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Critiques de Michel Ragon (137)
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Ma soeur aux yeux d'Asie

Michel, 16 ans et sa demi-soeur "aux yeux d'Asie", Odette 22 ans se retrouvent en juin 1940 chez leur tante en Vendée.

A travers les lettres de leur père, ils découvrent sa vie de marsouin en Indochine.

Se mêlent aux lettres du père les évènements de l'été 1940 vécus par la famille (la tante Suzanne, son mari, sa fille et son gendre)

Et Michel et Odette se découvrent frère et soeur, semblables et si différents.

C'est un très beau roman autobiographique, très agréable à lire.

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La mémoire des vaincus

Dans cette vaste fresque libertaire et prolétarienne, Michel Ragon balaye un siècle d'histoire marginale, mettant en scène Fred Barthélemy, dont la destinée a tenu à un enchaînement de circonstances qui l'ont entraîné partout où l'histoire s'est écrite au XXème siècle, partout où le sang d'hommes et de femmes sacrifiés par le système, a coulé abondamment : première guerre mondiale, révolution russe, front populaire, guerre d'Espagne, jusqu'à mai 68, dernier combat en date.





Que d'événements incroyables analysés par un homme ordinaire, anonyme, isolé, pauvre, démuni, qui a rêvé d'arracher aux maîtres du monde leurs privilèges ! Michel Ragon rend hommage à tous ceux qui un jour, alors que leurs origines sociales ne les prédisposaient guère à l'accès à la culture, à la connaissance, ont lu par hasard, dans une obscure officine de bouquiniste, quelques pages de Victor Hugo et de ses Misérables, et qui à la suite de cette découverte fortuite et lumineuse, avec un appétit de crevard, ont volé ce qui leur était interdit : la beauté, la poésie, la vérité. L'utopie peut-être.





Cette première incursion dans l'histoire libertaire qui prône l'anti-militarisme, l'anti-stalinisme, la critique moderne du marxisme, l'avortement légal, l'amour libre, le naturisme, le nudisme, l'écologie, m'incite à approfondir cette découverte.





Un homme qui dit : «Je ne fais pas de politique, mais quand je vois un pauvre type dans la rue, je lui tends la main » (p. 307) éveille d'emblée ma curiosité et me donne envie de faire un bout de chemin en sa compagnie.
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Les mouchoirs rouges de Cholet

« Du temps que l’Océan n’était qu’un désert d’eau bouillonnante, on trouvait une île que l’on appelle aujourd’hui Noirmoutier, celle ou d’Elbée fut fusillé par les bleus et qu’habitaient en ce temps-là des sorciers. L’enchanteur Merlin y naquit d’une druidesse et d’un démon. A dix ans, l’enchanteur Merlin épousa une sorcière d’une grande beauté qui, dans ses cornues, cherchait à transformer le sable de la mer en lingots d’or. Elle fit tant chauffer ses cornues qu’elles explosèrent dans un grand bruit de tonnerre et que la belle sorcière disparut. Pour se désennuyer du veuvage, l’enchanteur Merlin se mit à composer avec de la glaise, un os de baleine et une fiole de sang, les géants Grandgousier et Gargamelle. C’est Grandgousier et Gargamelle qui, plus tard, engendrèrent Gargantua. Gargantua était un géant si grand que, lorsqu’il s’asseyait sur la cathédrale de Fontenay-le-Comte, et qu’il posait un pied sur celle de Luçon et l’autre sur celle de Niort, il pouvait se pencher sur le marais et boire dans une seule goulée la Sèvre Niortaise, la Vendée et L’Autize. »



Noirmoutier est l’Ile chère à mon cœur, ma madeleine de Proust, réminiscence de ces mois de vacances précieux qui ont marqué mon enfance, mon adolescence, ma jeunesse, ma vie d’adulte. Imprégnée des récits des guerres vendéennes, des faits d’armes de François Athanase Charrette de la Contrie, du général d’Elbée et d’Henri de la Rochejaquelein, même si, adolescente, je n’en ai conservé que le côté romanesque, il était évident que ces « Mouchoirs rouges de Cholet » de Michel Ragon, sur les guerres de Vendée ne pouvaient qu’attirer mon attention.



Michel Ragon que j’ai découvert à la suite d’une critique écrite par @Dandine sur « La mémoire des vaincus » et que je remercie vivement, ici, possède un talent de conteur à l’image d’Henri Vincenot ou Jean Giono. Son parcours est assez exceptionnel. Né dans une famille vendéenne, orphelin de père à huit ans, il quitte l’école à quatorze ans. Passionné par la littérature et l’art, il n’aura de cesse de se cultiver au point de passer un doctorat à l’âge de cinquante ans, de devenir un expert reconnu en art abstrait et architecture.



