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Critiques de Marin Ledun (798)
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L'homme qui a vu l'homme

Iban Urtiz, Jokin et Eztia Sasco, Marko Elizzabe. Bienvenue au Pays Basque, très belle région mais pas que. le roman de Marin Ledun nous plonge dans la lutte entre le gouvernement espagnol et les membres de l'ETA il y est question d'enlèvement, de disparitions, d'assassinat, de manipulations. le roman fonctionne de la plus belle des manières, Ledun met ses personnages constamment sur tension, la peur est palpable, le sang coule et le discours des uns reste lettre morte dans l'oreille des autres. Dans ce jeu dangereux de poker menteur, Iban Urtiz journaliste aux dents longues tente de démêler l'imbroglio basque au péril de sa vie, bon courage ! Cette tension, le lecteur la ressent aussi, on tremble pour les personnages, Marin Ledun ne me semble pas choisir son camp. Il déroule son intrigue ou chaque protagoniste va au bout de sa logique. On ressort de là un brin secoué, son roman décrit parfaitement la complexité du conflit, le point de non-retour. Glaçant, violent, passionnant. « Regarde les hommes tomber ».

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En douce

Amateurs de huis clos oppressant, bonsoir !



Misery déchirait, Les Morsures de l'Ombre déchirait, Des Noeuds d'Acier déchirait, En Douce griffe et c'est déjà pas mal.



Le problème des situations déjà rencontrées, c'est le référentiel qu'elles induisent.

Ici, un mec pensant passer du bon temps avec une jolie p'tite nana et finalement séquestré, une bonne dose de fer dans la guibole, genre calibre 12, voué à se triturer les méninges sur le pourquoi du comment.

Déjà vu, déjà lu, mais peu n'importe le flacon pourvu...



Point d'ivresse à déclarer m'sieur l'agent, tout au plus une légère euphorie légitimée par un contexte anxiogène plutôt bien décrit et une vérité qui se fait jour progressivement qui tient la route, elle.



En règle générale, Ledun me botte.

Ici, je l'ai trouvé moins accrocheur, moins prompt à me prendre par la mimine pour ne plus me lâcher.

Bercé par un faux rythme qu'un TER lancé pleine bourre aurait fait pâlir d'envie, En Douce m'a fait l'effet d'un très honnête récit sans jamais que j'éprouvasse le besoin irrépressible de poursuivre et ce, malgré les douze coups de minuit tardivement carillonnés au fier clocher du village voisin et ça, c'est ballot.



Il aura manqué un je ne sais quoi pour en faire un grand bouquin cathartique.

Si je ne devais retenir qu'une seule chose, c'est ce final grandiose qui m'aura séché...trop tardivement.
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La guerre des vanités

Tournon est une petite ville jouxtant le Rhône. Comme toutes les métropoles, elle possède ses particularités. En effet, s'il semble y faire bon vivre, des bataillons de gamins s'y suicident pourtant par paquets de douze dans un laps de temps proche du temps de saillie du homard. Qui se défenestrant, qui s'ouvrant les veines, qui visionnant les conférences de Ribéry en boucle, c'est à la guise de l'imaginaire...

Le lieutenant Korvine, tout comme la jeunesse de Tournon, est malade. Cancer. Dans sa poche, les derniers résultats d'examens qu'il se refuse d'ouvrir. Il en connaît déjà la sentence, définitive. A Tournon, il se trouve également en pays de connaissance. Quatre ans d'internat. Quatre ans d'enfer. C'est dire s'il porte la ville et ses habitants dans son cœur. Il y revient à contre-coeur pour un dernier baroud d'honneur. Le nombre de suicidés poursuivant toujours son décompte infernal...



Dix pages, pas plus, pour devenir accro au récit.

Des phrases courtes, sèches, qui vous pilonnent le cortex. Un contexte malsain en diable. Un scénario rythmé et totalement anxiogène. Ledun frappe fort et juste !

Oui mais voilà, si le canevas passionne, sa finalité laisse en bouche comme un p'tit arrière-goût d'inachevé. Korvine, flic direct et désabusé plutôt sympathique, voue une passion sans bornes au tournage en rond et au plantage récurrent dans les grandes largeurs. Tout comme sœur Anne, il ne voit rien venir. Un léger problème de myopie j'imagine...

La question qui me taraudait tout au long de cette lecture : «  Comment Ledun allait-t-il retomber sur ses pattes tout en se révélant plausible ? ».

J'attends toujours. Tournon a délivré ses secrets. Il reviendra à chacun de considérer la résolution de cette enquête comme potentiellement vraisemblable. En ce qui me concerne, n'était un ultime chapitre alambiqué, cette guerre des vanités tapait dans l'excellence pour finalement se contenter du très bon !

Korvine a livré bataille. Un combat obsessionnel, âpre et sanglant. Désormais Tournon compte ses morts dans la douleur, la honte et le recueillement.



3,5/5
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Luz

Il fait très chaud ce dimanche, et comme tous les dimanches d'été, le déjeuner dominical trop arrosé se prolonge. Luz qui souhaite échapper à son ambiance lourde et aller se baigner dans la rivière proche, demande l'autorisation à sa mère.



