Citations de Arturo Pérez-Reverte (1137)
- Parce que le jeu d'échecs est en effet un succédané de la guerre ; mais aussi quelque chose de plus... Je veux parler du parricide - il leur jeta un regard gêné, comme s'il les suppliait de ne pas prendre au sérieux ce qu'il allait dire. Il s'agit de mettre en échec le roi, vous comprenez ?... De tuer le père. Je dirais que les échecs sont encore plus proches de l'art de l'assassinat que de l'art de la guerre.
En face de quelqu'un qui peut vous nuire, il y a autant de danger à en dire trop que pas assez.
" Les gens décents sont sur la ligne de feu, où ils se battent, conclut Montero. Ici ne sont restés que les embusqués qui ont fait main basse sur les usines et les ateliers, et les marins de l'escadre qui, après avoir liquidé tous leurs chefs et les officiers, ne sortent même pas en mer pour pêcher le thon. Ils ont formé ce qu'ils appellent des brigades de récupération prolétaire ; ils entrent de force dans les maisons sous prétexte de chercher les fascistes et embarquent tout ce qui a un peu de valeur... Avec leurs coups de crosse sur les portes des honnêtes gens, les nuits, ici, sont épouvantables."
L’être humain, cet infortuné accoutumé aux plaisirs grossiers, n’est éduqué que par la raison et la peur … ou plus exactement, par la peur des conséquences de l’insoumission à la raison et à ceux qui l’incarnent …
- Ne te trompe pas. Il existe des gens qui rêvent et ne font rien, et des gens qui rêvent et transforment ou tentent de transformer leurs rêves en réalité. C'est tout... Ensuite, la vie fait tourner sa roulette russe. Personne n'est responsable de rien.
Se vêtir n'était pas seulement commodité ou séduction. Pas même élégance , ou statut social, mais subtilités dans le statut social. Tu continues à me suivre ? ... Le vêtement peut-être état d'esprit, caractère, pouvoir. On s'habille comme on est ou comme on veut être, et c'est là qu'est toute la différence.
Souvent, sur un échiquier, ce ne sont pas deux écoles d'échecs qui s'opposent dans la bataille, mais deux philosophies... deux manières de concevoir le monde.
Je suppose que ça arrive à tous ceux qui ont atteint un certain degré de certitude... Tu as beaucoup de certitudes, Max?
- Peu. Je sais seulement que les hommes doutent, se souviennent et meurent.
- Ça doit être ça. C'est le doute qui maintient les gens jeunes. La certitude est comme un virus sournois. Elle est contagieuse et c'est elle qui rend vieux.
Elle a reposé la main sur la nappe. La peau tachetée par la vie et les ans.
- Tu as dit "souvenirs". Les hommes se souviennent et meurent.
-À mon âge, oui, confirme-t-il. Il n'y a plus que ça.
- Et les doutes?
- Je n'en ai guère. Seulement des incertitudes, ce qui n'est pas la même chose.
- Et moi, qu'est-ce que je te rappelle?
- Des femmes que j'ai oubliées.
Une ville est toujours neutre, se rappela-t-il. Comme le sont la nuit ou la jungle. C'était ce que lui avait dit Rudi Kreiser, l'un de ses instructeurs de la Gestapo, pendant un cours sur les techniques modernes d'autodéfense qu'il avait suivi à Berlin. Même le côté pour lequel penche la ville dépend de toi, soutenait Kreiser, et Falcô savait que c'était vrai. Un centre urbain populeux comme Tanger ne dérogeait pas à la règle : tout territoire peut être un allié ou un ennemi, selon l'entraînement et les intentions de celui qui s'y déplace.
À proximité de l'hôtel, il s arrêta donc et retourna sur ses pas, attentif. Personne ne le suivait. Puis il passa par une rue étroite surplombée d'un vieil arc mauresque et posa la main sur la crosse de son arme quand un Marocain vêtu d'un bumous et coiffé d'un fez passa tout près de lui. Il se rappela alors un proverbe entendu dans les Balkans : « Quand le risque est grand d'être emporté par les eaux, accroche-toi même au diable jusqu'à l'autre bout du pont. » II savait que le moyen le plus sûr de traverser un pont est d'être son propre diable.
