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Citations de Gaëlle Josse (1856)


Je lui ai demandé pourquoi on appelait cet endroit la Croix-Haute, alors qu’il n’y avait aucune croix visible alentour.
Il y a eu une croix, ici, mais elle a été descellée, arrachée il y a de nombreuses années. Je crois que c’est mieux comme ça. Si c’est Dieu qui a créé ces merveilles, ce n’est pas la peine de défigurer son œuvre avec une ferraille tarabiscotée. Et s’il n’existe pas, si tout cela est le résultat d’un assemblage aléatoire d’atomes, alors c’est encore moins nécessaire.
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Il y a des lieux qu'il faut laisser à l'espace, au silence.
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A l'ombre de ta colère, mon père, je suis née, j'ai vécu et j'ai fui.
Aujourd'hui, me voici de retour. J'arrive et je suis nue. Seule et les mains vides.
(incipit)
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Je ne sais pas comment elle avance depuis la mort de Vincent. Je me souviens de ce jour blanc, celui des obsèques, au retour de ce tournage tragique. Elle avait pris dans ses bras l'urne de céramique bleu nuit qu'un appariteur en mauvais costume sombre lui avait remise. Elle ne s'attendait pas à la sentir tiède encore, tiède du corps juste brûlé, elle avait eu un moment de surprise, proche de la panique, puis elle l'avait serré fort contre elle, sur son cœur, comme on serre un enfant, comme si elle demandait à ces quelques poignées de cendres de la réchauffer une dernière fois.
Il avait fallu que j'écarte ses doigts, que je détache ses mains crispées pour qu'elle me laisse prendre l'urne et que j'arrive à la convaincre de la déposer dans le casier qui lui était réservé. Je me souviens de la force de ses doigts plaqués sur la céramique, sur sa poitrine, difficile de la lui faire lâcher sans forcer, j'avais peur de lui faire mal. Derrière nous, l'appariteur passait d'un pied sur l'autre, vaguement impatient, blasé. Je me souviens du crissement de ses semelles en caoutchouc sur le sol en ciment, avec quelques brins d'herbes égarés entre les joints. Elle avait fini par déposer elle-même la sphère bleue, ses mains tremblaient, j'avais touché son bras et senti combien son tremblement venait de loin, de très loin sous la maigreur de ses épaules. Nous sommes repartis tous les deux, elle pas très assurée et moi le bras accroché au sien, je ne savais que faire d'autre. (p.169, 170)
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Et s'il veut la veuve Le Floch dans son lit, c'est son affaire après tout, peut-être bien qu'elle lui fait des choses qu'on ne peut pas dire, des choses qu'on imagine même pas, ou qu'on imagine trop au contraire. Les choses des corps et de la nuit, des lèvres, des langues et des mains, de salive, de sueur, de peau, les choses obscures qui font crier et gémir. Les choses du feu, de la langueur et des tremblements ; celles de la transe archaïque et éternelle, des corps qui se cherchent, qui dansent, luttent et s'épuisent, des griffures, des morsures, et le poids léger des lèvres posées sur les paupières, les tressaillements de la peau qui brûle, les effleurements et les gorges qui rugissent. Les odeurs lourdes, tenaces, des corps et des ventres. Ou elle lui a jeté un sort pour l'avoir.
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Gaëlle Josse
Mémoire éraflée aux arêtes vives
confessions déposées
en chemin

des nuits à traverser pour deviner ce qui effraie
les doigts ont ouvert un passage
à la surface de l'étang
une voix accueille
leur secret endormi

