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Citations de Emmanuelle Lambert (82)


En réalité, ce genre de portrait vient à la fin du voyage plutôt qu’au début,une fois qu’on a lu, relu, bien lu, assez lu, et qu’on pense avoir compris quelque chose. Ou bien, alors qu’on n’en peut plus et qu’il faut en finir, en choisissant, en tranchant dans le vif de l’auteur, car trop d’angles sont possibles. Trop d’attaques. Trop d’infini dans la littérature. Pour ne pas se perdre, on ramasse, on condense. On digère et on restitue le produit de cette digestion rapidement, avec la sécheresse de la synthèse et son caractère impersonnel. On perd les oscillations du temps, de la jeunesse enfuie, on perd ce tremblé qui est, aussi, la manière dont on vacille lorsqu’on lit.
La lecture, cette réaction chimique née du frottement de deux imaginations, celle du lecteur et celle de l’auteur, est en effet affaire de tâtonnement, d’hésitation, parfois de joie ou de colère, et même de déception. C’est une lutte dans le corps, entre la sensibilité et l’intelligence, et parfois un emportement d’enfant. C’est toujours un peu brouillon, parce que vivant. On lit, notre cœur s’emballe, bêtement, on veut que l’auteur qu’on aime devienne le nôtre, on se trouve des affinités avec ceux qui l’aiment à leur tour. On pourra même, dans un moment de faiblesse légèrement honteuse, souhaiter l’avoir découvert avant les autres. Et lorsque cette être imaginaire et pourtant si présent dans la chair de ses phrases s’incarne dans un homme qui faiblit ou qui chute, c’est en personne qu’il nous déçoit. La lecture nous emporte, nous élève et, dans un même mouvement, elle nous désorganise. Cela, vous le savez, je le sais, et mon éditeur le sait.
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Une idée commune voudrait que les écrivains, les poètes, les artistes soient de braves gens tout occupés à notre consolation. C’est une envie de notre époque. Pourquoi pas. Une chose est sûre : ils sont, depuis toujours, tout aussi occupés à bien autre chose. Ils façonnent la glaise du temps avec leurs mains. Ils regardent la mort de face. Ils savent le dérisoire de la vie, pourtant la seule chose qui tienne, et lui redonnent de la grandeur. Ils sont traversés par les choses. Et Giono, comme eux, est traversé par un éclair qui ne peut exister sans l’ombre qu’il vient fendre.
Je ne m’y attendais pas, ayant découvert ses livres à l’école avec un ennui poli et légèrement intrigué. Lorsque je me mis à le relire à l’âge adulte, je pensais retrouver le monsieur en veston, ses moutons, ses oliviers, sa Provence et sa chaleur. Je croyais à tout ce qu’on dit de lui, et qui n’est pas tout à fait vrai. Ma surprise fut à l’image de sa violence à lui : totale. Car chez Giono, au milieu des pages admirables sur la grande nature et les caractères héroïques, les oiseaux geignent avant de chanter. Le sol est asséché, ou inondé, quand il n’étouffe pas sous la neige. Les êtres se vident par le haut, par le bas. Ils assassinent les humains, éventrent les animaux pour sentir la chaleur de leurs entrailles. Ils les égorgent pour tuer leur propre ennui. Ils se pendent. (…) Les femmes déplorent, peinent, sont duplices, violées, suicidées, en fuite, séquestrées. Les enfants souffrent de faim, de maladie ou de difformité, et de mauvais traitements. Les bébés meurent, malades ou empoisonnés, devenus blancs, violets, noirs, l’écume aux lèvres, les yeux démesurés.
Alors, alors seulement surgissent les êtres merveilleux qu’il a semés sur les chemins de son œuvre, ses doubles idéalisés, sorciers, sourciers, ménestrels, musiciens, guérisseurs et aventuriers, comme le si bel Angelo du Hussard sur le toit, courant dans les airs au-dessus de l’épidémie de choléra. Alors seulement peuvent-ils voler sur les dévastations, et tenter leur art de résurrection. Comme l’écrivain arrivé au bout de sa discipline, si l’on admet que la littérature est l’art d’arracher les êtres à la mort pour les catapulter parmi les vivants. Comme le jeune poète dont le cœur palpite dans les ténèbres sans fond d’où remontent les cauchemars translucides et visqueux. Comme le petit soldat qui, « tout sali de sang », a rampé hors de sa tranchée, de son boyau, et s’est mis à écrire des livres hallucinés.
