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Critiques de Orhan Pamuk (540)
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Le Château blanc

J'ai rencontré quelques difficultés à appréhender correctement cet Objet Littéraire Non-Identifié aux airs de fiction historique et de débat philosophique.



Le récit peine à trouver son rythme et manque parfois d'audace, créant des longueurs et se complaisant dans les répétitions. Pourtant ça démarre drôlement bien !

La thématique de la quête d'identité est parfois surexploitée mais Pamuk réussit bien à faire transpirer les questionnements des personnages instillant une inquiétude incessante et vicieuse, dans une ambiance générale remplie de mal-être, d'usurpation et de doutes.



Tout se mélange, et chaque personnage devient l'ombre de l'autre, se dissolvant dans sa propre personnalité.



Au final, une révélation toute en finesse nous cueille par surprise et confirme la virtuosité d'Orhan Pamuk, faisant résonner en nous tous ces contradictions qui nous assaillent et nous poussent parfois à l'interrogation philosophique : pourquoi nous sommes ce que nous sommes ?





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Mon père et autres textes

Orhan Pamuk rend un magnifique hommage à son père dans ces nouvelles extraites du recueil D'autres couleurs.



L'auteur turque sublime les fulgurances du quotidien, illustrant des souvenirs de son enfance avec son père et de sa présence/absence dans la construction de l'homme et de l'écrivain qu'il est devenu.

Il questionne les grands départs et exhume la fragilité de l'intime dans une langue empreinte de poésie.



Dans ces 3 nouvelles Orhan Pamuk évoque entre autres le métier d'écrivain et les doutes qui les assaillent continuellement lors du voyage intérieur qu'ils accomplissent chaque fois qu'ils couchent sur le papier leurs angoisses et leurs rêves, laissant à chaque fois une empreinte qui les survivra.



L'écriture c'est le geste du lien. Cela nous relie à tout !

C'est une force mystérieuse et inexplicable, source de lumière pour la société, un art qui parle de notre histoire et de l'histoire des autres pour mieux comprendre le monde dans lequel nous vivons.





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Istanbul : Souvenirs d'une ville

C'est un des ces livres qui me réconcilie avec la Littérature, la vraie. Ohran Pamuk revient ici sur sa vie qu'il entrecroise avec celle de sa ville natale. Istanbul fait partie de lui-même, est indissociable de son Être. Curieux destin que celui de cette cité. Comme il y revient souvent, Istanbul souffre de deux maux qu'il analyse dans son livre : Être à la charnière entre l'Orient et l'Occident, et entre deux régimes, la chute de l'Empire Ottoman et la naissance d'une République autoritaire. Passer de capitale flamboyante à une ville provinciale décadente, se cherchant un avenir. Pamuk n'est pas tendre non plus avec lui-même. Il ne cache rien de sa jeunesse relativement dorée, issue d'une famille bourgeoise mais décadente aussi, à l'image de la ville. Sans arrêt, ses questionnements d'enfant, d'adolescent, d'adulte, se font à l'aune de cette ville, se cherchant elle-aussi un avenir, plutôt tourné vers une occidentalisation outrancière.

Ses contemplations du Bosphore et ses errances à travers les rues poussiéreuses dont les vestiges du passé s'écroulent les uns après les autres, nourrissent ses propres questionnements sur son être et son devenir, à la recherche d'une cohérence, d'un sens qu'il pourrait donner à sa vie.

On sait, nous, lecteurs, qu'il la trouvera, cette cohérence, grâce à cette ville.

Il faut aussi parler des nombreuses photos qui accompagnent le texte. Photos souvent très originales d'une ville qui se transforme et provoque ce sentiment de « hüzün », mélancolie et tristesse qui s'en dégage.

Istanbul ne laisse pas indifférent. Il faut, comme l'auteur, arpenter ses ruelles, à toute heure, contempler, s'asseoir à la terrasse d'un café, et observer la vie qui émane de cette ville, qui retrouve de plus en plus sa place, il me semble, à la jonction de deux mondes en pleine évolution.
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Le Musée de l'Innocence

Innocent, 'Le musée de l'innocence' ne l'est certainement pas ! Car ce n'est pas une jolie histoire de couple ou même une passion flamboyante qu'il raconte, mais bien une obsession amoureuse torturée et vaguement malsaine... Une obsession plutôt effrayante donc, et pourtant tout à fait passionnante à lire pour moi tant elle était juste et décrite avec talent !



Cette obsession, c'est celle de Kemal, un golden boy d'Istanbul à qui tout réussit, pour Füsun, sa cousine éloignée, jeune, séduisante et pauvre. Une obsession qu'il appelle bien entendu grand amour romantique, mais qui le conduit progressivement à renoncer à tout ce qui faisait sa vie et son bien-être, pour se consacrer à l'attente de sa belle, au chapardage maniaque des objets qu'elle a touchés et aux soirées TV avec ses parents... Tout ça pendant des années...



Je n'ai pas l'impression de spoiler en écrivant ça, car l'intrigue pourrait se résumer en 20 phrases (sans exagérer) mais ne dirait pourtant rien de l'intérêt de ce pavé de plus de 800 pages. Ce roman est simplement magnifique parce qu'on s'y reconnaît par moments, parce qu'il rend les moments de latence et de lenteur par des chapitres entiers où il ne se passe rien et qui ne sont pourtant pas ennuyeux, parce qu'il décrit si bien la dégringolade de Kemal qu'on a envie d'intervenir dans le livre pour qu'il arrête son délire, parce qu'il contient des phrases merveilleuses de lucidité, parce qu'il nous fait rêver avec Istanbul, le Bosphore et les bons plats turcs... Bref, j'ai été emportée et bluffée et enchantée et plus encore...



