui retentissent plus faiblement de générations en générations, jusques à ce que leur bruit s'éteigne entièrement. »
Donner l'air ébouriffé à un grand homme qui a l'habitude de rabattre sa dernière mèche sur le dessus du crâne, c'est un exploit. Il voulait toujours ressembler à son portrait par Girodet, le visage bruni par le soleil d'Orient, tête en bataille, main sur le coeur, dans les ruines de Rome. p.13
Un smartphone, figurez-vous, cadeau de son mécène, abonnement illimité compris, on l’a toutes regardé ici, c’est un instrument de travail très utile, elle fait même des photos avec… Vous croyez que nous, les religieuses, nous vivons au Moyen Age ? Vous saviez qu’il y a maintenant une « application » pour réciter le chapelet et les mystères du rosaire ? L’Eglise n’est pas en retard ! Page 178
« La promeneuse napolitaine m’avait paru sortie toute nue de mon cerveau. J’avais devant moi la seule femme qu’il me plaisait de peindre. Ma belle idéale. Tous les points de son corps appelaient ma ferveur. Si je l’avais peinte à loisir, on aurait vu en elle la femme parfaite, celle qu’on veut posséder toute entière. » (p. 28)
Je voyage silencieux dans un monde sans bruits,et dont je garde en moi les couleurs,depuis ces jours de ma jeunesse.
..on m'a montré un tombeau qui s'appelle le tombeau du dernier Abencérage. Il n'a rien de remarquable;la pierre sépulcrale en est toute unie:seulement, d'après une coutume des Maures, on a creusé au milieu de cette pierre un léger enfoncement avec le ciseau. L'eau de la pluie se rassemble au fond de cette coupe funèbre et sert, dans un climat brûlant, à désaltérer l'oiseau du ciel.
C'est un cercueil que tu apportes et que tu remportes à chaque visite. La mort est comme toi, Adolphe, elle vient me voir et elle repart toujours. Elle reprend avec elle le coffre de bois qu'elle avait prévu d'apporter.
Il n'avait pas le choix : dire aux médecins, à mi-voix, qu'il allait falloir tuer tous les hommes entassés là pour enrayer l'épidémie.
Le réseau mondial, comme on l'appelle, est d'abord un réseau américain, contrôlé par des entreprises américaines : le petit pays de Napoléon est prié de se comporter comme une gentille colonie.
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C'est le cœur de mes vernissages. Il faut de l'électricité dans les fleurs, des gens qui s'évitent et d'autres qui se draguent, des crocodiles sous les nymphéas. La rencontre du pôle positif et du pôle négatif. Diriger un musée, c'est du théâtre !