C’est au décès de sa maman qu’il éprouve la nécessité de se pencher sur ses racines vendéennes. Ses recherches vont l’inspirer et il écrit entre autres, « Les mouchoirs rouges de Cholet ».



J’ai beaucoup aimé ce livre. Michel Ragon porte une grande tendresse à ses personnages, la lecture en est tout imprégnée. Et pourtant, la violence est omniprésente. Elle se laisse deviner après les combats comme elle se fait plus intense dans le quotidien de ces courageux paysans. Pour nous aider à mieux comprendre l’état de la Vendée après le passage des Colonnes Infernales du Général Tureau, l’auteur imagine cette fiction historique qui nous plonge avec réalisme au cœur d’un village dont il ne reste que des ruines, nous permettant ainsi de prendre la mesure de ce que furent ces années terribles de guerre civile. Le style de l’auteur, l’affection qu’il porte à ses personnages, le foisonnement sociologique donnent un récit qui n’a rien de comparable avec la noirceur de La Terre de Zola.



Nous sommes en 1796, dans un paysage meurtri, incendié, ravagé par les Colonnes Infernales de Tureau, général républicain chargé d’anéantir les derniers foyers insurrectionnels de la Vendée militaire - l’armée catholique et royaliste - laissant libre cours aux exactions habituelles, pillages, viols, tortures, massacres de masse.



L’accalmie tant attendue s’annonce. L’apaisement incite les survivants à sortir de leur cachette tapie au fond des bois. Ils se regroupent, enterrent leurs morts, se comptent sur les doigts de la main. Habillés de guenilles, affamés, mués par l’instinct de survie, les paysans retrouvent la force, le besoin de reconstruire leur village. Ils réorganisent leur quotidien avec ce qu’ils trouvent, avec ce que la nature peut encore leur offrir afin de survivre. L’écriture si réaliste de l’auteur fait du lecteur le témoin de cette renaissance. Alimentant notre imaginaire de multiples détails du quotidien ou de l’artisanat, de dialogues dérivés du patois, de nom de villes ou de villages, Michel Ragon nous suggère la vision de ce paysage assassiné et du courage qu’il faut pour tout recommencer, pour exister, pour perpétrer dans un monde rural exsangue.



Nous faisons la connaissance de Dochâgne, de Chante-en-Hiver, du curé-Noé, de Tête-de-Loup, de Louise et c’est peu à peu la résurrection de tout un village à laquelle nous assistons jusqu’à La Restauration.



Le récit est parfois très émouvant, parfois désespérant et parfois très drôle. A force de tous les accompagner, de pénétrer leur intimité, de les imaginer évoluer, de ressentir leur peine, de se les représenter à la fois ignorant, fruste mais aussi solidaire, pragmatique, parfois en rivalité, on redevient soi-même « Jacquou le Croquant », même si ce n’est pas la même région.



C’est ainsi que l’on prend la mesure de la vraie misère, des conséquences de ces guerres de Vendée, l’indigence qui parle de famine, des mauvaises récoltes, l’eau des puits impropre, l’incurie quant aux soins des enfants qui en meurent, de l’ignorance dans laquelle est maintenue le paysan, soumis à l’Eglise, sujet de toutes les superstitions, ce paysan qui préfèrera crier famine plutôt que de manger une pomme de terre qui serait le légume du diable.



Mais j’ai aimé retrouver la valeur des choses, revenir à l’essentiel comme celle du feu ou celle du pain. Il y a ainsi de très beaux passages messagers d’une grande portée symbolique. Découvrir les us et coutumes, leurs ogres et leurs fradets, leur façon de vivre leurs mythes fut pour moi comme un retour aux sources, un retour à l’authentique si ce n'est l'absence de la médecine dans ces territoires ruraux qui s'est longtemps heurtée aux croyances et superstitions.