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J’ai entrepris l’écriture de ce livre dans les derniers mois de mon travail pour l’exposition. Contrairement à elle, il a tous les droits. Il peut digresser, s’autoriser des embardées et des accélérations, glisser sur des chefs-d’œuvre et s’attarder sur des textes méconnus. Il est personnel, et j’aimerais qu’il soit comme un sentier cheminant librement entre les œuvres, la vie et les souvenirs. Mais il reste tenu par cette pensée obsédante, et toujours plus grande à mesure que mes lectures se sont accumulées : nous ne savons pas.
Cela m’incite à rester au bord d’une rive d’où je regarderais Giono comme s’il était lui-même une œuvre d’art. Très fragile et ancienne, issue d’un savoir-faire millénaire et qui, si elle venait à être cassée, ne serait pas réparable, même avec des fils d’or. Lui, le personnage principal de ce livre, a des droits que ceux dont je décide du sort, quand j’écris des romans, ne peuvent réclamer. Lorsqu’on s’empare d’un tel sujet, à la fois ample, étrange et familier, il y a donc une ligne de conduite à suivre. Elle consiste en une forme de courtoisie élémentaire non seulement vis-à-vis du fantôme dont on fait le portrait, mais aussi du passé, de l’épaisseur du temps et des époques enfouies d’où il émerge, et qui ne peuvent être saisies qu’imparfaitement. C’est pourquoi je me surprends parfois à souffrir d’une maniaquerie discrète et persistante pourtant assez étrangère à mon caractère. Ne rien reléguer des éclats multiples qui composent la mémoire et font luire le souvenir d’un reflet mouvant. Observer les détails, les traces dérisoires avec autant d’intensité que les morceaux de bravoure.
On ne peut ni tout lire, ni tout dire : savoir qu’on ne saura pas incite à demeurer dans cet état d’alerte qui ne présuppose jamais de rien, et encore moins de ce qu’on croit savoir de ce Giono. Il est comme chacun d’entre nous, fait des plusieurs qu’il a été, eux-mêmes déformés dans le cœur de ceux qui le remémorent. Une chose est sûre, cependant. Il a été cassé, dès le début de la vie adulte, comme tant de garçons de sa génération qui eurent vingt ans en 1915, il y a plus de cent ans. En deux mots : il est lointain, et il est flou.
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« Giono »
On dit de lui, c’est un solaire. Un amoureux des hommes, des bêtes et de la nature, aux jambes plantées droit dans la terre. On dit, Giono, sorcier de la langue, conteur, poète traversé de légendes comme on en racontait au pays lorsqu’il était enfant. Elles sont des temps lointains, des origines où l’on croyait au cosmos. L’homme s’y sentait petit. Posé tout nu sous le ciel étoilé, il était pris dans l’immensité qui l’englobait, l’avalait, le digérait, par-dessus l’espace et par-delà le temps. Alors, nous savions qu’il y avait des choses plus grandes que nous-mêmes, et qu’on entend dans le vent.
Il vient de là, Giono. C’est une image ancienne, une aquarelle aux couleurs naïves et bientôt effacées. Les pieds dans le sol, il tend le menton à l’air du Sud. Les cheveux clairs et ondulés sont peignés en arrière, et pour un peu, pour rendre l’image vraiment parfaite, on lui ceindrait le front d’une couronne de laurier. Ses yeux pâles sont clos. Il renifle la brise qui fuse dans les arbres, là-bas, au pied des montagnes. Les fruits qui, en s’ouvrant, éclatent, il sait les entendre. Il connaît dans sa chair la chaleur qui monte et le tremblement de la colline. Et il écrit.
Il écrit tout, la pierre, la lavande, la terre ocre, les fleurs, les rivières, les bosquets, les bois et les pins odorants, maître en son domaine où s’ébrouent bergers, paysans, artisans, femmes, enfants. Et taureaux, chiens, vaches, moutons, sangliers, poissons, grenouilles, cochons, truies, chèvres, biches, oies, cerfs, loutres, écureuils, loups, chevaux, chats, marmottes, renards, crapauds, lièvres, serpents. Oiseaux, des oiseaux, par milliers. Rien n’échappe à son œil, pas même les fourmis.
Il écrit tant qu’on le croirait fou, possédé par l’urgence de pondre des chefs-d’œuvre à la pelle, l’un après l’autre, telle une déesse primitive engendrant les premiers hommes à la queue leu leu, prêts à partir au combat, lequel, on ne sait encore, il y a toujours un combat à mener pour un homme en vie.
