C'est donc à une Partie italienne que nous convie l'excellent Antoine Choplin.
Comme souvent dans ses ouvrages, sous une apparence d'esthétisme nonchalant , se jouent d'autres parties, plus sombres ou plus profondes.
Ici, à Rome donc, Gaspar le narrateur prend l'air du temps en jouant aux échecs sur la petite mais néanmoins célèbre place de Campo de'Fiori .
C'est un artiste en cours de célébrité dont le parcours se fracasse tendrement lorsqu'il se fait battre (enfin) par bien plus fort que lui.
Ecrit à la première personne du singulier ( son "je dis" caractéristique) le récrit se déploie comme un origami littéraire où rien n'est écrit par hasard .
Parties mathématiques ( le fameux Théorème de Fermat) , parties d'échecs évidemment , parties fines ébouriffantes, parties artistiques bien sur ( j'ai adoré le concept de la dernière performance de Gaspar "Même pas mort" ) parties "ballades romaines" ( Ah le Palais Farnése !!!) et parties historiques : l'air de rien Antoine Choplin rappelle les circuits d'exfiltration des nazis via la filière vaticane.
J'ai savouré ce petit livre comme un ristretto bien serré qui enchante et réveille.
Le petit bijou de la Rentrée, à n'en point douté, éclairé par le personnage tantôt aérien et tantôt tellurique de Marya......
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Gaspard, artiste reconnu et sollicité, part à Rome où il doit préparer une conférence. Ravi de quitter Paris pour quelques jours, il s'installe place Campo de'Fiori à Rome et passe ses journées à jouer aux échecs à une terrasse de café avec des amateurs de passage. Un jour, il engage une partie avec Marya, une femme qui a pris place en face de lui.
Marya vient de Hongrie et lui raconte l'histoire tragique de son grand père grand maître aux échecs.
Le récit débute par une scène intrigante autour d'un bûcher pour se poursuivre avec un texte très dialogué qui nous raconte une histoire très émouvante autour d'un échiquier, une histoire toute simple sur la Mémoire doublée d'une jolie histoire d'amour.
Antoine Choplin a l'idée très originale de traiter la question de la Mémoire par le biais de parties d'échecs. Marya va tout faire pour retrouver son grand père à travers les coups qu'il a joués à Auschwitz, "paroles ultimes, comme des messages dans une bouteille jetée à la mer juste avant le naufrage", retrouver les traces des parties jouées dans un lieu et à une période hautement symbolique "en plein coeur de l'ombre immense". On ressent pleinement l'émotion de la jeune femme qui a l'impression de recevoir la partie reconstituée comme "une nouvelle poignée de mains, par-delà les décennies écoulées."
Nul besoin d'être amateur d'échecs pour apprécier ce roman d'une remarquable douceur. Un roman, sans un mot de trop, qui fait du bien. L'idylle amoureuse, rare dans les romans de cet auteur, n'est que l'accessoire toile de fond d'une histoire plus forte qu'elle n'y parait. Comme toujours avec Antoine Choplin, de la profondeur derrière une apparente simplicité.
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La partie d'échecs en question est celle que jouent à Rome Gaspar et Marya. Partie d'échecs suivie de leur intrigue amoureuse gentiment menée. Ajoutons à cela la dernière partie jouée par le grand-père de Marya, juif hongrois, à Auschwitz que les amants vont reconstituer une nuit à la chandelle sous la statue du moine Giordano Bruno, savant humaniste brûlé en place publique en 1600.
Voilà la partie et le roman terminés et je n'ai réussi ni à me promener dans Rome avec l'auteur ni à m'intéresser aux personnages. D'autant plus déçue que ce court roman était un coup de coeur de ma libraire !
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Quel plaisir renouvelé de lire les romans d’A.Choplin, 10 ans déjà que naissait cette merveille de « Héron de Guernica ».
Mais venons en à Gaspard, qui fuit pour un temps les obligations professionnelles et sous le beau soleil de Rome partage des parties d’échecs en terrasse avec qui s’attarde autour de lui.
Puis apparaît Marya, belle jeune fille simple, curieuse et très érudite.