Si l’essentiel du roman de Michel Ragon s’intéresse plutôt aux conséquences de l’après guerre de 1793/1796 sur le quotidien des Vendéens, il pousse son analyse sociologique jusqu’à nous faire sentir à quel point les préoccupations de ces combattants du quotidien étaient éloignées des enjeux de la politique. Pour eux, les comportements des pouvoirs successifs ainsi que les compromissions leur paraissaient totalement abscons et ne pouvaient que les décevoir d’autant que les persécutions n’ont pas cessées pour autant, ce qui fera dire à Dochâgne :



« J’ai vu tant de misère que j’ai perdu mes chansons »



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Le Roman de Rabelais

Michel Ragon choisit de nous présenter un Rabelais vieillissant et quelque peu aigri, logé à Saint-Maur-des-Fossés dans une masure proche du château du cardinal qu’il sert, Jean Du Bellay, proche de François Ier puis de son fils et successeur Henri II.



Les discussions avec son maître Jean du Bellay, avec son serviteur Gui, un moinillon fugueur, avec son ami Philibert de l’Orme, grand architecte qui influença fortement le domaine et en particulier l’architecture de la Renaissance, permettent à la fois de revenir sur sa vie passée, notamment sur son œuvre littéraire, et sur les problématiques du temps (François Ier est mort depuis peu, Henri II accède au pouvoir, la censure morale, politique et religieuse retient chacun de respirer, les querelles théologiques battent leur plein – le camp du pape à Rome, le camp de Calvin à Genève, et la gallicanisme en France). Le fil conducteur étant que tous veulent le forcer à donner une suite aux aventures de Pantagruel (derrière lequel se cache François Ier) pour faire valoir Henri II, ce qu’il refuse obstinément – au départ.



J’ai trouvé la structure narrative un peu lâche au départ, et peu « prétexte ». Certains points sont traités plusieurs fois avec des approfondissements variés, mais cela donnait par moment une impression brouillonne plus que construite. J’ai beaucoup regretté l’absence de sources bibliographiques et c’est vrai que je m’attendais et j’attendais davantage de détails sur les différentes étapes de sa vie, notamment ses années d’étude.



Cependant, j’ai beaucoup apprécié d’être plongée dans l’esprit humaniste bien retranscrit : grâce aux portraits de personnalité telles que François Ier (forcément) et Marguerite de Navarre (qu’il idolâtre à la manière d’un amant courtois d’après l’auteur – quelles sont ses sources ? J’aimerais vraiment le savoir !) ; à l’évocation des amitiés et/ou querelles avec Clément Marot et Calvin ; les jeunes Ronsard et Du Bellay (Joachim, petit neveu du cardinal), futurs membres de la Pléiade qui vont fortement influencer la littérature et la langue française, dans un sens opposé à celui de Rabelais – qui peste donc contre eux ; son travail et ses découvertes et innovations en médecine, se basant sur les sources antiques grecques qu’il a lui-même traduites (et non lu en latin traduit de l’arabe qui avait traduit le grec…).



Pour résumer, j’ai trouvé la forme parfois maladroite et un peu forcée mais le fond très intéressant, me donnant envie d’approfondir encore un peu la période.
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La mémoire des vaincus

C'est avec beaucoup de respect et avec beaucoup d'empathie que Michel Ragon a ecrit cette biographie romancee d'un homme (fictif? avatar de quelqu'un qui a reellement existe et dont il cache le vrai nom?) qu'il nomme Fred Barthelemy et qui represente a lui tout seul la trajectoire des anarchistes au XXe siècle. Et il a reussi a m'inoculer cette empathie.



C'est une histoire de luttes populaires, de reves et d'ideaux qui ont marque la realite europeenne et occidentale pendant pres d'un siècle. Des bombes de la Bande a Bonnot jusqu'a l'apres Mai 68, en passant par la revolution russe d'Octobre, la guerre civile espagnole, les emprisonnements et deportations de la deuxieme guerre mondiale, et les efforts pour publier une presse libertaire tout le long du siècle.



C'est la memoire de gens qui ont lutte pour une meilleure societe et qui ont ete vaincus par l'histoire. Vaincus? Ceux qui luttent, qui n'arretent pas de lutter, peuvent-ils etre jamais vaincus? Pas vraiment, ils renaissent a chaque fois de leurs cendres, comme le phenix. Et ces vaincus continuent peut-etre leur lutte par l'entremise du livre de Ragon: la lutte pour une memoire non diabolisee. La memoire de societes revees, de revolutions qui ne purent jamais etre menees a terme mais a chaque tentative conquerant de nouveaux esprits, de nouveaux lutteurs.



