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Critiques de Alberto Moravia (266)
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Les Indifférents

« La vie le cernait de toutes parts comme une forêt épaisse et broussailleuse. Aucune lueur dans le lointain, rien ‘’impossible…’’ »



Je crois que c’est la dernière partie de ce roman qui emporte le tout. Ce noir qui domine sous cette pluie battante, la nuit tombée, était pour moi le pendant de ce soleil de Meursault. Impossible de me détacher de cette comparaison entre les deux romans dès le départ de Michel vers l’appartement de Léo. Je n’avais pas l’impression d’une noirceur des âmes mais plutôt d’âmes sans vue, des aveugles. Rien ne les éclairait, rien ne leur donnait à voir pour se diriger vers un autre avenir, vers une vie. Ils étaient nés pour vivre passivement car jamais il ne leur avait été donné la lumière, le chemin. L’ombre les étouffait. Comment mettre ces trois êtres mous face à ce Léo, ce fauve sans la majesté ni la droiture mais la force sauvage et brute, sans avoir cette impression qu’il leur sera impossible de trouver une voie. Ils sont encagés dans leur vie et vont se faire bouffer. Les plus jeunes essayeront de trouver une sortie mais n’est-il pas déjà trop tard ? Ils sont absorbés par « une ombre humide, une ombre de caverne ».

J’ai trouvé cette galerie de personnages incroyable, l’écriture fine et juste qui fouille les derniers recoins des têtes embrumées de Carla et surtout Michel. Cette bourgeoisie indifférente avait donné naissance à des monstres mollasses.



« Sa propre image le persécutait ; il se voyait tel qu’il était réellement, seul, indifférent, misérable. »

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L'ennui

J'adore l'écriture de Moravia, ses talents de conteur, son habileté à construire la tension amoureuse et à la rompre, ses formules gravées en taille douce par l'acide de son intelligence, tout ça. Mais Moravia est aussi un sacré manipulateur. Non ce roman ne parle pas du couple. Ce roman parle de la lutte des classes. Un peintre trentenaire vit aux crochets de sa richissime maman et s'interroge sur son incapacité à peindre et à aimer. L'Ennui, publié en 1960 - décolonisation, révolution cubaine, PCI deuxième parti d'Italie, faut voir le contexte – est un essai de théorie critique marxiste des moeurs, un pamphlet sarcastique et violent contre la bourgeoisie capitaliste, déguisé en histoire d'amour et de jalousie. Car le Marx du Capital évoque peu le coeur et les moeurs. L'Ennui comble ce vide. C'est dans le chapitre IV.3 de « La Sainte Famille, ou Critique de la critique critique » que Marx (sans Engels) esquisse une théorie de l'amour. Les époux ou les amants se rassurent de leur existence mutuelle, même s'ils sont éloignés et même si leur relation est fragile car l'amour est un besoin humain par essence, une clef du matérialisme. En effet, l'amour « plus que toute autre chose apprend à l'homme à croire au monde objectif en dehors de lui, et fait non seulement de l'homme un objet, mais même de l'objet un homme ». L'être aimé manifeste la réalité objective du monde extérieur à notre esprit. C'est le dérèglement de ce mécanisme chez les bourgeois, que Moravia appelle ironiquement « ennui ». L'ennui c'est l'incapacité du bourgeois à rentrer en communication avec le monde, objets animés ou inanimés. L'ennui c'est son incapacité à aimer. En déniant au bourgeois cette faculté, décrite par Marx comme essentiellement humaine, Moravia déshumanise l'ennemi de classe et légitime le mépris, qui sourd à chaque page de l'Ennui. Celui qui a tout, n'a rien. Il ne s'intéresse qu'à ce qu'il ne peut pas avoir. le cocufier c'est lui rendre service. le bourgeois est coupé de « toute donnée vivante, tout immédiat, toute expérience sensible, plus généralement toute expérience réelle, dont on ne peut jamais savoir à l'avance -ni d'où elle vient ni où elle va». L'argent le maintient dans un caisson d'isolation sensorielle. Comme la « Critique critique » décriée dans La Sainte Famille, le bourgeois est condamné à un idéalisme auto-centré, qui aboutit au ridicule de tout ce qu'il entreprend, notamment en matière artistique : coupé du monde, il n'a d'autre choix que l'abstraction, et pour finir, comme l'anti-héros grotesque de l'Ennui, il préfère la toile vierge à tout tableau. On retrouve derrière le ricanement de Moravia sur l'artiste bourgeois, le conflit politique sur l'art contemporain, la guerre froide que se livrent après 1945 le réalisme socialiste promu par le KGB ou les artistes comme Fernand Léger membres du PC et l'expressionnisme abstrait de Pollock et Rothko promu activement comme outil de propagande par la CIA.