Une jolie histoired’amour , un hymne à la vie, mais surtout avec en fil rouge, quelques parties d’échecs lointaines qui forment l’ossature et la mémoire de ce roman si doux, si juste, suffisamment court pour être lu d’une traite. Un vrai bonheur de lecture. Merci aux #Edts Buchet-Chastel et à Net Galley.
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Installez-vous confortablement, l'auteur vient nous imposer le temps langoureux de parties d'échec. Notre héros part à Rome, s'installe à un café et invite les passants à venir s'exercer avec lui dans des parties libres, pour le plaisir de la rencontre sans mots forcés et le plaisir de la stratégie. Jusqu'au jour où c'est une passante qui s'assoit en face. A l'heure des rencontres rapides (pour pas dire furtives, des applications de rencontres sans lendemain), A. Choplin nous propose à travers une visite de Rome à pied, une partie de coeur, la décantation d'un vin, l'effleurage puis l'effleurement des sens ; on est dans la dégustation, la saveur, l'onctuosité. Le temps que nos deux amoureux prennent le temps de se mettre à nu (a tout point de vue) : ce temps-là ! Et je repense à cette phrase sans retrouver l'auteur : "C’est facile de se déshabiller et de faire l’amour… Tout le monde peut le faire ! Mais ouvrir son âme à quelqu’un, le laisser rentrer dans son coeur, son esprit, ses pensées, ses craintes, ses espoirs, ses rêves… Et bien c’est ça, se mettre à nu ! … ». Belle plume pour une (très) belle histoire.
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Gaspar est un artiste, un brin underground, jusqu’à une certaine reconnaissance parisienne et mondiale, bien involontaire. Après une exposition, et une nuit torride, embarrassante, il fuit en Italie, pour s’aérer la tête.
Il passe ses journées attablé sur une terrasse à jouer aux échecs. Un jour, Marya, une très jolie jeune femme, mystérieuse, le bat à plates coutures… elle revient, gagne encore.
Elle l’invite alors à une promenade, aussi sensuelle que bavarde… puis, vient la question de son origine… Marya raconte alors… à partir de 1944, le destin de son grand-père, champion d’échecs, déporté, protégé un temps par un admirateur, puis la perte des parties transcrites, la mort.
Gaspar et Marya partent sur les traces à travers Rome, auprès d’un ancien vicaire, parlent de mathématiques, de vin (Marya est œnologue), l’amour, d’attente, d’art, de transmission…
Comme d’habitude, chez Antoine Choplin, il y a autre chose en filigrane de l’histoire, simple, toujours. Sous les mots, il y a un sentiment, un ressenti, un message..
Cette partie italienne n’est peut-être pas aussi émotionnelle que le furent La nuit tombée, Partiellement Nuageux ou l’Impasse, mais il en ressort une réflexion, un moment suspendu… et cette transmission de la Mémoire… qui est une thématique chère à mon cœur.
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Fidèle lectrice d’Antoine Choplin, j’ai ouvert ce livre avec l’assurance de quelques heures de plaisir tant l’écriture de l’auteur avait réussie à me séduire précédemment.
En le refermant, force m’est de constater que le plaisir a rapidement laissé la place à une pointe d’ennui.
Je n’ai en effet pas réussi à entrer dans cette histoire. Tout n’a cependant pas été négatif.
J’ai ressenti un certain intérêt à suivre Gaspar qui a quitté sa vie d’artiste en vogue pour se retrouver face à un échiquier, sur une place de Rome, en attente d’un partenaire anonyme.
L’auteur nous fait partager ces rencontres, jusqu’à ce que Marya s’installe face à Gaspar.
Le roman d’un joueur se transforme peu à peu en roman d’amour, trop bref à mon goût. J’aurais aimé en savoir plus sur cette femme.
J’ai seulement retenu qu’elle était la petite fille d’un champion d’échecs.
Ce roman reste agréable à lire, mais je ne vais pas en garder un grand souvenir, bien loin du « Héron de Guernica » ou de « La nuit tombée ».
Merci à NetGalley et aux Editions Buchet-Chastel pour leur confiance.
#Partieitalienne #NetGalleyFrance !
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Un artiste s'est installé à Rome pour quelques jours dans l'idée de préparer des conférences.
Mais il décide que sa principale occupation sera de jouer aux échecs sur une emblématique place romaine.
Une partie en entraînent une autre et une rencontre va changer le cours de son séjour.