Mais avant de partir, Luz subit, sous l'oeil indifférent de son père, le comportement déplacé de Vanier, un ami de la famille. Contrariée, Luz file vers la rivière où elle croise des amis avec qui elle s'aventure dans les gorges qui bordent le cours d'eau. Le groupe ne tarde pas à rencontrer des jeunes gens de leur âge. Petit à petit l'alcool aidant, la situation dégénère...



A quatorze ans, Luz est une jeune fille qui connaît les limites qu'elle souhaite que l'on ne dépasse pas avec elle, mais elle est éprise de liberté. Elle est partagée entre le désir de se préserver et l'envie de se laisser aller à ses émotions. C'est pourquoi, elle va se débattre de toutes ses forces pour éviter que ça aille trop loin avec un garçon qui pourtant l'attire.



Voilà bien une des ambiguïtés de l'âge adolescent - s'émanciper, franchir des limites sans subir la violence d'autrui - décrite avec beaucoup de justesse dans ce roman destiné à des lecteurs jeunes, dont le message pourrait être : sachez ce que vous voulez et sachez dire non, cela peut vous préserver des abus des autres.
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L'homme qui a vu l'homme

C’était dans un autre temps, je crois. Tu crois que c’est fini ? Je ne sais pas. Je me pose quelques questions. Une chose est sûre, avec les médias, rien n’est moins sûr, ils font la pluie et le beau temps suivant les commandes du gouvernement ou des tout-puissants. Je n’ai pas une confiance aveugle en ce qu’un journal, télévisé ou pas, me raconte. Certainement un peu de paranoïa. Alors qu’en est-il réellement de l’ETA de nos jours. La guerre sale est-elle vraiment terminée ? Les revendications indépendantistes abandonnées ? Les prisonniers oubliés ? Les meurtres passés sous silence ? Bref, voilà tout un tas de questions que je me pose après la lecture de ce polar estampillé prix SNCF du polar 2016. Parce qu’il est bien connu que la meilleure lecture dans un train reste le polar…



En quelques pages, je me retrouve plongé dans un Pays Basque noir couvert d’un rouge sang. Le prix à payer. Mais qui sont les coupables. Difficile à dire. Les membres de l’ETA, ces terroristes, les GAL, autres terroristes anti-terroristes, la Guardia Civil, la Police Française… Autant de coupables à chaque disparition suspecte, autant de rage à chaque veillée funèbre. Pour peu que le corps soit retrouvé et ne pourrisse pas dans une morgue anonymement.



Alors, pendant que la tempête Klaus dévaste la région, mobilisant toutes les forces médiatiques du Sud-Ouest, pendant qu’un trader vide les comptes des petits épargnants avec l’aval – bien entendu – de sa hiérarchie, monopolisant toutes les forces médiatiques de la France, je me prépare un cocktail fouettant ce mélange d’embruns et de montagnes à l’Izarra, un disque des Guns N’ Roses sur la platine, du temps où Axl Rose avait encore des revendications. Welcome to the Jungle. La jungle basque où les balles fusent, les explosions défigurent les voitures et les visages, les disparitions suspectes se transforment en séance de torture dans des masures abandonnés de l’arrière-pays. Prendre l’A10, sortie 21.



La peur se lit entre les lignes, comme si j’y étais. Se méfier de tout le monde. A qui profite le crime, la question primordiale avant de débuter toute enquête. Iban Urtiz paiera cher sa première expérience en solo de journalisme. Il pensait élever sa carrière, en sortant de l’ombre et de l’ambiance dévastatrice de cette tempête. Il ne travaille quand même pas pour France 3 région, mais sa quête va virer à l’obsession. Est-il prêt à en assumer toutes les conséquences, lorsque Jokin Sasko disparait sur une aire d’autoroute ?



La peur dans un roman. Mais encore plus froid et terrifiant de se dire que rien n’a été imaginé. Que derrière ces pages, on retrouvera le corps de Jon Anza abandonné dans une morgue toulousaine pendant des mois. Des mois de doutes, de pleurs et d’inquiétudes. Des mois où il est impossible de faire le deuil, des mois où les coupables restent libres, des mois où l’on se demande même qui sont les coupables. Mais d’ailleurs qui cela intéresse de connaître les coupables de la mort d’un membre de l’ETA de seconde zone ?
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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L'homme qui a vu l'homme

Pays basque, janvier 2009. La côte atlantique est secouée par la tempête Klaus et Iban Urtiz, journaliste à Larruma, assiste à la conférence de presse organisée par la famille Sasko qui s'inquiète de la disparition d'un des leurs. Jokin n'a plus donné signe de vie depuis trois semaines, volatilisé alors qu'il se rendait à Bordeaux pour un entretien d'embauche. La police ne semble pas pressée de retrouver ce militant indépendantiste fraîchement sorti des geôles espagnoles. Peu au fait des agissements de l'ETA et de sa guerre contre les autorités françaises et espagnoles, le jeune journaliste décide d'enquêter dans un monde où ses certitudes vont être mises à mal. Qui ment ? Qui sait ? Qui sont les victimes ? Qui sont les bourreaux ? Où est la Vérité ? Quand le terrorisme d'Etat répond aux revendications séparatistes, il n'y a plus ni gentils ni méchants. Perdu en terre étrangère, sans en connaitre ni les codes ni la langue, Iban se heurte au silence, celui de la famille, des militants, mais aussi celui des autorités, de la presse, de ses collègues. Pourtant devant sa persévérance, certaines langues se délient, des rumeurs se font jour, des indices apparaissent mais Jokin reste introuvable. Enlevé avec la complicité de l'Etat comme l'affirme sa famille ? Traître à la cause comme voudrait le faire croire les autorités ? Iban s'accroche, veut savoir coûte que coûte, emporté dans un tourbillon de violence et de haine où tous les coups sont permis.