Livre compte triple : Challenge Nobel, Challenge Pavés, Challenge ABC.
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La femme aux cheveux roux

un bon roman qui fait voyager...la Turquie, Istanbul...un jeune homme de bonne famille grandi avec sa mère, le père absent ayant abandonné mystérieusement le domicile conjugal et sa pharmacie...ce jeune homme de seize ans s'en va donc pour trouver un travail, cela lui permettra de financer ses futurs études. ... le voici donc devenu assistant d'un drôle de bonhomme puisatier de profession et quelque peu philosophe...il sera assistant à la création d'un puits. ...



et le puits à creuser...cela prend du temps ! et j 'ai trouvé le temps long avant que l'intrigue s'installe...Le héros est en quête d' un père de substitution, ..il va rencontrer une jeune femme aux cheveux roux avec laquelle il aura une relation..puis arrive un accident dans le puits..il prend la fuite. ...essaye de tout oublier., des années plus tard le voilà devenu ingénieur en géologie, chef d'entreprise et marié.mais sans enfant...se pose alors la question de la transmission....son passé le hante et va le rattraper...bien installé ayant réussi dans da vie, il navigue dans les "hautes sphères " se pose des questions politique, gère de l'immobilier, l'urbanisation..



L'histoire est captivante, un mélange de conte et de mythologie viennent compléter cette histoire familiale où le destin est tracée....,entre croyances et superstitions, il est persuadé que les livres qu'il a lu lui dicte étrangement sa vie..



L'écriture est fluide, la narration bien construite j'ai donc poursuivi ma lecture..pour découvrir le secret de cette intrigue, et finalement je l'ai lu d'une seule traite !...

Un parcours initiatique, une ode à la vie qui quelques fois prend des chemins de traverse nous révèle à nous-mêmes sans pour autant pouvoir tout maîtriser....et nous repropose toujours les mêmes situations jusqu'à que nous les comprenions...
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Cette chose étrange en moi

Petit point minuscule parmi la foule cosmopolite d'Istanbul, Mevlut arpente la ville au cours de longues marches nocturnes en criant "Boza ! Boza !".

Fuyant la misère économique de son village d'Anatolie, sa famille est arrivée dans la capitale lorsqu'il avait 9 ans pour vendre des yaourts puis de la boza et depuis il s'obstine à vendre cette boisson fermentée chaque soir, même si les clients se font rares.

Emboiter le pas de Mevlut, de 1968 à 2012, c'est avoir peur des chiens errants, peur de ne pas ramener assez d'argent pour vivre, quitter chaque jour une misérable habitation pour aller arpenter les rues d'Istanbul, pratiquer plusieurs petits métiers.

C'est une histoire universelle, quitter la campagne pour tenter d'avoir une vie meilleure, enlever une jeune fille pour l'épouser. Un peu rêveur et foncièrement honnête, sans autre ambition que de vivre une vie simple avec sa famille, Mevlut voit la ville se transformer sous ses yeux au fil des ans. Cette passionnante saga familiale, dans laquelle vie sentimentale et professionnelle s'entremêlent et font face aux évolutions politiques, sociologiques, économiques, culinaires, culturelles et religieuses du pays, est aussi un beau roman d'amour. Les vieilles traditions familiales ont la vie dure mais les femmes veulent s'émanciper, les bidonvilles comme celui où Mevlut vivait seront bientôt détruits pour laisser place à de grands immeubles, on achète des yaourts industriels plus conformes aux normes d'hygiène, les vendeurs ambulants sont chassés, la ville ne cesse d'évoluer…

La corruption règne, heureusement l'entraide familiale permet de survivre.

La narration très vivante, alternant les points de vue des différents personnages qui s'adressent directement au lecteur avec des retours en arrière, lève progressivement le voile sur les évènements au cours des multiples rebondissements de ce gros pavé qui se lit avec un grand plaisir. Orhan Pamuk nous rend tous les personnages très attachants ainsi qu'Istanbul que l'on découvre envoutante et grouillante.

Je remercie chaleureusement les Éditions Gallimard et Babelio pour la découverte de Cette chose étrange en moi.



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La femme aux cheveux roux

Orhan Pamuk est un véritable raconteur d'histoires. Il sait en peu de phrases donner corps à ses personnages et réussit le plus souvent à nous les faire aimer dans ce qu'ils ont de meilleur ou de pire.

Ce nouvel opus n'échappe pas à la règle. J'ai été happée par cette histoire.de filiation et de paternité, inspiré par le mythe grec d'Oedipe parricide et l'épopée iranienne du « Livre des Rois », dont le plus grand héros tue son fils.

Orhan Pamuk tisse son roman à la fin des années 80, dans une Turquie qui n'a pas encore conquis la modernité, Cem, seize ans, suit maître Mahmut, puisatier en quête d'une source dans la campagne, non loin d'Istanbul. Abandonné par son père le jeune garçon doit gagner sa vie. le voilà donc apprenti de maître Mahmut, un homme exigeant et autoritaire, mais aussi protecteur et affectueux.

Bien vite, l'adolescent a la tête ailleurs. Dans les étoiles d'un chapiteau nommé le « Théâtre des Légendes Edifiantes », où se produit une actrice aux cheveux roux dont il tombe éperdument amoureux.



« La femme aux cheveux roux » est un magnifique roman d'initiation mais aussi sur les liens entre un père et son fils.

Mêlant mythes et réalité, Orhan Pamuk signe un magnifique récit riche en secrets qui illustre les notions de destin et de liberté à la manière d'un conte moderne dont la structure coïncide avec le thème du retour aux sources avec finesse et mélancolie.



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Istanbul : Souvenirs d'une ville

Ceci est une critique 100% élogieuse d'un livre que je n'ai pas encore fini mais qui me bouleverse à chaque ligne.

Je suis tombée amoureuse d'Istanbul lors d'un premier voyage, après avoir accompli un long périple d'au moins 2000 km à bord d'une 403 plus vieille que moi et qui ne dépassait pas le 80 à l'heure.

