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Critiques de Anthony Doerr (587)
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La cité des nuages et des oiseaux

J’avais envie d’un roman dense, foisonnant, touffu. Je voulais rompre avec la litanie des romans courts qui usent jusqu’à la corde la même idée et déclinent début, milieu et fin en restant au ras de la page.

Avec « La Cité des nuages et des oiseaux », un pavé de 700 pages, j’ai été plus que comblé. Des débuts, des milieux et des fins, j’en ai eu plein et pas toujours dans le bon ordre.

Soyons honnêtes : ce livre ne se donne pas facilement mais l’exigence est à la hauteur du plaisir procuré. L’écriture, très limpide, convoque tous les genres : conte philosophique, polar, roman médiéval, science-fiction, comédie sentimentale, et j’en oublie… Il se balade sur plusieurs époques et dans plusieurs lieux qui reviennent régulièrement au fur et à mesure que l’histoire avance.

Mais de quoi parle ce livre ? J’ai envie de reprendre « La terre est ronde » d’Orelsan et de dire « après avoir fait l’tour du monde, tout c’qu’on veut c’est être à la maison », ou mieux encore les vers de Du Bellay, « Quand reverrais-je hélas de mon petit village fumer la cheminée et en quelle saison ». Mais même si cela donne une tendance générale, c’est encore trop réducteur.

Le fil rouge du livre est la découverte d’un vieux récit d’Antoine Diogène (écrivain grec de la période romaine), récit qui a survécu à 18 siècles même s’il nous arrive largement dégradé par rapport à son état originel. Et je ne peux guère en dire plus…

En revanche je peux vous parler de l’architecture de ce livre qui est remarquablement construite. Elle réussit le tour de force d’alterner plusieurs histoires en changeant les époques et les lieux, en s’appuyant sur des personnages très attachants et en préservant malgré cette gymnastique cérébrale une continuité dans le déroulé des faits. Il y a de l’humour, du suspens, des rebondissements, des drames. Je serai presque tenté de dire qu’on est dans une (très) bonne série Netflix mais j’ai l’impression que ça rabaisse un peu le style de l’auteur. D’ailleurs, ce livre ne pourrait pas être aussi abouti s’il n’avait pas aussi les qualités d’écriture d’Anthony Doerr.

N'ayez pas peur des 700 pages, ne craignez pas les allers-retours incessants et les bonds dans le temps, sautez à pieds joints dans ce livre. Et vous allez vous couper de tout le reste !

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La cité des nuages et des oiseaux

Les « Merveilles d’au-delà de Thulé » d’Antoine Diogène inspirent cette mosaïque quelque peu nébuleuse qui fourmille de personnages, d’époques et de lieux : dans l’ordre chronologique — que l’auteur ne suit pas —, la Thessalie antique, le siège de Constantinople vu du côté byzantin et ottoman, la frontière chinoise pendant la guerre de Corée, une ville de l’Idaho contemporain visitée à plusieurs années de distance, et un vaisseau spatial fuyant la terre pour un interminable voyage. L’auteur joue savamment des contrastes : jeunes personnages et fin des mondes, culte des livres et destruction des bibliothèques, ravissement de la nature et désastres écologiques, progrès techniques et guerres, amour filial et parents désespérés. L’imaginaire est superbe, la précision documentaire impeccable, le luxe descriptif séduisant, mais la longueur et la virtuosité agacent. La pulvérisation de l’action sous les murs de Constantinople, dans le vaisseau confiné ou la bibliothèque attaquée finit par désamorcer l’émotion.



Bref un livre virtuose et peu attachant, sous-titré "chef-d’œuvre" par Albin Michel, orné en quatrième de couverture du regard hypnotique et du sourire indéfinissable de l’auteur. On imagine Doerr composant son roman puis le recomposant après l’avoir démembré, s’aidant de notes, de calendriers ou de cartes puis supprimant tout index pour laisser le lecteur avec trois ou quatre niveaux de chapitres, coupés des extraits d’un roman archaïque. On sait depuis l’Arioste que la complexité ne garantit pas le génie d’un roman à système. N’est pas qui veut Perec, Boulgakov ou Cabré.

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La cité des nuages et des oiseaux

Je n'attendais rien en démarrant cette lecture mais ce fut une superbe expérience.



La lecture est certes exigeante. Il faut s'accrocher au début pour faire le lien entre les différentes histoires, comprendre leur rôle, leur utilité, puis accrocher aux personnages, mais cela en vaut le coup. Quand le canevas se dévoile, c'est avec émotion qu'on découvre un portrait sensible mais terrible sur notre époque, son passé et son futur, et le rôle des livres et de l'écriture.