Autour de ce Fred Barthelemy fictif Ragon fait vivre nombre de personnages historiques reels. Des libertaires francais oublies comme Paul Delessalle, Rene Valet, Louis Lecoin (je les cite pour que leurs noms soient ecrits encore une fois, ils meritent bien ca) et des figures comme Lenine, Trotsky, Victor Serge, la feministe avant l'heure que fut Alexandra Kollontai, le meneur de paysans ukrainiens Makhno ou l'espagnol Durruti. Il raconte l'acharnement des communistes contre les libertaires, acharnement que nous comprenons aujourdh'ui quand nous savons que ce qui se targait d'etre une dictature du proletariat n'etait que la dictature d'un parti.



Ragon a ecrit un beau livre. Je me repete: il a reussi a me faire partager son empathie pour son (en fait ses) heros. Dans cet etat d'esprit je clos ce billet avec des mots de Leo Ferre:

Les anarchistes

Ils ont un drapeau noir

En berne sur l'espoir

Et la melancolie

Pour trainer dans la vie

Des couteaux pour trancher

Le pain de l'Amitie

Et des armes rouillees

Pour ne pas oublier

Qu'y'en a pas un sur cent et qu' pourtant ils existent

Et qu'ils se tiennent bien bras dessus bras dessous

Joyeux et c'est pour ça qu'ils sont toujours debout.



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Ma soeur aux yeux d'Asie

Michel Ragon nous emmène, dans ce roman que je crois très autobiographique, à la recherche du personnage de son père, mort trop tôt de la tuberculose et ancien marsouin (fantassin dans l'infanterie de marine, troupes coloniales) en Indochine. Le prétexte de ce voyage est le rapprochement avec sa demi-soeur, ramenée du Cambodge par son père démobilisé alors qu'elle n'avait que trois ans.



Pendant le très particulier été 1940, les deux adolescents, Michel et Odette, vont découvrir au travers des lettres de leur père à la fois leurs origines familiales, le destin de ce père, mais aussi et peut-être surtout cette terre d'Indochine si lointaine et si marquante. La vision qu'ils en ont est déformée par les a priori du père, qui au fil des années va toutefois évoluer, un peu, si peu, dans sa vision des terres et des hommes du Fleuve Rouge et du Mékong.



La petite et la grande histoire se mèlent agréablement dans ce texte aux tonalités douces-amères, empreint d'une forme de nostalgie pour un monde paysan qui est en train de totalement disparaître dans les premiers mois de la seconde guerre mondiale.
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La mémoire des vaincus

Résumé.

Au début du XXe siècle, un petit orphelin, Fred Barthélemy rencontre Flora, une jeune marchande de poisson dont il tombe amoureux. Les deux enfants sont assez vite recueillis par un couple d'anarchistes de Belleville, Victor et Rirette, amis très proches de la bande à Bonnot. Fred fait son éducation politique auprès de Delesalle, un libraire anarchiste et apprendra le russe avec des émigrés fuyant la répression tsariste. Cette connaissance lui épargne la boucherie de 14 car il est envoyé par l'armée comme observateur de la révolution russe. Au contact de Lénine, Zinoviev, Kamenev, Trotsky et Staline, il est horrifié de la manière dont son idéal est trahi. Rentré en France au moment du Front populaire, il participe activement à la guerre d'Espagne dans les rangs des libertaires et des anarchistes qui finiront pour la plupart sous les balles des bolcheviques. Il passe la seconde guerre mondiale prisonnier en France dans le camp de concentration de Gurs et est libéré en 1945 sans avoir eu ni procès ni condamnation, ni réhabilitation d'aucune sorte. A la fin de sa vie, il exerce la profession de bouquiniste sur les quais de Paris.



Mon avis.

Michel RAGON aurait pu intituler son livre "Les perdants magnifiques", si ce titre n'avait pas déjà été utilisé par Leonard COHEN ; il aurait été plus proche de la vérité. Car ces hommes ne furent pas réellement vaincus, mais bel et bien trahis !

J'ai adoré ce roman qui tend parfois vers l'essai politique !

Un destin exceptionnel, une vie qui en contient dix et qui permet à Michel Ragon de brosser une fresque magnifique sur le mouvement anarchiste et libertaire. En compagnie de Fred, le lecteur croise le prince Kropotkine (initiateur avec Bakounine du mouvement en Russie), le rebelle anarchiste ukrainien Mackhno, les espagnols Durruti et Pestana, etc. Beaucoup, notamment les libertaires, mais aussi les socialistes révolutionnaires, contribuèrent fortement à l'avènement aux pouvoirs des Bolchéviques, contraints et forcés par les événements, puis furent trahis et exterminés. Frédéric BARTHELEMY, personnage central du roman, n'a pas existé, Michel RAGON s'est servi des anecdotes de deux anarchistes qu'il a eu la chance de rencontrer, de nombreux témoignages d'acteurs de ces événements historiques, et d'une solide documentation. Même s'il a romancé, et parfois interprété, RAGON ne rapporte que des faits avérés, toujours judicieusement commentés.