Istanbul, sa lumière, ses paysages, ses habitants, tout m'a éblouie.

Quand je lis le portrait que fait Orhan Pamuk, à travers ses souvenirs personnels, ses délicates photos sépia, ses descriptions qui s'allongent comme un poème en prose interminable, je ressens toute son émotion, sa tendresse, sa tristesse et son amour pour un lieu incomparable.

Istanbul s'inscrit dans l'espace mais le temps y est palpable, la culture qui s'est accumulée depuis des siècles est présente partout.

Istanbul est l'antithèse d'une ville moderne, elle a trop de mémoire, trop de pudeur et trop de fierté pour vouloir être occidentale.

Elle est belle sans chercher à nous plaire.
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Mon nom est Rouge

Mon opinion de ce roman, Mon nom est Rouge, a changé constamment pendant ma lecture. J'ai été d’abord intrigué par ce meurtre qui ouvre le premier chapitre, puis un peu déboussolé par l’organisation, chaque chapitre de ce roman choral étant raconté par un personnage différent (le Rouge, le Noir, Olive, Papillon, Cigogne, Mon Oncle, l’Assassin, maître Osman, Shékuré et Esther). Ne pas connaitre les vrais noms de la plupart d’entre eux m’a déstabilisé un peu. Je ne sais pas pourquoi je n’ai pas accroché à ces surnoms, ça m’a pris de temps me rappeler qui était qui et, incidemment, à me sentir engagé. Je ne savais plus trop dans quelle aventure littéraire je m'étais lancé mais j'ai persévéré.



En effet, j’étais intrigué. J’aime bien cette atmosphère de suspense. Et que dire de cette époque fascinante que l’empire ottoman du XVIe siècle, cet atelier de peinture dans lequel travaillent des miniaturistes, et derrières d’étroites ruelles dans lesquelles des affaires louches se passent! C'est ce qu'il fallait pour me raccrocher. Mais voilà que ces affaires louches se multiplient. Au meurtre s’ajoutent de l’espionnage, des rivalités (jusqu’à maintenant, tout va bien parce qu’on peut les lier au meurtre), la crainte de nouvelles techniques artistiques qui pourraient menacer la pureté de l'art ottoman (et des traditions musulmanes) mais aussi des intrigues secondaires comme les marchandages d’Esther, les amours de Shékuré… Bref, ça va dans toutes les directions.



Alors que j’étais un peu embrouillé par cette intrigue qui partait dans toutes les directions, quelque chose me ramenait toujours. Sans doute l’univers dépaysant qui est dépeint avec brio et détails par l’auteur Orhan Pamuk. Ces miniaturistes, les enluminures dont ils décorent des copies de manuscrits célèbres comme ceux des grands poètes persans Fîrdowsî et Nizâmî. Une plongée dans un monde littéraire qui m’est peu familier et qui m’intéresse de plus en plus. Et puis il y a Istanbul! De tout temps, ce fut une métropole qui attirait les plus grands artistes mais aussi des gens de tous les horizons. Et de tous les milieux. Des Circassiens, des Géorgiens, des Arméniens, des Persans, des Syriens (Arabes), des Juifs, des Grecs et mêmes des Italiens. Coupe-gorge d’un côté, marchands avec leurs étals de l’autre, puis entre les deux ce peuple qui cherche la bonne affaire, l’amour, la survie…
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Cette chose étrange en moi

Bienvenue à Istanbul, cité cosmopolite, changeante, de contraste. Une ville où il est possible de trouver du travail, l'amour, l'aventure et bien d'autres choses. On n'en ressort pas indemne. C'est là que se passe un des derniers romans d'Orhan Pamuk. Derrière un titre énigmatique, Cette chose étrange en moi, se trouve un sous-titre très révélateur, voire explicite : « La vie, les aventures, les rêves du marchand de boza Mevlut Karatas et l'histoire de ses amis et Tableau de la vie à Istanbul entre 1969 et 2012, vue par les yeux de nombreux personnages ».



Ainsi, on y suit les hauts et les bas de Mevlut Karatas, désigné « le héros », ainsi que de ses cousins Korkut et Süleyman Aktas, leur famille élargie et quelques intimes. C'est une chronique familiale mais également sociale. On peut dire aussi qu'Istanbul constitue un personnage à part entière, évoluant au fil des quatre décennies sur lesquelles s'étire le roman. Il faut dire qu'il s'agit de la ville natale de l'auteur, on sent son amour pour ce lieu sur lequel il a beaucoup écrit et sur lequel il continuera de le faire sans doute. Toutefois, l'action ne se déroule pas à l'ombre des « beaux » monuments, palais et mosquées qui attirent les touristes. Cherchez plutôt du côté de Duttepe et de Kûltepe, deux collines, deux quartiers, pas trop loin du centre-ville mais remplis de bidonvilles.



C'est là qu'atterrit le jeune Mevlut, douze ans. Et il y restera longtemps. En ce sens, Cette chose étrange en moi est également un roman d'apprentissage. Il accompagnera son père dans ses tournées de vendeur de yaourt et de boza (alcool local). Il va à l'école, grandit, se fait des amis, devient un adolescent mal dans sa peau, qui se distancie de son père et commence à s'intéresser aux filles… particulièrement à Samiha. Toutefois, c'est avec sa soeur Rayiha qu'il se retrouve quelques années plus tard. Mevlut n'est pas un héros, c'est une jeune homme simple mais optimiste, honnête et travailleur. Quand la vie de marchand ambulant devient difficile – l'arrivée du yaourt en pot à l'épicerie bouleverse une économie plusieurs fois centenaires –, il se tourne vers une carriole de pilaf, puis une sandwicherie entre quatre murs, gardien de parking puis enfin agent de recouvrement pour une compagnie d'électricité.