Bel article sur le sujet:

https://www.independent.co.uk/news/world/modern-art-was-cia-weapon-1578808.html
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L'ennui

C'est un livre qui est bien écrit, bien construit mais d'une construction lente. J'ai eu du mal à entrer dans cette histoire cynique et scabreuse, surtout pour l'époque où le livre a été écrit !

Alberto Moravia est un auteur reconnu mais qui a perdu de sa notoriété, en France du moins car je ne sais ce qu'il en est, en Italie.

Je vais peut-être persévérer avec son livre le plus connu « le mépris » pour avoir un avis plus objectif.



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Le Mépris

C'est mon premier Moravia, un des plus célèbres grâce au film de Godard qui en a été tiré.

Un peu sceptique a priori, j'ai peu à peu été séduit par l'écriture de Moravia. C'est une peinture remarquable de justesse sur le délitement d'un couple, vu du côté masculin. Sa description des sentiments intimes, écrite à la première personnes, l'incertitude et l'incompréhension, les malentendus irréparables, tout cela est magnifiquement bien vu, et me fait penser à Zweig ou à Marai. Ce devait donc être un peu démodé dans les années 50. Mais Moravia avait en plus une façon assez directe de parler de sexe dans ses romans, qui était déjà plus moderne. Et puis il inscrit son histoire dans la société italienne contemporaine en lui tendant un miroir peu flatteur.

C'est aussi un roman sur le cinéma et la création. L'enchevêtrement d'ailleurs entre la relation amoureuse et l'orientation professionnelle dans le domaine de la création est remarquable et sent le vécu.

On y parle beaucoup de la manière de représenter l'Odyssée au cinéma et les différentes options présentées sont tellement appauvrissantes qu'elles sonnent comme une satire.

Bref c'est un roman riche et superbement écrit.

Comment expliquer alors que je sois un peu resté sur ma faim, que je ne sois pas enthousiasmé? Je ne sais pas vraiment. Peut-être est-ce la façon d'écrire comme un constat clinique, un peu froid et sans échappatoire, qui m'a paru réductrice. Mais elle est à découvrir, sans aucun doute.
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La Désobéissance

La désobéissance, un roman de l'enfance aux sulfureux secrets ? Pas vraiment. Ce n'est pas le registre de Moravia. On est très loin des innocentes transgressions enfantines.

L'auteur commence et termine son récit par un voyage en train. Entre ces 2 trajets Luca, 15 ans, va vivre un long épisode de distanciation de la réalité. Il se convainc que le normal est abject. Rien que ça ! Sa résolution est sans faille. De façon délibérée il refuse -en ce sens il désobéit- la normalité. Luca cherche à se persuader et à nous prouver que son attitude est le fruit d'une décision réfléchie et parfaitement cohérente. On retrouve la démarche existentialiste avant l'heure. Allant crescendo, d'un vague malaise à la perte d'appétit de vivre, le dépouillement va conduire Luca à la maladie au délire. Il va jusqu'à tutoyer la mort.

Sa lente descente aux enfers est troublante et réussie. L'abandon par Luca de tout ce qui a constitué une enfance heureuse et choyée est douloureuse pour le lecteur. La société bourgeoise étriquée représentée par ses parents est présentée comme l'élément déclencheur.

Par deux fois dans cette spirale d'autodestruction il croisera deux femmes mures qui éveilleront, mystérieusement, son désir sexuel et un appétit de vivre. La première relation sera un acte manqué, la seconde, une infirmière obligeante, lui apportera la lumière dont il avait besoin.

Moravia excelle à évoquer le passé paisible, le bonheur serein passé et par opposition la cruauté et le nihilisme de l'acte de rupture actuel.

