Citations de Dominique Sampiero (166)
Extrait 2
Un matin, j’ai ouvert toutes les portes de la
maison et j’ai invité le nuage le plus animal à
entrer. Puis j’ai décroché ta petite robe noire
de son cintre de bois clair dans l’armoire
cirée où dorment encore toutes tes
enveloppes.
Extrait 1
Tous les ans au printemps, j’ai peur de
mourir. Et je ne meurs pas. Je me noie
dans une fatigue sans
fond.
J’ai beau dormir, me retourner en long
en large dans mon lit, le goût de vivre
me résiste. Une mémoire obscure se
glisse dans ma chambre d’ombre.
De la lumière tombe goutte à goutte
sur la peau des vitres, friable comme le
sourire de l’air. Il pleut du ciel quand le
ciel se sent seul. La pluie fait de moi
un esclave de la fenêtre
Demain, j'ouvrirai la fenêtre de ta chambre et tu verras le ciel caresser la terre, les arbres, les montagnes. Et de la neige autour.
Si tu as peur au début et un peu froid, on t'achètera des pull-overs, des laines polaires, des écharpes et des bonnets. Plein de bonnets.
Mais aussi, Lola, je te le promets, un billet, oui un billet d'avion pour ici, notre pays de flaques et de moussons. Je te le promets.
Un paysage est une langue maternelle dont on ne se débarrasse jamais, il couve dans les lignes de nos mains, dans notre souffle, dans notre façon de boiter.A l'intérieur, on parle d'ascèse.Moi, je bois à longs traits cet équilibre du dedans tracé par une main qui aime la chair des femmes.
Equilibre du blanc.
Mais est-ce un bourreau cette petite mort,
cette déchirure, tu dis des choses d'encre, des choses voûtées sur le sens, comme les parois d'une caverne, et tu tournes dans cette spirale qui t'enfonce un peu plus dans la rencontre.
Les mots tu t'en sers pour oublier les mots, leur cortège somptueux d'or et de non-dit, en striant ainsi le passage d'un quelque chose qui avance, dans la blancheur où se tenait immobile le ventre, est-ce le centre, le ventre de la page.
Centre éphémère, extrait.
Les glaces ont délivré la rivière
qui coule ici, entre ces lignes
elle aimerait nous prendre
dans la blessure
ou simplement nous pénétrer
comme s'avancent parfois dans la lumière
les grandes traînées de l'enfance,
Petite Ourse ou Voie Lactée
fracture de l'eclipse.
autour des pupilles le plein et le vide façonnent le cœur de la nuit.
J'avance péniblement dans une histoire qui...m'écarquille, déclenche une hémorragie de mots, de phrases
Tout le monde chante : Joyeux anniversaire ! Même les gens de la table voisine. Je fais un voeu, chut, c'est un secret, et je souffle les six bougies, de toutes mes forces.
Tout le ciel remonte à la surface avec une belle lumière pour guérir, m’envoler, germer et renaître. Pourquoi résister à la légèreté qui me dépossède.
Les leçons du ciel sont innombrables, à peine des murmures de lumière, des bruissements de rien.
Le ciel est trop vaste, on a peur, il faut apprendre à laisser entrer ce parfum sans parfum, cette image sans image, cette présence sans présence, une douceur contemplative sommeille au cœur de la sauvagerie, un désir sans corps, sans bord à caresser, un tourbillon dans le remuement des arbres. Je sais qu’on ne peut pas boire le ciel mais être bu par lui, oui. Le vertige ensuite est doux comme le sommeil’
Mon corps a pris la forme
Mon corps a pris la forme de tout ce qu’il pensait.
De tout ce qu’il voyait. J’étais la carpe enlisée
dans la vase-ténèbres des profondeurs.
La mésange couchée sur ses petits
sous le couvercle d’une pompe à eau.
Le chien fou du voisin hurlant après les ombres.
Le vieil homme qui avait perdu ses clefs
obligé de dormir toute une nuit dans sa voiture.
L’enfant rouge et nu tétant sa mère aux seins gorgés d’amour.
L’arbre penché sur ses racines méditant, immobile
la patience du monde.
Des phrases suintent des murs
Des phrases suintent des murs ou du plafond
de mon crâne. Des mots en forme de grenouille
ou de têtards. Des grappes gluantes
d’idées informes et de pensées imprononçables
s’enfuient des herbes remuées par le courant.
Mon souffle se colle aux nuages qui cachent
la lumière. Je lisse la pierre de lait de ma page
frissonner sous les mouvements du ciel
et cueillir les ombres venues s’y frotter.
J’ai appris ça dans l’enfance. Ne rien faire
attendre. Les murmures nous prennent
tôt ou tard dans leurs bras.
Nous sommes infirmes et infinis. Nous boitons entre le néant et le ciel, le monstre et le saint, la flaque et l'étoile.
Quand une couleur apparaît, c'est l'ange qui tue Dieu pour que nous pensions à lui.
Tu es mon mot, mon pauvre mot…
Tu es mon mot, mon pauvre mot de manège et de tournantes
impures, quand on a mal à son arbre, à l’écorce des bras
du dedans quand on serre contre soi des fantômes de silence
des plages entières où l’on se souvient d’avoir marché
avant d’être nommé.
Tu es mon mot d’avant le mot, c’est toi ce grand vent
qui déchire toutes les phrases, mon impuissance
à te contenir dans un seul souffle, un seul geste
rosier dans ma gorge d’enfant tombé dans le puits d’osier
pour ne jamais dormir les yeux fermés.
...
Sa carcasse est une cage pleine d'oiseaux affolés, de souvenirs qui se débattent entre les barreaux de sa douleur.
( p 40)
Demain n'est pas un autre jour.
( p.57)
Le rebutant hait la ville et son vouloir d'homme à cacher le ciel, la terre, avec des édifices, des tours, des constructions où le regard s'écrase. Il essaie de dissimuler sa panique et sa rage.
Le rebutant est là. Son esprit n'est pas là. C'est comme dormir debout.Il imagine que cet engourdissement, cette absence dans les actes, il imagine que ce coma invisible et provisoire ne dure que pour permettre un nouvel élan.
Mais est-il besoin d'élan pour vivre?
( p.48)
Je dors avec un jardin sauvage
dans les yeux
Le jardin de la Chartreuse des femmes
Des herbes rousses sur des corps
en poussière
Des groseilles à maquereaux géantes
Des fleurs de lèvres mauves
entre les herbes folles
Et je ne sais pas moi
Une présence emmurée de ciel
Un vieux mur de pierres blanches
comme la peau des saintes
Coiffé de briques ouvrières
Se déhanche en silence mais pas vraiment
"J'ai travaillé trop tard hier soir.
Ecrire me crée. Me tue. Je suis un voleur."