Un véritable hommage à la puissance des mots par un auteur qui les maîtrise si bien. C'est beau, âpre, poétique et cela pousse à la réflexion.
Lien : https://blog.lireka.com/la-c..
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La cité des nuages et des oiseaux

Livre exceptionnel. Cinq personnages ,trois époques ,un livre. Anna la petite brodeuse grecque et Omeir le jeune musulman au bec de lièvre vont se rencontrer en 1453 lors de la chute de Contantinople. Zeno ex combattant de la guerre de Corée devenu aide bibliothécaire et Seymour l’autiste éco-terroriste se croiseront au XXème siècle en Idaho. Konstance , l’adolescente passagère d’un vaisseau-arche lancé dans l’espace pour fuir la Terre dévastée à la fin du 21ème siècle y connaîtra une révélation. Le livre , c’est un antique manuscrit grec , incomplet , abimé « La cité des nuages et des oiseaux » qui raconte le voyage d’Aethon le berger vers une cité merveilleuse et utopique. Le livre et les cinq vies s’entrelacent au fil de la narration , les personnages pris dans la toile du destin avec leurs amours ,leurs angoisses et leurs malheurs vont y trouver l’espoir , la consolation , l’apaisement. Un magnifique hommage au livre et aux pouvoirs de l’imagination.
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La cité des nuages et des oiseaux

J’ai retrouvé avec plaisir l’immense talent de cet auteur qui parvient toujours à m’embarquer dans ses récits !

Une fois de plus j’ai été captivée par cette histoire, sorte de grande fable à la fois historique, futuriste et contemporaine.

J’ai aimé découvrir le destin de ces feuillets parlant d’une mystérieuse cité, qui traversent les âges et sont un prétexte à dire la valeur de l’imaginaire, l’importance de la littérature pour préserver la mémoire des hommes, la nécessité de sa transmission et la beauté des bibliothèques.

J’ai adoré l’intrigue à l’orchestration sophistiquée, ces allers-retours où tout est imbriqué, ces péripéties inattendues.

C’est une longue lecture qui appelle une disponibilité, du temps pour s’y installer, s’immerger dans chaque époque, s’accorder aux émotions de chacun des héros et se laisser surprendre.

J’ai savouré l’écriture délicate et puissante à la fois, comme une dentelle qualité supérieure.

Un vrai plaisir de lecture !

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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Audiolivre Lu par Denis Laustriat



Prologue : Saint-Malo, août 1944, un déluge de bombes. Après le débarquement de Normandie, Saint-Malo reste sous occupation allemande. Marie-Laure est une aveugle de 16 ans, toute seule, dans un bâtiment au cinquième étage. Elle entend les bombardiers arriver et décide d’aller à la cave. A l’autre bout de Saint Malo, Werner, jeune soldat allemand chargé des transmissions,règle sa radio pour donner des instructions à la DCA.



Chapitre un : Retour en arrière : 1934 Marie-Laure a six ans, elle vit seule avec son père, sa mère est morte à sa naissance. Une maladie la rend aveugle.

En Allemagne, Werner est orphelin, il vit dans un home d’enfants avec sa soeur Uta, son père est décédé dans un accident à la mine de charbon où il travaillait.

On voit la montée du régime hitlérien entre 1934 et le début de la guerre à travers les yeux des trois enfants.

Werner est destiné à devenir mineur à 15 ans mais à force de ténacité il réussit à intégrer une école (nazie) pour devenir ingénieur...



Un roman qui alterne donc ses deux périodes : 1944 à saint Malo et plusieurs lieux depuis 1934 jusqu’à rejoindre ce siège de Saint-Malo.



L’histoire vu par ces enfants qui deviennent adultes très tôt du fait de la guerre.

Une grande fresque passionnante où les personnages sont attachants et où on tremble pour eux : Le point de vue de Marie-Laure, la jeune aveugle, est particulièrement bien évoqué grâce aux odeurs, aux bruits, au toucher.

Les personnages secondaires sont également bien campés que ce soit le père de Marie-Laure, son oncle, ou côté allemand le Sergent Vollkeimmer, Frederic l’ami de Werner, Frau Helena...