En revanche je reste un peu sur ma faim, moyennement convaincue par la résurrection soudaine liée à un rapport sexuel avec une infirmière. Le texte lui-même montre quelques faiblesses dans cette dernière partie, je pense à la symbolique plutôt facile de l'arbre.

C'est un roman de l'intime, de l'émancipation. C'est aussi avant tout un roman d'une personnalité profondément en souffrance.

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Le Mépris

Anyway

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Les Indifférents

Ce roman raconte l’histoire d'une famille bourgeoise déclassée. Les protagonistes sont la mère, la fille et le fils, ainsi que l'ancien amant de la mère de Leo, qui a maintenant posé les yeux sur sa fille, et la "petite amie" de la mère Lisa, brûlante de désir de séduire son fils. L'ambiance est comme dans les films de Visconti: une villa délabrée, une petite ville italienne dans la saison automne-hiver, des jeunes - beaux et condamnés, mais moins flamboyants par rapport aux personnages de Fitzgerald, et à côté d'eux se trouve un environnement sclérosé, qui ne connaît que l'égoïsme et la luxure.



La jeune génération est vouée à l'échec, mais ce n'est pas le detail le plus intéressant. Les actions réelles et les actes des personnages du roman sont autant racontées que leurs fantasmes, leurs rêves, leurs pensées, et ces rêves et ces pensées caractérisent mieux les personnages que leurs propres actes boiteux et impulsifs.



Malgré le fait qu'ils soient jeunes, les personnages principaux se trouvent dans une période de déclin - en d'autres termes, ils ont rejoint l'âge adulte, où la tromperie, l'hypocrisie, la luxure sont la norme. Tout le monde ne parvient pas à rompre avec les rêves d'une vie différente et à se réconcilier sans douleur avec la réalité. Moravia n'est pas resté indifférent à la romance de la nuit et des fenêtres des autres, vacillant sous la pluie dans l'obscurité - et cette note, une note de quelque chose de mystérieux, invitant à elle-même, située au-delà des limites de tout ce qui est familier et habituel, m'a le plus fascinée.



Il n'y a aucune certitude qu'il existe une autre vie, pleine de sens - à l'exception de ce point lumineux de la nuit, à l'exception d'une vue sur la ville, où des fenêtres sourdes et indifférentes se cachent sous les toits, où vous êtes attirés à regarder ... Mais tout cela est si éphémère qu'il se dénoue. Les rébus de la réalité dépassent le pouvoir d'un cœur saturé et fatigué de la monotonie. Ils abandonnent ... qui les blâmera, qui condamnera? Certainement pas nous, embourbés dans la vie de tous les jours, insensibles, indifférents ...
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La Désobéissance

Moravia

La désobéissance

Un jeune adolescent, Luca, ne veut plus rien, trouve tout négatif et s’oblige à désobéir à tout, que ce soit chez lui, en voyage avec ses parents, en classe, avec les copains, le refus de tout, il s’oblige même lors de ses devoirs de tenter d’atteindre le sommeil et se jeter sur son lit pour dormir. Il en refuse aussi la nourriture, ce qui le diminue tous les jours un peu plus. C’est mortel et il va tomber malade et gravement, fatalement.

Il lui reste encore un peu de se désir sexuel qu’il ne comprend pas vraiment et voudrait désobéir aussi. Mais il se trouve en présence, entre autre de l’infirmière, qui lui révèle ce secret de vie.

Mais va-t-il pouvoir s’en sortir, trouvera-t-il une autre forme de désobéissance.

J’ai lu que l’auteur à neuf ans a souffert de la tuberculose osseuse, il est passé par des hôpitaux, puis des sanatoriums et enfin, il a décidé de lire plusieurs livres par semaine

Je pense que ce livre est un livre autobiographique, modifié certes, mais qui est pour lui une auto analyse de ce qu’il a traversé (je me trompe peut-être).

D’ailleurs ce livre montre de façon évidente le passage de l’enfance avec ces effets négatifs à l’adolescence et à l’être adulte avec l’analyse de la souffrance et du pourquoi ces changements psychologiques et physiques.