Un joli roman qui parle de mémoire et d'amour mais qui reste superficiel de par sa brièveté. Dommage.
Et puis gros bémol sur les dialogues qui se font à coups de "je dis" "elle fait " etc... dans un style qui laisse franchement à désirer.
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Un petit bijou parmi mes premières lectures de la rentrée littéraire 2022. Je n'en suis pas à mon premier roman d'Antoine Choplin. J'aime ses personnages décalés qui offrent un éclairage différent des événements de la grande Histoire. Dans "Partie italienne", Rome sert de décor, très beau décor mais n'est pas vraiment question de Rome. Gaspar, artiste involontaire, rencontre Marya, poète des vibns, sur son jeu d'échecs. C'est l'étincelle entre ces deux personnages hors norme. Il est question d'art, de Mathématiques, de savoirs, de différence, d'amour, de chair, de résistance, de condamnation... Concentrés en 176 pages. J
e n'ai pas pu le lâcher. Et une envie de partager énorme et urgente. J'espère que vous aimerez.
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Ce qui me plaît :
Une écriture simple et agréable.
La capacité à faire passer la passion sincère, et une certaine forme de poésie vitale que vivent les grands joueurs d'échec.
Ce qui me gêne :
Un côté "étalage de savoirs" qui n'apportent pas grand chose (détails sur la ville de Rome, théorème de Fermat...).
Une relation entre le narrateur et les deux personnages féminins assez caricaturale, avec d'un côté la chef de projet marketing superficielle amoureuse de lui et qui l'ennuie et de l'autre une espèce de double idéalisé qui sait tout encore mieux que lui, qui joue divinement aux échecs et qui ne lui cède pas tout de suite.
L'allusion aux camps de concentration très superficielle ne semble la que pour mettre en valeur un pseudo happening artistique à la mémoire du grand père qui y est mort. Il y a la une sorte de renversement de l'importance et de l profondeur des sujets qui ne me semble pas juste.
Globalement, je referme donc ce livre avec une forme de malaise et aucune envie de le recommander.
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Un voyage à Rome, ça vous tente ? Partez avec Gaspar, un artiste reconnu dans le monde de l’art contemporain. Les sollicitations ne manquent pas et tout le monde souhaite travailler avec lui. Pourtant, il ressent le besoin de se soustraire à toute cette effervescence. C’est ainsi qu’il s’installe à Rome. Pour combien de temps ? Il ne le sait pas lui même. Il a trouvé une terrasse de café qui lui permet de s’installer pour jouer aux échecs. Nombreux sont les adversaires qui souhaitent l’affronter. Quand il ne joue pas, il profite du temps libre pour découvrir la ville.
Un jour, une jeune femme tente sa chance. Elle est très douée et le bat à plusieurs reprises. Elle s'appelle Marya, elle est originaire de Hongrie. Peu à peu, ils vont apprendre à se connaître. Gaspar découvre que le grand-père de Marya était un grand maître des échecs dans les années 40. On apprend qu’il a été arrêté puis déporté pendant la guerre. Grâce à cette passion, il fut pendant un temps gracié et protégé. Gaspar et Marya savent que l’officier qui le protégeait avait noté toutes les parties qu’ils avaient menées. Aussi, Gaspar et Marya partent en quête des retranscriptions.
Court roman très agréable à lire. On se prend au jeu de leur enquête. Le style est précis et direct. L’écriture est très visuelle. L’enquête apporte un supplément d’intérêt à ce récit.
Merci aux éditions Buchet-Chastel pour cette découverte !
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Au marais, près du pont de Renteria, le héron toujours là, à l’avant de la roselière, dans sa posture aérienne et silencieuse.
Sur le chevalet le pinceau de Basilio tente de peindre les secrets de la lumière, le mystère des ombres des gestes lents, le silence qui bruisse. Il tente d’accrocher le vivant à la toile.
La chemise blanche déchirée à l‘épaule porte des traces noirâtres et le sang d’un soldat. Comme les prémices d’une autre blessure.
L’avion allemand enfante ses bombes, elles tombent de son ventre métallique sur le village de Guernica un jour de marché où les rires éclataient, comme des fleurs du mal.
Au marais, le héron cendré s’envole apeuré. Il ne comprend pas ce géant , oiseau de l'enfer venu fendre la paix, le printemps plein de promesses.