Le fil conducteur, au delà des deux héros, se fait aussi grâce à la radio, celle ci reliant les deux enfants grâce à un lien ténu mais indéniable. Le fait de l’écouter en Audiolivre apporte également une tension dans la narration car on entend de nombreux extraits émissions radiophoniques (propagande hitlérienne mais aussi reportages scientifiques)



En conclusion : Un pavé historique impressionnant dans son évocation du siège d’une ville doublé d’une tension narrative sur la destinée de deux innocents plongés dans l’enfer...
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

En 1939, dans un orphelinat de la Ruhr, le petit Werner, génial physicien en puissance, découvre avec sa petite sœur la magie de la transmission radio.

Au même moment, Marie-Laure, aveugle et orpheline de mère, apprend à se déplacer avec son père entre le muséum d’histoire naturelle dont il garde les clés et leur domicile du 5e arrondissement.

C’est à Saint-Malo en 1945 que le destin les réunira autour d’un mystérieux diamant, dans l’atmosphère trouble précédant la libération.

Admirablement documenté et construit de façon à ce qu’on ne s’ennuie pas une seconde, ce roman passionnant et original se lit d’une traite en revisitant St-Malo et les romans de Jules Verne et

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Le mur de mémoire

« En esprit, on peut voyager dans le temps, aller d’un pays à l’autre, passer du passé au présent, de la mémoire à l’imagination. »



Les nouvelles qui ouvrent et ferment ce recueil justifient à elles seules sa lecture. Dans la première, Alma, veuve vivant sur les hauteurs de Cape Town, a la mémoire qui flanche. Depuis plusieurs années, elle se rend chez un médecin qui récupère les souvenirs dans des cartouches et les introduit dans un appareil permettant aux patients de les revoir autant de fois qu’ils le souhaitent. Un procédé pratique et salutaire pour replonger dans les bons moments du passé, mais les cartouches d’Alma semblent attirer la convoitise d’un drôle de duo de cambrioleurs… Dans la dernière, l’octogénaire Esther est frappée par de terribles crises d’épilepsie qui la projettent en pleine seconde guerre mondiale, à l’époque où elle n’était qu’une orpheline juive d’Hambourg échappant par miracle à la déportation. Parmi les autres histoires, on découvrira un couple désirant par tous les moyens avoir un enfant, une jeune américaine envoyée en Lituanie chez son grand-père après le décès soudain de ses parents, une vieille femme chinoise contrainte de quitter son village bientôt envahi par les eaux suite à la construction d’un barrage ou encore un père attendant le retour de son fils soldat, mobilisé en Corée du sud.



Au fil des six textes, Anthony Doerr démontre qu’il est sans conteste l’un des plus talentueux nouvellistes américains. La mémoire est ici au cœur de son propos. La vieille chinoise constate avec lucidité : « Tous les souvenirs finissent par être engloutis. Le progrès est une tempête et les ailes de chaque chose sont balayées par elle. » Doerr mêle l’imagination et la science, le présent et le passé. Il créé des univers en apesanteur où s’allient avec brio le mystère et l’émotion. L’humanité qui jaillit de chacun de ses personnages touche en plein cœur. Chaque nouvelle est parfaitement ciselée, les dialogues et les situations sonnent justes, même quand un soupçon de fantastique fait irruption.



Avec son écriture puissante et maîtrisée, tout en fluidité, Anthony Doerr impressionne, tout en élégance et en sensibilité.
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La cité des nuages et des oiseaux

Ce livre m'a vraiment emballé. Quel plaisir de lecture ! Bien sûr, au début, je me suis demandé où l'auteur voulait m'entraîner. Une jeune fille dans une navette spatiale dans un chapitre, la transcription incomplète d'un livre très ancien traduit du grec dans un autre, un vieil homme emmenant des enfants dans une bibliothèque dans le suivant... Quels pouvaient être les liens entre tous ces chapitres ?



Mais après en avoir lu quelques-uns, mon intérêt s'est aiguisé. Et plus je lisais, plus j'avais du mal à déposer mon livre pour faire autre chose. Chacune des différents histoires, à différentes époques, est passionnante. Chacun des personnages est attachant. Et quand j'ai commencé à déceler des liens entre tous et toutes, l'envie de connaître les suites s'en est trouvée décuplée.