Il écrit des livres pleins ; ils débordent, ils explosent de gros temps qui approche, d’épidémies menaçantes, de maux qui accablent les hommes (inondations, éboulements, incendies), d’arbres qui ploient et de fleuves à franchir, de périples dans la neige, d’échappées sur des toits. D’aventuriers en cape, en canne et en chapeau, de femmes à cheval, de temps lointains, d’histoires d’amour charnel, filial, amical. Chacun est une odyssée, une aventure, une cavalcade. Ces livres agités ne finiront pas sages, endormis sur une étagère. Littéralement, ils déboulent.
On dit aussi, Giono, c’est la beauté de la langue et du chant. On en a les preuves, dans les livres, mais aussi dans les enregistrements. Accent. Débit. Sa voix surgit du passé. Giono a publié son premier livre, Colline, en 1929. C’était il y a quatre-vingt-dix ans.
Les écrivains, alors, avaient dans la gorge la terre d’où ils venaient. Colette roule la Bourgogne, Genet traîne le Morvan, Paulhan pointe, aigu, et les lettrés, les éduqués, déjà n’ont plus d’accent, déjà, après guerre, ils commencent à parler tous pareil. Un jour, ils écriront des livres tout lisses, tout blancs, des livres de culture hors sol et qui seront parfois très beaux.
Lui, il charrie dans sa voix le troupeau des ancêtres et le souvenir des lieux. La brûlure du soleil qui pleut, l’ennui des insectes qui bourdonnent les jours d’été. Et le vent. On ne dit pas que, sur les photos qui nous restent de lui, il nous regarde comme s’il se payait notre tête. Si on l’observe attentivement, on lui trouvera un air à la fois bonhomme et détaché, un air narquois. Mais enfin non, c’est impossible, Giono c’est la poésie, la Provence. Cela, on le dit volontiers. L’Italie. La chaleur. On dit, l’humanité.
Et pourtant, regardez bien ce regard d’amande. Ce nez busqué, ces lèvres minces qui jamais ne sourient en plein. La manière dont il tient le corps en retrait, derrière sa pipe, à demi caché dans la fumée. Ou alors il pose comme l’écrivain qu’il est, mettant ses mains en valeur, et la plume et le sous-main, le bureau, le manuscrit. Le plaid.
Et toujours ce demi-sourire, derrière les lèvres pincées. Tendez l’oreille, vous l’écouterez nous dire : « Vous en voulez, de l’écrivain ? En voici. » Oui, on ne le dit pas, mais on dirait bien qu’il se fout de nous.
Son air faussement aimable me confirme dans mon tempérament méfiant. Il me semble en effet que la première disposition à avoir, lorsqu’on s’attaque à l’œuvre d’un écrivain, est de tenir l’écrivain lui-même à bonne distance. Surtout s’il sourit comme ça.
Pour l’exposition qui m’a été commandée, j’ai un but, un « agenda » comme disent les Anglo-Saxons, en ajoutant un soupçon de sournoiserie (ou de stratégie) à l’affaire : rendre intelligible le sujet Giono, mettre un ordre dans le désordre de l’écriture, les contradictions des déclarations, les images successives, les témoignages. Composer avec le bruit du temps et de la postérité. Tracer une ligne ou un propos, offrir aux autres une vision et leur faire saisir le mouvement de la création, la beauté du style et la chair de l’homme qui a écrit.
Il peut bien continuer de sourire, il n’est là qu’en pensée, s’amusant par-dessus mon épaule. Il est mort voilà cinquante ans.
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["Les âmes fortes" ] Giono expose l'une des choses les plus importantes pour comprendre combien la bonté et la générosité sont chez lui des notions complexes sinon troubles. Il explique qu'il y a une fureur de la générosité, qu'elle revient à une forme de prédation de l'autre, toujours plus recouvert par les bienfaits qu'on lui dispense. La générosité, pour lui, c'est la faim de l'autre. (...)
