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Critiques de Jean-Michel Delacomptée (105)
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Cabale à la cour

Non content, depuis maintenant dix ans, de bafouer ouvertement son épouse, propre fille du roi, avec sa maîtresse Mme d’Argenton, Philippe d’Orléans, neveu de Louis XIV, s’est fait une ennemie mortelle de Mme de Maintenon au travers d’une mauvaise plaisanterie. Inconscient de la disgrâce et de l’exil qui le guettent, il reçoit la visite de son ami Saint-Simon, venu le mettre en garde. Acceptera-t-il de quitter sa maîtresse pour regagner les faveurs royales et conserver sa place à la Cour ?





Mi-roman historique, mi-pièce de théâtre, ce bref récit s’inspire des Mémoires de Saint-Simon, pour imaginer une conversation entre deux éminents personnages de la cour de Louis XIV. L’un est prince, l’autre duc et pair de France, mais tous deux se retrouvent écartés du pouvoir par un monarque qui préfère cantonner les grands du royaume au rôle de courtisans et gouverner avec des secrétaires d’État roturiers. Une grande amitié lie les deux hommes que pourtant tout oppose : autant Philippe d’Orléans ne pense qu’à ses plaisirs au point d’y avoir gagné une réputation de débauché, autant le vertueux Saint-Simon est ambitieux et se fait un observateur attentif de la vie et de la société de Cour. Leur dialogue tourne ici à l’exercice de rhétorique, tandis que Saint-Simon s’évertue à protéger son ami de ses faux pas de préséance.





En nous exposant la cabale prête à se déchaîner pour un mot de travers, ce conciliabule entre Saint-Simon et Philippe d’Orléans nous révèle toute la sauvagerie du microcosme de la Cour versaillaise, que Louis XIV tient dans sa main en jouant des rivalités et des conflits d’intérêts. Dans ce Versailles, aucune position n’est acquise, seule la faveur royale fait et défait les existences entre les feux de la Cour et l’obscurité de l’exil, et les complots se multiplient sur la seule base de la rumeur et de la calomnie. L’arme la plus commune est la manipulation, dont cette histoire est un morceau de choix : d’une parole malheureuse au sacrifice d’une femme aimée, il aura suffi de quelques mots glissés dans une ou deux oreilles opportunes pour que la crainte amène le contrevenant à se châtier de lui-même.





Réussissant le tour de force de nous faire appréhender en quelque cent cinquante pages le nid de vipères que Louis XIV avait fait de la Cour de Versailles pour la tenir à sa main, ce huis clos imaginé avec une grande exactitude historique prend une singulière acuité lorsque l’on pense aujourd’hui à l’explosion de la désinformation, du complotisme et des lynchages médiatiques grâce à internet et aux réseaux sociaux.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Cabale à la cour

Saint-Simon en touchait quelques mots dans ses mémoires, Jean-François-Si-Versailles-m’était-Delacomptée reprend l’idée au vol et transforme l’anecdote en cours de rhétorique : comment convaincre un libertin amoureux fou de sa libertine de larguer sa délurée pour se remettre avec Bobonne ? C’est que l’affaire est d’importance puisque Bobonne est fille de roi et que Louis, dorénavant coaché par madame de Maintenon, ne rigole plus avec la morale. Le futur régent, puisque c’est de lui qu’il s’agit, résistera véhémentement aux arguments de son ami Saint-Simon, puis résistera mollement, et finira par faire amende honorable. Maintenon triomphera, celle-là même pourtant que Philippe d’Orléans surnommait, pour son influence sur le roi, le con-capitaine (comme le disait un de mes profs toujours partant pour être grivois tant il savait que nos progrès étaient à ce prix : « Traitez un homme de con, et vous faites une métaphore. Mais si c’est une femme, vous faites une synecdoque. »)

Et ne vous plaignez pas de connaître la fin de l’histoire : pas d’uchronie ici, mais Saint-Simon en chroniqueur de la Cour, toujours bien informé quoique trop imbu de son rang pour être toujours digne de confiance.

Des lors, pourquoi lire Delacomptée et son plaisant pastiche ? C’est que l’auteur a eu l’élégance de boucler son histoire en une centaine de pages, autant dire qu’il ne cherche pas à concurrencer son illustre modèle mais qu’il nous ouvre l’appétit et donne très envie de se lancer dans l’œuvre originelle.

Un homme capable d’écrire « L’art de s’avancer et de parvenir, c’est l’art d’offrir sa main à qui l’on voudrait donner son pied » mérite assurément qu’on le fréquente.
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Cabale à la cour

Petit texte délicieux, qui n'est pas sans rappeler la démarche d'un Jean-Claude Brisville dans "le Souper". Saint-Simon en lanceur d'alerte face aux réseaux sociaux de l'époque, voilà qui est réjouissant ! Un échange brillant, un style grand siècle, une confrontation sans cesse sur le fil, tout cela est à consommer sans modération !
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Petit éloge des amoureux du silence

"Il faut être sourd, distrait ou mort pour ne pas s'apercevoir que l'époque est au vacarme. (...)

A l'instar des glaciers, des grands singes anthropoïdes et de la tulipe sauvage, le silence est une espèce en voie d'extinction. (p. 16)"



Un tout petit livre qui pourrait être écrit par un "gronchon chronique' mais j'ai su apprécier cet écrivain par un texte magnifique, qui m'a durablement marquée "Ecrire pour quelqu'un ", un hommage absolu envers un père aimé, admiré... la découverte d'une vieille photographie ,par l'auteur , de lui , enfant et de son papa, et cela sera le début de la rédaction d'un texte

des plus sensibles envers le difficile métier de" parents", et un hommage , une vénération envers l'écriture qui permet à la fois la création et tant de "réparations"...



Ce petit livre a une drôle d'histoire dans mes lectures. Dans un premier temps, je l'ai offert à un ami , en province... il a adoré, et me l'a réexpédié avec ses soulignements et ses commentaires très enflammés... Je l'ai donc relu, en double lecture: le texte de l'auteur et les commentaires marginaux de mon ami: très instructif et animé !!!