J’ai découvert que la guerre, c’est un peu d’action et beaucoup, beaucoup trop d’attente. On te fait lever avant le jour, on te promène en long et en large, on te conduit sur un champ de bataille sans que tu puisses comprendre qui est en train de gagner ou de perdre… Il y a des escarmouches, tu t’ennuies, tu es fatigué. Mais personne ne peut te garantir que, quand tout aura été terminé, ta contribution au résultat final aura eu quelque valeur. Il y a même des tas de soldats qui assistent à une bataille sans tirer un seul coup de feu, sans donner un seul coup de sabre.
Certains employeurs stupides ont tendance à confondre l'intérêt pour un travail avec une prédisposition à gagner moins pour l'exécuter.
Le destin est un chasseur patient. Certains hasards sont écrits de longue date, comme des francs-tireurs aux aguets, un oeil sur le viseur et un doigt sur la détente, dans l'attente du moment opportun. Et ce hasard-là, sans aucun doute, l'était. Un de ces innombrables faux hasards planifiés par ce Destin retors, ironique, amateur de pirouettes. Ou quelque chose comme ça. Une espèce de dieu capricieux et impitoyable, passablement farceur.
- Plus encore que vous ne croyez, Bach, comme beaucoup d'artistes, aimait jouer de tours. Il recourait constamment à des stratagèmes pour tromper son auditoire : espiègleries avec des notes et des lettres, variations ingénieuses, fugues insolites et, par-dessus tout, un grand sens de l'humour... Par exemple, dans une de ses compositions à six voix, il introduit en catimini son propre nom, réparti entre deux des voix supérieures. Mais ces choses n'existaient pas seulement en musique : Lewis Caroll, qui était mathématicien et écrivain en plus d'être un grand amateur d'échecs, affectionnait les acrostiches... Il existe des manières fort habiles de cacher des choses dans une pièce de musique, dans un poème ou dans un tableau.
Le graffiti est l'oeuvre d'art la plus honnête, parce que celui qui le fait n'en profite pas. Il n'a rien à voir avec la perversion du marché. C'est un coup de feu asocial qui frappe en pleine moelle. Et même si, plus tard, l'artiste finit par se vendre, l'oeuvre faite dans la rue y reste et ne se vend jamais. Elle peut être détruite, mais pas vendue.
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- (...) Voyez plutôt - il tendit la main vers la table, prit un papier et un crayon, puis écrivit quelques lignes qu'il montra ensuite à Munoz. Regardez-moi ceci, je vous prie.
Le joueur d'échecs lut à haute voix :
- "La phrase que j'écris en ce moment est celle que vous lisez en ce moment..." - il regarda Belmonte, surpris. Oui, et puis ?
- C'est tout. J'ai écris cette phrase il y a une minute et demie et vous venez de la lire, il n'y a que quarante secondes. En d'autres termes, mon écriture et votre lecture correspondent à des moments différents. Mais sur le papier, "ce moment" et "ce moment" sont indubitablement "le même moment"... Donc la phrase est à la fois vraie et fausse... Ou est-ce le concept de temps que nous laissons de côté ?... N'est-ce pas un bon exemple de paradoxe ?
On dit que la vraie patrie d'un homme est son enfance.
Apres tout, murmura t-il sans s'adresser à personne en particulier, les échecs sont une combinaison de pulsions agressives...
Les chiens durs ne dansent pas.
Elle le regarda avec dédain. De très haut. Il fallait avoir mille ans, se dit Falco, pour pouvoir regarder ainsi.
J'écris pour vivre des choses que je n'ai pas vécu, aimer des femmes que je n'ai pas pu aimer, tuer les hommes que je me suis retenu d'assassiner.