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Nouvelles romaines

Une lecture très agréable! Les nouvelles (assez courtes) se déroulent toutes dans le Rome des années 50. Moravia ne manque pas de préciser à chaque fois le nom des rues et lieux de l'action. C'est un vrai plaisir de visiter Rome, retrouver le nom de ces rues et se dire "Eh, eh!'y étais" :)



Moravia traite essentiellement de la pauvreté, des femmes et de la criminalité (qui en découle tristement). Les protagonistes sont des petits ouvriers miséreux et sans beauté, des époux malheureux ou des apprentis bandits.



Même si Moravia était considéré comme un artiste décadent ayant connu la censure sous Mussolini, il ne semble pas y avoir dans ces nouvelles quelconque ambition idéologique. C'est principalement un condensé d'histoires sur le petit peuple Romain tentant de faire face à la crise et leurs rêves de richesse et de bonheur vite avortés.



J'ai découvert un grand conteur romain et un vrai surdoué (ayant écrit son premier roman "les Indifférents" âgé de 17 ans seulement). Une belle trouvaille et une excellente lecture pour s'évader un peu dans les fameuses rues de Rome.



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Le Conformiste

Un roman qui nous dit-on n’a pas été accueilli avec enthousiasme au moment de sa parution et qui n’est pas considéré aujourd’hui encore, comme l’un des meilleurs Moravia. Cela me paraît injuste tant le propos est intelligent et acerbe. Je ne sais pourquoi mais il y a du Zweig dans ce Moravia-là. Un homme, Marcello, délaissé affectivement pas son enfance, victime de pédophilie, croyant avoir tué son prédateur à l’adolescence, culpabilisé à jamais, *traverse la vie en recherche de repères. Ces repères entre le bien et le mal qui ne lui ont pas été offerts pendant l’enfance. Il se veut gris, « conforme » dans une Italie mussolinienne, ce qui le conduit à mettre ses pas dans ceux du régime. C’est au nom de ce conformisme qu’il va épouser Giulia, la femme qui va lui donner un amour authentique, primal et vrai. Giulia ne cherche pas être conforme puisqu’elle l’est naturellement. Marcello fera ce que le régime attend de lui sans dévier, sans se laisser happer par un questionnement intime qui demeure latent. La seule chose qu’il ne pardonnerait pas au régime, c’est de s’être trompé sur le fait que la voie était la bonne. Et c’est presque avec passivité, tranquillité qu’il voit le régime s’effondrer, trouvant tout à la fin – mais trop tard – une liberté intime, une personnalité vraie qui ne doive pas se façonner en fonction du contexte politique et social. Le propos de Moravia est fort car il démontre que les mauvais choix, au moment les plus cruciaux de l’histoire, ne sont pas forcément de nature idéologique. Ils sont le produit du hasard de chaque destinée. Bref, Moravia, exprime la même idée qu’Hannah Arendt sur la normalité, l’anonymat l’insignifiance même de ce que peuvent être des fascistes ordinaires

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Le Mépris

J'avais lu le livre de Moravia dans les années 60 et vu le film de Jean Luc Godard avec B.B, Michel Piccoli, Jack Palance et même Fritz Lang !

Je préparais une critique à son sujet quand j'ai découvert hier au soir sur France 5 la rediffusion de ce film qui a fait beaucoup parlé de lui !..Il faut dire que tous les "ingrédients " pour faire un succès étaient réunis : une île paradisiaque, la maison Malaparte, le soleil, le ciel bleu et la sublime musique de Delerue ! avec Godard, la nouvelle vague du ciné arrivait...et avec lui " Dieu ( re ) créa la femme " ! ! !

Mais pour en revenir au livre : Riccardo est un écrivain en mal d"inspiration qui, pour payer les traites d'un appartement qu'il partage avec sa femme Emilia va être obligé de participer en qualité de scénariste à un film " L'Odyssée ".

Riccardo est en crise car il ne supporte pas l'idée de son aliénation à la société de consommation, pas non plus celle de dépendre d'un Battista qui pour lui est un " primaire" inculte et argenté !

Il finit par accepter d'aller à Capri pour le tournage, mais comprend peu à peu qu'Emilia ne l'aime plus, il cherche en vain les motifs de ce désamour après 2 ans de vie commune et simple avec elle. Et, finalement après de nombreux questionnements , Emilia va lui avouer qu'elle le méprise !