Quelques morceaux choisis :

"L'histoire a été accaparée par des imposteurs et elle est écrite pas d'autres imposteurs."

"Il ne peut y avoir de communisme viable que dans le partage de l'abondance. Or la Russie ne partageait que la pénurie."

"L'armée rouge et la Tchéka*, voilà les deux réussites de la révolution d'Octobre."

"La France, l'Angleterre, l'Autriche, tous les pays qui échappaient encore à la dictature, s'endormaient dans leur déclin. Leurs dirigeants ne remarquaient rien, ne comprenaient rien. Ou bien alors, comme le lapin fasciné par le serpent qui le dévorera, ils se laissaient ensorceler par les sirènes."

"Les politiciens deviennent amnésiques dès que l'Histoire ne fonctionne pas selon leurs vœux."

"Que longtemps encore règne sur le monde ta bienfaisante lumière" titrait l'Humanité du 26 novembre 1949**."

"On le*** condamna donc finalement à mort, seulement pour avoir mal pensé. Mais pour Staline, comme pour Hitler, ne s'agissait-il pas là du mal suprême ?".



* L'ancêtre du KGB.

** Pour l'anniversaire de Staline (18 décembre).

*** Nicolaï Boukharine.

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La mémoire des vaincus

Un anarchiste, aujourd’hui, est un type certainement marginal, vaguement dangereux, et sans doute tenté par un attentat à la bombe. Triste destinée pour un mouvement assez riche sur le plan philosophique, et qui a marqué de son empreinte le XXe siècle – même s’il a eu le mauvais goût de perdre toutes les batailles qu’il a menées.



À travers le personnage (fictif) de Fred Barthelemy, anarchiste convaincu, Michel Ragon nous fait parcourir tous les événements qui ont marqué le siècle : la révolution russe, qui a enfanté des mouvements anarchistes importants (Makhno en Ukraine notamment) et a compté des anarchistes dans les rangs bolcheviques, avant d’en être purgés une fois les guerres extérieures réglées ; et la guerre civile espagnole, pendant laquelle un mouvement anarchiste a émergé pendant plusieurs années, avant d’être écrasé.



On vit tous ces grands événements historiques de l’intérieur, avec un Fred Barthelemy qui fait partie d’une manière ou d’une autre des comités dirigeants. Cependant, on parle finalement assez peu des théories anarchistes proprement dites : Fred attire la sympathie par son enfance bohème, ses convictions intactes et son refus de la compromission même au cœur du pouvoir, et sa capacité à « prévoir » toutes les catastrophes qui vont arriver. Mais s’il est très utile pour souligner les erreurs et les inconsistances des autres, on en saura bien peu sur les dogmes qu’il est censé défendre.



Vivre la Grande Histoire en compagnie d’un personnage attachant, au cœur de toutes les intrigues était un vrai régal. Je recommande tout de même d’avoir un minimum d’intérêt pour la période : le livre est dense, et l’accumulation de toutes ces révolutions « poussiéreuses » aura un effet repoussoir sur beaucoup de lecteurs. Par contre, si vous avez déjà crié « Ni dieu ni maître » ou « No pasarán » une fois dans votre vie, plongez sur ce roman, vous ne le regretterez pas.
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La mémoire des vaincus

« La conscience de l’anarchie »



Contre toutes les oppressions, la vie de Fred Barthélémy traverse le XXe siècle et son histoire comme une étoile filante.

Véritable viatique de l’utopie en marche et du mouvement libertaire, le livre de Michel Ragon est une fresque sociale passionnelle qui balaie l'histoire du regard des laissés-pour-compte. Pour ne pas oublier et espérer.



