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Citations de Dominique Sampiero (165)


         
Elle coiffe la neige. Elle peigne de très longs cheveux qu'elle a eu, très jeune, tout blancs. C'est son immensité apprivoisée, couchée, soyeuse, au bout des doigts, c'est tout son amour devenu cette grande eau calme, sa chevelure. Elle coiffe la neige comme un hiver reçu en pleine poitrine, en plein visage, dans la douceur d'être là, elle coiffe toute sa mort comme une présence dont elle n'a plus peur, dont elle n'a plus rien à craindre, à dire. Elle coiffe la neige, les doigts bleuis, mais c'est le mauvais sang, la fatigue, une magnifique blessure de vivre. Entre ses doigts et ses cheveux glisse une sorte d'amour. Une multitude couchée dans le sang. Une chaleur d'avant la mort, d'avant la vie.
Elle coiffe la neige et son enfance, le cri du loup, les yeux du renard dans les fourrés, le nez pointu, humide de la belette, le sang de ses règles — cerise dans le bec du merle — elle coiffe la neige, et tous ses coffres, ses mystères, ses secrets, la neige qui n'est plus froide, ni blanche, mais bleue avec des reflets or : les yeux de l'homme qu'elle aime et dont le corps est froid maintenant sous terre, si chaud dans la mémoire de ses cheveux. Elle coiffe la neige, c'est comme un long miroir, le calice de son ombre, toute sa vie là, ses moindres gestes, ses moindres frissons, ses mains sont belles dans ce mouvement-là, et tout son visage, elle est dans l'éternité de son âge, suspendue à l'électricité dans l'air qui déclenche le mouvement de sa fourrure.
Elle coiffe la neige, les saisons, le temps qui passe, doux et bel amant penchant la tête sur son épaule : elle ne veut rien d'autre que cette douceur, cet abandon à la prière muette. Elle coiffe la neige, oui, c'est cela, elle prie, si prier est cette lenteur retrouvée, cet écarquillement de soi, douceur des larmes dans les mains, la voix, douceur de n'être rien dans la plus sereine et la plus intime des secondes. Elle coiffe la neige, le blanc cadran de l'horloge, les chiffres tombent comme dans Alice au Pays des Merveilles, elle entre dans l'immémorial.
Elle coiffe la neige, c'est une longue marche dans les champs, un dépouillement, elle coiffe le ciel blanc de son coeur, la terre oubliée des moissons où l'horizon pourtant s'incline, se recueille, comme avant le déferlement, elle coiffe la neige qui sait tout à coup qu'elle est la neige, la neige pour fondre et mourir, mais elle n'est pas triste, seulement attentive. ...         
         
'Trois portraits de mains', 1 (extraits, pp. 79-80)
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Je t’ai perdue dans le chaos du quotidien, et dans mon cœur tu prends la place d’un immense pré sous l’orage. Mes caresses sont des branches arrachées aux arbres, tes baisers, des nids abandonnés par les oiseaux, ma tristesse, une immense flaque cachée sous l’herbe.
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Dominique Sampiero
Il y a des livres que j'achète pour leur odeur. Leur titre. Leur velouté entre mes mains. Ou les premières phrases du premier chapitre. Puis je les pose dans un coin. Je les oublie. Quand je les retrouve, j'ai toujours une légère peur.Et si j'étais déçu? Cela arrive. Le moment est mal choisi. Il faut attendre encore. Il m'est arrive de lire un livre deux, trois, quatre ans après l'avoir acheté. La rencontre se faisait à nouveau, brutale,comme une étreinte.
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Retrouver le silence et ses mouvements de ciel au fond du corps. Les laves de nuages, d'averses endormies. Passer en faisant le moins de bruit possible, fossile de sa propre chair, l'oreille tendue aux chuchotements de ce qui va mourir, écorces, feuillages et mouches.

Apprendre à vivre avec le peu, le presque rien, au bord, jusqu'à ce que le froid, en raidissant la chair, brise tous les visages sur le miroir gelé des étangs.
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Comment parler de la mort et peut-être l'apprivoiser sans avoir peur d'elle, ni de ce qu'elle nous retire, en pensant à ce qu'elle ajoute à tout ce qui manque ?
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L’aile du ciel est grise avec des reflets mauves et quand il pleut enfin, c’est une nuée de lumière se couchant sur l’herbe pour l’embrasser.
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Dominique Sampiero
Du coin de l'oeil
j'essaie de ne pas couler

de rester à la surface
exacerbée de la matière

repoussant des mains
la marée haute des sables mouvants

Seules les parois du texte
me tiennent

Et toi

(" Inventaire du vide comme neige et fleurs non répertoriées")
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épreuve de la pluie
 
