Dominique Sampiero

L'insomnie est une nuit qui refuse d'oublier sa présence.

Parfois j'écris en travers comme la pluie sur les vitres. C'est bizarre, non ? Je ne suis pas une héroïne, mais écrire mon histoire m'aide à trouver la vie plus belle.

dans mon corps de feuille morte, tomber dure plus longtemps que vivre et cette chute apprend à mes mains la légèreté de l'ailleurs, cet autre corps dans la lumière. Tout ce que je touche s'échappe. Tout ce qui me rejoint me traverse.

Extrait 7



J’ai attendu sous la coque nocturne du bateau de
cendre, là où l’on avait tant navigué, là où la houle
de nos caresses griffe encore la poussière de cette
fièvre noire, épaisse comme le néant sous le lit, j’ai
attendu que ton corps me murmure, me supplie de
te serrer dans mes bras.

La saveur de la nuit
contient toutes nos paroles

La clarté n'est jamais une victoire mais un surgissement dans l'abandon, le frottement, la vive usure.

Un jour nous franchissons le souffle du premier amour,
Et l'innocence dort entre nos mains
Comme un million d'étoiles sous la voûte .

Quand il y a trop de silence, elle marche, claque les portes, fait du bruit, c'est insupportable.
Quand le jour revient, elle se sent moins seule.
Le ciel lui fait quelqu'un encore, une présence sur la chaise, le mur, partout dans la maison. (p.46 - La Lumière du deuil- )

Je suis né la nuit
laissant ma mère ouverte
à toutes ses ombres

Je viens d'un pays où on roule les r et les cigarettes . Mais je chuchote parce qu'Ici on ne parle pas comme Là-bas . J'apprends le français , un mot par-ci , par-là , je serre les mains pour dire bonjour et je dis merci au lieu d'au-revoir .

Tu es ma corde…



Tu es ma corde, mon échelle de Jacob, ma tour de babil
ma syllabe vêtue d’abîme, je te porte dans mon ventre
ou dans mes yeux, tu vas et viens dans mon corps
dans le flux de mes vies dont je sais ton éclipse à vif
sous ma peau, ton toucher d’horizon pour ne rien détruire.

Tu répares mes remords, puis mes doutes puis mes envies
tu m’accordes des réponses sans queue ni tête que je prends de
face pour des fenêtres, des ouvertures dans le ciel vers toi
ou dans la terre, entre les laves des corps et des rivières.
…

La tendresse d'être nu et seul au monde dévaste, dans son regard, toute forme d'orgueil et de dureté. Toute mémoire. Toute appartenance à l'ordre des choses.

( p.25)

Il tient les autres à distance dans ses gestes.Dans son corps. Sa pauvreté est une rage, un refus d'assumer l' histoire.

Puis je suis revenu sur mes pas au printemps et à l'automne comme pour percer un mystère. En méditant sur les gestes et les mouvements des femmes entre ces murs, j'ai entendu des voix, des chuchotements. Un désir de parole.

Sa berceuse préférée, il l'entend une oreille collée sur le tronc des arbres. Presque rien. Battement de cils des nuages. Sa baraque est meublée de bricoles ramassées sur les trottoirs " le jour des monstres ". C'est ainsi que les autochtones baptisent l'activité qui consiste, une fois par an, à vider sa maison des encombrants.

Celui qui dit les mots avec sa bouche est la nuque bleutée du vide enveloppée de chagrins en écharpe, puis de rires où la vacuité tinte.

Ces livres qui brûlent entre nos mains, nous sommes nombreux à les caresser quand vient la nuit.Chaque page nous anime peu à peu du linceul qui nous tiendra dans la force du sommeil, plus droit, plus grand que notre besoin d'amour.

qui scrute la nuit voit enfin la page blanche

J'ai l'impression que ma mère lit en moi par-dessus mon épaule et comme dans un livre ouvert. Heureusement il lui manque des pages.

La grande folie n'est pas celle que l'on enferme dans des maisons avec des hommes en blouse blanche, non, la grande folie est le calme apparent du monde, sa capacité de mensonge et de dissimulation. Et il faut faire avec.