« Il suffit de quelques uns pour que la mémoire des vaincus ne sombre pas dans le néant. »
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Les mouchoirs rouges de Cholet

La Vendée de 1796 à 1820, après les guerres de Vendée, les massacres des colonnes infernales de Turreau. Quelques survivants font renaître leur village. Il s'agit surtout d'une peinture de la société rurale, villageoise de l'Ouest de la France. Un village replié sur lui-même, la vie quotidienne, ses traditions immuables, ses croyances, ses superstitions, la mort survie au quotidien, la mort qui fauche tant d'enfants. La modernité tente pourtant de percer par le remembrement, la pomme de terre refusée par les paysans qui pourrait pourtant les sauver de la famine.
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La mémoire des vaincus

si vous vous êtes déjà posé la question sur la raison pour laquelle les grandes révolutions et luttes pour un monde meilleur n ont pas eu le résultat escompté pour les idéalistes souvent au détriment de leur vie,ce livre est pour vous.Dans ce livre Michel Ragon conte l histoire romancée au début du siècle dernier de Fred Barthélémy jeune gavoche parisien épris de justice et rêvant d égalité et de fraternité dans ce monde. Ce personnage issu de trois personnages historiques va avec toute la sincérité qui l'incarne,vous faire découvrir la révolution russe et ses lendemains, mais aussi la guerre d espagne et ses héros, tout en oubliant pas les deux guerres mondiales avec un œil pas forcément extrait des manuels d histoire et pour finir en fait marquant sur notre Mai 68 national. Un très grand livre qui pose la question sur les idéologies, ses vaincus qui ont fait évoluer un tant soit peu notre monde mais qui ont été confronté au pire de l homme " le pouvoir et l égocentrisme qui va avec".
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Le marin des sables

Milieu du XVI° siécle: Fuyant la misére et rêvant de voir l'autre côté de l'océan, un jeune garçon s'engage à La Rochelle. Curieux de tout, avide d'apprendre, au fil des opportunités et des rencontres il va mener sa vie tambour battant.

Sous la plume magistrale de Michel RAGON , nous suivons cet homme parfois détestable et pourtant attachant.

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Le Roman de Rabelais

très chouette ce petit livre, une mine sur Rabelais qui ne cherche pas à en mettre plein la vue, très accessible. on sent l'amour de l'auteur pour ce personnage hors normes, cet amoureux de la vie et du savoir que sa curiosité aurait pu mener au bûcher. un hommage mérité que je recommande.
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Ma soeur aux yeux d'Asie

Michel Ragon a consacré ce livre à sa soeur, Odette, et à leur réciproque souvenir du père.

Comme il était de coutume à l'époque, les enfants légitimes étaient supposés « adoptés » lorsque la famille (le clan) les refusaient, ne les acceptaient pas. Ils faisaient taches ; une tache dans la vie du légitime responsable de la naissance. Tache dans le script de leur vie. Donc, ces enfants étaient réputés avoir été adoptés*. Là, Odette, aurait été ramenée des Colonies, comme par « bienveillance ».

Aristide lui-même, prisonnier de cet inconscient collectif, ne falsifie-t-il pas la vérité dans ses lettres envoyées à sa famille ? Est-ce qu'il voulait les tester sur ce point ? Nous ne le saurons pas puisque la correspondance ne comprend pas les réponses de sa famille.

Deux enfants, en 1940, se sont vus remettre par leur tante maternelle, les correspondances de leur père écrites à sa famille vendéenne. On comprend, au final, que les deux enfants d'Aristide sont en recherche de leur véritable identité : s'ils sont véritablement frère et soeur ? Ça fait toucher du doigt quelle a dû être leur enfance : est-ce vraiment ma soeur ? La soeur, elle, semble moins douter de la paternité de son père. de sa mère, elle ne sait rien. Ce qu'elle sait, c'est qu'elle est Française. Elle s'identifie en tant que Française.

Ça me semble être le fil rouge de l'histoire. Leur réciproque recherche. Eux-mêmes évoquent avoir parfois été las de ces lettres des colonies…

Le fait est que parfois j'ai lâché le livre de lassitude. Ma recherche était leur recherche. Saurait-on la vérité à la fin ? le secret serait-il levé ?

Le fait est, que ce livre, bien construit, permet de connaître un peu mieux la vie dans l'Indo-Chine d'alors, de l'Annam, du Tonkin, de la Cochinchine, et du Cambodge (des kmers), des chinois sur place, de la lutte avec le Siam, …

J'étais navrée pour ces soldats. Pourquoi s'engageaient-ils dans ces colonies ? Pour manger de la viande chaque jour (surabondamment) ? Pour commettre des exactions, pour rendre présentable son sadisme ? Pour devenir dépendant de l'alcool ou de l'opium ? Pour une retraite, prise après 15 ans de fonction, dont ils ignoraient semble-t-il qu'elle serait si maigre qu'ils ne pourraient plus manger de la viande du tout, quand ils ne deviendraient pas tout bonnement mendiants ? Si toutefois ils revenaient en France puisque beaucoup mourraient des multiples maladies locales (sur place ou plus tard dans la métropole). C'étaient souvent désespérant de lire ces anecdotes, ce racisme, cette ironie, … dans les missives, où il n'y avait rien d'autre à écrire. Et… ils y tenaient aux Colonies.