Le séjour à Capri n'arrange rien d'autant quelle va se laisser séduire par le metteur en scène Battista !

Une comparaison s'établit entre l'attitude d'Ulysse et celle de Riccardo et, entre celle de Pénélope et d' Emilia..

Ulysse représente la civilisation, l'adaptation à la vie et Pénélope reste une " barbare" , une intuitive qui n'a pas la même culture, les mêmes valeurs que son époux....cet antagonisme semble être celui qui sépare Riccardo et Emilia mais en fait Moravia se sert de son héros pour nous révéler sa nostalgie, son désespoir d'avoir perdu sa jeunesse, son inspiration à une époque ou le cinéma devenait un art majeur, une époque ou l'aliénation aux biens de consommation faisaient loi et "ringardisait " les intellectuels, les obligeait à céder aux besoins d'une ère nouvelle !
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Agostino

L'été des treize ans, la plage, une mère adorée, un jeune homme pour la courtiser, une bande de gamins effrontés, la découverte de la sexualité et la perte définitive de l'innocence...

Voilà en une centaine de pages, le programme offert par Moravia, qui de sa plume toujours aussi talentueuse, détaille magnifiquement les tourments d'un jeune garçon au seuil de l'adolescence.



Jusqu'à présent sa mère pour Agostino était une idole respectueusement adorée et le jeune garçon, se montrait fier de se pavaner sur cette plage aux côtés de cette belle femme, admirée de tous, du moins à l'avis de son fils. Mais tout va changer à l'arrivée d'un jeune homme aux charmes duquel sa mère n'est évidemment pas insensible.

Jaloux, ulcéré, le garçon va s'acoquiner avec une bande de jeunes voyous, petits pêcheurs mal embouchés qui vont lui dessiller cruellement les yeux en lui assénant en réflexions brutales et vulgaires les réalités de la sexualité.



Le choc va être d'une extrême violence pour Agostino. Il va prendre conscience, à travers la banalité des gestes anodins du quotidien, de l'animalité de sa mère, qui, de déesse inaccessible, va brutalement descendre de son piédestal pour être réduite à l'état de femelle, bouleversant irrémédiablement le rapport que le garçon entretient avec elle.



Ce court ouvrage dégage une violente sensualité, et la découverte par Agostino de la féminité, administrée de manière aussi abjecte par la bande de petites crapules, signe pour lui la fin des illusions de pureté.

Cruel apprentissage !

"La chair est triste, hélas ..." et Moravia s'y entend pour démonter le monde des apparences.

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L'Amour conjugal

Cela aurait pu s'appeler "les illusions perdues", mais un certain Balzac s'est brillamment approprié le titre ! Donc Moravia a intitulé son ouvrage "l'amour conjugal".

Cela tombe bien car c'est le titre qu'a choisi Silvio pour la nouvelle qu'il écrit.

Quel homme heureux que Silvio ! Fou amoureux de sa femme Leda, et certain d'en être aimé, il se sent pousser des ailes, Silvio.... En fait, non, il se sait simplement capable de sublimer son amour par l'écriture. Par le passé, il a déjà tenté d'écrire, mais sans succès. Et son esprit critique acéré lui a bien fait sentir l'inanité de ses efforts littéraires.

Mais maintenant, tout est différent. Porté par l'amour de Leda, il le tient son chef d'oeuvre ! Il sera écrivain, il est écrivain.

Dans le calme de sa thébaïde, le tranquille refuge que le couple s'est choisi, il écrit fiévreusement, se conformant strictement à un schéma d'existence rigoureusement établi, faisant fi de tout ce qui peut contrarier l'acte créatif auquel il s'adonne.

Si Moravia épingle avec humour et dérision l'existence étriquée de bourgeois aisés, oisifs et improductifs menée par Silvio et Léda, la critique sociale n'est pas pour autant le sujet de cet ouvrage.

Non, le propos de Moravia est autre. Il étudie, analyse les moindres pensées et actions de son héros. Dans cet exercice périlleux, il fait la preuve d'un savoir-faire exceptionnel car il est doué d'un talent remarquable pour décortiquer les méandres capricieux de l'âme humaine, ici en l'occurrence celle du mâle humain car Léda n'apparaît, ou presque, qu'à travers l'idée que son mari se fait d'elle.