Giono, vous êtes impossible, vous dit-on, et là vous exagérez : si vous nous enlevez le don, la bonté, alors que nous reste-il , qu'est-ce que vous nous faites à la fin ? (p. 131)
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Giono, dans cette histoire deux choses me dérangent. La première est que vous, qui êtes l'un des plus grands écrivains du mal de la littérature française, n'avez rien fait de ce mal que pourtant vous aviez sous les yeux. Dans un mouvement qui m'étonne chez vous, vous les avez fermés-je sais qu'il ne s'agit pas de lâcheté, mais plutôt de lassitude. Est-ce de les avoir trop ouverts pendant la Première Guerre mondiale ? Est-ce que vous considériez que, puisque les hommes avaient permis le retour de cette abomination, ils ne méritaient de toute façon pas de vivre, tous autant qu'ils étaient ? (p. 144)
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Il est seul avec son intervieweur. L'image est en noir et blanc et la réalisation, simple, alterne les plans de l'un à l'autre : elle a une forme de pudeur ou de discrétion. Elle appartient aux temps pas si lointains où la parole d'un homme valait plus que son image. (p. 158)
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La guerre profite au capital. Pas à la vie, pas à l'avenir. Et dans "Recherche de la pureté", une fois qu'il a compris que la chair tendre des enfants jouant au soleil n'est que "viande bouchère", une seule chose lui reste à faire : "pleurer".

Son pacifisme n'a rien d'une philosophie de planqué, comme il serait aisé de le croire depuis aujourd'hui, tant il est simple de crier à l'irresponsabilité d'autrui quand on n'a jamais eu à risquer sa peau. C'est le cri de désespoir de celui qui dit ce que la guerre fait : rien, sinon déshumaniser les humains, et engraissent les industriels. (p. 152)
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On peut sans trop s'avancer dire qu'en termes de chaleur maternelle, de protection, de fusion, on a vu mieux. Si ces qualités, culturellement attendues chez les mères, sont déniées à Pauline, c'est aussi parce qu'elles sont attribuées à Jean-Antoine. C'est lui qui remplit la fonction éternelle de soin: il lave, soigne, rassure et veille. (...)
Sur les photos de sa famille, il a ainsi souvent un bébé ou l'autre dans les bras. Ses petites filles, il les touche, les soulève, les embrasse, quant tant d'hommes de sa génération ne s'intéressaient aux enfants qu'une fois doués de langage et d'autonomie. C'est un père charnel. (p. 118)
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Toujours , il est furieux que la réalité l'entrave, plein de haine pour cet oncle épouvantable [Frère de la mère de Giono, qu'il a accueilli sous sous son toit ] qu'il souhaite tuer à coups de poings, , tant il est odieux. Plein de ressentiment envers sa mère, dont il décrit toute la famille, elle incluse, comme d'"horribles gens". Il les rend responsables des malheurs de son père, leur attribuant l'instinct mauvais des médiocres qui, terrassés par la bonté, l'aspirent jusqu'à ce qu'elle retombe , vide et inanimée, comme une chrysalide sèche.
il résume la chose en trois coups de canif : " Il était bon. Ils l'ont su très vite. Il a été perdu.
On sait que son père lui manque, même si jamais il ne l'écrit. (p. 113)
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Une chose pourtant m'avait frappée, que je n'ai jamais oubliée: le visage de mon professeur. (...)
Lorsqu'il parlait de Giono, son visage était altéré.(...)Avec la transe de monsieur S. , je connus pour la première fois ce qu'était la transfiguration d'un être par la puissance de la littérature. (...)
C'est sans doute grâce à ce visage que je n'ai pas renoncé à relire, un jour, Jean Giono. A le relire, et à retrouver chez lui les émotions conférées par la persistance d'une nature timide dans mon quotidien bétonné (...) (p. 100)
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Mais lorsqu'on revient au seul endroit où il est dans son élément, c'est-à-dire dans la fiction, on y lit constamment la lutte à mort. Des premiers livres aux derniers, elle est engagée entre l'homme et la nature, entre l'homme et l'argent, et de plus en plus resserrée vers le coeur du problème : entre l'homme et l'homme. (p. 108)
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C'est ainsi dans trois brèves fictions, plus lointaines, qu'on lit ce que vous pensez de nous, au regard de ce que nous faisons à la terre, aux bêtes et donc à nous-mêmes. Disant peu, vous avez déjà tout dit de ce nous sépare des animaux. Et vous ne semblez pas nous aimer beaucoup.

Les êtres humains y sont présentés comme la plus grande menace jamais portée par la terre pour les autres êtres vivants. "Prélude de Pan", "La Grande Barrière" et "Destruction de Paris" sont tous trois écrits au tout début des années trente. (p.105)
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C'est au collège que nous avons lu, pour la première fois, Jean Giono. Nous n'y avons strictement rien compris.