Cet éloge du silence est surtout l'expression exaspérée de toutes les nuisances sonores dans notre société, notre abrutissement et conditionnement sournois ...

J'aurais peut-être préféré que l'auteur parle en priorité du silence et de toutes ses qualités. Alors que ce petit texte est surtout un pamphlet du "Bruit", obsédant, omniprésent dans notre quotidien...Ce pamphlet a toutefois le grand mérite de nous faire prendre conscience de

nos nouveaux conditionnements, dont ce bruit, omniscient qui est devenu indispensable à une grande partie de nos contemporains !!



"Le silence (...) régénère. Par lui, on renaît. (...)

Dans ce monde qui thésaurise chaque instant, le silence n'est jamais donné, il se donne. Il a tout de la grâce: il s'offre au hasard des heures." (p. 35)



En plus de ce texte critique... un écrivain captivant, à la carrière atypique d'enseignant aux quatre coins du monde ... J'ai dans mes réserves son ouvrage sur Ambroise Paré, que je lirais aussi prochaînement que possible. En attendant, je lis actuellement son dernier ouvrage, "Lettre de consolation à un ami écrivain"....Tout cela pour vous dire que je suis cet auteur avec une attention des plus fidèles !
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Cabale à la cour

À l'ère du complotisme, de la désinformation, du bashing ou autres joyeusetés sociales contemporaines, il est intrigant de voir une de ses formes ancestrales à la cour du Roi-Soleil. La cabale est dirigée contre le duc Philippe d'Orléans et « son dédain du mariage, son mépris de la religion, son attrait invétéré pour ce qui outrage, ce qui souille », soupçonné entre autres de convoiter le trône vacant en Espagne, au détriment de Philippe V favori du Roi-Soleil. le tonton du libertin, Louis XIV en personne, n'est pas content. On imagine la rumeur sur l'impie avoir enflé en coulisses royales, s'être déformée en se nourrissant des frasques du neveu, avant d'atterrir finalement entre les oreilles de Saint-Simon, ami d'enfance du Duc, passé par là pour affaires personnelles. Et il se portera sauveur, Saint-Simon, de son ami d'enfance dont « la connaissance intime qu'il a de ses talents contrebalance celle qu'il a de ses faiblesses ». À vrai dire, il détient même la solution miracle pour le tirer de cette sale affaire.

C'est à une passionnante joute de rhétorique théâtrale à laquelle le lecteur est alors convié, le paquet de pop-corn à portée de main. À la manoeuvre, Saint-Simon le manipulateur, si habile cuisinier que c'est le duc lui-même qui finira par nommer l'impensable plan pour le sauver. À la défense, le duc d'Orléans, pour qui la solution imaginée est bien sûr inenvisageable.

Rapide texte improvisé à partir des mémoires de Saint-Simon, ce duel de mots entre amis à l'ombre du Roi-Soleil nous plonge dans un délicieux mélange de genres, entre huis-clos théâtral et roman d'époque. Une franche réussite.



"Le bon courtisan est un être double, triple, une enveloppe à ne jamais décacheter."



Un grand merci à Babélio ainsi qu'aux éditions Robert Laffont pour l'envoi de ce livre dans le cadre de masse critique.
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Cabale à la cour

Eh hop le voici mon premier coup de cœur de l’année 2021 ! Et pourtant, cette pépite semble passer largement inaperçue et c’est bien dommage !



Ce livre est dantesque ! Ce roman est à la fois un dialogue totalement fictif entre deux grands personnages du XVIIIème siècle et un récit criant de vérité qui dépeint parfaitement la société d’Ancien Régime et plus particulièrement le microcosme de la cour de France. Dans le nid de serpents – et ce sont des vipères bien venimeuses, pas de sympathiques couleuvres ! – qu’est la cour, les rumeurs se répandent tout aussi rapidement que sur Twitter ou Instagram aujourd’hui…



Ce que j’ai particulièrement aimé dans ce petit roman, c’est sans aucun doute le rapport de force qui se met en place entre Philippe d’Orléans, qui traîne avec lui une image de débauché, soupçonné qu’il est d’avoir des mœurs légères et Saint Simon qui, lui, nous apparait comme un saint homme aux sages conseils… mais tellement manipulateur. En arrière plan, ce dialogue amène à nous interroger sur la complexité des relations humaines, la duperie et les ambiguïtés qui planent dans les plus hautes sphères de l’état.



C’est parfois drôle, très souvent intelligent, ça se lit très rapidement et je vous le recommande chaudement !
Lien : https://ogrimoire.com/2021/0..
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Lettre de consolation à un ami écrivain

Librairie Tschann- 29 septembre 2016- Relecture en ce début août 2023



Une bonne volée de bois vert d'un écrivain, grand amoureux des mots et du style...qui, à travers le faux prétexte d'une lettre de soutien à un ami ecrivain, désespéré de n'avoir droit à aucune critique ni lectorat vraiment visible, après la publication d'un texte exigeant , le réconforte en décortiquant le Monde de la République des Lettres et de la critique....



Par ce biais, il nous fait un rappel bienvenu de l'histoire littéraire à travers les siècles, et les auteurs novateurs, exigeants, puristes qui n'ont pas eu une reconnaissance immédiate, comme il le raconte pour les textes De Stendhal...



Jean- Michel Delacomptée décortique assez pertinemment notre monde actuel de

" lecteurs paresseux" avec un affadissement de la langue, une paresse intellectuelle affligeante des critiques " hurlant avec les loups", ne défendant et ne parlant que des auteurs connus...Comme l'on qualifie dans notre monde de libraires, la critique s'attèle à ne parler que de " la grosse cavalerie"!!.



Aucun esprit aventureux, ni risque pris pour défendre un inconnu ou un texte singulier, échappant aux modes du moment ! Ou si

rarement !



