Citations de Jacques Chardonne (429)
Le passé n’est jamais tout à fait révolu quand il a duré ; c’est le présent qui parfois se dissipe sous nos yeux, faute de prises.
Tu as raison, Julie, rien ne ressemble à la folie comme la bonne opinion que chacun a de soi.
L'amour pour durer a besoin de s'instruire sans cesse.
Si une femme plait, elle n'est pas libre. Les femmes qui méritent d'être aimées sont inaccessibles.
Pour être heureux par amour il faut une certaine sagesse; il faut aussi une certaine sagesse pour se passer de l'amour. C'est la même.
Un écrivain est un homme qui a de la chance ; le talent, c'est une chance.
Si l'on demande, au nom de la justice, de la paix, du bonheur, un complet remaniement de la société, vous voilà prévenu : cela signifie, du moins en France, gabegie. Dans l'immense humanité, tout se fait de proche en proche ; entre les proches, cela cloche toujours.
Un jour le progrès sera à son comble, les produits surabondants, leur distribution parfaite, les hommes auront des loisirs. Mystère effrayant de l'avenir. Que feront les hommes?
- (...) Les hommes mettent un peu de leur âme dans beaucoup de choses, et c'est pourquoi il y a tant de beauté dans le monde, de cette beauté inutile qui est au-dessus de la vie.
- Et les femmes?
- Je plains les femmes. Elles demandent tout à l'amour.
- Je connais le rôle des syndicats. Il est nécessaire. Je reproche seulement à leurs dirigeants d'avoir dégoûté l'ouvrier de son travail. C'est très facile de faire croire à des malheureux qu'il existe un monde meilleur. Ce n'est pas vrai. Il n'y a pas de monde meilleur. Vous ne changerez rien que des apparences. Pendant des siècles encore, il n'y aura sur terre que des misérables qui travailleront pour d'autres. Ce seront toujours les mêmes qui commanderont, en leur nom ou pour le compte de la collectivité. Seulement les pauvres peuvent devenir plus pauvres. Cela dépend de leur maîtres.
"Je suis voué à la contemplation, et les plus misérables tourments m'accaparent. Sans attache au sol, sans base naturelle, sans futilité, l'âme est trop exposée aux oscillations et au désordre. Une femme détestée peut me hanter, me jeter au plus haut, au plus bas de moi-même , m'inspirer l'enthousiasme du sacrifice, et puis me remplir de haine. Quand je veux la sauver, elle me perd..."
Si l'homme emmêlé aux créatures est si faible qu'il tombe quand il veut progresser, ne doit-il pas se détourner de la terre et se réserver à l'amour surhumain, à une communion purement spirituelle, qui englobe l'humanité inoffensive? Jean rejetait ce recours comme égoïste, impie et trop facile. On ne s'élève pas vers dieu d'un cœur rebuté, en déserteur qui fuit les créatures par un raccourci dans le vide; on le trouve par l'attachement aux êtres, dans les relations avec les choses, au bout des chemins de la terre et de l'apprentissage humain.
Jean inventait une religion pour compenser les croyances dont il se détachait. Il sentait sa faute très ancienne, pareille à un péché contre la vie, une erreur de direction.
Terrassé par des forces physiques, il ne pourrait plus jamais monter en chaire et parler en présence de Nathalie. Il aimerait mieux fuir sur cette route... Mais il rentrera chez lui. Dans le silence, on peut continuer froidement une vie de mensonge. Cela n'est pas difficile.
"Vous croyez peut-être qu'une sorte d'équilibre de puissance finit par s'établir entre des époux désunis? dit Jean. Non. L'un d'eux cède constamment, et c'est toujours le même. Il craint de se heurter à une résistance, de provoquer une lutte, c'est-à-dire un contact, une intimité odieuse. Un profond éloignement entre époux est presque sans nuage. On a des égards infinis. On connaît les volontés secrètes de l'adversaire par des perceptions très sures; on les devance.(...)"
On ne peut pas comparer les jugements des contemporains avec ceux de la postérité.Il ne s'agit pas des mêmes hommes, ni des mêmes livres.
Bientôt le petit nombre des curieux sera sacrifié. On ne lira plus que les ouvrages écrits pour tout le monde.
La confiance est nécessaire. Tout repose sur des croyances. Vivre c'est faire crédit. On ne vérifie rien.
Ce n'est pas le premier amour qui compte, ni le second, ni le dernier. C'est celui qui a mêlé deux destinées dans la vie commune.
Le véritable amour partagé ignore l'inquiétude. Il sait sa force.
La beauté de Claire, c'est elle même. Claire est tout entière inscrite dans son visage et dans la forme de ses bras. Ce qui me plait dans son esprit est visible sur ses lèvres. Je l'ai connue en la regardant.
Quand on a perdu la manie d'écrire, on n'écrit plus du tout. On rêve sur une idée. Ce n'est pas une idée qui inspire un roman, c'est une émotion légère, pareille au désir.
Vu au microscope, l'amour est un pullulement d'erreurs, de faux pas, de désaccords.