Il y a cette bicyclette couchée dans la poussière dont la roue tourne dans le vide. À ce moment de ma lecture j’ai pensé à l’image de l’homme à la bicyclette fauchée par une mitraillette, ou je ne sais plus par quel bras de malheur, dans un village ukrainien au début de l’invasion russe.
La fragilité, la vie simple et paisible face à la force sombre, écrasante, sans âme. Une image qui raconte au-delà des mots.
Puis, sur le fil du mur du couvent, Basilio semble faire le héron, en équilibre instable entre l’instant d’avant et le présent sans plus d’horizon, avec sa chemise blessée à l’épaule.
Picasso le peintre mondialement connu et Basilio, l’artiste anonyme, ont tous deux peint le bombardement de Guernica. Chacun avec sa sensibilité, l’un par les échos, l’autre par sa présence discrète et si attentive. La toile de Basilio restera invisible aux visiteurs de l'exposition, mais pourtant si réelle au lecteur et sans doute à Picasso en visite dans ce roman.
Deux témoins pour tenter d’accrocher le vivant à la toile, et la mort aussi.
Un roman puissant par sa pudeur et sa poésie. Puisse l’art raconter pour ne pas oublier, pour ne pas recommencer.
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Le 26.04.86, la nuit tombait en effet sur Tchernobyl, sur Pripiat, sur l'Ukraine, et au-delà sur la planète entière, et 36 ans plus tard, personne n'est capable de dire ce qu'il se passe sous le sarcophage construit à la hâte sur la centrale toxique pour des centaines de milliers d'années, la guerre en Ukraine menaçant en prime de servir de détonateur au feu d'artifice final.
Gouri a vécu le feu nucléaire, avec sa femme, sa fille Ksenia, aujourd'hui malade de l'atome. Ecrivain public à Kiev, deux ans après l'incident mondialement minimisé, il souhaite rentrer chez lui, dans son appartement, d'où il a été éjecté avec tous les habitants de cette ville-modèle. Il a emporté tout ce qu'il a pu, gonflant même ses poches jusqu'au dernier moment de babioles et de menus objets, flacon de parfum, canif, loupe, coquillage, calculatrice. Il veut récupérer un souvenir, qui a peut-être échappé aux pillards, et lui rappelle ainsi qu'à sa fille, ces journées de printemps, aux bruits joyeux de la fête qui se prépare, aux tenues légères des femmes parlant entre elles, aux auto-tamponneuses qui s'apprêtent à tamponner.
A bord d'une vieille moto et d'une carriole, Gouri traverse la nuit, des forêts que la puissance évocatrice de l'auteur rend présentes, menaçantes, infectées au césium, rencontre des amis, des Samosioly, “ceux qui se sont installés d'eux-mêmes”, tels que les décrit Igor Kostine. La plume d'Antoine Chopin est légère et sensible. Ses images poétiques font mal. Un roman bref, fort, émouvant, qui tire des larmes à ceux qui savent que le nucléaire entraîne plus vite le monde à sa perte. Merci à Antoine Choplin !
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Guernica, Avril 1937, Basilio jeune garçon rêveur, peintre autodidacte est refusé pour combattre aux cotés des républicains, il se console dans la contemplation de la nature et plus particulièrement des hérons. Il en a peint plusieurs centaines mais il n'est toujours pas pleinement satisfait, ses tableaux ne rendent pas compte de ''la vie'' du volatile.
Il se lance dans une nouvelle esquisse pour Célestina, son amoureuse au moment même où la fureur se déchaine sur Guernica. Quelques jours plus tard, Picasso entreprend la réalisation de son tableau éponyme sans jamais se rendre dans la ville martyre.
Le roman interroge le témoignage et questionne sur le rôle de l'art, (de la peinture en particulier).
Comment raconter l'indicible ?
Comment montrer l'horreur ou peindre la vie ?
Qui est le mieux placé, le mieux armé pour le faire ?
Comment y parvenir : réalisme / symbolisme ?
L'écriture est très plaisante, pleine de délicatesse, de poésie. Les personnages baignent dans une folie légère qui les humanise et les rend très attachants.
Il y a plusieurs années, lors de ma première lecture, j'avais réellement adoré ce court récit, tout m'avait enthousiasmé. Pour cette seconde lecture, je suis moins tranché : la structure narrative me laisse davantage sur ma faim.