Juste un bémol : même si dans les grandes lignes, l'écrivain a plus que raison; reste toutefois une part de subjectivité dans ses préférences littéraires : défense des Anciens et de certains modernes...Un Philippe Bordas, un Michel Jullien....Richard Millet, Pierre Michon, etc.

Mais aussi Virginie Despentes, Édouard Louis...et par contre, une diatribe exacerbée à l'encontre des écrits d'Annie Ernaux, que l'on peut trouver exagérée ou disproportionnée dans le parti- pris négatif...!



Ce texte , toutefois, nous rappelle à bon escient à la nécessité de vigilance et d'exigence envers la qualité de la langue, du style, de sa richesse qui sont aussi le miroir d'une société, de la vaillance d'une démocratie ..



" mais si la Littérature minoritaire disparaît , s'il faut vivre dans une société qui se contente d'une langue appauvrie, encense le vain, le vil, le divertissant, s'émerveille del'insignifiant, (...) flatte le convenu,(...)caresse dans le sens du poil la pensée molle, les écrits fades, si notre société, qui en prend le chemin, se contente d'un tel destin, l'esprit volera si bas, le ciel pèsera si lourd, que la vie deviendra aussi irrespirable que sous la coupe de régimes despotiques. (...) Une société digne du " Fahrenheit 451" de Bradbury ou du " 1984" d'Orwell, mais plus insidieuse, mielleuse (...)"



Un texte qui , l'air de rien, nous fait revisiter énergiquement l'histoire de la Littérature dans ses avancées, ses audaces et aussi ses

régressions !



Un ouvrage avec lequel je n'avais pas accroché à la première lecture , et auquel je trouve un intérêt certain à sa relecture !



Il y a aussi la part attachante de l'écrivain passionné par les mots, la Belle langue avec toutes ses subtilités, ses beautés...Il est plutôt " salvateur" et stimulant d'avoir à l'esprit que plus une langue est riche en vocabulaire , en finesse, plus l'exercice de la réflexion s' en trouve enrichi, sans omettre la " bonne santé" démocratique d'un pays.......au contraire de l'uniformisation réductrice d'une langue alliée à une pensée défaillante...!



Et...j'allais oublier un des aspects majeurs et plus que justifié de ce livre virulent : la réaction épidermique et exaspérée de l'auteur contre la marchandisation à outrance de tout , et d'autant , quand il s'agit de la culture et du monde de l'édition..!



De cet écrivain, j'ai un souvenir encore émerveillé d'un de ses ouvrages que j'avais adoré " Écrire pour quelqu'un "...et j'ai encore à découvrir, dans mes réserves d'écureuil : " Ambroise Paré la main savante"....
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Jean de La Fontaine : Portrait d'un pommier..

L’une de ses protectrices disait de lui qu’il « produisait des fables comme un pommier des pommes ». Était-ce, pour lui, si simple, de l'ordre du génie, ou était-ce un acharné de la minutie et du travail d'orfèvre ? On apprend beaucoup sur l'homme, possiblement atteint du syndrome d'Asperger, protégé des puissants alors même qu'il ne leur faisait pas de fleurs (pour un pommier !?). On dirait de lui "on ne le présente plus" tant il a traversé les siècles et son travail est intemporel et touche à l'immortalité (pour un Immortel c'est réussi !), et c'est exact. Mais en réalité, que connaissons-nous réellement de lui ? Ses contemporains, ses habitudes, ses infidélités, ses ami(e)s. Ce portrait, fluide, vient combler cette lacune.
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Malaise dans la langue française

Un remarquable ouvrage dont je m’étonne qu’il n’y ait aucun commentaire à ce jour, sur un site destiné à la lecture !

Tout lecteur ne peut ignorer la déferlante de folie apportée par les néo féministes ou autres ultra qui veulent abattre les règles de notre intelligible grammaire et prônent et imposeraient volontiers comme impératrice l’´écriture inclusive au risque de rendre incompréhensible et stupide notre langue extrêmement précise et séculaire.

La Cancel Culture ou wokisme ici sont décortiqués et expliqués de même que les différentes évolutions de la langue au cours des siècles, les raisons de tel ou tel choix, le point de vue des plus grands linguistes et grammairiens.

Un panel de grands noms ont participé à ce parfait ouvrage pour expliquer à ceux qui en doutent encore que la langue n’est pas politique qu’elle n’a pas de SEXE, mais qu’elle est neutre. et que les questions ou problèmes, extravagances et exigences d’extrémistes dangereux et stupides doivent être relégués aux oubliettes et définitivement.

Où va la France ?
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Petit éloge des amoureux du silence

Dans les villes, la collecte des ordures, le nettoyage des rues, le ramassage des feuilles, etc, produisent des bruits parfois quotidiens, à des heures évidemment indues, qui rendent insupportable le séjour dans un logement mal insonorisé.

Au moment où j'écris: nous sommes samedi, une disqueuse découpe pour la nième fois la chaussée, un véhicule xlaxonne rageusement,, un autre véhicule s'attarde sous mes fenêtres son auto radio à fond délivrant un rap hurleur et agressif, deux personnes "discutent " en criant, une troisième "parle" à très fort volume, dans son téléphone portable. Je perçois tous ces bruits car je viens d'éteindre la radio. Je suis à contretemps et à contre bruit d'une journée ordinaire, que je ne vis pas en semaine car je suis alors au travail.

Si je sors et entre dans les magasins, je serai inondée de musique au kilomètre, ou de pub racoleuse. Au resto, je me ferai regarder comme une extra terrestre, si je demande qu'on baisse le volume de l'ambiance musicale omniprésente, ou celui du grand écran vidéo, nouvel engin de torture compris dans les prestations.

Dans le train, que je prends régulièrement, il y a ceux qui ne mettent pas les écouteurs et écoutent une musique grésillante avec leur portable, entre deux conversations téléphoniques, et ceux qui ont des écouteurs qui ne filtrent que 60% au mieux de ce qui se déverse dans leurs oreilles de futurs sourds. Au travail, des collègues s'interpellent indiscrètement d'un bout à l'autre du couloir, l'une d'entre elles a pris l'habitude d'y chantonner ou d'y siffloter lors de ses déplacements multi quotidiens.