Orhan Pamuk nous sert une brève leçon de sociologie, d'histoire, de géographie et de politique. Moi, ça m'a captivé. le coup d'État, l'expulsion des Grecs et des Arméniens, le conflit chypriote, le sort des minorités comme les Kurdes, etc. C'est que, en prenant de l'âge, Mevlut est confronté à des situations nouvelles, son univers s'élargit : nationalisme, violence, islamisation, équilibre entre tradition et modernité.



Tout ça, c'était bien intéressant, du moins pendant une bonne partie de ma lecture. Il vint un point où l'intrigue commençait à s'étirer. le sort de Mevlut continuait à m'interpeler, il m'était sympathique, mais trop de détails c'est comme pas assez. Et, passé le milieu, la narration s'attarde plus longuement sur les cousins Aktas et sur les soeurs Éfendi. Sur le coup, je ne comprenais pas trop pourquoi puisque leur apport sur la vie du héros était limitée (du moins, c'est ce qu'il me semblait sur le coup). Aussi, à se concentrer presque exclusivement sur ces trois familles-là, ça me faisait penser à un soap américain, comme s'il n'y avait qu'euxdans toute la ville. Mais bon, c'est peut-être proche de la réalité. Toutes ces familles, issues des mêmes villages de régions éloignées comme l'Anatolie et qui se retrouvaient dans les mêmes quartiers de la capitale, sur la même rue. Heureusement, il y avait l'ami Ferhat, issu d'une minorité, qui apportait un point de vue différent.



Ce que j'ai beaucoup apprécié du roman et ce que beaucoup de lecteurs pourront apprécier également, ce sont les transformations que subira Istanbul. Toutes les villes sont différentes, partout dans le monde, mais je crois que toutes ont connu – ou connaissent – le choc du passage du temps et de la modernité. C'est assez universel. Un quartier est rasé, on y contruit des immeubles impressionnants… c'est la fin d'une époque, d'un monde.



« […] Mevlut percevait à peine le lent écoulement du temps, le dessèchement de certains arbres, la soudaine disparition de certaines maisons en bois, le surgissement d'immeubles de six ou sept étages sur les terrains vagues où les enfants venaient jouer au ballon et où les vendeurs et les chômeurs s'allongeaient à l'heure de la sieste, la taille croissante des panneaux d'affichage dans les rues, le changement des saisons, le jaunissement et la chute des feuilles. » (p. 441)



« […] les familles, les pauvres gens s'étaient éloignés de ces rues qui constituaient désormais le plus grand centre de distraction d'Istanbul, et où les prix de l'immobilier grimpaient ne flèche. » (p. 469)



Qui n'est jamais retourné dans le quartier où il a grandi pour le retrouver changé, méconnaissable ?



En terminant, j'ai bien aimé Cette chose étrange en moi. À part quelques longueurs, un seul autre élément m'a agacé. Il s'agit d'un roman polyphonique, on y suit non seulement le personnage principal mais d'autres personnages également et ils sont toujours identifiés au début de chacune des parties. Ça, c'est bien. Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi la narration des parties centrées sur Mevlut Karatas est assurée à la troisième personne alors que toutes les autres (Samiha, Rayiha, Vediha, Korkut, Süleyman, Abdurrahmane, Ferhat, etc.) sont à la première personne ? Ça n'aurait pas dû être l'inverse, afin que l'on connecte plus facilement avec le héros de cette histoire ? Mais bon, pour tout le reste, je suis preneur.
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La femme aux cheveux roux

Qui se cache derrière « La Femme aux cheveux Roux » ? Au premier plan, une belle trentenaire, comédienne de métier, éprise de liberté ... au premier plan seulement car il y a aussi et surtout l arrière-plan !



Derrière, se cache, le jeune Cem, tout juste 16 ans, qui tombera éperdument amoureux de l aura de cette femme ... Cem alors jeune apprenti d un maître puisatier et qui, suite à un accident, devra retourner à Istanbul et se souviendra toujours d elle .. marqué au fer rouge, le même rouge que la chevelure de la belle ...



En fond de toile de ce roman, toute une symbolique profonde, celle de l homme et sa quête d identité. Une quête magnifiquement symbolisée dès la première partie du roman, Cem jeune apprenti, confronté au dur labeur du métier de puisatier : creuser sans relâche un puits, à l ancienne, sans aucuns outils mécaniques. Ou symboliquement, creuser aussi au plus profond de son être, ce n est pas l eau miraculeuse qu il cherche, mais son moi profond ...



Mais ce n est pas tout ! Se cache aussi une passion .. la passion de l histoire contée, du mythe et des légendes. le mythe de prédilection de notre cher Cem c est celui d Oedipe. Plus qu un mythe d ailleurs chez lui, presque une obsession ... cette passion cache le manque du père dont il trouve d ailleurs le substitut en son maître ...



Ce roman, tel un tableau, aux milles détails .. très fort dans sa symbolique. Une fable, l art de Orhan Pamuk qui nous dépeint une Turquie avide de liberté. Une toile tissée dans une superbe écriture où s entremêlent subtilement les légendes orientales et les mythes occidentaux.

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Neige

La neige est souvent présente dans les romans et récits d'Orhan Pamuk. Elle nous semble plutôt incongrue, déplacée, étrange, presque surnaturelle, que vient faire cette neige sur le paysage turc, que vient-elle nous dire en mettant une épaisse couche de blancheur sur les coupoles grises, sur les ruelles aux pauvres façades, sur la plaine monotone, sur les villages de tôle et de parpaings, sur les maisons abandonnées?



En Turquie, même ce qui est neuf a l'air déjà vieux, usé, démodé. Les traditions sont tellement puissantes que la modernité est tuée dans l'oeuf. Les vendeurs de simit et les fumeurs de narguilé, les femmes en pantalon bouffant dans les champs, les hommes attablés au café jouant au tric-trac, le style des maisons, le goût des böreks, la musique déversées par les autoradios, le mépris pour le code de la route, tout cela reste intact.