Arrivé à la dernière page, j'étais à la fois comblé par tous les personnages et mondes que j'avais côtoyés grâce à l'imagination débordante d'Anthony Doerr, mais aussi mélancolique car j'aurais encore aimé poursuivre mes voyages dans ses univers. En tout cas, pour moi, c'est un très grand roman.
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La cité des nuages et des oiseaux

" Un chef d'œuvre". Le bandeau promotionnel cerclant ce pavé littéraire d'un rouge catégorique était plus qu'alléchant, et après lecture de nombreuses critiques sur Babelio qui allaient dans le sens de cet argument de vente (très subjectif), je me suis lancée avec avidité dans la lecture de ce qui allait devenir, c'était écrit d'avance, c'était sûr, un gros coup de coeur littéraire. Eh bien non ! Que je suis déçue ! Je m'attendais à être emportée par la multiplicité de ces destins, à vibrer à la lecture de ce que de nombreux lecteurs ont qualifié d'ouvrage hors norme mais après un premier tiers qui m'a emballée, je me suis vite lassée de la construction narrative qui conduit le lecteur, comme s'il traversait les portes du temps, du XV ème siècle à une ère futuriste où les quelques survivants de l'Humanité naviguent dans un vaisseau spatial. C'est trop ! Trop de chapitres courts et de puzzle temporel qui donnent à ce récit l'allure d'un patchwork décousu, trop de descriptions pesantes qui alourdissent la narration et nuisent à l'intérêt qu'on lui porte. Si l'hymne à la lecture, au pouvoir du texte est un thème qui me parle, il m'a semblé que Doerr s'était ici retrouvé un peu dépassé par l'ampleur de son ouvrage, par la dimension métatextuelle qu'il voulait lui donner et cela m'a ennuyée. A partir de la 200eme et quelques pages, ma concentration s'est étiolée, laissant place à une lecture en diagonale pour finir en lecture "sèche-cheveux" ( je vous laisse visualiser le souffle faisant tourner les pages ). C'est dommage et vu que la lecture est devenue un plaisir quasi luxueux, je regrette d'autant plus amèrement mon achat, mais bon ça fait partie du jeu de la découverte. En tout cas, puisqu'il est question dans ce récit de littérature qui traverse le temps, je conclurai en affirmant que cet ouvrage ne s'inscrira que dans ma mémoire à court terme.
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Elle s’appelle Marie-Laure , élevée par son père qui travaille au Muséum d’Histoire naturelle à Paris .Une maladie l’a privée de la vue et elle a six ans au début du roman. Il se nomme Werner, a huit ans et grandit dans un orphelinat près d’Essen avec sa petite sœur Jutta . Les destins entrelacés de ces deux enfants convergeront dans Saint -Malo bombardée et constitueront la trame du roman qui est d’une grande richesse : la montée du nazisme , la guerre , la résistance , la traque d’un diamant maudit et une multitude de personnages secondaires très attachants (ou pas…) . Le livre est construit un peu comme « La ville des nuages et de oiseaux » du même auteur , en chapitres courts alternant les narrateurs et les époques. Une lecture pleine d’aventures et d’émotions avec au final une vision humaniste malgré les horreurs traversées .
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

En principe, je ne lis jamais de romans (et encore moins d'essais) sur la Seconde Guerre Mondiale. Non parce que cela ne m'intéresse pas, mais parce que je ne supporte pas les injustices et les horreurs qui ont eu lieues à cette époque, qui pour moi est une des pires de l'Histoire. Lire des récits de déportation, de familles déchirées, d'enfants arrachés à leurs parents, de tortures et j'en passe, c'est au-dessus de mes forces.



Mais pour ce livre-là, j'ai décidé de faire une exception, et bien m'en a pris. Sans aller jusqu'à dire que ce fut un coup de cœur, j'ai vraiment beaucoup aimé ce livre. Dès le début, on est happé par cette histoire, et elle vous poursuit même quand vous posez le livre pour faire autre chose.



Nous suivons en parallèle deux personnages, un garçon allemand, Werner, et une petite fille française aveugle, Marie-Laure. L'histoire commence le 7 août 1944, jour où les Anglais bombardent impitoyablement Saint-Malo afin de balayer la dernière résistance des Allemands. Ce jour-là, Marie-Laure, qui a 16 ans, est seule dans la maison de son grand-oncle, et Werner, 18 ans, est terré dans la cave d'un hôtel de la ville qui avait été réquisitionné par ses pairs. Quand l'hôtel s'écroule, il se retrouve bloqué avec deux de ses camarades, sans aucun moyen de sortir à l'air libre.



Mais à ce stade du récit, l'histoire fait un bond en arrière de dix ans, et nous retrouvons ces deux personnages enfants, pour suivre leur parcours de leur enfance jusqu'à ce jour particulier (le 7 août 1944, donc), avec de rapides retours sur celui-ci, qui nous montrent tout ce qui va leur arriver au cours de cette journée, et bien au-delà.



Tout au long du roman, les histoires des deux enfants se succèdent en alternance, ce qui donne un bon équilibre et un bon rythme au récit.