Un autre utilise ce même lieu comme cabine téléphonique, pour répondre plus tranquillement (?) à ses nombreux appels professionnels ou perso.

Dans mon immeuble, on recense en ce moment une demi douzaine de matous miauleurs, et un roquet jappeur. Diverses musiques filtrent sous la plupart des portes jusqu'à mon palier. Les appartements d'en face, fenêtres ouvertes, ne me laissent rien ignorer des soirées jeux de société (quinze personnes dans un studio, il faut bien renouveler l'air de l'habitacle), retransmission télévisée des tournois de Rugby, ou autres occasions de réjouissances collectives. Le resto du coin n'a pas de licence IV mais contourne cet inconvénient en organisant trois fois par semaine des "soirées privées" (sur l'espace public) sonorisées et arrosées, au cours de "repas d'anniversaire" qui durent jusqu'à 2h du matin. Sur la place voisine, rendue aux piétons, la municipalité tolère des soirées tango, si pittoresques pour les touristes, des dégustations de vin, et, une fois, une soirée techno. Les murs de la cathédrale en tremblent encore. En saison, il y a les fêtes traditionnelles, les nocturnes du jeudi, et bien sûr les Nuits Blanches..

Malheur aux personnes âgées, aux malades, aux retraités, aux enfants.

Merci à l'auteur de ce livre, que je soutiens de toutes mes forces, mais que je ne lirai pas, car je le vis. Quand donc la loi anti bruit, très sévère, sera-t-elle effectivement appliquée, et sinon à quoi bon l'avoir votée?
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Écrire pour quelqu'un

Un grand merci à Fanfanouche pour m’avoir fait découvrir le dernier livre de la collection L’un et L’autre, créée en 1989 par J. B. Pontalis. Peu de temps après ma lecture, dans la même collection, de l’admirable" Sur la scène intérieure "de Marcel Cohen.



Tout part, oui, d’une photo d’octobre 1954, d’un petit garçon la raie sur le côté, bien peigné ( on devine la mère derrière..) qui regarde son père et vient sans doute de lui dire quelque chose, car le père baisse la tête pour l’entendre, on sent la complicité de l’homme et de l’enfant. C’est l’auteur et son père.

Le père auquel est consacré une grande partie du livre, albinos, malvoyant, était représentant en librairie et arpentait les trottoirs , pliant sous le poids de sa grosse serviette pleine de livres prêts à être déposés chez les libraires.

Très vite, dans ce récit d’une enfance, on passe à la maison à S. rue Chanzy, Yvelines. La banlieue des années 50, ses pavillons avec jardins potagers., sa vie de quartier, le vélo jusqu’à la gare..



"Par quels liens perdure un lieu autrefois familier quarante ans après qu’on l’a quitté? Une ville, un village, un bourg, tels que, repassant par les rues et les avenues connues et qu’on ne reconnaît plus, puis par celles qu’on n’a pas connues, y revenant, l’émotion nous saisit, si poignante qu’on pleure? Au bout de tant d’années d’absence, je m’attendais à une émotion brutale. Mais ce ne furent pas des pleurs, seulement un sanglot.... L’indicible sanglote en nous. ce qu’on n’a pas dit, ce qu’on voulait dire, ce qu’il aurait fallu dire, le silence volontairement gardé ou gardé malgré soi, par crainte, pudeur, agenda chargé, négligence.. "



Souvenirs d’une enfance heureuse et d’un père aimant. Un vrai père: " La vérité d’un père s’éclaircit après- quand il n’est plus. "



Enfance heureuse, et enfance baignée de culture:

"La culture tenait une place centrale dans l’action menée par le maire de S. Le théâtre en priorité. C’étaient les années Malraux.. l’art embellissait les loisirs, la littérature rayonnait, les librairies phagocytaient le Quartier latin, la presse écrite rivalisait avec la radio pour un lectorat insatiable.. C’est à S. dans la salle des fêtes Gérard Philippe flambant neuve, que Patrice Chéreau fit ses premières armes de metteur en scène avec Les soldats de Jakob Lenz où les projecteurs d’André Diot inventaient des jeux de lumière comme on en a jamais vu. .. les dîners se déroulaient toujours en famille. On débattait de tout en soupant.. on s’exerçait au frottement d’idées, on s’écoutait, on se chicanait, le ton montait parfois, on se réconciliait, on plaisantait, on était sérieux, on riait, tous les soirs..

..Nous baignions dans les livres.. Nous disposions en libre service de nourritures spirituelles et terrestres. C’était une éducation à l’ancienne, ventrue, hospitalière, soucieuse de tous nos appétits. "



Un aparté pour saluer Emmanuel Ethis , président de l’université d’Avignon et des Pays du Vaucluse, avec son patch culture.qui écrit dans un entretien de Télérama que «  les déterminants culturels sont plus importants et puissants que les déterminants sociaux. Or, si l’on ne peut pas jouer sur les déterminants sociaux, on peut améliorer l’environnement culturel ". Et oui..Ce qu’ils font en offrant pour 5 euros un accès à tous les lieux culturels d’Avignon, y compris pendant le festival ( qui a eu chaud, dernièrement..)



Jean Michel Delacomptée nous décrit à quel point ces lectures d’enfance et d’adolescence, cette accession à la culture qui coulait de source, est à la base de toute sa vie. Il ouvrait les cartons que recevait son père, un vrai régal! Bon, de temps en temps, il en monnayait certains pour se taire de l’argent de poche, mais c’était aussi l’âge des bêtises: "Davantage que sa colère, la brutalité de la déception que je perçus sous sa mine étrangement stupéfaite, comme s’il assimilait ma conduite à un acte barbare, me fit comprendre pour de bon que les livres, au- delà de leur valeur marchande, en ont une autre, spirituelle, civilisatrice, qui ne se monnaie pas."