Faut-il, pour arrêter les voyous, employer des méthodes de voyou ? Faut-il répondre au terrorisme par la terreur ? Dans les années 80 l'Espagne répond oui à ces deux questions et crée les GAL, Groupes antiterroristes de libération, composés de barbouzes, policiers et repris de justice et chargés de faire la chasse à ETA en faisant feu de tout bois, pratiquant allègrement attentats, assassinats et enlèvements, aussi bien sur le sol espagnol que français. Emportés par leur élan -et leur impunité -les GAL sont allés plus loin que leur cahier des charges, si loin qu'ils ont été dissous en 1987 et leurs membres et commanditaires punis par la justice.

Quand commence l'enquête d'Iban Urtiz, les GAL ne sont plus qu'un lointain et mauvais souvenir. Pourtant, une rumeur persistante évoque de jeunes militants nationalistes enlevés, soumis à la question, torturés puis relâchés, selon les anciennes méthodes. Mais Jokin, lui, n'a pas refait surface. Le commando chargé de l'interroger est-il allé trop loin ? Mort sous leurs coups, Jokin, devenu un cadavre gênant, a-t-il été enterré quelque part dans le plus grand secret ? Officiellement, il n'existe aucun commando de ce genre la version qu'on voudrait vendre à la presse est celle d'un Joskin transportant une grosse somme d'argent pour l'organisation indépendantiste et décidant d'aller refaire sa vie ailleurs avec le magot. Le journaliste, encouragé par le regard de braise de la belle Eztia, soeur du disparu, remonte la piste des jeunes gens enlevés et des kidnappeurs. Sans le soutien de sa hiérarchie, moqué par le journaliste local, le très basque Marko Elizabe, menacé de mort et molesté par des inconnus cagoulés, Iban ne lâche pas prise et nage dans les eaux opaques du secret d'Etat et de la lutte clandestine, pensant naïvement pouvoir faire éclater la vérité.

Si Marin LEDUN tente de rester impartial dans ce roman inspiré de l'histoire vraie de l'étarra Jon Anza, on peut lui reprocher son quasi silence sur les exactions du mouvement séparatiste en se focalisant surtout sur la réponse ultra-violente de l'Espagne et la complicité silencieuse de la France. Quoi qu'il en soit, son roman est passionnant de bout en bout, même si la problématique basque reste un sujet épineux et souvent incompréhensible en dehors de ses frontières. A l'heure de l'union européenne et de la mondialisation, les velléités indépendantistes du groupe peuvent paraître d'un autre temps. D'ailleurs il a abandonné la lutte armée en 2011. Quelques zones d'ombre s'éclairent grâce à ce thriller politique sombre et angoissant qui veut rendre justice aux victimes d'un état bandit qui n'a rien à envier aux plus abjects des terroristes.



Merci à Babelio et aux éditions Ombres noires d'avoir pensé à moi pour cette masse critique spéciale.
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En douce

Elle danse bien, Emilie, et elle est sexy. Elle a envie de ramener un type chez elle, ce soir : Simon, un bûcheron qu'elle a repéré au feu d'artifice du 14 juillet et chauffé en boîte dans la foulée. Il est un peu tiède, il bosse tôt le lendemain, il aimerait bien rentrer dormir. Elle se fait câline. Il cède. Arrivé chez Emilie, le monsieur va avoir une drôle de surprise. Le terme 'partie de jambes en l'air' va prendre un tout autre sens.



Encore un thriller façon Karine Giébel, Pierre Lemaitre, Sandrine Collette - pour ne citer que ceux que je connais.

Découragement en découvrant ces thématiques (je n'avais pas lu la 4e de couv, « qui est encore un modèle du genre », comme dirait Lolokili) : je continue ou pas ? y aura-t-il du nouveau ? d'autres sujets de réflexion que dans les dizaines d'autres romans noirs que j'ai déjà lus sur ces sujets ?

En avançant, j'ai trouvé également des ressemblances avec les atmosphères sombres et les univers bouchés décrits par Pascal Dessaint, mais aussi avec certains personnages ruraux-rugueux de Franck Bouysse.



Plaisir et intérêt très fluctuants en cours de lecture. L'idée « dans quelle mesure les autres sont-ils responsables de nos échecs ? » m'a plu, mais l'intrigue et ses rebondissements m'ont souvent ennuyée.



• De cet auteur, j'ai aimé 'Les visages écrasés', mais pas du tout 'Dans le ventre des mères'.
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Leur âme au diable

Ma dernière cigarette se consume dans le cendrier : il est temps pour moi d'écraser mon paquet et de commencer ce commentaire.

La cigarette "nuit" gravement à la santé !

70000 morts dû au tabac pour l'année 2020 soit 30000 de plus que l'alcool. Ces chiffres sont désormais peu contestables.

Mais en 1986, au début de ce roman, la clope est encore un symbole de fraternité et de virilité même si quelques scientifiques commencent à s'inquiéter de l'augmentation du nombre de cancers du poumon, de pneumopathies en tous genre et se mettent à alerter l'opinion publique ainsi que les politiques.