Mais la neige, elle, est toute neuve. Elle vient chambouler les habitudes, les esprits, les âmes, elle désoriente le voyageur, elle l'éblouit, le charme, l'endort.

La neige provoque des accidents, elle est linceul et voile de mariée, une page blanche pour y inscrire des poèmes, elle isole et protège les amoureux, elle étouffe le bruit des balles, elle boit le sang des martyrs.

Dans Kars enneigée, le poète qui s'appelle Ka, comme Kafka, marche avec peine dans les rues désertes sans savoir ce qu'il va trouver.

Exilé dans son propre pays, étranger aux intrigues, traversé par l'amour, la poésie et le malheur, il se débat comme dans un piège sans savoir de quoi il est coupable.
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Mon nom est Rouge

L'opposition Orient/Occident sur la conception du monde par le prisme de la peinture : quelle intéressante perspective!



Et ce n'est pas tout ce qu'offre ce riche et haletant rompol érudit, qui fait revivre l'Istanbul de la Renaissance par le truchement d'un atelier de peintres experts en calligraphie, enluminures et dorures, élevés à la dure pour apprendre à peindre les choses "comme Dieu les voit" et non pas comme les hommes les perçoivent : ombres et perspectives, hérétiques pratiques des Occidentaux!



Et derrière les assassinats qui ensanglantent l'atelier, derrière le livre commandé en secret par le Sultan pour émerveiller les Vénitiens, ce sont tous les grands empires orientaux qu'Orhan Pamuk évoque, l'art divin et ancestral utilisé comme arme de pouvoir, avec, symbole en forte résonnance avec l'époque actuelle, une Istanbul dépouillée des fastes de l'empire ottoman qui balance en cette fin de Renaissance entre un Orient séculaire et un Occident en passe d'étendre sa domination et d'imposer sa vision du monde...

Ainsi l'auteur nous rappelle, avec une fine érudition et un art consommé de conteur, que la peinture est bien plus que le tableau, et que face à son pouvoir le summum pour le peintre véritable est de se crever les yeux.



Ceux du lecteur restent eux bien ouverts, et enchantés de ce qu'ils apprennent!
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Mon nom est Rouge

Je n'ai pas réussi ni voulu terminer ce livre. J'ai lu de nombreuses très bonnes critiques, mais autant vous prévenir de suite, je ne suis pas du même avis.

Certes il y a un meurtre, certes il y a une intrigue amoureuse.

Le récit tourne la plupart du temps autour de la confection des miniatures (un peu comme le parfum qui tourne autour des fragrances et des odeurs).

C'est au début fascinant, mais, la répétition encore et toujours des mêmes thèmes a eu raison de mon envie de savoir si le meurtrier allait être confondu ou pas.

Les thèmes récurrents sont :



Un artiste peut-il avoir son style propre ou au contraire imiter les anciens maitres ?

Un artiste peut-il signer son œuvre ?

Doit-on prendre quelque chose de la peinture occidentale ?

et plus accessoirement devenir aveugle à force de travail acharné est-il l'apanage enviable des grands maitres ?



Les réponses à ces trois questions sont illustrées par de nombreuses légendes, récits et anecdotes.

Je vous exonère de la lecture du roman : la réponse est à chaque fois négative. Elle est simplement répétée encore et encore.

L'enlumineur, l'illustrateur doit respecter ceux qui l'ont précédé, exercer son art dans la crainte permanente de dieu, ne pas copier les infidèles qui osent faire des portraits et des perspectives et des ombres !



Ceci est répété beaucoup trop à mon humble avis.

Cette ambiance de peur et soumission à la tradition, à l'autorité du Sultan, à dieu est écrasante. Les occidentaux, soupçonnés d'idolâtrie avec leurs portraits sont à la fois admirés et méprisés.



C'est bien écrit. D'une grande érudition que je pourrais comparer au "Nom de la rose".



Sans doute m'a-t-il manqué de références dans le domaine artistique moyen oriental du XVIième siècle pour profiter de ce roman.
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Les Nuits de la peste

« La princesse Pakizê et son mari, tels deux héros de ces romans de détectives dont raffolait le sultan, déployèrent beaucoup d'énergie et d'intelligence pour essayer de résoudre l'énigme du meurtre de Bonkowski Pacha. Parfois, à cause de la haine qu'elle avait de son oncle, la logique de la princesse sultane se laissait égarer par ses sentiments, chose tout à fait indigne de Sherlock Holmes, et elle était alors certaine, à l'instinct mais certaine, que c'était son oncle, le malveillant Abdülhamid, qui avait fait assassiner Bonkowski Pacha. Et quand son mari écartait son hypothèse au motif que, non, impossible, et la preuve c'est que votre oncle nous a engagés comme détectives, elle trouvait son raisonnement stupide, humiliant, et à la fin le fit savoir. »



Le personnage de cette princesse Pakizê est au coeur de ce roman foisonnant. Son père a brièvement été sultan de l'empire ottoman, avant d'être renversé par son frère, le sultan Abdülhamid. Leur famille est depuis tenue en semi-captivité au palais. Nous sommes en 1901. Pakizê a été mariée par le sultan à un certain Docteur Nuri, spécialiste de la peste, au physique ingrat. Contre toute attente, c'est une bonne pioche car ces deux-là deviennent vite inséparables. Alors qu'ils se dirigent vers la Chine pour participer à un congrès, le bateau qui transporte la délégation ottomane est déroutée vers l'île de Mingher, une île (imaginaire) située non loin de Rhodes. Un foyer de peste y a été détecté et les deux plus fameux médecins de l'empire y sont déjà. Mais l'un deux, Bonkowski Pacha est assassiné.