Je me souviens du -Chant du Monde-, de ses longues phrases et d'une réalité qui m'était parfaitement, hermétiquement étrangère. La montagne. Les radeaux. Les paysans. Tout cela était loin dans l'espace et dans le temps, le livre charriait des mots, des métiers et des lieux disparus ou inventés. Nous n'étions pas coutumiers d'une langue si vivace. (...) Disons-le : à la première lecture, tout cela m'a beaucoup ennuyée. (p. 98)
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Dans ma bibliothèque, on trouve, au premier rang, au moins deux poètes autodidactes et merveilleux façonnés par leurs lectures grandioses. Leur langue est une chose si personnelle qu'on ne peut les rapprocher d'aucun de leurs contemporains.Littérairement, Ils sont sans famille.
il y a vous, Giono, et votre cadet de quinze ans, Jean Genet. (...)
Si vos oeuvres n'ont rien à voir, votre rapport à la langue et à la culture est le même : il est strictement, rigoureusement intime. vous vous foutez tous deux des passages obligés. On ne vous commandera pas.

Vous avez d'ailleurs atterri dans la même prison militaire, à Marseille, à un an d'écart. Aujourd'hui, vous avez tous deux des manuscrits dans les archives de la Bibliothèque nationale et un dossier dans celles de la justice militaire. Tous les deux, vous n'êtes pas bien commodes. (p. 59)
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Cependant beaucoup vous connaissent vraiment, beaucoup vous ont lu, beaucoup vous aiment avec la ferveur et la candeur qu'on a pour l'auteur connu dans l'adolescence, lorsqu'on se cherche, qu'on rêve ou qu'on s'ennuie. Eux, ils vous aiment vraiment, ils disent votre gloire et offrent à d'autres les livres qui les ont transformés. (p. 63)
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c'est que vous, le lecteur de Faulkner et de Virgile, avez réussi une chose merveilleuse et que l'époque depuis laquelle j'écris peine parfois à concevoir. Vous êtes un écrivain profond et complexe. Et vous êtes un écrivain populaire, vous qui venez du peuple.Cela tient davantage à la part rayonnante de vos livres. Celle où l'on sauve les gens, où l'on se propulse dans le passé, au soleil de l'Italie, et où l'on plante des arbres. Les écrivains populaires sont-ils davantage tournés vers le bien ? De ce point de vue, Camus fait encore des ravages. (p. 62)
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J'étais loin de savoir, alors, que ce serait là mon premier contact avec Giono, que les immenses films de Pagnol, -Angèle-, - La femme du boulanger-, venaient de ses livres à qui ils devaient une part de leur grandeur. Et que, dans leur beauté et leur théâtre, ils avaient sans doute contribué à installer ce qu'il faut bien appeler le malentendu provençal, détesté par Giono et qui aujourd'hui lui colle encore à la peau. Comme il était las qu'on lui entonne toujours la même chanson, Giono a dit qu'il " n'avait mis aucune cigale dans ses livres." (p. 32)
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Ce n'est pas qu'il s'ennuie. Giono est doté d'une faculté d'émerveillement à la fois épuisante et salvatrice. (...)
mais l'entrave du corps est plus forte que l'émerveillement. Il écrira plus tard qu'alors il était "enfermé entre deux plaques de schiste" où il devait "peu à peu devenir fossile". [*Giono était employé de banque]
Heureusement pour lui, il y a les livres. Il les accumule et les dévore en autodidacte. Le "Bleu" de Jean le Bleu est à la fois la couleur de son uniforme, et cette part de lui-même absolument personnelle, rêveuse, inaccessible à la contrainte. (p. 54)
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Je ne prends pas beaucoup de risques en avançant, péremptoire que votre livre le plus offert aujourd'hui est certainement - L'homme qui plantait des arbres. Car il y a les livres qu'on lit seul dans le noir et ceux qu'on fait circuler, heureux de donner un bout de notre âme aux gens qu'on aime - évidemment, il est plus aisé d'offrir des livres qui font du bien. Celui-ci, ce rejeton bizarre, a toutes les qualités requises. (...)
Ravi, -L'Homme qui plantait des arbres- a poussé sur les terres de votre oeuvre comme surgit parfois, dans une fratrie difficile, un enfant qui voit toujours le verre à moitié plein. Il rayonne d'une chose qui me paraît si loin de vous que c'en est curieux : l'optimisme. (p. 103)
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