L'industrie du tabac, florissante, redouble d'effort pour vendre toujours plus : Lobbying, corruption, intimidation des concurrents, prostitution, contrebande, et j'en passe...

Le récit commence par un vol meurtrier de camions remplis d'ammoniac. Savez-vous quelle est la différence entre une brune et une blonde ? C'est justement son taux d'ammoniac qui adoucit l'âpreté du tabac et permet donc de toucher un public plus jeune et plus féminin.

Nous suivrons dans ce roman l'enquête du capitaine Nora de 1986 à 2007 qui n'aura de cesse de lutter contre ces "big tabacco".

Marin Ledun nous propose ici un roman noir et sociétal qui met en lumière les procédés immondes que sont prêts à employer beaucoup de grandes sociétés pour protéger leur prospérité. Je crois qu'on pourrait écrire le même genre de livre sur l'industrie pharmaceutique mais moi j'dis ça, j'dis rien ! La démonstration de l'auteur est documentée, implacable et détaillée. Malheureusement, cette dénonciation est un peu aux détriments du suspens et plus généralement des codes du roman noir.

Je me suis parfois ennuyé mais cela reste un très bon polar engagé comme sait si bien le faire cet auteur.

Je vais peut être attendre une heure avant d'acheter un nouveau paquet ...
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Salut à toi ô mon frère

C'est un roman policier comme je les aime, c'est-à-dire qui n'en est pas un.

Pour résumer très brièvement : une famille nombreuse atypique s'unit pour innocenter le petit dernier de la bande.

J'ai passé un bon moment de détente en parcourant ce livre, beaucoup de jeux de mots m'ont fait sourire. Cependant, l'auteur n'évite pas les lieux communs et une fin attendue.

Cependant, comme il m'a bien divertie, je choisirai volontiers d'autres livres de cet auteur.

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Les visages écrasés

Les visages écrasés est un roman noir, très noir. J'ai mis presque une semaine pour le terminer, Le lire avant et après le travail n'était sans doute pas une bonne idée!

Sa noirceur est telle que j'ai été oppressée tout au long et que j'ai eu du mal à lire plus de quelques pages à chaque fois. Je lis très souvent des thrillers et je n'ai que très rarement cette sensation de mal-être . Cela provient du fait que ce livre a pour thème la souffrance au travail et qu'elle fait écho à plusieurs témoignages de personnes rencontrées dans le cadre de mon travail. L' intrigue policière et la personnalité du médecin du travail est telle que l'on sait que nous sommes en train de lire un roman mais les conditions de travail et la description du service RH déshumanisé sont malheureusement très proches de la réalité de certaines entreprises. Dans cette période pré électorale, ce livre devrait être lu par tous les prétendants à la présidence...

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Luz

L'été commence bien pour Luz : sa mère lui a enfin acheté le maillot de bain de ses rêves, un truc d'ado un peu sexy, qu'elle étrenne ce dimanche.

A quatorze ans, on ne doit plus être traitée comme une gamine ! Y a assez des deux grandes soeurs qui la prennent de haut.

Vanier, le copain du père, toujours fourré à la maison, considère Luz comme une femme, par contre, et un peu trop, et mal. Regards appuyés, mains baladeuses, réflexions salaces, ceci sous l'oeil morne et indifférent du papa de Luz, aussi imbibé d'alcool que le gros dégueulasse en question... Voilà la jeune fille transformée en chair consommable par le mâle prédateur. Ça met mal à l'aise et ça souille, surtout à cet âge, si on manque d'audace, de répondant.



Pour échapper à cette « danse macabre des dimanches en famille », Luz part se baigner. Changement de décor : elle quitte « une bande d'ivrognes [adultes] cloués sous un mûrier » pour un groupe d'ados désoeuvrés qu'elle connaît à peine. Un moindre mal ? Pas sûr !



En dédicace, samedi, l'auteur a noté sur mon livre (comme sur d'autres, sans doute) : « Où il est question d'apprendre à dire et entendre le "non" ! »

Voilà en effet le message de ce roman d'aventure/initiatique dont l'essentiel de l'intrigue se déroule sur une journée.

En lisant cet ouvrage, indignez-vous, jeunes filles, jeunes hommes ! Décidez qu'on n'abusera pas de vous, qu'on n'enfreindra pas vos limites, qu'on tiendra compte de vos avis/envies. La littérature est aussi faite pour profiter des expériences des autres. Et comme on est plus enclin à écouter une adolescente fictive que ses parents ou ses profs, ce roman est à mettre entre toutes les mains des jeunes pour que ce NON, ils osent le prononcer, le manifester, et qu'ils respectent les refus des autres, les devinent, même...



J'aurais préféré une autre fin, mais un auteur jeunesse m'expliquait sur ce même salon, l'année dernière, qu'il y avait des règles à respecter dans la littérature pour adolescents...
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Fractale

A l'origine, ce livre de 90 pages était une création radiophonique diffusée, en 2010, sur France Culture. Édité, par la suite, sous forme de "pièce de théâtre", c'est avant tout un petit thriller psychologique qui analyse finement le monde dédaléen de l'entreprise où chacun, pour "rester dans la course", joue d'après ses propres règles...



Une exercice de sécurité dans un cabinet de courtage, oblige trois femmes et trois hommes à se retrouver dans un ascenseur à sens unique...en route pour le sous-sol...

