AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Bernard Noël (279)


Là où furent l'enfance et le premier regard, il ne reste rien qu'un vivant encore vivant.
Commenter  J’apprécie          40
Tombeau de Lunven



10

ce trou dans le dos ces flancs déchirés
ces masses sanieuses pleines de sang
le bassin broyé par je ne sais quoi
on sent que souffle ici une épouvante
mais à qui ce corps noyé dans l’espace
il fut jeté là après le supplice
vague espoir de découvrir par ici
l’acte risqué d’une conjuration
mais rien ne peut changer l’irréversible
et ta mort en est la confirmation
son manque garde en vie le disparu
il respire de me couper le souffle
il est là soudain de n’être plus là
brusque violence et seulement intime
pas même alors une image présente
pourtant quelque chose est venu en tête
a serré la gorge et saisi le cœur
puis tout se retire à perte de souffle
comme lentement arraché au corps
le visiteur reste dans les parages
puis s’écarte comme on ferme les yeux
Commenter  J’apprécie          40
Ma terre est une immense terrasse au bout de laquelle il y a le ciel; puis le ciel et la mer quand j'ai fait quelques pas. Le sol est dallé de marbre blanc veiné de gris, de telle sorte qu'on dirait la surface du lait. De grands squelettes y flottent, qui semblent moins des sculptures de fer que des rapaces desséchés. Et le ciel, à travers les os noirs, est d'un bleu solide - une espèce de carrière verticale où l'on aimerait tailler des blocs transparents et durs pour s'y bâtir un escalier.
Commenter  J’apprécie          40
p33

Rien n'est pur, et surtout pas ce rapport à l'autre qui est soi. Aussi, en regardant la liste de mes livres, je n'éprouve que gêne : je suis celui qui vit et qui écrira encore malgré "ça", qui écrira à cause de l'insuffisance de ça par rapport à l tentation ambiguë de rejoindre en lui-même le mort qu'il est déjà pour renaître derrière lui. J'ai toujours rêvé de me voir de dos, comme si je pouvais voir ainsi s'éloigner de moi le mort que je suis. J'écris pur cette rencontre et pour lui échapper, car je sais bien que l'identité du vivant et de l'écrivain n'aura lieu qu'une fois, très exactement à l'instant de ma mort, car je mourrai à la fois dans mon corps et sous mon nom. En commençant, je voulais parler des livres que j'avais détruits et des livres dont il me semble que je dois les écrire. Ces livres se ressemblent dans la mesure où les uns n'existent plus et les autres n'existent pas, et sans doute ces deux absences de sens contraire tracent-elles mieux que n'importe quoi la figure que je cherche, que je me cherche.
Commenter  J’apprécie          40
Bernard Noël
Qu’est-ce que la poésie ? C’est d’abord pour celui qui la pratique la déception de ne pouvoir jamais aller jusqu’au bout - ou du moins de ne jamais pouvoir s’y tenir - alors qu’il a semblé que, cette fois, l’enjeu mettait réellement aux prises le réel et l’artifice jusqu’à promettre l’épuisement de ce dernier au bénéfice d’un saut enfin réussi dans l’indiscutable et le définitif.
Commenter  J’apprécie          40
La poésie n'est pas visuelle mais elle est obsédée par le visuel.
Commenter  J’apprécie          40
Nous avons, selon vos instructions, pratiqué le désespoir que conteste le Nous et pratiqué obstinément le Nous, qui est la négation du désespoir : cet exercice a fini par ouvrir le gouffre noir où se fracassent et s’annulent les contradictions. Nous n’irons pas demain accomplir un acte politique mais l’acte excessif qui unira des corps insupportablement uniques. Nous le préférons à la ­dissolution qu’opère fatalement la vie. Nous allons nous retirer maintenant afin de préparer ce qui doit l’être (…). Nous serrons les mains, nous partageons l’émotion et le goût amer du temps.
Commenter  J’apprécie          40
qui
qui donc voudrait
sentir sur la peau de ses yeux
autre chose que le vide du monde
l'aile a le même besoin
d'abîme et nous passons dans
l'air oubliant
que la vérité se tue elle-même
Commenter  J’apprécie          40
L'invention géniale du pouvoir économique est de nous combler avec le trou qu'il creuse en nous et d'installer là un spectacle, qui nous donne à consommer béatement notre propre mort.
Commenter  J’apprécie          40
Notre époque est en crise parce que les individus voudraient aller vers le sens, mais que leur appartenance au corps économique ne les porte que vers la consommation, qui est seulement mortalité.
Les artistes, les écrivains, sont les derniers à pratiquer une activité qui donne un sens à la vie...
Commenter  J’apprécie          40
Césaire d'Heisterbach s'en alla dans la forêt et il n'en revint pas : il avait oublié le temps en écoutant chanter un oiseau.
Commenter  J’apprécie          40
Dans l’univers de la communication, tous les mots sont piégés à commencer par le mot « communication» lui-même qui, il n’y a pas si longtemps, désignait la meilleure part de la relation entre les humains : il s‘auréolait ainsi d’un caractère sacré alors qu’il nomme désormais un espace d’échange où comptent seulement la propagande et le commerce.
Commenter  J’apprécie          40
Arbre n° 44
Cette impression de te connaître me rend perplexe et surtout me dérange. Bon ! Me dis-je, tous les arbres à première vue se ressemblent, mais cette banalité me révolte contre moi-même, et je te regarde, et j'admire l'élégante manière qu'ont tes branches de s'aligner les unes au-dessus des autres, chacune respectant l'étirement de sa voisine. Rien que de normal, sembles-tu dire modestement, et je recule pour mieux voir les claire-voies qui se dessinent à contre-ciel. Là-dessus, j'aimerais, entre nous, un peu plus d'intimité et savoir qui sont ces boules pendues à tes rameaux alors que la saison n'est pas encore aux fruits. Comment demander à un arbre son secret d'arbre ? Mes yeux ont beau faire, tu demeures indifférent et c'est en vain que j'allonge mes bras pour qu'ils ressemblent à tes branches. Bientôt, découragé, je te tourne le dos, et je rentre chez moi, dans mon espace humain, rien que humain.
Commenter  J’apprécie          30
Arbre n° 35
Quelle majesté, quelle prestance ! Mon regard te fixe et s'arrête, plein d'un respect qui, bientôt, se mêle de curiosité. Voici qu'il s'interroge tout à coup et se demande si tu es vraiment nimbé de cette gloire de privilégié ou s'il en provoque lui-même l'impression pour agrémenter la journée d'une rencontre marquante ? C'est que les jours sont bien ternes quand on en est réduit à la seule intimité avec soi-même, et qu'il importe de valoriser chaque rencontre. Ainsi, te parer d'un nimbe royal introduit dans la journée une fréquentation exceptionnelle et tu ne saurais, bien sûr, t'en plaindre. La conscience a beau me souffler que tu ignores mon regard, je suis sûr que, s'il ne change rien pourtant à ta condition, tu le préfères respectueux et admiratif que méchamment agressif ou indifférent...
Commenter  J’apprécie          31
Quand le regard insiste au lieu de se contenter de nommer, d'identifier, ce qui est là, devant lui, son objet devient sujet et développe sa présence. Il n'était d'abord qu'une forme, il devient quelqu'un, et cela quelle que soit sa nature. Aussitôt, l'espace change autour de lui car il cesse d'être neutre pour devenir relation. Celui qui regarde perçoit alors la distance entre lui et l'autre comme une extension corporelle de son intériorité qui, subitement, va jusqu'où vont ses yeux.
Commenter  J’apprécie          30
Il y a bien sûr de l’instantané dans la manière dont le regard fixe une image si bien que tout mouvement y paraît suspendu. Bien sûr, dira quelqu’un mais n'est-ce pas le cas des arbres qui sont naturellement immobiles? C'est vrai et c'est faux car chaque arbre est un bouquet de branches et que celui-ci tressaille sans cesse et vibre et s'anime et palpite sans qu'aucun souffle ne l'agite. D'ailleurs pour peu qu'il se fasse un instant contemplatif, le regard perçoit dans la verticalité toujours en train de s'épanouir un accord si intime avec l'espace qu'il en émane une entente communicative - un apaisement.
Commenter  J’apprécie          30
Des cris. Ils recommencent encore. Je les entends, et pourtant je n'entends rien. Je voudrais savoir ce qu'ils disent. Je l'ai su. Je cherche ce qui les censure en moi, maintenant. Des cris, comme d'une femme rendue folle. En les écoutant je me disais: il ne doit rien se passer ici. Il ne se passait rien que ces cris. La nuit. J'avais peur et j'avais raison d'avoir peur. Sale bicot, m'avaient dit les gardiens.