Ohran Pamuk sait dérouler patiemment le fil de ses intrigues, avec lenteur souvent et ici, il faut bien le dire, avec aussi beaucoup de redites imposées par le sujet. Comme c'était pour moi une lecture de vacances, j'ai pris tout le temps nécessaire pour m'imprégner de ce roman. J'ai réellement l'impression d'avoir arpenté les rues d'Arkaz dans tous les sens, en compagnie des nombreux protagonistes de cette satire. Pour cela, je me suis souvent référé à la carte d'Arkaz placée au début.



Sur cette île, où musulmans et chrétiens grecs ont des populations équivalentes, tout est explosif. La peste sera un révélateur terrible de toutes ces tensions et ces manoeuvres politiques. Un nationalisme minghérien verra le jour : les autochtones y parlent une langue ancienne tout à fait originale.



J'ai été séduit par ce roman, à la construction astucieuse, malgré son côté étouffant. Au fur et à mesure de la progression de la peste, beaucoup voudraient fuir cette île et leurs responsabilités. Mais ce ne sera pas possible…

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Neige

Je dois avoir lu ce roman en mai 2015, alors pourquoi en publier une critique maintenant après que tant de temps s'est écoulé ? Peut-être qu'il aura fallu la lumière des derniers évènements dans ce vaste pays pour dessiller mes yeux et enfin entrevoir que Neige recouvre aussi tout le sang qui s'en est écoulé ? Peut-être que la lecture de Naguib Mahfouz autre prix Nobel littéraire, autre maître de la peinture sociale de son pays, me ramène inconsciemment par une étrange association à Orhan Pamuk ? Plus simplement il me semble que la courante conjoncture justifie d'attirer votre attention sur ce livre qui prend aujourd'hui une toute autre dimension capable de dépasser largement ses intentions initiales.



Je vais commencer par vous dévoiler pourquoi je me suis retenu à l'époque : la lecture m'a été tellement fastidieuse à certains endroits, j'avais vraiment la désagréable impression de patauger lamentablement, de ne pas avancer dans cette Neige si épaisse. Au point de longtemps hésiter à continuer, à quoi bon piocher dans ce qui me devenait un enfer blanc au fil des interminables randonnées de Ka retraçant inlassablement le même itinéraire, tournant en rond à m'en donner le tournis. C'est bien simple : vingt fois j'ai failli tout laisser tomber, l'envoyer balader. Et je me souviens de cette furieuse démangeaison d'écrire : Qu'à Ka à Kar ? Or, c'eut été m'offrir à bon compte un défouloir à la fois injuste et inapproprié par rapport à la qualité intrinsèque de l'oeuvre.



J'ai une horreur viscérale des descriptions réalistes et détaillées, je n'en éprouve d'autre ressenti qu'une vaste perte de temps. Je trouverais cent fois plus efficace de les remplacer par une photo et dans le cas qui nous occupe un plan de la ville aurait bien pu avantageusement me libérer d'une centaine de page. Cela m'est propre. Ainsi j'exécrai les lectures scolaires imposées de Balzac, l'horreur absolue de mon point de vue, pour l'exacte même raison. Il faut savoir que je lis très lentement et je m'interroge si ce n'est pas probablement lié en partie à cause d'une singularité identifiée depuis peu : je serais potentiellement sujet à l'aphantasia. Donc ce qui m'insupporte au plus haut point peut-être source de délectation pour une majorité de lecteurs et encore plus de lectrices. Et dans le cas de Pamuk je détectai suffisamment d'autres qualités pour ne pas dézinguer à tout va sur le coup d'une frustration.



Mais quelque soit l'être singulier qui le reçoit, un chef d'oeuvre, parfois par de très tortueux détours du destin, fini toujours par tracer son chemin. Ainsi donc outre les errements de Ka, poète turque maudit, exilé en Allemagne et bloqué quelques jours à Kar par le hasard d'une tempête neige, dont Pamuk nous emmène dans les traces des longues promenades déjà mentionnées mais aussi à suivre les élans du coeur et les affres de la création, Neige décrit de multiples facettes de la Turquie à travers lesquelles l'on ne peut que ressentir l'amour de l'auteur pour son pays. Pamuk arrive, me semble-t-il du moins, par un tour de force remarquable à rendre sensible les différentes tensions qui écartèlent son pays entre la montée de l'islamisme radical, les différents courants politiques, les particularismes régionaux, la douloureuse et longue histoire des antécédents claniques et raciaux, le sexisme et les tentatives de libération de la femme, le conflit intergénérationnel...



Alors donc aujourd'hui, à tout cela qui en soi était déjà un argument suffisant pour trouver un profond intérêt à la lecture de ce remarquable ouvrage vient s'ajouter une dimension métaphorique et prémonitoire. C'est l'histoire de ce putsch de pacotille dont l'orchestration théâtrale ne peut manquer d'interroger sur le commanditaire et qui vient à point nommé pour renforcer un pouvoir totalitaire et servir de justification à toutes les exactions et crimes qui l'accompagnent. La fin du livre se termine, si je me souviens, mais cela aussi est un ressenti personnel indépendant de la volonté de l'auteur, sur le désespoir d'un triste exil du poète et son questionnement insupportable sur la santé et la survie de ceux restés exposés à l'arbitraire. Exil dont à mon entendement Orhan Pamuk ferait bien d'évaluer la nécessité à l'heure ou les arrestations dans l'intelligenciat turque se multiplient et où sonne de façon de plus en plus assourdissante le sinistre glas de la mise à sac des libertés. Alors tant que ce livre paru en 2002 en turc et disponible en français à partir 2005 n'est pas encore interdit il m'a maintenant semblé utile d'y attirer toute votre attention.



Tant il est vrai que nos libertés ont une très fâcheuse tendance à rapidement fondre comme neige au soleil en cette période de réchauffements climatiques, même incapable de former consciemment des images mentales je ne peux m'empêcher de percevoir avec une acuité sans cesse grandissante l'association, prémonitoire elle aussi, entre Neige d'Orhan Pamuk et Guernica de Pablo Picasso. Seul un grand artiste ou poète peut ainsi nous éclairer en une fulgurance sur l'état du monde par sa sensibilité singulière d'en percevoir les vibrations qui nous sont autrement inaccessibles hormis par l'intermédiaire de son oeuvre. Au moins vous voilà prévenus, à vous de voir, à vous de lire...