D'un côté, nous voyons comment Werner, jeune orphelin qui grandit dans un pensionnat pour enfants de mineurs décédés va être repéré par les Jeunesses hitlériennes et enrôlé pour ses talents innés et relevant presque du génie en électro-magnétique, en sciences et en mécanique.



Et de l'autre côté, nous suivons l'histoire de Marie-Laure. Aveugle depuis l'âge de six ans, elle vit seule avec son père, qui travaille pour le Muséum d'histoire naturelle de Paris. Pour lui apprendre à se repérer seule à l'extérieur, son père lui construit une maquette en bois extrêmement détaillée et précise de leur quartier. Comme elle ne va plus à l'école, elle accompagne chaque jour son père à son travail, où elle se prend d'un grand intérêt pour le département des coquillages (qui est en fait une des passions de l'auteur), engouement qui la suivra toute sa vie. C'est également à cette époque que son père lui apprend la lecture en braille, et lui offre des livres de Jules Verne, auteur qui la marquera profondément.



Mais six ans plus tard, l'Occupation allemande les obligera à fuir sur les routes comme des milliers d'autres parisiens, et à trouver refuge à Saint-Malo chez l'oncle du père de Marie-Laure, un excentrique traumatisé par son expérience de la Première Guerre mondiale, qui vit reclus dans sa maison en bord de mer.



Ce roman est extraordinaire par de nombreux aspects, mais ce n'est pas facile d'en parler, justement à cause de sa richesse, car je ne sais pas par quoi commencer.



Ce qui m'a le plus frappée, je crois, c'est de voir l'autre côté de l'Histoire, celle qu'on ne nous a jamais apprise à l'école et celle dont on ne nous parle pas à la télé (sauf, peut-être, sur la chaîne Arte) : le côté Allemand. Comment les Allemands l'ont vécue, cette guerre. Et surtout, comment s'est déroulée la montée du nazisme. Ce que l'on découvre, c'est que le régime d'Hitler a fait autant régner la terreur de l'autre côté que chez nous. Et que la plupart des allemands n'ont pas eu le choix d'adhérer aux convictions du Führer. Soit ils ont été endoctrinés par une propagande hyper agressive qui leur a "lavé le cerveau", soit ils ont été enrôlés de force.



Quand Werner est accepté dans une école formant les élites hitlériennes, pour lui, c'est un moyen d'échapper à la misère et à la triste perspective d'une vie de mineur. Et puis c'est considéré comme un grand honneur, une grande chance. Ce n'est que petit à petit qu'il se rendra compte que les méthodes utilisées par les instructeurs sont inhumaines, et qu'ils ne sont que des pions, voire juste des futures chairs à canons, pour leurs "professeurs". Durant cette période de "formation", il y a d'ailleurs eu des passages assez durs, qui m'ont choquée, révoltée et attristée, mais très peu nombreux, heureusement.



Utilisé par la Wehrmarcht pour lutter contre la Résistance (qu'elle soit russe, polonaise ou française) à cause de son don pour les transmissions radios, Werner vit la guerre alors qu'il n'a que 16 ans, et sombre progressivement dans un abattement moral permanent et un profond pessimisme, doublé d'une faiblesse physique due aux conditions terribles : le froid, les privations, l'inconfort, le manque de nourriture...

Et pourtant, il n'est pas sur le front. D'ailleurs, on ne verra à aucun moment les batailles ou les tranchées. Mais la mission de Werner et de ses camarades a beau être primordiale pour leurs chefs, ils n'en sont pas privilégiés pour autant et souffrent presque autant que ceux qui se battent sur les premières lignes.



C'est là aussi que l'on se rend compte de ce qu'ont enduré les simples soldats allemands ainsi que les civils pendant cette guerre, surtout vers la fin. Le régime hitlérien concentrant toutes les richesses et les ressources dans l'effort de guerre, le peuple n'avait plus rien. Les rationnements, ce n'était pas que chez nous, c'était chez eux aussi. Le froid, la faim, les injustices, les violences perpétrées par le régime, ils les ont subies aussi. Et contrairement à nous, ils n'avaient pas le droit de se plaindre car se plaindre, c'était critiquer le régime. Et là-bas comme ici, la délation allait bon train.



Attention, je ne suis pas en train de dire que ce livre est un plaidoyer pour faire passer les allemands pour des victimes. C'est juste un roman qui nous fait prendre conscience que dans une telle guerre, les gens simples, ceux qui n'ont aucun pouvoir, souffrent des deux côtés. Et que s'il avait pu, le peuple allemand se serait bien passé de cette guerre. Surtout que pour eux, à la fin, la honte s'est ajoutée à la misère. Non seulement le pays était complètement exsangue en 1945, et ils ont vécu de nombreuses années de vaches maigres avant de commencer à remonter la pente, mais en plus, la population a découvert peu à peu toutes les horreurs qui avaient été commises, et dont ils avaient tous été plus ou moins complices.