(L'outrage aux mots)
Commenter  J’apprécie          30
à Robert Maguire



1
extrait 12

Au commencement, l’œil visita la moelle, et je naquis.
Un sexe émergea à l’opposé de l’œil pour regarder le
temps, et lentement, la moelle fila une pelote de nerfs
autour de laquelle les heures vinrent s’égoutter. Ce fut
le ventre. L’eau eut alors soif de se saisir, et elle
condensa la peau. Le mou engendra son contraire, et
l’os parut. Il y eut un dedans et il y eut un dehors, mais
le dedans contenait son propre dehors qui disait moi
pendant qu’il disait je. L’œil les mit au noir et se tourna
vers le dehors dehors. J’eus un visage, un volume, un
corps. Je fus un plein, qui allait toujours de l’avant.
Mais voici que mon œil s’est inverti. Maintenant, je
vois derrière, maintenant je suis creux, et mon corps est
à recommencer.
Commenter  J’apprécie          30
La Commune est plus durable qu'elle n'a duré, de sorte que sa lumière voyage encore. 
Commenter  J’apprécie          30
L'idée de la coopérative semble être née spontanément chez les artisans parisiens dans les années 1830 et avoir dû sa popularité au fait qu’elle promettait une révolution non violente : il ne s’agissait pas de déposséder les patrons, mais de les ruiner par une concurrence loyale, la coopérative permettant de vendre moins cher, les prix étant calculé au plus juste et n'ayant pas à subir la majoration due au profit du patron. 
Commenter  J’apprécie          30



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Bernard Noël (307)Voir plus

Quiz Voir plus

Quel auteur inventa ces mots ?

On dit qu'il a introduit le mot spleen dans la littérature française Indice : Trop Fastoche

François Rabelais
Louis-Ferdinand Céline
Eugène Ionesco
Hervé Bazin
Henri Michaux
Marguerite Yourcenar
Arthur Rimbaud
Henri Troyat
Charles Baudelaire
Boris Vian

10 questions
21 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}