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La femme aux cheveux roux

Cem s'apprête à entrer à l'université . Il rêve de devenir écrivain mais son père a quitté le domicile familial et sa mère ne peut subvenir à ses besoins d'étudiant. Il s'engage auprès d'un maitre puisatier et part pour la banlieue stambouliote chercher de l'eau et fortune.



On pense ce que l'on veut des romans d'Ohran Pamuk et de leurs éventuelles longueurs, il est dur de nier que ce dernier est un excellent conteur. Que ses mots vous transportent et même vous transposent d'époque en époque.

Ici, comme dans Cette chose étrange en moi, il décrit les changements de la société turque, en tous les cas dans sa ville d'Istanbul, entre 1985 et 2015. Il s'appuie sur un métier disparu, puisatier et l'on sent à nouveau la nostalgie de l'auteur sous sa plume. Le noyer sous lequel on faisait la sieste dans la première partie du livre se retrouvera noyé sous le béton.

Ce regard nostalgique n'est pas le seul point d'intérêt du livre où l'auteur en se fondant sur le texte de Sophocle, Oedipe roi et sur une légende iranienne (Rostam et Sohrâb) évoque dans ses grandeurs largeurs les relations père/fils . Cem a été abandonné par le sien et très vite le puisatier Mahmut va endosser ce rôle, occupant l'espace béant en moins d'un mois.

Le livre commence d'ailleurs par une très belle citation issue du livre des rois de Ferdowsi :

" Tel un flis sans père, un père sans fils n'a personne pour le serrer dans ses bras".



A ce stade de la critique , on peut se demander pourquoi un tel titre ? Il y a bien une femme aux cheveux roux et bien entendu elle occupe une place d'importance . C'est une artiste, engagée politiquement, qui dirige une petite troupe de théâtre. Elle va fasciner Cem malgré leur 16 ans d'écart. la construction épatante du roman va en faire le rouge rouge.



Je ne connais pas loin s'en faut toute l'oeuvre de Pamuk mais on retrouve ici des thèmes chers à l'auteur.

Sa ville tout d'abord, qu'il dépeint avec amertume , le béton envahissant l'espace, les traditions se perdant dans le business.

Les vieux métiers donc avec puisatier ici et toutes les traditions qui gravitent autour. La aussi , la plume est nostalgique .

On retrouve également la lutte politique, comme dans Neige, autour de jeunes idéalistes , la rencontre de l'occident et de l'orient dont l'auteur s'empare souvent sans livrer une propre position ou encore la législation turque.

Ce sont des thèmes que l'on s'attend à retrouver . Mais dans ce roman , relativement court , l'auteur ajoute une construction originale , une intrigue à rebondissement et finalement beaucoup de suspense .



Une vraie réussite, où chaque phrase fait réfléchir et où l'érudition scintille, laissant le lecteur entre deux mondes , entre orient et occident.



Enfin un dernier mot, sans aucune certitude. Ce roman est dédié à Asli. peut être un soutien à Asli Erdogan , auteure turque emprisonnée l'année de sortie de ce livre en 2016.

Avec des pincettes.
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Le Château blanc

Mais qu’est-ce que c’est que ce roman, Le château blanc ? Un roman historique, un conte philosophique, essai ésotérique ou métaphysique, un peu tout ça à la fois ? Et beaucoup plus. Tout le long de ma lecture, je ne savais pas sous quel angle aborder le livre. Assez déconcertant. Remarquez, c’est un peu la « marque de commerce » d’Orhan Pamuk, mais poussé à son extrême. J’aime bien les défis intellectuels quand ils sont insérés dans une histoire, pas quand ils constituent une trame principale à laquelle je n’accroche pas. Ça m’amène à lire distraitement, à louper des éléments importants et à ne plus rien comprendre… ou presque.



D’abord, cette introduction précisant que le texte qui suit est un manuscrit retrouvé dans une sombre bibliothèque. Déjà vu ! Chez quelques uns, ça passe. Pour la plupart des autres, c’est inutile. Je ne vois pas la plus-value dans le cas du Château blanc. De toutes façons, ça n’apporte rien dans mon cas car j’aime bien pénétrer dans un univers littéraire en me l’imaginant réel.



Ensuite, ce début est prometteur. Le narrateur est un jeune Italien fait prisonnier par des Turcs, qui devient esclave et se retrouve au service du Maitre. Ce nouveau personnage sera toujours dénommé ainsi parce qu’il n’aime pas son propre nom. Façon à peine déguisée pour l’auteur de le dépersonnaliser, favorisant ainsi le dédoublement de l’Italien ? Pendant les années qu’ils travailleront côte à côte, une relation amour-haine s’installera entre les deux jusqu’à ce que, à force de manipulation, la fine ligne dans la relation dominant-dominé devienne difficile à saisir. L’esclave encourage son maitre à expier ses péchés, à trouver au fond de lui le courage en se dévoilant, et ce dernier exige la même chose de son serviteur. Tel est pris celui qui croyait prendre… Les deux finiront-ils par ne devenir qu’une seule personne ?



Enfin, ces longs passages à inventer des prédictions frauduleuses (n’est pas Premier Astrologue qui veut !), à élaborer des théories sophistiquées et à essayer de percer des mystères divins, eh bien, ils m’ont un peu perdu. Pendant ces années, leurs obscures expériences, leurs travaux sur des lunettes astronomiques, des horloges étranges et même une arme secrète ultra-puissante les isolent. Que des chimères, des détours tortueux pour forcer des questionnements existentiels ! Surtout qu’il ne se passe pas grand chose, à part une épidémie de peste et les échos de guerres lointaines.