Ce n’est que tardivement que l’auteur parle de sa mère.. qui a passé à S. "quarante ans de déplaisir de ne pas vivre ailleurs."

Sa mère.. une rescapée, toute sa famille a péri dans les camps de concentration, et qui n'en conçut aucun ressentiment à l'égard de la France.

Sa mère qui leur faisait la lecture, traduisait des textes anglais, latins grecs et allemands. Sa mère , sa part juive et tout ce que cela signifie dans l’histoire de ses grands-parents et oncles qu’il n’a pas connus.



"Tout le monde est composite. Pas métissé, c’est à dire ni noir ni blanc, mais blanc et noir, à quoi s’ajoutent éventuellement d’autres couleurs...

Ce caractère composite se superpose à la dualité qui, elle, m’est depuis longtemps évidente entre un versant plébéien largement hérité de mon enfance à S;, et un autre, élitiste, principalement hérité de l’école et de mes parents."

Et c’est là qu’il rejoint Pontalis, réticent à toute classification, lui , à qui «  toute logique de territoires aux limites tranchées est étrangère."



Véritable chant d’amour à une enfance, à des parents, c’est un très beau livre.



"Il m’a fallu très longtemps avant de saisir que j’avais pris pour des victimes ces deux êtres particuliers que furent mes parents.".

L’un , très handicapé, "  surmonta sans relâche sa faiblesse congénitale ".

"L’autre, sauvée par miracle de la déportation où périt toute sa famille, s’interdisant de céder au ressentiment, ne désespéra jamais de l’humanité, et se fit une loi de conserver en toutes circonstances l’optimisme sans lequel une part de nous s’éteint avant notre mort même.

Je voyais des victimes en ces vainqueurs. Et souvent on commet cette faute. Innombrables sont les gens qui, face au malheur, font preuve de ressources dont souvent ils se croyaient dépourvus."



En exergue: Georges Perec, W ou le souvenir d’enfance:

"J’écris: j’écris parce que nous avons vécu ensemble, parce que j’ai été un parmi eux, ombre au milieu de leurs ombres, corps près de leur corps; j’écris parce qu’ils ont laissé en moi leur marque indélébile et que la trace en est l’écriture: leur souvenir est mort à l’écriture; l’écriture est le souvenir de leur mort et l’affirmation de ma vie."
















Lien : http://www.telerama.fr/idees..
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Écrire pour quelqu'un

Un joli coup de coeur avec ce récit très personnel de Jean-Michel Delacomptée, dont je découvre une autre facette de son oeuvre. J'avais été très intéressée par ses biographies élégantes, et très nourries de La Boétie, Saint-Simon, et Ambroise Paré...





Cet hommage à l'enfance, aux êtres chers qui nous ont fait grandir... est provoqué dans l'esprit de l'auteur par la découverte ancienne d'une photographie d'octobre 1954 qui le représente enfant , tenant la main de son père, ce dernier la tête penchée, écoutant son fils, tout en marchant. Un cliché plein de tendresse qui réveille mille souvenirs chez lui… surtout que Jean-Michel Delacomptée insiste sur son inintérêt pour les photographies comme pour tout support matériel touchant les souvenirs….



Ce cliché apparaît sur la couverture, et au début de ce récit ; il est l’image déclenchante de cette incursion dans l’enfance et le récit de la construction d’un homme qui s’est consacré aux mots.. grâce à un terreau familial, déjà très habité par les livres…

Voyage émouvant au pays de l’enfance… hommage à un père aimant et discret, à la santé défaillante, passionné par les livres… Ce père fier et modeste, en avait fait son métier…arpentant Paris, et la banlieue en tant que représentant des grands éditeurs de la Capitale…Une maman, aussi passionnée par…les livres, la littérature et la belle langue….qui enseignait..

Une maison habitée par les livres… qui fait dire au narrateur : « Nous disposions en libre-service de nourritures spirituelles et terrestres. C’était une éducation à l’ancienne, ventrue, hospitalière, soucieuse de tous nos appétits.

J’ai l’impression d'avoir, dans mon enfance, tapissé de livres mon esprit. Et le sentiment, depuis, d’écrire aussi pour eux » (p.140)



Un beau texte en mémoire… de parents aimants, d’une enfance lumineuse, et d’un ami…devenu en quelque sorte un père spirituel, J.B. Pontalis qui fut l’éditeur confiant et encourageant…décédé, il y a juste une année (début 2013)…L’écriture qui magnifie et prolonge la vie des êtres que nous avons aimés, et qui nous ont construits….De la pudeur…la passion permanente pour la lecture, les mots, l’écrit qui transcendent la mort et l’absence des être chers…



J’achève cette petite chronique par le paragraphe final de ce récit plein de pudeur, qui dégage une émotion rare…

« On n'écrit pas pour soi, mais pour les autres. Pour les morts qui subsistent en nous, et pour les vivants qui nous lisent. Même les manuscrits volontairement laissés sans lecteurs au fond des tiroirs s'adressent à quelqu'un. A des parents perdus, à des passions anciennes, parfois à des proches qui ne l'apprendront jamais. Et c'est encore plus vrai quand on écrit en hommage à des défunts aimés ou admirés. Les livres alors, comme le font les poèmes, dressent des tombeaux. Ils ne recouvrent pas de marbre les morts, ils les revêtent d'une douce ferveur. Ce sont des urnes à portée de main qu'il nous suffit d'ouvrir, où nous plongeons nos souvenirs, et dont les cendres sont les mots.(p.170) »

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La Bruyère, portrait de nous-mêmes

La Bruyère et son chef d’œuvre Les caractères , l’écrivain amoureux de la belle langue française qui cisèle ses textes , les travaille sans relâche avec une précision d’horloger , qui est intransigeant avec les mauvais écrivains , ceux qui écrivent mal sans respect pour leurs lecteurs et qui hélas sont lus , sont encensés parfois , réédités sans cesse , c’est un affront aux bons écrivains dira - t - il .