Enfermés pendant un certain laps de temps, les traders se rendent vite compte que ce n'est pas pour une exercice sécuritaire. À l'incompréhension se succèdent l'agacement, le questionnement, les suppositions : conditionnement pour voir qui est le plus apte à suivre une formation convoitée ? Action menée en vue de licenciements ? Avancement ?



Le lecteur, tel un voyeur derrière un miroir sans tain, suit les échanges, les discussions, les reproches, les disputes...sent monter, lentement, la tension et le malaise...perçoit que ces femmes et hommes ne sont pas là pour une "promotion-canapé" mais qu'ils sont, dans ce huis-clos, bel et bien les sujets d'une fractale pour isoler un élément....mais pour quel motif ?
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En douce

Sur une piste de danse, Émilie aguiche Simon, lequel était bien décidé à la draguer. Il l'avait déjà repérée ailleurs, la trouvait belle et il était intrigué par sa claudication. Malgré la réticence de Simon (il bosse à six heures et demie le lendemain), ils partent en voiture chez Émilie. Elle vit loin de tout, dans une caravane minable au milieu du chenil où elle est employée. Quand ils sont tous deux à l'intérieur, Émilie attrape un revolver caché sous un coussin et tire une balle dans la jambe gauche de Simon. Nous sommes page 21.

***

Petit à petit, par des retours en arrière, nous allons apprendre les raisons du geste d'Émilie. En fait, elle se venge. Elle a perdu une jambe dans un accident de voiture et porte maintenant une prothèse. Depuis, rien ne va, rien ne lui réussit, elle perd pied et se réfugie dans l'alcool et des aventures sans lendemain. Mais le conducteur de l'autre voiture est-il aussi coupable qu'elle le pense au début ? Sa rencontre avec Simon, les gestes qu'elle pose, le retour sur elle-même que la situation lui dicte vont l'amener à repenser différemment le problème et à faire le bilan. Victime ? coupable ? Rien n'est si tranché dans la vie, à part peut-être le déterminisme social qui instille chez les deux personnages principaux un sentiment permanent de déclassement. Un roman âpre et dur mettant en scène une héroïne assaillie par des crises d'angoisse et qui arrivera à faire son deuil par des moyens pour le moins inattendus. Roman sans concession !

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La vie en Rose

Après l'excellent " Salut à toi ô mon frère", La tribu Mabille-Pons est de retour, enfin pas tous, les parents sont partis sous les alizés soigner le spleen de Charles recalé pour la troisième fois au concours de notaires.



C’est donc Rose, en congé sabbatique après sa licence de lettres classiques, qui s’occupe comme elle peut du reste de la famille, cinq frères et sœurs un chien et un chat et aussi de Richard son amoureux, accessoirement lieutenant de police au commissariat de Tournon.



Et justement il a fort à faire Richard, car la petite ville ardéchoise est en émoi, un tueur en série surine des lycéens et toutes les victimes ont la particularité de connaitre de très près Camille la benjamine de la fratrie Mabille-Pons. Rose donc très concernée est prête à aider son flic préféré, surtout depuis un test de grossesse positif.



Polar rondement mené au son des Guns N’ Roses, AC/DC ou Alice Cooper, raconté par une punkette, gothique et lettrée.



Polar littéraire donc qui n’hésite pas à citer Ovide, Paul Claudel et Sacher Masoch à égalité avec Harry Crews ou Jim Thompson.



Polar familial aussi car la joyeuse tribu de Rose est un personnage récurent à part entière depuis « Salut à toi au mon frère » le précédent roman d’heureuse mémoire de Marin Lebrun.



Au fait, sans trop spoiler le dénouement, une question nous taraude : le romancier aurait-il des comptes à régler avec l’éducation nationale ?
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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Free queens

Ca faisait longtemps que je n’avais pas lu un roman noir. Pas un roman policier où l’enquête se déploie selon une logique immuable menant à l’élucidation d’un crime. Pas un thriller dont on tourne les pages avidement et dont on ne garde plus aucun souvenir sitôt la dernière ligne avalée. Un roman noir. De ceux qui vous démontent les vices d’une société, vous fichent le nez dans le nauséabonde et le scandale ordinaire des laissés pour compte. De ces romans qui, s’ils mettent bien le crime au cœur de leur dispositif, ne vous laisseront jamais croire que l’identification de son auteur restaurera la bonne marche du monde pour autant. Un vrai roman noir, grinçant, dérangeant.

Free queens excelle en la matière et j’ai tout aimé : le style de Marin Ledun, élégant, précis, à la bonne distance de son histoire, sans surplomb théorisant ou condescendant, sans cette fausse familiarité gouailleuse qu’aurait pu autoriser à certains le thème de la prostitution. Non, un style à la sobriété efficace, d’une facture discrètement classique. On est chez Gallimard ça se sent.

J’ai aimé l’intrigue aussi. Ici, il va s’agir de ne pas trop en dire. De ne rien raconter en fait. Ce qui rend difficile le commentaire… quelques mots pour poser le cadre : prostitution, Niger, trafic, Blancs, alcool, misère, journalisme, sororité… Car ce que j’ai aimé, c’est que tout ce que ce sujet aurait pu avoir de périlleux à être traité par un homme blanc sur le mode du roman policier ait été désamorcé. La question de l’enquête, de l’enquêteur, de la victime et du coupable, la question de la parole des femmes, des femmes noires dans un monde où l’argent est aux Blancs, la question d’un cas singulier qu’on érigerait en symbole permettant de s’exonérer de tous les autres, tout est revisité de manière subtile et parfaitement appropriée.