Et là, les illusions engendrées par l'amour prennent un relief saisissant. On ne voit que ce que l'on veut voir en ignorant trop souvent les signes, certes minuscules, mais pour autant bien réels semés par l'autre autour de lui et que Silvio, tout à sa passion, celle, amoureuse, qui le lie à Leda, et celle, créatrice, qui l'attache à l'oeuvre en cours, refuse de considérer.



Moravia voit tout, lui, sait tout de l'amour conjugal ainsi que de la création littéraire et il nous le fait âprement ressentir, ce qui, au final, laisse au lecteur un goût bien amer.

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La Désobéissance

Comme je veux ! Quand je veux ! sont souvent les paroles de tout adolescent qui passe à l'âge adulte .



Certains sont plus rebelles et refusent toute autorité , tout élément qui rappelle leur enfance .

Combien de jeunes regardent leurs jouets favoris , avec lesquels parfois ils ont dormis , avec dédain presque avec dégoût .

Ne demandent-ils pas à leur mère - elle n'est plus leur petite maman chérie mais leur mère tout simplement - de bazarder tous ces objets inutiles .

Combien vous enverraient un savon au visage si vous ouvriez , par accident , la porte de la salle de bain .

Quant aux câlins , se souviennent -ils encore combien ils en appréciaient la douceur et le réconfort .

L'école , il vaut mieux ne pas l'évoquer .



Ils marquent ainsi une résistance passive tel Luca .



" Luca avait le sentiment que le monde lui était hostile et que lui-même était hostile au monde ; et il lui semblait livrer une guerre continuelle et exténuante à tout ce qui l'entourait . " P. 19

Cependant , la révolte de notre héros est très grave .

Elle le conduit à vouloir même détruire sa vie .



L'évolution de chacun de nous passe par la découverte de soi , de nos états d'âme mais aussi de notre sexualité .

Les balbutiements naissent un jour , par hasard , chez lui .

Lors d'un jeu de bataille avec les petits dont elle s'occupe , la gouvernante éveille ses sens par des attitudes et des gestes polissons .

Il est très perturbé .

Il va en être malade , voire alité .

Sa vie , il la doit à sa sensualité qui se développe au contact des mains de fée de son infirmière privée .



L'auteur est influencé par sa propre histoire , si tôt dans sa vie .

Une tuberculose osseuse l'immobilise très jeune : Il subira des séjours dans des sanatoriums jusqu'à ses dix-sept ans .

Frustré , apeuré , fragilisé , pendant de longues années , il réussit , par la maîtrise de l'analyse psychologique à nous émouvoir et surtout à nous irriter par le comportement De Luca qui est le personnage principal de ce roman .

Il veut démontrer combien le désir , la vie sociale et la vie affective sont parfois difficiles à accorder .



Alberto Moravia est un auteur subtil qui bouleverse , oblige à réfléchir longtemps encore après la lecture de ce livre , grâce à un pouvoir de persuasion inouï et effarant .
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L'ennui

Univers fort, sensuel
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Agostino

Avec ce roman d'initiation, Moravia signe l'un de ses meilleurs livres.
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Romans : Agostino - Les Indifférents - Le Mépri..

"Monument de la littérature italienne, inventeur du "roman existentialiste", bien avant Sartre et Camus, Moravia a porté sur l'homme du XXe siècle, dominé par la religion du sexe et de l'argent, un regard sans complaisance, d'une ironique lucidité parfois même teintée de cruauté. "
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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Les Indifférents

"Conçus comme une tragédie dont l'action se déroule sur deux jours, mais sans dénouement tragique, Les Indifférents (1929) sont une sorte de huis clos entre cinq personnages. "
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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L'ennui

"C'est une constante de son oeuvre romanesque que de créer des personnages qui sont conscients du caractère factice et inauthentique des rapports humains tout en aspirant, sans pouvoir y parvenir, à autre chose. De là, les multiples variations sur le thème de l'ennui, de l'inattention, de l'indifférence que Moravia dépeint avec justesse et simplicité "
Lien : https://www.lexpress.fr/cult..
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La Désobéissance

un monument méconnu de la littérature
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