La Bruyère qui se battra toute sa vie contre ces écrivains indignes selon lui , lui ne rêve que de textes d’une pureté limpide , du mot exact .

Contemporain de Louis XIV , il va décrire la société qui l’entoure par des phrases qui sont encore d’actualité aujourd’hui .

C’est un personnage hors du commun qui va inspirer de nombreux écrivains , quelqu’un qui souffrira toute sa vie de n’avoir pas été reconnu à sa juste valeur dans sa jeunesse , lui le précepteur du jeune duc de Bourbon , petit fils du grand Condé , élève qui lui donnera du fil à retordre .

La Bruyère qui adore se promener , observer ses contemporains avec un regard acéré , toutes ces observations lui seront utiles pour écrire ces caractères .

Un très beau livre qui donne envie de relire Les caractères , ce classique indémodable .
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Cabale à la cour

1er janvier 1710. Bonne année à la Cour !



Voici une petite fantaisie historique qui se déguste sans modération: un pas de deux théâtral entre Saint-Simon et Philippe d'Orléans, futur Régent de France, homme libre et intelligent, mais débauché s'affichant sans complexe avec une maîtresse qu'il imagine même épouser, sans état d'âme pour une union sans amour imposée par le roi.



Pour l'heure, Sa Majesté Soleil est toujours aux commandes, époux vieillissant d'une épouse morganatique qui le rend dévot et rigoriste, particulièrement face aux frasques extra-conjugales de son sémillant gendre et neveu. La rumeur enfle, ça complote dans les salons dorés, on parle de déloyauté voire de trahison...



Derrière ce dialogue de deux amis se dessine la société si particulière des courtisans où tout est artifice, où les rivalités des épouses et maîtresses royales font et défont des carrières et des positions, où la moindre information de cour se transforme et se déforme en lynchage d'entre soi.



Par un talent de manipulateur hors pair, Saint-Simon, qui deviendra « la pipelette » de la royauté, va tout tenter pour faire s'assagir le prince licencieux, entre persuasion amicale et illusion.

Une fantaisie en joute verbale, parfaitement maîtrisée qui dénonce un système de classe dévoyé et le contrechamp d'une France aux inégalités flagrantes et à la gouvernance à bout de souffle.

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Lettre de consolation à un ami écrivain

En découvrant ce nouveau livre de Jean-Michel Delacomptée j'ai mis mes autres lectures en mode pause. Lettre de consolation à un ami écrivain s'adresse, comme son nom l'indique bien, à un écrivain désespéré par le manque de lecteurs, l'absence de presse, et que ses livres restent obstinément dans l'ombre d'une production de masse qui n'a en fait rien de littéraire, un auteur qui, lors d'une rencontre en librairie, déclare qu'il arrête, se retire du jeu littéraire, de "cette" société. Aimant les écrits de cet écrivain dont jusqu'à la fin je n'ai pas réussi à identifier l'identité (mais peu importe), Delacomptée décide de lui écrire une lettre pour lui dire à la fois sa compréhension mais aussi son désaccord et, à force d'arguments très bien trouvés, le tout dans un style véritablement habité qui fait honneur à la littérature comme à la philosophie, espère bien faire changer d'avis son ami écrivain. Ce texte rejoint un peu le livre d'Alain Nadaud D'écrire j'arrête, un texte qui permettait de penser la littérature, et c'est bien cela que fait Delacomptée, en allant même plus loin ; en amateur de littérature contemporaine, il n'hésite pas à prendre des exemples, dans ceux qu'il admire (Pierre Michon, Pierre Bergounioux, Jean Rouaud, Laurent Mauvignier, Marie Ndiaye, Linda Lê, ou encore Philippe Bordas dont il dit grand bien mais que je ne connais pas - mais que je vais découvrir très vite du coup), et ceux qu'il aime moins, voire pas du tout (Christine Angot, Virginie Despentes, Marc Levy, Annie Ernaux, Éric-Emmanuel Schmitt, Daniel Pennac, etc.). Il compare les anciens et les modernes, cherche le pour et le contre, ne se désole pas (trop) de la littérature actuelle, explique pourquoi cela va mal, retrace l'histoire des bouleversements du roman du XVIIe jusqu'à aujourd'hui, cite longuement, vers la fin du livre, Martin Rueff et Rousseau, Richard Millet et Chateaubriand, pour terminer sur ce beau constat : "Car finalement vous savez, comme moi, que dans notre pays la littérature, même attaquée par les démons sonnants et trébuchants, même en butte aux forces dissolvantes, persistera, et qu'avant sa disparition, si elle doit un jour survenir, ce dont je doute, des flots d'œuvres exigeantes couleront encore lentement sous nos ponts."



Un livre remarquable.

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Ambroise Paré : La main savante

Jean Michel Delacomptée nous brosse le portrait d'Ambroise Paré un chirurgien du XVI ème siècle considéré comme le père de la chirurgie moderne.

J'ai beaucoup aimé ce livre, très intéressant qui m'a beaucoup appris sur la façon dont on soignait les gens à cette époque. Evidemment on savait qu'à l'époque les médecins usaient et abusaient des saignements et cataplasmes en tout genre, heureusement que d'autres médecins se sont donnés la peine de chercher d'autres façons de soigner les gens.

Ambroise Paré était un homme de terrain, qui a beaucoup appris sur les champs de batailles. C'était un homme qui se souciait beaucoup de ses patients et de leur bien-être en essayant du mieux possible d'atténuer leurs douleurs. C'était un chirurgien qui aimait partager son savoir, contrairement à certains qui ne souhaitaient pas divulguer leurs méthodes de soin. Alors heureusement que Monsieur Paré était là pour rendre public ces méthodes afin que les jeunes chirurgiens puissent les apprendre et en faire bénéficier les patients car évidemment plus il y avait de chirurgiens formés plus il y avait de patients qui en profitaient.

La description de certaines méthodes de soins m'ont un peu rebuté, mais l'ensemble est très riche . Jean-Michel Delacomptée décrit cette période qui s'avérait être difficile pour un chirurgien. Une époque qui voit son nombre de victimes des armes à feux et de la peste grandir de jour en jour.