Au final, un livre plein d'intérêt.

*Ce n'est pas spécifique aux Colonies.



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La mémoire des vaincus

"Y en a pas un sur cent, et pourtant ils existent, la plupart fils de rien ou bien fils de si peu, qu'on ne les voit jamais que lorsqu'on a peur d'eux -les anarchistes !" chantait Ferré, et c'est ce qu'illustre cette épopée de l'anarchisme en France, de la bande à Bonnot à Mai 68.

Ce roman est une biographie de Fred Barthélémy (personnage fictif), gamin de Paris qui va traverser l'Europe et le XXe siècle au gré des révolutions. Fervent anarchiste, il va croiser les grands noms de l'Histoire, de Moscou à Barcelone, mais également les écrivains et peintres de l'entre-deux-guerres.

J'ai adoré ce roman, qui fourmille d'informations sur le mouvement anarchiste, son idéologie et ses principaux représentants, et propose une interprétation libertaire de l'Histoire. Et même si cette interprétation diverge parfois de la mienne, j'ai apprécié l'enrichissement qu'elle m'offre.

Mais ce roman décrit également la France ouvrière de la première moitié du XXe siècle, entre l'usine, les bals, les dimanches en famille, et pose la question du militantisme quand on n'est pas un professionnel de la politique, mais que l'on rêve d'autogestion et de liberté.

Nul besoin d'avoir des connaissances approfondies en Histoire pour plonger dans ce livre, tant l'écriture de Michel Ragon est didactique sans jamais être pesante : on apprend à chaque page. Et difficile de lâcher ce récit qui, bien que sobre, vibre de sincérité, et nous place du côté des perdants de l'Histoire -pourtant initiateurs de quelques uns plus grands événements du XXe siècle, mais promptement effacés de la mémoire collective. L'auteur rend donc un hommage passionné et passionnant à tous ces anars qui "ont tout ramassé, des beignes et des pavés, (qui) ont gueulé si fort qu'ils peuvent gueuler encore, (qui) ont le coeur devant et leurs rêves au mitan, et puis l'âme toute rongée par des foutues idées" (Léo Ferré).

Un roman hautement recommandable, pour qui souhaite s'ouvrir un peu plus l'esprit, et préserver et transmettre cette mémoire des si beaux vaincus.

Salut et fraternité.



Et très grand merci à Hulot pour m'avoir fait découvrir ce livre.
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Le marin des sables

Ce court récit, plein de fureur, de violence et de nostalgie décrit la vie - à peine romancée - de l'Olonnois, fameux pirate français du XVIIe.

Fuyant la pauvreté de la Vendée, un jeune homme plein de rêves atterri aux Caraïbes où il se fait boucanier. La vie est rude, l'amatelotage imposé et la découverte des indiens arawak passionnante, malgré les sombres présages de leur disparion. Très vite, le démon de l'aventure le pousse à rejoindre les flibustiers, et à s'associer avec leurs chefs les plus en vue afin de monter la première grande expédition contre Maracaibo.

Lu d'une traite, à 20 ans, ce roman fut le parfait relais des romans autobiographiques de Garneray pour affermir ma passion naissante pour la littérature maritime et sceller le destin de mes nuits à tourner des pages pleines d'embruns.
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Journal d'un critique d'art désabusé

« Je vous parle d'un temps

Que les moins de vingt ans

Ne peuvent pas connaître » (paroles chanté par Aznavour).



L’essai dont il est question ici est presque une mini autobiographie dans un espace-temps qui n’existe évidemment plus.



On parle des années 1945 à 2000, environ. D’une époque où l’art n’était pas autant à la merci de La Bourse.

Et que l’auteur, critique d’art sur de nombreuses années, semble résumer dans cette courte affirmation:



« Y a-il vraiment une crise (…) dans le marché de l’art? Disons que si les souteneurs tendent à disparaître, les putains restent » (P. 89).



Le livre a une valeur historique. L’auteur nous a quitté en 2020. R.I.P.
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La Ferme d'en haut

Un beau texte sur la nature (comme les romans de Giono ?) à la langue poétique, imagée et rythmée de quelques refrains.