Et c'est cet éclairage-là qui donne en partie sa grande force à ce roman, son effet "coup de point". Car il ne s'arrête pas à la chute d'Hitler et à la victoire des Alliés. L'auteur continue l'histoire jusqu'en 2014. Donc nous revoyons certains personnages, ou leur famille, vingt ans, trente ans après la fin de la guerre, et les traces qu'elle a laissée en eux. Et on ne peut pas s'empêcher d'éprouver de la compassion pour ces gens, et surtout, une sensation d'immense gâchis à la pensée de cette génération de jeunes allemands sacrifiée.



Côté français, on voit également comment était la vie en temps d'Occupation, comment les gens s'organisaient pour pallier aux manques, comment il fallait faire preuve de talent et d'imagination pour fabriquer des repas décents avec le peu que l'on avait.



On voit aussi la peur de chaque instant : la peur des patrouilles, la peur des délations... Mais l'auteur nous montre également comment la Résistance fonctionnait, comment les français trouvaient le courage de lutter malgré cette peur.



Pour Marie-Laure, la vie s'écoule lentement, très lentement. Au début, les jours, les semaines et les mois n'en finissent pas car elle n'a pas le droit de sortir de la maison de son grand-oncle, son père a trop peur pour elle. Et puis il va se passer quelque chose de terrible, qui va affecter la jeune fille au plus profond d'elle-même, et elle aussi va sombrer dans un profond marasme moral, une apathie totale. Jusqu'au jour où la gouvernante/cuisinière de son grand-oncle, une femme chaleureuse et énergique, décide que c'en est assez. Elle la prend sous son aile et l'emmène sur la plage, où Marie-Laure découvre des coquillages aussi nombreux que variés, qu'elle commence à collectionner. Chaque jour, tant que c'est possible, elles sortent faire ces promenades salutaires, et Marie-Laure reprend peu à peu goût à la vie.



Même si cet aspect de la guerre était également très intéressant, émouvant et instructif, il m'a moins marquée que le côté allemand. Peut-être parce qu'on nous en a plus parlé, que tout cela nous est plus familier.



Au niveau du style, qui est très agréable et fluide, ce qui m'a étonnée, c'est que malgré une narration un peu froide, comme à distance des personnages, on arrive à ressentir énormément de choses. Tous les sentiments et les émotions que connaissent les personnages, nous les ressentons aussi. Mais grâce à cette sorte de détachement dans le ton, on n'est pas non plus en totale empathie, ce qui rend supportable la lecture de certaines scènes qui auraient été sinon - pour moi, en tout cas - d'une tristesse ou d'une violence insupportable.



La fin m'a un peu déçue, mais pas parce qu'elle était mauvaise, non, juste parce qu'il n'y a aucune facilité de "roman". Ça se termine comme dans la vraie vie : pas de miracle, pas de grandes envolées romantiques... Et je sais pas, après tout ce qu'avaient traversé les personnages, j'aurais voulu un peu de magie, un peu de bonheur. La fin n'est pas triste, mais elle n'est pas d'une folle gaieté non plus. Pour moi, à travers les destinées de ses personnages, elle montre qu'au final, le peuple français s'est mieux remis de ses blessures que le peuple allemand.



Mais bien qu'un peu trop raisonnable à mon goût, ce dénouement n'a en rien gâché mon plaisir, et ce roman est resté en moi comme quelque chose de sombre, puissant et magnifique à la fois.



Et surtout, il m'a réconciliée avec les livres se passant à cette époque, car il m'a prouvée que parfois, même si c'est un peu dur, cela vaut le coup d'être lu.



Conclusion : Un livre très beau mais triste et assez dur par moments. Le but de l'auteur n'était apparemment pas du tout de nous raconter la guerre de façon romancée, enjolivée, mais de nous la montrer telle qu'elle a été pour les deux peuples directement concernés, les Français et les Allemands, et de nous montrer que cela avait été aussi dur des deux côtés. Un roman à l'écriture fluide et directe, presque froide dans la forme mais recelant énormément d'émotions et de sentiments, ce qui entraîne forcément de l'empathie envers les personnages et un certain attachement.