Je sors de cette lecture encore habitée par son rythme, j’ai dans les yeux les scènes qui s’y sont déroulées. Cette fois, la narration n’aura pas eu de fonction cathartique et rien n’aura été apaisé. Mais j’aurais eu, outre le plaisir de lire une très bonne histoire, l’impression d’appréhender un peu plus justement l’ampleur et la complexité du tableau. Et puis, malgré le caractère très sombre du constat, reste l’espoir de la révolte, le bienfondé d’une indignation pleine de grâce et d’énergie.

J’ai eu la chance de découvrir ce livre avant sa sortie. Voilà qui me donne le privilège de vous le recommander chaudement et de vous inviter à guetter sa parution fin mars. Quant à moi, après cette première incursion dans l’œuvre de Marin Ledun, nul doute que j’y reviendrai. Si vous avez des recommandations en la matière, je suis preneuse !

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L'homme qui a vu l'homme

Nouveau coup de coeur.

Début 2009, pendant que les tempêtes Klaus et Xinthia font des ravages dans le sud-ouest, un jeune militant basque, Jokin Sasco, disparaît.

Journaliste au quotidien régional Lurrama, Iban Urtiz est envoyé seconder le caméraman  Elizabe sur une conférence  de presse donnée par la famille du porté disparu.

Iban, comme son collègue se passionne pour cette affaire.

Chacun de leur côté ils vont mener leur enquête.

Oui, mais voilà, il ne faut jamais donner de coup de pied dans un nid de frelons... ça pique et c'est mortel...

En plein pays basque, entre l'Espagne et la France, Marin Ledun nous entraîne sur les pentes vertigineuses d'une affaire politico-policière.

Qui est véritablement Jokin ?

Quels sont ses liens avec l'ETA ?

Qui l'a fait disparaitre ?

Police ? Terroristes ? Gouvernement ?

Qui tire les ficelles ?

Pourquoi ?

Autant de questions qui font que ce roman vous tient en haleine de la première à la dernière page.

Marin Ledun réussit ici à vous impliquer dans une enquête au long cours.

Vous tremblez avec ses protagonistes.

Vous encaissez les coups.

Vous voulez que justice soit faite ?

Mais quelle justice ?

Qui est bon ?

Qui est méchant ?

Et.... qui gagne à  la fin ?

J'ai aimé (non,  je ne suis pas maso, enfin, je ne pense pas) la tension ressentie page après page.

Je remercie Marin Ledun pour son roman et l'excellent moment que j'ai passé en sa compagnie, mais aussi parce que c'est lui, qui sur un salon où je l'ai croisé, me l'a conseillé.

À mon tour, chers amis lecteurs je vous engage à le découvrir.

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La guerre des vanités

Dix petits suicidés - ou presque, on perd le compte qui, de toute façon, n'est pas bon, pas bon du tout. D'autant moins si l'on ajoute l'âge des défunts dans l'équation : entre 7 et 16 ans.

Tout cela en quelques jours, dans la petite ville de Tournon, entre Ardèche et Drôme.



On fait venir de Valence le lieutenant Korvine. Et d'emblée, le bonhomme a du flair :

1. il n'y a pas de hasard

2. tout le monde sait, tout le monde se tait.

Un bon début ! Dommage qu'il en reste là presque jusqu'à la fin, parce qu'il a une piste à un moment, mais il semble la perdre de vue. Et, comme en regardant un Guignol simplet, on a envie de lui crier qu'il est devant, ou juste à côté, bordel !

A sa décharge : il est malade, c'est écriiit ♪♫ (dans sa poche), il a un pied dans la tombe, tousse à s'en étouffer, car il fume, fume, fume, même au petit-déjeuner ♪♫ (qu'il ne prend pas, d'ailleurs, parce qu'il ne dort guère, ni la nuit ni le jour ♪♫, et oublie de se nourrir). Aussi too much et stressant que la médecin du travail qui s'enfile des cachetons au pif dans 'Les Visages écrasés'.



Alors l'enquête s'éternise, et le lecteur peut s'impatienter. Ce que je n'ai pas manqué de faire, après une centaine de pages addictives.

Petite chasse à l'homme - pour redonner un peu de souffle ? Agacement accru : on ne me reconquiert pas avec des courses poursuites.

Puis retour à la case départ, ou quasi.



Ennuyée par cette histoire, pas du tout convaincue par la démonstration diluée sur cette 'guerre des vanités'.

Et déçue d'être déçue par cet auteur érudit dont j'aime tant les idées et les interventions sur les salons (excellent souvenir d'une table ronde à Rennes avec Dominique Manotti).
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Salut à toi ô mon frère





Marin Ledun est un auteur de polars atypiques qu'on suit depuis le tout début du blog La Guerre des vanités,et dont on suit pratiquement toutes les parutions: du polar noir et brutal comme on aime.



Alors, pour ceux qui comme nous, connaissent pas mal comme nous l'univers de Marin Ledun on ne le voyait pas forcément du coté de la comédie à la Daniel Pennac ou Jean Baptiste Pouy, ,ou si on on veut des exemples moins littéraires, à l'age d'or du cinéma des années 70, versant italienne..