La pluie est une présence. On écrit cette phrase et on se sent moins seul. Je ne parle pas d'une solitude qui suppose l'attente d'un amour. Je parle de celle plus drue et plus noire de l'origine. La solitude inouïe d'être séparé. D'être là. D'être.
On écrit cette phrase et l'on tremble.
C'est parce que l'on rassemble en soi les fragments de la nuit pure, et qu'en fermant les yeux, toutes les images se referment.
C'est parce qu'une floraison à l'envers est venue clore nos lèvres et qu'aucun son ne jaillit hormis ce crissement de l'encre.
Rien, à peine. Une main sur une étoffe. Une rumeur de coquillage posée sur l'oreille quand les fleuves nous rentrent dedans, en chuchotant, écarquillant les veines, ouvrant le coeur au saccage de tous les flots.
Ce coquillage n'existe pas. Ou alors c'est la page blanche. Y posant l'oreille, on entend les loups, les chevaux, le galop des hommes sur la terre pour en faire le tour, l'apprivoiser, terre plus ronde que le ventre des femmes, enfouissant nos mains, nos pieds pour une autre naissance, portant la pourriture à sa douceur extrême : toute enveloppe nous lâche, nous abandonne et c'est cela la nudité, encore, qu'aucun vêtement ne cache, la nudité du silence le plus simple chez quelqu'un qui sait à peine parler. La nudité qu'aucun mot n'enferme et qu'il est impossible de nommer. La sainte nudité, l'enfant du monde en notre ventre, hommes et femmes comme les branches d'un même arbre dans le rosier de la lumière.
La pluie coule sur le corps du jour et le lave telle une amoureuse. Elle offre ses mains à ses épaules, à son dos, il se frotte contre elle et quand il s'incline, c'est la nuit qui s'allonge ici, des millions de feuilles jonchent le sol : un peu de rouille dans la bouche. C'est la même nudité que la pluie. La même nudité que le front des morts, le sel des étoiles, le mouvement de l'océan contre la falaise, le sable immense d'un désert, une terre labourée, la toison des brebis, la main ouverte d'un amour, la lèvre du ventre et la lèvre du visage, la même nudité que celle du dieu séparant les eaux pour son propre baptême, créant avec son ombre la ligne de partage entre le ciel et la terre, le blanc et le noir, le dedans et le dehors, couchant sur le corps de l'homme le relief de la femme, fermant toute chose dans l'oeuf de son contraire, pour l'éternité, la même nudité que le néant dans le regard des pauvres qui nous brûle de tout ce que nous n'avons pas donné.
 
pp. 29-30
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Comme la brume et les nuages, Dieu aime le sommet des arbres. Il a créé les troncs et les branches basses, des écorces rugueuses faciles à saisir, et les enfants y grimpent de toutes leurs mains. Il endort ces jeunes ouailles sur la fourche la plus large pour qu’elles apprennent dans leurs rêves à voler. Puis le diable les réveille en sursaut et les incite à cracher sur les gens qui passent. Quand ils visent bien, le diable rit dans son terrier et avale toute une couvée de perdreaux en rotant. Ceux qui ne croient ni en Dieu ni au diable abattent les arbres à la tronçonneuse.
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Se taire n’est pas une prison. C’est un jardin de racines, de mouvements cachés, de petites morts qui ressemblent à l’hiver. Le refus accumule tout ce qui se dérobe dans le feu vif de l’instant et consume les lèvres, le palais, la gorge, poussant la nuit à descendre plus bas dans le corps, là où le vertige est une lointaine rumeur, dans les tréfonds du sang buveur de vin et de silence.
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Il suffirait de plier doucement
à l'intérieur de soi
comme font les arbres
avant de tomber
juste plier
comme on plie un livre
entre les mots
les feuilles de papier
ou le matin dans sa poche
pour se souvenir
de la lumière
capable d'inonder nos yeux
de trouées matinales et d'espoir
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Chaque regard porté sur le chemin, sur la maison de l'autre côté du trottoir, l'arbre devant la porte, oui, chaque regard donne une direction, un mouvement, quelque chose comme une joie simple.

Et même assis pour écrire, j'ai l'impression d'avancer, d'être là, tout simplement, au cœur du foisonnement qui pousse la sève au printemps à grimper dans les écorces, pour redescendre sous terre à l'automne, le même élan, le même désir de racine dans le terreau de ne rien posséder, ni moi, ni rien, ni les autres.
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Il y a des livres que j'achète pour leur odeur. Leur titre. Leur velouté entre mes mains. Ou les premières phrases du premier chapitre. Puis je les pose dans un coin. Je les oublie. quand je les retrouve, j'ai toujours une légère peur. Une sorte d'appréhension, la même peut-être que celle ressentie au rendez-vous donné à une fille qu'on a vue une fois : et si j'étais déçu ? Cela arrive. Le moment est mal choisi. Il faut attendre encore. Il m'est arrivé de lire un livre deux, trois ou quatre ans après l'avoir acheté. La rencontre se faisait à nouveau, brutale, comme une étreinte. (p.49-50)
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Je n'ai pas envie de ressusciter la volonté, mais plutôt de me laisser dévaster par elle. Ouvrir les vannes de ce qui arrive et qu'enfin les personnages s'enfuient, m'échappent, tentent leur suicide. Ou le meurtre de l'auteur. (p. 76-77)
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Je pense à cet homme que je croise chaque matin. je voudrais que ma main et mon souffle ne s'arrêtent plus pour parler de lui, et pourtant je le connais à peine. (...)

Voilà des jours, des mois, et peut-être au plus loin que je me souvienne, voilà des années que je rêve de dire à cet homme: j'aimerais vous parler, et entrer chez vous quelques heures, pour rien, pour bavarder. Je ne le fais pas. (p.15-16)
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La douleur parle
à la nuit
qui s'est enfouie
en elle
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[...] longtemps se taisent ceux qui ne connaissaient pas les contours de leur savoir.
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peut-être que la lumière se fera si rare qu'il nous sera enfin possible d'aimer.
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Il suffirait d'ouvrir les mains
les fenêtres les volets
de laisser les horloges s'arrêter
franchir du regard la baie vitrée
pour accrocher avec une ficelle
son chagrin de peau au ciel
comme un cerf-volant
taché du rouge des roses et des coquelicots
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Ça sent la nuit
à l'endroit où le silence
ferme la porte
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