Je recommande ce livre à tout le monde, car non content d'être passionnant, il fait la lumière sur bien des choses que la plupart d'entre nous ignorons ou sur lesquelles on n'avait jamais réfléchi avant. A lire absolument !
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Enfin mon premier coup de coeur de 2017.

Un livre magnifique qui ne nous laisse pas indifférente.

Une fin émouvante.



L'auteur mérite largement son prix Pulitzer, je ne peux que le conseiller.



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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Ce roman avait tout pour me plaire: une vieille légende, la 2ème guerre mondiale, deux destins différents, courts chapitres mais... justement, trop courts peut-être.



Je me sentais parfois un peu perdue dans cette alternance de temps et de personnages, entre le début et la fin de la guerre. J'ai attendu longtemps pour que les chemins de nos deux jeunes personnages se croisent enfin, ce qui m'a laissé du temps pour m'attacher à Marie-Laure, Werner et leurs proches. J'ai admiré la douceur, l'intelligence et le courage des deux adolescents, j'ai été charmée par la bienveillance de Madame Manec qui prend soin de Marie-Laure ou de Frau Elena qui consacre tout son temps aux orphelins allemands. J'ai beaucoup aimé les escapades de la jeune fille sur la plage, un peu moins le périple forcé de Werner à la recherche des émetteurs radio dans l'Europe occupée.



Une histoire assez intéressante sans être pour autant exceptionnelle qui, malgré quelques longueurs, s'est avérée une lecture plutôt agréable, même si le roman ne m'a pas impressionnée comme je l'espérais.


Lien : http://edytalectures.blogspo..
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

L'intérêt du roman réside dans son orginalité: faire revivre la seconde guerre mondiale en la visualisant à travers le regard de deux héros, un surdoué des transmissions allemand et une jeune aveugle française. Et c'est à travers cette minuscule serrure, minuscule par rapport au nombre des victimes, que l'on assiste à l'épopée historique du plus sanglant des conflits. Un cadre qui semble avoir été créé pour fasciner un romancier: Saint-Malo. On tire la larmichette du lecteur, c'est le défaut du roman, avec des méthodes commerciales à la mode US, en affublant l'une d'une cécité et d'un grand courage, l'autre en en faisant un orphelin talentueux. Pour moi, le fait qu'elle soit aveugle et lui orphelin, n'étaient pas nécessaires, leur jeune âge eut largement suffit à montrer l'horreur de leur participation dans le conflit. Et l'auteur rajoute une énigme de bande dessinée avec un diamant doté de pouvoirs surnaturels. Il faut bien faire vendre, surtout quand on obtient le Pulitzer au passage. Hormis ces critiques, il en reste un bon livre, bien narré, au plan clair et au style bien documenté. Plus une romance qu'un roman, en fait. Mais une romance qui plaira car elle sait alterner l'hoorur et l'adhésion aux personnages. C'est sans doute ce qu'on a appris à Mr. Doerr!
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La cité des nuages et des oiseaux

Les histoires s'imbriquent et suivent en fil conducteur un manuscrit lacunaire de l'Antiquité. Évidemment, toutes ces histoires se rejoignent à la fin. Présentation originale que ce roman où l'on passe de Constantinople à une capsule dans un vaisseau spatial ! On ne décroche pas de bout en bout.
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Des rares prix Pulitzer que j'ai lus, il y a eu de l'excellent, du culte ("Lonesome Dove") et à l'inverse, du vraiment navrant ("Le chardonneret").



Que penser alors de ce roman d'Anthony Doerr, lauréat 2015 ? Clairement, du bien.



J'ai été porté par cette histoire se déroulant principalement au cours de la seconde guerre mondiale. On suit avec intérêt et attachement les trajectoires de Marie-Laure, jeune aveugle réfugiée à St Malo, et Werner, orphelin allemand enrôlé par l'armée pour ses compétences techniques. Il n'y a pas de temps morts dans le récit, vivant et documenté, l'écriture est très fluide. Il y a une forme de lueur qui persiste en dépit des heures noires traversées, même si la réalité de la guerre et les atrocités commises ne sont pas évacuées. Les sciences, l'art, l'ornithologie pour certains, demeurent des radeaux, des bouées de sauvetage pour ne pas sombrer totalement dans ces contextes tragiques, pour se raccrocher à la vie, à la normalité. Car les destinées individuelles peuvent vite être broyées lors de certaines périodes... voici en tout cas de la belle littérature.

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La cité des nuages et des oiseaux

Il m'a fallu du temps pour réfléchir à ma prose et aussi laisser « mûrir » ma réflexion. C'est vous dire combien j'ai du mal à critiquer ce roman !