Dans Salut à toi ô mon frère, sa dernière parution à ce jour, si son intrigue plantée à Tournon (comme la guerre des vanités, normal vu que le romancier connait très bien l'Ardèche) –Marin Ledun tente la comédie socialo-policière qui lorgne énormément du coté de la saga Malaussène avec une famille bien barrée et déglinguée comme il faut!



Au fil des péripéties bien fantastiques de cette famille Mabille-Pons, chantre du non-conformisme, on a pas mal de tendresse et l'humour, et comme on ne se refait pas totalement un regard bien aiguisé sur société.



L'absurde de certaines situations et n'empechent pas la chronique sociale et une belle diatribe en règle contre le racisme l'intolérance et les extremismes en tous genre, ce qu'il fait avec un sens de l'a propos et de la formule qui décoiffe pas mal « - Un papillon, c'est jamais qu'une mite qui aurait pris de l'acide. »



Une comédie policière mordante et décapante, qui prouve que Marin Ledun manie vraiment tous les genres
Lien : http://www.baz-art.org/archi..
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L'homme qui a vu l'homme

Iban Urtiz, journaliste à Lurrama, est cantonné à la rubrique des chiens écrasés jusqu'à ce jour de janvier 2009 où il est mandaté par son rédacteur en chef pour couvrir une conférence de presse à Istilharte avec son collègue Marko Elizabe. La famille du militant abertzale Jokin Sasco vient de déposer plainte pour disparition inquiétante auprès du Parquet de Bayonne et tente d'alerter l'opinion publique. Le sujet est délicat. Sasco est un ancien etarra incarcéré pendant dix ans pour appartenance à un groupe terroriste et participation à des actions violentes. Sa soudaine disparition coïncide avec plusieurs affaires d'enlèvements et de tortures sur des gamins de la kale borroka, qui n'ont suscité ni l'attention de la police, ni celle de la presse . Quel intérêt pouvait bien représenter ce militant de second plan qui n'avait plus fait parler de lui depuis sa libération?Jokin était-il un porte-valise ou avait-il trahi sa cause?

L'homme qui a vu l'homme est le récit d'une quête de la vérité, toute la vérité sur l'affaire Sasco. Celle d'Eztia, la soeur de la victime, qui se heurte au harcèlement de la police et au silence de son frère Peio. Celle de l'ex-compagne de Jokin, Eléa Viscaya, qui tente de prendre un nouveau départ. Celle des barbouzes spécialisés dans les basses besognes qui cherchent à effacer leurs traces et établir avec certitude qui sait quoi. Et enfin celle des journalistes de Lurrama décidés à faire toute la lumière sur les enlèvements de militants.

Dans ce roman aux vérités parcellaires, Marin Ledun met en place une intrigue complexe avec en toile de fond les luttes de pouvoir et la manipulation de l'information. L'histoire, tentaculaire, multiplie les retours en arrière ainsi que les points de vue, chaque personnage détenant une partie de la vérité. Le lecteur est tributaire des investigations des nombreux protagonistes, de leurs déductions et des conséquences de leurs découvertes, qu'ils agissent au nom du pouvoir ou du droit à l'information.

Le parcours des deux journalistes est une des facettes les plus intéressantes du roman. Ici point de "ils se détestent, apprennent à se connaître et travaillent main dans la main au service de la vérité". Elizabe, en franc-tireur originaire du coin, a toujours une bonne longueur d'avance sur son collègue. Le vieux renard sait où il met les pieds, possède un réseau d'informations fiable, les autorités se refilant la patate chaude des deux côtés des Pyrénées. Urtiz quant à lui est le "Persan". Il n'a de basque que le patronyme et a bien du mal à avancer dans son enquête: "La stratégie menée par Madrid fonctionne comme une véritable machine de guerre. Silence! Isiltasuna! Silencio! D'un côté et de l'autre de la frontière, quel que soit leur camp, qu'ils portent une cagoule ou pas, ils apprennent tous à murmurer, d'abord, et à se taire, ensuite."( L'auteur rend en ce sens parfaitement compte de la complexité de la situation politique sur le territoire). Fraîchement débarqué de Savoie, sa totale méconnaissance de la question basque et ses nombreux tâtonnements permettent à Marin Ledun de donner un cours accéléré de géopolitique au lecteur incrédule désireux d'en savoir davantage sur la gauche abertzale, les services de renseignements des polices espagnoles et françaises etc... L'intrigue se déroule en 2009 (Sud-Ouest du 22/07/2010 pour les curieux, découverte du corps d'Anza) bien avant l'annonce par l'E.T.A. de l'arrêt définitif de l'action armée. Cependant des précédents de chaque côté de la frontière essentiellement couverts par la presse régionale et la récente affaire Aurore Martin prouvent à quel point ce sujet "sensible" est toujours d'actualité.