Un excellent roman malgré tout.
Cette re-lecture, illustre pour moi, le temps qui passe, la relativité de la critique selon les moments de vie, les moments de lecture. L'incidence de tout un environnement sur le ressenti.
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Mais qu est ce que je me suis embêté à suivre dans les montagnes ces personnages insipides qui crapahutent et marchent sans cesse direction les plaines. il n y a rien à dire puisqu'il n y a absolument rien dans cette non histoire. J avais vraiment bcp aimé "La nuit tombée" du même Antoine Choplin et je me faisais un plaisir d y retourner...des paysages, des dialogues vains et stériles, pas d histoire pas de personnages à part, je le dis, le vide un peu comme l écriture facile et sans accroche de l auteur. grosse déception :( c est la vie.
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Ernesto Guttierez se rend au palais de la Moneda dont il fait plusieurs fois le tour en marchant d'un bon pas, attirant ainsi l'attention des gardes de sécurité. Astronome de son métier, Ernesto a fait un long voyage de Quidico jusqu'à Santiago pour honorer un rendez-vous pris un mois plus tôt : il a demandé à la Fondation le remplacement de la lame de Schmidt nécessaire pour que, avec Walter, son vieux télescope des années 50, il puisse observer Magellan et continuer ses travaux. Déception ! Non seulement la lentille n'est pas arrivée, mais le dossier est au point mort. Comme il lui reste pas mal de temps avant de reprendre l'autobus qui le ramènera chez lui, il se promène en ville, et ses pas le portent, sans qu'il en soit vraiment conscient, jusqu'au musée de la Mémoire. Pourtant, il estimait ne plus rien avoir à y faire depuis qu'il avait reconnu Paulina sur une des photos du mur des disparus…
***
Partiellement nuageux, un roman d'Antoine Choplin, rappelle des événements historiques, d'abord sans y toucher, si j'ose dire, avant de nous plonger au coeur des conséquences qu'ils ont eues sur les Chiliens, quelle que soit leur appartenance politique. Ainsi, les horreurs de la dictature de Pinochet resurgissent dans l'esprit du lecteur qui suit les pas d'Ernesto grâce à l'évocation de bâtiments : le palais de la Moneda, d'abord, et la mention de la porte par laquelle « on avait évacué le corps sans vie d'Allende » quarante ans plus tôt, puis le musée de la Mémoire où se trouve le fameux mur des disparus, empli de photos des victimes de la dictature, de celles que l'on n'a jamais retrouvées. Antoine Choplin suggère magnifiquement le trouble et la douleur qui envahissent Ernesto au souvenir de Paulina, devant ce mur qui l'attire et lui fait horreur en même temps. C'est devant ce mur qu'il voit Ema pour la première fois, bouleversée elle aussi par cette expérience. Ils vont se plaire, entamer une relation délicate, se perdre et se retrouver. On comprend vite qu'Ema aussi porte une douleur. Tous les deux sont avares de mots, prudents, marqués à vie. En plus des traumatismes toujours très présents, Antoine Choplin survole plusieurs des thèmes qui effleurent le quotidien des Chiliens : l'expropriation des Mapuches, les excès de l'industrie forestière, l'omniprésence de la police, etc.
***
L'écriture d'Antoine Choplin est fine, subtile, précise et poétique. Ernesto, narrateur à la première personne, nous fait part avec pudeur des ses sentiments, nous fait partager la beauté des paysages, le réconfort qu'il trouve parfois dans le travail manuel, l'affection qu'il porte à Crabe, son chat… J'ai été particulièrement sensible à une métaphore que l'on retrouve plusieurs fois et dont toute la puissance ne s'est révélée pour moi qu'à la fin. Depuis la rive, Ernesto distingue l'île aux Morts, mais pas toujours, cela dépend en fait de la luminosité. Cette présence presque fantomatique de l'île rappelle le souvenir plus ou moins présent de Paulina qui tantôt habite Ernesto, tantôt s'estompe. Mais les totems que construit Diego, l'artiste mapuche, regarderont indéfiniment et sans siller l'île aux Morts, comme d'autres le mur des disparus. Un superbe roman dont je peine à rendre la délicatesse.
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