C'est l'histoire, ou plutôt les histoires de cinq personnes (Seymour, Zeno, Anna, Omeir et Konstance) qui se déroulent dans des lieux différents, à travers plusieurs époques (même dans le futur) qui, pour certaines, se rejoignent à un moment, et avec, comme fil conducteur, un vieux parchemin qui raconte une fable. le tout accompagné de personnages secondaires intéressants et importants et d'une foison de détails.



Bon d'accord, écrit comme ça, je ne suis pas sûre de vous inciter à lire ce pavé de presque 700 pages !

Il faut dire qu'au cours du premier tiers du livre, j'ai failli abandonner au moins trois fois ma lecture : je relisais les phrases plusieurs fois, je revenais en arrière, je cherchais à comprendre pour continuer à avancer, bref je m'agaçais.

Et puis un soir, j'ai décidé de lâcher prise, de me laisser embarquer par la magie des mots. Et les phrases se sont assemblées, les chapitres se sont succédés et j'ai enfin pu accompagner chacun des personnages dans son cheminement.

Toutefois, une relecture (bien que j'y sois réfractaire) pourrait m'être salutaire pour apprécier certains détails qui ont pu m'échapper.



Ce roman est, à mon avis, un véritable hommage au pouvoir de la littérature et au livre à travers le temps.

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La cité des nuages et des oiseaux

Moi qui aime qu'on me raconte des histoires, j'ai été servi avec ce roman, puisqu'on y suit trois trames narratives en parallèlle, toutes rattachées d'une manière ou d'une autre au fameux livre éponyme. On notera que ce livre n'existe pas mais est attribué à Antoine Diogène, un auteur qui lui est bien réel, et dont le principal texte, Merveilles d'au-delà de Thulé, qui entrecroisait comme par hasard trois récits, ne nous est pas parvenu directement. Bref, Anthony Doerr s'est inspiré de faits et d'ouvrages réels pour nous concocter une fiction hommage aux livres et à ceux qui les gardent et les transmettent, les bibliothécaires. Tout ça est très réussi, l'hommage apparaît en filigrane et sans lourdeur, les aventures des protagonistes nous emmènent loin dans le temps et l'espace, je me suis régalé. Certainement pas le chef-d'oeuvre annoncé par l'immonde bandeau rouge barrant la couverture, mais un très bon bouquin dont on aurait tort de se priver. Que demander de plus ?

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La cité des nuages et des oiseaux

Énorme coup de cœur pour ce roman de la rentrée littéraire. Si vous devez n’en lire qu’un seul, c’est bien celui-ci. Anthony Doerr nous entraîne à travers les pays et les siècles sur les traces d’un mystérieux manuscrit antique.



A Constantinople, Anna, prisonnière des murs de la ville assiégée par l’armée du Sultan, découvre le pouvoir des mots à travers un mystérieux manuscrit grec. De l’autre côté des remparts, il y a Omeir, qui a été contraint de suivre l’armée et de quitter sa montagne sacrée. De nos jours, en Amérique, Zeno, monte une pièce de théâtre avec des enfants lorsque la bibliothèque dans laquelle ils répètent tous est prise d’assaut par Seymour, un terroriste tandis qu’en un futur très lointain, Konstance, à bord d’un vaisseau spatial, voyage vers des contrées plus salutaires…



Ce roman choral alterne les époques et les personnages. J’ai aimé suivre tous les protagonistes de l’histoire qui sont reliés, d’une certaine manière, à ce fameux manuscrit grec. La littérature, la lecture, le pouvoir des mots sont au centre de ce roman. Tous les personnages se prennent de passion pour ce roman, échappé du fond des âges, on ne sait pas vraiment comment, et parvenu miraculeusement jusqu’à nous.



Si le début du roman est un peu difficile en raison de la multiplicité des personnages et des intrigues, très vite, il m’est apparu difficile de le lâcher. Je me suis attachée à tous! J’ai été émue aux larmes par tous ces récits de vie qui finissent par se rejoindre quelque part. Anthony Doerr parle de l’humanité à travers ce roman: une humanité parfois douloureuse à porter à l’image d’Omeir, petit paysan pris malgré lui dans la tourmente ou de Zeno, devenu orphelin trop tôt.



Ce roman est foisonnant et soulève bien des sujets: l’amour filial, le tabou de l’homosexualité, la communion avec la Nature, l’importance de la transmission. Et au travers de tout ça, l’amour des livres et des histoires qui emportent et sauvent parfois.



Anthony Doerr signe là un roman magistral!
Lien : https://carolivre.wordpress...
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