Mais j’ai réussi, je suis passé au travers du Château blanc ! Je dois admettre que la fin valait la peine, elle explique toutes les circonlocution, tous les échanges entre l’esclave et le maitre, comme quoi ils étaient forcés par Orhan Pamuk pour en arriver à cette finale qu’il avait prévu depuis le début. Cette grande question « Pourquoi suis-je moi ? », posée assez tôt, trouve réponse dans les dernières pages. Mais même une apothéose géniale ne peut compenser pour l’ennui ressenti pendant toute une lecture. Et, à en juger par les autres critiques du roman, je ne suis pas le seul à penser ainsi…
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La femme aux cheveux roux

La lecture de La femme aux cheveux roux d'Orhan Pamuk était censée m'initier à la littérature turque que je ne connais pas. De toute évidence je n'ai pas frappé à la bonne porte ou choisi le bon roman...

La thématique qui traverse le récit est celle de la complexité douloureuse et tragique que revêt parfois la relation père/fils. Et l'auteur de puiser dans les mythes et légendes qui font référence à cette problématique avec bien entendu le mythe d'Oedipe mais aussi la légende de Rostam et de son fils Sohrâb, miroir inversé du premier récit, et qui appartient à l'épopée iranienne Shâhnâmek.

C'était une bonne idée pour densifier et surtout marquer le caractère tragique de l'histoire qui nous est contée, celle d'un homme Cem Bey, qui lors d'une brève relation avec la fameuse femme aux cheveux roux, comédienne de son état, va devenir le père d'un garçon Erven, dont il ne découvrira que tardivement l'existence. Mais au lieu d'infuser son récit de détails ou d'allusions qui renvoient subtilement aux mythes évoqués, l'auteur se contente de poursuivre parallèlement les deux récits avec parfois du côté des mythes des digressions très intellectualisantes, qui sans être inintéressantes, n'enrichissent pas vraiment l'histoire dont il est question dans ce roman.

Le récit souffre également d'une certaine monotonie avec une première partie qui n'en finit plus, centrée sur l'existence du narrateur lorsqu'il était puisatier aux côtés de maître Mahmut. Beaucoup de détails d'ordre technique sur le métier de puisatier mais bien peu sur l'ambiance du petit village turc Ongören qui va être le lieu de sa rencontre avec la femme aux cheveux roux. Une rencontre amoureuse évoquée de façon très conventionnelle, sans scène forte ou plongée dans la psyché des deux personnages.

C'est d'ailleurs un autre point qui m'a gênée dans ce roman : le traitement des personnages. Aucun d'entre eux ne m'a vraiment accrochée en raison du caractère sommaire voire un peu naïf de leurs états d'âme, qu'il s'agisse de la relation filiale ou amoureuse.

Sur le plan narratif, trop de passages aussi où l'auteur se contente de résumer les faits survenus dans la vie de Cem. C'est notamment le cas dans le début de la deuxième partie lorsqu'il évoque ce qui va se passer entre le moment où il va fuir Ongören et celui où il va rencontrer sa femme Aysse et faire fortune dans l'immobilier lors de l'extension d'Istanbul.

Une grande déconvenue pour moi que la lecture de ce roman pour lequel les critiques étaient largement élogieuses. Je vais donc "voguer vers d'autres cieux" en attendant de renouer avec la littérature turque et pourquoi pas avec l'oeuvre d'Orhan Pamuk, qui, ne l'oublions pas, est Prix Nobel de littérature 2006
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Cette chose étrange en moi

Cher Orhan,

J'ai dû garder un an ton livre sous les yeux, à portée de mains, comme un gosse qui garde la friandise pour la fin.

Je n'ai pas été déçu. A travers la vie de Mevlut, vendeur de Boza dans l'Istanbul qui t'a vu naître, tu as brossé 50 ans de la vie de ta cité , son évolution, sa croissance , ses contradictions. Tu en as profité pour nous parler de politique , toujours sur la pointe des pieds, sans prendre vraiment parti . Tu nous parles d'hommes qui confinent leurs femmes à la maison , ne jurent que par Allah, mais tombent du raki comme d'autres enfilent les perles. Tu nous parles des "gauchistes" , défenseurs des kurdes et de la liberté mais tu leur confères un rôle peu gratifiant dans ton pavé.

Finalement , tu fais de Mevlut ton héros. . Il semble être un peu comme toi. Il aime tout le monde modérément : Allah, le raki, la liberté des femmes ...Mais il est juste et ne veut léser personne .

Tu nous décris donc sa vie depuis son arrivée à Istanbul à 12 ans , et même un peu avant, jusqu'à ses 55 ans . Avec lui, la ville va se métamorphoser, les mentalités évoluer. Mais il y aura toujours cette hésitation entre occident et orient qui a toujours caractérisé Istanbul.

Ton roman m'est apparu comme une synthèse d'autres que j'ai pu lire . Cevdet Bey faisait lui aussi la part belle aux traditions turques et la difficulté à les faire perdurer aujourd'hui, Neige avait ce regard politique depuis Kars où tu nous amènes encore et le musée de l'innocence nous amenait déjà dans l'Istanbul des années 70 en pleine mutation .

Il y a aussi cette propension aux histoires d'amour qui pourraient être simples mais ne le sont jamais chez toi .



Il y a encore beaucoup de choses dans cette saga familiale. C'est un roman qu'il faut prendre le temps d'apprécier, tu ne vas que rarement à l'essentiel avouons le , mais dont on ressort avec un désir d'Istanbul immense, et une approche, originale certes, de l'histoire contemporaine de ce pays.



Bravo Orhan et merci. Continue à écrire de beaux romans (si tu peux les condenser un peu, c'est bien aussi !) , à soutenir les opprimés et à exhorter ton pays à reconnaitre le génocide arménien.
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