(" Signes de passage")
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Je haïssais la campagne, et cette longue traversée autoroutière avait eu tout le temps de me le rappeler. La vraie campagne, j'entends, pas celle que tout le monde aime, la Toscane ou le Lubéron, entre piscines, chianti, cigales et huile d'olive. Je parle de la campagne sinistre d'octobre à mai, plate et nue, ombreuse et détrempée, là où les arbres déplient leurs capillaires sur des ciels blancs, de la campagne grise avec des vaches boueuses et ses bâtiments d'élevage, de ces lieux où l'on attend le printemps comme une délivrance, et un miracle dont on doute, chaque année, le retour.
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Et maintenant, mon père, mon père terrible, te voilà qui entres dans la brume, à petits pas et sans retour. Tu arrives au temps des sables mouvants. Te voilà à l’orée de l’oubli, de tous les oublis, te voilà au seuil de la pénombre, je suis ta fille absente, ta fille invisible et pourtant je tremble à l’idée qu’un jour tu ne connaîtras plus ni mon nom ni mon visage. Aurai-je traversé toute ta vie comme une ombre ?
(La Loupe, page 52)
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Nos corps, nos chairs nous trahissent avec le temps, seul demeure le regard, parfois étrangement enchâssé dans les traits qui ont glissé, fondu ou durci.
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Le corps de son père. Celui qui ne doit pas être vu. Elle tente de détourner le regard du torse maigre à la peau fine et fripée, d'ignorer les bras flasques, le ventre gonflé, le sexe racorni lové au milieu des poils blancs, les cuisses marbrées du pourpre bleuté de vaisseaux capillaires éclatés. Elle ne l'a jamais vu ainsi.
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Il est tard, la chaleur s'attarde dans le jardin, on a laissé les portes-fenêtres ouvertes, les roses ont déjà offert une nouvelle floraison. La mère est debout, elle s'affaire, tourne, range, nettoie, brique, lustre. Le plateau de la table basse brille de nouveau, télécommande posée à angle droit sur les journaux de la semaine, coussins des fauteuils retapés, regonflés, vierges de la moindre trace de corps.
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Dans la joie comme dans la peine, la musique demeure notre compagne. Elle embellit ce qui peut l’être, et console, lorsque cela est possible. Mais de trop grandes peines, elle ne distrait point. La vraie tristesse s’accompagne de silence, mais c’est autre chose. 
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Je ne m ennuyais pas, l ennui réside dans une absence d attente, de tension, de désir. C était loin d'être mon cas. Je vivais dans la seule impatience d un lendemain supportable.
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Mon père qui brave les sommets, te voilà nu, démuni dans l’obscurité qui avance, te voilà devenu un vieil homme fragile, et toi qui fus si difficile à aimer, je voudrais te prendre dans mes bras et repousser les forces de l’oubli qui ont posé leurs serres sur toi. Mais c’est impossible, nous le savons bien. Le crépuscule descend, et je voudrais tenir ta main. Tu vois, ta mémoire s’effiloche comme ces écharpes de brume accrochées à ta montagne au matin froid, cet insaisissable duvet qui s’efface à la montée du jour en emportant les couleurs de ta mémoire. C’est une eau qui ruisselle et que tu ne peux retenir, un torrent qui gonfle et pousse devant lui tout ce que tu ne peux plus agripper, le nom des choses, l’instant à peine passé, je sais que tu trembles, mon père, et je tremble avec toi devant tout ce qui chavire et qui sombre. Des planètes qui s’éloignent jusqu’à se fondre dans une nuit sans lumière qui t’appelle. En toi les mots chutent et se fissurent, les visages s’évanouissent, le temps se décolore, tu sais ta déroute et tu sais qu’elle est sans retour.
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Tout ce que les hommes ont inventé, tout ce qu'on nomme civilisation ou culture, ne sert qu'à tenir en laisse notre part sauvage, notre fulgurante envie, par moments, de dépecer l'autre et de dévorer son cœur encore palpitant. Je l'ai compris avec toi.
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Paris, gare Saint-Lazare. Je descends du wagon derrière cette jeune femme et je l’entends, malgré moi, alors que nous avançons sur le quai, au milieu de la foule. Une voix d’oiseau. Légère, gaie, bavarde. Ailée. Un buisson au printemps. Elle adresse un monologue à son téléphone portable. (..) Elle a rencontré quelqu’un, elle veut se faire la plus belle possible. Belle à mourir, dit-elle. Enjouée, évaporée. Frivole, futile, insouciante. Amoureuse.
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La maladie avait planté ses crocs et n’allait pas lâcher. Elle se faisait pieuvre, plante carnivore, rhizome, elle jouait avec lui avec cruauté, s’éloignant pour mieux revenir et resserrer son sale étau. Les oublis, les confusions ont continué à déchirer la toile du quotidien. C’était parfois léger, parfois troublant. Insoutenable, aussi, par moments.
(La Loupe, pages 246-247)
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Nous sommes partis en laissant sur place ceux qu’on appelait les harkis, les supplétifs étrangers engagés à nos côtés, malgré leurs supplications. On partageait tout avec eux depuis des mois. J’ai vu des nôtres écraser leurs phalanges à coups de chaussures pour les faire lâcher les montants des camions. Les ordres.
(La Loupe, page 215)
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Tout au long de sa vie, Vivian Maier n’est qu’une vérité qui se dérobe. L’histoire d’un bouleversant effacement devant l’œuvre. La beauté du geste. La perfection du geste. Rien d’autre. Les yeux prêts pour la photo suivante.
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La femme qu’on emmène dans un hurlement de sirène s’appelle Vivian Maier, elle aura quatre-vingt-trois ans le 1er février. Personne, ici, ne sait qui elle est. Une silhouette familière du quartier, une de celles qui semblent faire partie d’un lieu, d’un décor, et un jour, elles ne sont plus là.
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