Je conseillerai toutefois aux âmes sensibles de passer leur chemin, mais si vous avez l'estomac bien accroché et que vous ne tournez pas de l'œil à la moindre goutte de sang, à ceux-là je dirai allez-y, lisez ce livre, vous apprendrez beaucoup de choses.

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Jean de La Fontaine : Portrait d'un pommier..

« Portrait d’un pommier en fleurs » : Jean de La Fontaine, virtuose des fables.



Tout le monde, même les moins littéraires, a entendu parlé de Jean de La Fontaine connu comme un virtuose des fables. Pourtant, il est également auteur de contes. Ainsi, cette biographie permet de mieux connaître cet écrivain prolifique, évoluant au milieu de ses contemporains, dans la France de Louis XIV. J’ai extrait quelques phrases du livre pour vous présenter ce prodige intemporel des mots. 



Cherche Midi

08/23

208 p.



 Jean-Michel Delacomptée a ajouté un sous-titre « Portrait d’un pommier en fleurs » pour insister sur le fait que les écrits de la Fontaine, c'est-à-dire les fables sont le fruit d’un gros travail malgré une inspiration débordante. Dans « Le Pouvoir des fables », La Fontaine expose deux méthodes de persuasion. L’une en appelle à la raison, l’autre à l’imagination. Avec ce présent ouvrage, on connaît mieux les textes du « bonhomme », et il vous incitera à relire ses fables avec un œil neuf. Symboliquement, une fable pourrait coiffer toutes les autres : « Les Souris et le Chat-huant ».



Pour en lire quelques unes cliquez ici (merci à la bibliothèque électronique du Québec).



La scansion de ses vers aussi, leur rythme, leurs sonorités qui les rendent faciles à retenir, comme si, par une intuition instinctive et géniale, leur fluidité s’ajustait aux circuits neuronaux du cerveau, épousait la vitesse de leurs transmissions, coïncidait instantanément avec la complexité de leur réseau, et, mobilisant ses singulières facultés, faisait de lui un neurologue empirique. Alors, l’hypothèse d’un léger trouble mental peut servir de clé pour expliquer l’étrange persévérance de sa postérité.



Respectueux de la langue française et de ses règles d’orthographe ou de grammaire, ce dernier recherchait aussi la perfection littéraire, tout en s’attachant au rythme de la lecture de ses textes.

Prépondérante, pulsation quasi organique, la musique donne le la (sur ses vieux jours, Jean s’achètera un clavecin). « Il n’y a point de bonne poésie sans harmonie », écrit-il dans la préface du premier recueil des Fables. Régler et suivre le rythme à la perfection requiert d’apprécier les impératifs des ordonnancements, et même de les vénérer.



Une personnalité complexe



Elle révèle des caractéristiques d'un autisme Asperger. Son attitude – où l’on notera son humeur étrangement triste, et même froide – pouvait interloquer ceux qui le découvraient. Mais on acceptait le personnage : il passait exactement pour ce qu’il était, un original.



Le monde qu’il décrit baigne dans une férocité sans nom. À cet état il n’existe pas de remède en dehors du besoin réciproque que chacun a d’autrui, témoin « L’Âne et le Chien ». L’ingratitude révolte la conscience à en pleurer de dégoût. Témoin « La Forêt et le Bûcheron », où il dit sa fatigue devant le vice incurable. Ingratitude et tromperie vont de pair, comme fourberie et mensonge. Réputé, d’après Charles Perrault, dire toujours ce qu’il pense, et incapable de mentir, Jean est si franc qu’il en paraît benêt.





Conscient de la nécessité de plaire pour exister comme écrivain. En 1669, s’étant déjà acquis du renom après la publication du premier recueil des Fables, il écrit : « Mon principal but est toujours de plaire : pour en venir là, je considère le goût du siècle. » Sa source d'inspiration, il l'a trouvée auprès d’Honoré d’Urfé avec l’Astrée où l’espace bucolique est très présent. Et par ailleurs ses écrits sont imprégnés de l'élément Eau observé en permanence dans ses fables.



Marié par convenance, puis père d'un fils unique dont il ne parle jamais, il a peu vécu en famille. En effet, il a passé une grande partie de sa vie chez Madame de la Sablière, puis chez d'autres mécènes à la mort de celle-ci. Il a bénéficié de la protection de Fouquet jusqu’à l’arrestation par Louis XIV de son bienfaiteur. Alors tout en restant loyal à son ami, l'auteur va s'adapter et rechercher le lectorat du fils illégitime du roi. L’indépendance d’esprit n’empêche pas d’accepter les règles. Dans sa relation aux puissants, le blâmer de son respect des formes serait ne rien comprendre aux certitudes de ces temps habités par l’infinie sagesse de Dieu.
Lien : https://lesparolesenvolent.c..
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Adieu Montaigne

Pas facile pour un auteur d’exister sur le marché des livres sur Montaigne.

Le nombre d’ouvrages est imposant.

Avec son livre et notamment son titre « Adieu Montaigne » Jean-Michel Delacomptée s’efforce de se démarquer.

En effet, l’auteur souligne que ce succès est quelque peu paradoxal car en réalité Montaigne n’est pas (plus) enseigné au lycée et n’est plus étudié que par des spécialistes dans des cursus d’études supérieures.

En-dehors de ces territoires académiques, qui lit aujourd’hui véritablement Montaigne notamment « en VO » ?

Ce problème de déficit de lecture profonde est évidement plus général. Récemment un ministre de la culture n’a-t-elle pas avoué qu’elle ne lisait pas ? Je gage que cet état d’esprit est très tendance dans les allées du pouvoir depuis de trop nombreuses années. « Plus rentable » politiquement de tweeter que de s’isoler pour méditer, (re)lire des aphorismes de Marc Aurèle, Confucius et quelques pages de Montaigne..