Sur une année, avec un chapitre par mois qui marque les saisons à la ferme, l'auteur raconte le retour des colonies d'un fils parti il y a 20 ans et que son père et son frère qui a repris la ferme avec sa femme n'attendaient pas...

Non seulement le militaire revient d'Afrique pour vivre à la ferme sans l'intention d'y travailler mais en plus il y amène sa femme, Aïcha, qui est "bien trop nouère".

La ferme d'en haut est isolée alors on reste sur les interactions entre le vieil homme et ses fils avec les deux belles-filles. Aïcha porte un regard ébloui d'enfant qui découvre la richesse d'un pays tempéré... et s'attire le respect par sa force de travail et son éternelle bonne humeur... tout en titillant les hommes de la maison par son innocente sensualité.

Le deuxième thème est finalement la nostalgie et l'impossible retour au pays de celui qui a goûté à l'Afrique. Un roman curieux et beau.
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Tableaux champêtres (Pour une géographie littérai..

Si vous avez envie de vous balader dans le temps et la nature, la lecture de ce livre ne vous décevra pas. J'ai beaucoup aimé la simplicité, la douceur des propos et l'humanité de cet homme des temps jadis (une sorte d'Émile Jacotey). Chapitre après chapitre, ce paysan-écrivain (le premier) a su me charmer au point qu'une véritable nostalgie s'est emparée de moi à la dernière page. Son style n'a pas mal vieilli, bien au contraire.



Un livre très instructif sur ce qu'était la vraie vie dans les campagne françaises il y a un siècle.
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La mémoire des vaincus

A travers le personnage fictif d'Alfred Barthélémy, ce roman est une histoire de l'anarchisme au 20° siècle.

Né à la fin du 19° siècle, le jeune Fred Barthélémy est un gamin des rues de Paris qui survit de débrouille dans le quartier des halles. Il fait la connaissance de Flora, fille de poissonniers, qui fugue avec lui. Les deux enfants sont pris en charge par le libraire Paul Delesalle et par le couple formé par Rirette Maîtrejean et Victor Kibaltchich (alias Victor Serge) chez lesquels se retrouvent aussi les membres de la bande à Bonnot. C'est à leur contact que Fred se forme, lit, devient anarchiste.



Les deux grands moments du roman sont le séjour du héros en Russie-URSS entre 1917 et 1924 et la guerre civile espagnole. Parlant russe, Fred est recruté par l'armée française en 1917 pour servir d'interprète à une délégation envoyée auprès du gouvernement de Lénine. De nombreux anarchistes russes soutiennent la bolchévique à ses débuts mais ils sont peu à peu "épurés" et Fred qui était devenu un proche et un collaborateur du régime prend conscience de ses crimes. J'ai particulièrement apprécié ce récit des dessous de la révolution russe du point de vue anarchiste. Les renoncements, les manipulations, la calomnie, les menaces, les coups de force sont décrits. Trotsky, particulièrement, est clairement montré pour ce qu'il est : un criminel de guerre. J'ai trouvé tout cela convaincant et fort intéressant.

En Espagne, les milices ouvrières qui s'opposent au putsch de Franco sont dominées par les anarchistes. Ici aussi les communistes vont faire le ménage : le soutien militaire de l'URSS à la république espagnole se double d'une politique de noyautage et de l'assassinat des révolutionnaires non staliniens.



A Paris Fred continue de s'informer et écrit, en vain, pour alerter sur les crimes de Staline. L'auteur montre bien comment toute critique du régime soviétique a longtemps été inaudible. Les "idiots utiles" du communisme sont pointés du doigt, ainsi de HG Wells qui encensait Staline : "Je n'ai jamais rencontré un homme plus candide, plus honnête, plus juste... Il doit sa position au fait qu'il n'effraie personne et que tout le monde a confiance en lui".



Ce sont tous ces aspects historiques qui m'ont le plus intéressée. A côté l'histoire personnelle et affective de Fred Barthélémy est le point faible du roman, ses relations avec les femmes stéréotypées et convenues. Il y a Flora, la première amoureuse, celle vers qui on revient toujours, la femme-enfant, chatte sauvage, petit animal impossible à mettre en cage. Il y a Claudine, épouse et mère simple et franche, gardienne du foyer pendant que son mari s'essaie -vite fait- au féminisme à l'extérieur. Et toutes les autres, "les lourdes et envoûtantes tentations de la sexualité".
Lien : http://monbiblioblog.revolub..
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