Mais au-delà des investigations journalistiques, L'homme qui a vu l'homme est finalement un questionnement sur la manipulation et la diffusion de l'information. Ce qui au départ n'était pour Iban Urtiz qu'une opportunité pour sa carrière devient rapidement une quête obsessionnelle. A l'image du chaos ambiant provoqué par Klaus qui vient de dévaster le Sud-Ouest, l'image de "la tempête sous un crâne" s'impose au lecteur. Les démarches d'Urtiz, tout petit maillon du Quatrième pouvoir, ont-elles encore un sens dans une société où prime la raison d'état?
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Leur âme au diable

« Dans le monde de la publicité, il existe un vieux dicton : il n'y a pas plus de rapport entre le tabac et une cigarette qu'entre un sapin et un numéro du New York Times. » (p. 185)

Comme pas mal de trucs qu'on avale (cf. les AUT, aliments ultra-transformés), la clope contient des additifs dangereux*, auxquels s'ajoutent les substances toxiques qui se libèrent au moment de la combustion.

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Du milieu des années 1980 au milieu des années 2000, c'est l'âge d'or de la cigarette en France. La loi Evin et celles qui ont suivi, avec la croissance vertigineuse des taxes, y ont mis fin.

Dans cet ouvrage très documenté, Marin Ledun raconte « vingt ans d'un travail de lobbying acharné. » (p. 582)

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La filière du tabac dans les 80's, ce sont des agriculteurs français, des scientifiques dans les centres de recherche, des ouvriers dans les usines de production, des camionneurs pour les livraisons, des commerciaux, des buralistes. Et aussi des avocats d'affaires pour les procès.

Ainsi qu'un « imposant service publicité et marketing pour diffuser la bonne parole dans les médias et sur les dizaines de milliers de panneaux d'affichage [en] Europe. »

Au coeur de cette mécanique parfaitement huilée Marin Ledun place le lobbyiste David Bartels (nom fictif), de European G. Tobacco. Comme l'homme pressé de Noir Désir, il contrôle tout, bosse sans relâche, 24/24, 7/7, soutenu par des sbires à surveiller, et quelques remontants - sexe & clope & coke.

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De leur côté, depuis la disparition de camions transportant de l'ammoniac, et quelques meurtres directement liés, les OPJ Nora et Brun sont sur les dents. Ils disposent d'éléments épars, la tâche s'avère ardue & longue pour les rassembler et relier les ramifications du réseau.

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Le lecteur, quant à lui, voit les liens entre politiciens, chercheurs, sport, pub, cinéma, prostitution, opérations caritatives. Un levier commun : la corruption. La filière est juteuse, il y a de quoi faire des cadeaux en espèces, en natures, soutenir des candidatures électorales, etc.

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Tout ça pour un produit 'inutile' (et meurtrier), que la publicité et le cinéma s'emploient à présenter comme essentiel, associé

- au plaisir et à la liberté pour tous

- au glamour pour les femmes

- à la virilité et à l'aventure sportive pour les hommes.

Tennis, golf, poker, paris hippiques, courses automobiles & moto... Autant de fabuleux domaines à sponsoriser, où de petites hôtesses - alias 'umbrella girls' - affichent des corps de rêve aux côtés des vainqueurs ou dans les tribunes, T-shirts au logo de la marque... ou avec messages/couleurs subliminaux lorsque les lois se durcissent.

Le rôle de ces femmes-objets ne s'arrête pas là, elles font partie des cadeaux offerts aux partenaires de ces opérations promotionnelles. Là aussi, Bartels veille...

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C'est donc l'histoire d'un lobby...

... qui ressemble à celle d'autres lobbys (automobile, nucléaire...)...

C'est l'histoire de gouvernements et de ministres de la Santé, de l'Intérieur, de la Culture... qui privilégient le bizness, le fric...

... qui ressemble à celle d'autres scandales, plus ou moins actuels...

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J'ai été captivée pendant plus de 200 pages (sur 600), j'ai adoré retrouver les années 80 et quelques personnages phares de la vie publique (politique, médias...). Puis je me suis sentie larguée et agacée quand l'espionnage, la traque, les affaires de contrebande l'ont emporté. Les parties autour de A.M. m'ont paru longues, lourdes, chiantes, et les piétinements des enquêteurs sont pénibles à suivre, a fortiori lorsqu'on a une longueur d'avance sur eux.

Ce n'est pas la première fois que je peine à lire cet auteur (dont j'aime beaucoup les idées, pourtant) : trop fouillé, ardu, aventure-'couillue' avec des protagonistes aux comportements excessifs - truands en col blanc, ceux qui y mettent les poings ; picole & défonce chez gendarmes & voleurs...

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J'espère néanmoins donner envie de lire cet ouvrage, cette bible sur le lobbying et la cigarette. Je vais faire circuler autour de moi.

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PS : Mauves-en-Noir, JB Pouy, Frédéric Paulin, Marin Ledun... cette année comme en avril 2020, vous allez nous manquer... 😕

Et sinon, la question qui me brûle les lèvres : M. Ledun, fumez-vous toujours ?

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• Je remercie Babelio, les éditions Gallimard, et l'article du Canard enchaîné qui m'a donné envie de découvrir l'ouvrage.

Je ne regrette rien, même si j'en ai bavé pendant 10 jours... 😉



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* les additifs :

- des ingrédients sapides (mélanges d'arômes, épices, sucre, miel, extraits végétaux)

- des agents humectants (glycérine, propylèneglycol, acide phosphorique),

- des produits de blanchiment des cendres (alun, hydroxyde et sels d'aluminium, oxyde d'aluminium et de magnésium, talc, acide silicique, acides, sels d'ammonium),

- des agents conservateurs (acide benzoïque, acide formique, acide propionique), des adhésifs et des liants (collodion, cellulose, gomme laque).
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