On se souvient que dans le film de Forman « Amadeus », le prince reproche à Mozart de mettre « trop de notes » dans ses oeuvres. Les Essais ont eux aussi « trop » de pages, « trop » de mots, trop d’interstices pour la subtilité non linéaire de la pensée, la beauté des mots, autant de richesses pas solubles dans les modes de pensées contemporains, de plus en plus réducteurs, de plus en plus binaires …

Le succès de Montaigne pourrait être l’éblouissement d’une étoile avant sa disparition.

Ce livre est partitionné par thèmes « hommes et femmes », « loyauté »…autant d’espaces pour mettre en valeur la singularité exceptionnelle de Montaigne comme auteur, libre penseur et être humain, dans le contexte historique, politique et social qui était le sien.

Toute cette richesse unique qui pourrait devenir un astre mort, avalé aux confins d’un infini à jamais inaccessible.

Il n’y a pas ici de lecture innovante des Essais pour qui chemine plus ou moins régulièrement dans ces pages. Mais le bonheur encore et encore de relire de très beaux extraits et des commentaires qui les mettent en perspective agréablement, un peu comme si le lecteur parcourait le saint des saints, la librairie et ses citations inscrites dans la charpente dans la tour de Montaigne.



Je ne résisterai pas à la tentation de reporter quelques extraits intégrés par JMD.



« Nous n’apprenons à disputer que pour contredire ; et, chacun contredisant et étant contredit, il en advient que le fruit du disputer, c’est perdre et anéantir la vérité. »



« Les autres ont pris cœur de parler d’eux pour y avoir trouvé le sujet digne et riche ; moi au rebours, pour l‘avoir trouvé si stérile et si maigre qu’il n’y peut échoir soupçon d’ostentation. »



« Dès ma première enfance, la poésie a eu cela, de me transpercer et transporter. »



L’auteur confie qu’il a découvert les Essais à 20 ans à l’occasion d’une rupture sentimentale et que cette lecture lui a été d’une grande aide pour guérir cette peine.

J’aurais tendance à penser que Montaigne est plutôt un compagnon de maturité, mais on ne peut naturellement que souhaiter que de très nombreux jeunes lecteurs, comme JMD l’a été, investissent Les Essais pour qu’il n’y ait jamais d’adieu à Montaigne

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Petit éloge des amoureux du silence

Je rentre de ma réunion littéraire tard le soir avec ce bouquin parmi d'autres dans mon sac, et voilà pas que je me retrouve enfermée dehors, j'ai oublié mes clefs. Le silence apparent de cette tour de plusieurs centaines d'appartements semble se prêter à la lecture de ce livre, tandis que j'attends sagement mon sauveur, assise sur le paillasson. Dans ce faux silence, la sensibilité auditive prend tout son sens. Il n'y a plus de silence complet, même à trois heures du matin. On entend beaucoup de choses, et ces bruits rythmés qui rendent fous et pourrissent le moral ou la santé, ils existent vraiment. Il faut apprendre à se ménager du silence, et aider ceux qui n'arrivent plus à se soustraire aux bruits. Comme se plaindre du bruit à un indélicat ne fait en général qu'attirer les foudres de Zeus et n'arrange rien, ce livre devrait faire partie des lectures obligatoires de chaque habitant au recensement.

Même si j'estime que ce livre est plus une critique du bruit que l'éloge des silencieux, il n'en reste pas moins une très bonne lecture, qui m'a beaucoup intéressée et que je garde précieusement.
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Et qu'un seul soit l'ami

Dans une courte présentation de ce livre Olivier Barrault parle de fraternité d’élection pour cette collection on peut étendre l’expression à l’amitié dont il est question ici.

L’amitié de Montaigne et La Boétie tient de la légende pourtant La Boétie reste un peu mystérieux, seul persiste son Discours sur la servitude volontaire.

Jean-Michel Delacomptée se dit insatisfait des protestations d’amour de Montaigne pour La Boétie, il revient ici sur la personnalité et la vie de La Boétie et sa rencontre avec Montaigne.

La Boétie était laid mais pourtant « jouissait d’une autorité naturelle qui, malgré sa modestie, le portait sur le devant »

C’est un beau personnage ! une « extrême droiture » et un « extrême souci du bien public ».

On ne sait pas précisément ce qui le poussa à écrire et plusieurs hypothèses sont envisagées mais les convulsions de l’époque sont nombreuses et trois évènements peuvent être à l’origine du Discours : un soulèvement des gabelous en Guyenne écrasé dans le sang, la condamnation au bûcher d’Anne du Bourg conseiller au Parlement, les abus d’autorité du roi.

Son Discours sera repris ensuite par les protestants comme un étendard pour leur cause et la défense de leurs droits.



La Boétie et Montaigne ont à peu de chose près le même âge, entre un gentilhomme campagnard qui est encore loin de l’homme de lettres et ce « Rimbaud de la pensée » qui écrivit à 20 ans un texte subversif qui aujourd’hui encore réveille les passion, l’amitié naît dès la première rencontre « toujours la seule qui compte. Si elle imprime en nous, si elle nous dicte sa loi, c’est que l’amitié, comme l’amour, consiste en une fidélité à une émotion initiale, à une grâce, manière de figer le temps en se restant identique à soi-même ».

Une amitié qui « tend à la fusion des biens et des mots ». Une amitié floue car « jamais Montaigne ne décrit concrètement un moment qu’ils auraient partagé, un épisode, un acte, un décor, des propos quotidiens »

L’auteur nous dit que chez Montaigne, La Boétie n’est qu’un esprit « c’est le pur esprit d’une amitié pure »

Il occupera finalement une place assez réduite dans les essais, le superbe chapitre sur l’amitié et le récit de son agonie.

Une amitié de peu d’années qui laissera à Montaigne l’écriture en héritage, un héritier qui sera alors capable dit Jean-Michel Delacomptée « de passer du lui au moi »



Un très bel essai qui éclaire la personnalité de celui qui fut « l’ami parfait ».


Lien : http://asautsetagambades.hau..
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