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Critiques de Paolo Rumiz (156)
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Le phare, voyage immobile

« J'ai bien fait de venir ici tout seul, pour le premier voyage immobile de ma vie »



« Les archipels de l'âme sont infiniment plus mystérieux et compliqués que les vrais rêves »



Qui ne s'est jamais imaginé au moins une fois dans sa vie vivre isolé sur un grand caillou entouré d'eau? Une île déserte, seul au monde, avec comme unique boussole le vent iodé des embruns de la mer. Marcher sur des terres vierges, libres et sauvages, en capturant le moment présent dans l'unique frontière de l'imprévisible, libéré de toutes contraintes. C'est ce qu'a fait Paolo Rumiz lors de son premier voyage immobile, isolé dans un phare au milieu de la Méditerranée. Seul ou presque, avec uniques habitants le gardien et son adjoint, des boucaniers vivant de la pêche et de l'air du temps, aussi discrets que solitaires.



« C'est un de ces lieux qui te font comprendre que, au-delà de la lumière de ton existence, il existe le néant incommensurable… Cet à-pic est la représentation du mystère, tu es devant quelque chose qui ridiculise les malheurs des hommes »



« Ici, il faut savoir se résigner aux ajournements et aux attentes, et même prendre le goût des errances et du périple. »



Sans télé ni aucun moyen de communication – à part une petite radio à ondes courtes - l'écrivain-voyageur a consacré ses jours à l'exploration de son nouveau milieu de vie. Il a contemplé les étoiles, admiré les soleils couchants sur la mer, observé les oiseaux et, même, apprivoisé un âne borgne amoureux fou des citrons. Sans oublier Cassandre, une vieille poule solitaire… Mais avant tout, Paolo Rumiz s'est passionné de « vents », ceux qui secouent violemment les fenêtres et vous incitent à rester à l'abri.



« Chaque vent déchaîne en toi une tempête de sentiments inattendus »



Qu'il s'agisse de sirocco, de nevera, de tramontane, de levante ou de levantazzo, il en parle avec une poésie qui donne envie de pleurer d'émotion, tant c'est beau…



« ce vent d'est humide et infâme est une lamentation, une migration d'âmes mortes, il vous pousse dans les cavernes inexplorées de votre for intérieur » - le levantazzo



« c'est un vent chargé de lumière et de reflets, qui anime la mer de vagues fréquentes et riches d'écume, qui gorge nos rochers de couleurs, qui porte des semences de myrte et de romarin, qui mûrit les figues de Barbarie et les raisins, qui ensanglante de coquelicots les champs de blé, qui féconde la mer de nouveaux poissons… » - le levante



Seul avec lui-même dans l'un des phares les plus hauts du monde, affrontant les pires tempêtes de vent aussi bien que l'accalmie des jours, Paolo Rumiz réinvente un environnement à l'image de ses bousculements intérieurs. Avec lui, on est emporté par des vagues d'émotions fortes. Pour peu que l'on se ferme les yeux quelques instants, c'est un roman que l'on contemple en paysages, émus par la beauté des lieux. L'auteur colore ses mots d'un discours anti-modernisme où il s'oppose notamment à la pêche industrielle « qui vide la mer », puis aux GPS qui tuent à petits feux ces « gardiens de la lumière »…



« Il m'a suffi de m'arracher au vacarme de la terre ferme, à la tempête des SMS, à l'overdose de données, aux débilitantes musiques de supermarché, et de venir sur une île déserte. Là tout est évident. Il y a un système qui nous abrutit de calmants, qui nous maintient dans un état de confusion mentale, dans le but précis de ne pas nous laisser comprendre qu'un gang de pillards est en train de dévorer le monde. Derrière la guerre en Irak, derrière la Syrie, l'Ukraine, les Balkans, derrière tous les « ismes » et les drapeaux, les nations et les religions, il y a toujours cet accaparement éhonté des dernières ressources de la planète. »



Sweet manU, le King des marais de Charente, rêve parfois de déserter son marais à grenouilles pour vivre « sur un îlot désert de toute présence humaine ». Un grand merci de m'avoir permis ce voyage immobile…



« Je reste comme un naufragé, ballotté par la tempête de mes pensées »



Le phare, voyage immobile. Et mon coeur y est encore…
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L'ombre d'Hannibal

Voilà un très beau récit de voyage d’un auteur italien que je ne connaissais pas. Paolo Rumiz nous emmène vagabonder sur les traces d’Hannibal il y a plus de 2000 ans, de l’Espagne à la traversée du Rhône et des Alpes, jusqu’au sud de l’Italie et la Sicile, et plus loin encore vers la Turquie. Avec l’aide d’auteurs latins (Tite-Live, Polybe), d’historiens d’aujourd’hui et de quidams de rencontres (aubergiste, batelier ...), il refait l’épopée du Carthaginois. L’archéologie, la littérature et la légende s’entremêlent dans une écriture légère, érudite et plaisante. Ceux qui aiment la culture méditerranéenne, l’esprit des lieux chers à Lawrence Durrell ne seront pas déçus par ce très joli périple dans l’antiquité romaine.

P.S. : Les quelques citations tirées du livre en disent long sur la qualité de l’œuvre.

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Appia

La via Appia, 612 kilomètres, voie légendaire reliant Rome à Brindisi. C'est toute l'Histoire de l'Italie qui nous est contée dans ce texte riche et coloré. Des hommes (scientifiques, littéraires, amateurs de belles pierres ...) ont marché pour nous et nous ont restitué ce que l'Italie avait de meilleur quand elle restait centrée sur l'Art et la beauté, quand elle véhiculait des valeurs nobles, quand elle était tournée vers le monde.

Paolo Rumiz, journaliste de La Repubblica, sait écrire et décrire pour notre plus grand plaisir.
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La légende des montagnes qui naviguent

Attention c'est un livre qui date un peu, enfin tout est relatif, mais quand même, les articles ont été écrit par P Rumiz pour les journaux dans les années 2003 à 2006. Mais qu'importe car ils mettent déjà l'accent sur les changements que connaissent les territoires de montagne, en Italie, en Suisse, en Autriche et en France. Et aujourd'hui les choses n'ont fait qu'empirer.

Paolo Rumiz a entrepris un voyage de 7000 Km le long des Alpes et des Apennins, son voyage l'emporte du golfe de Kvarner jusqu'au bout de la botte italienne.

Les Alpes pas de problème, je voyais bien les paysages, les lieux, les vallées, les sommets. Par contre les Apennins c'était plus nébuleux pour moi malgré plusieurs séjours en Italie ça ne me parlait pas vraiment.



Mon regret ? Ne plus avoir sous la main l'équivalent du fabuleux atlas que j'avais enfant, celui du Reader Digest qui à l'époque m'a fait voyager partout, l'Europe était mon terrain de jeux et j'ai passé bien des heures penchée sur les doubles pages à la taille démesurée ( il faut dire que j'étais petite et gringalette ) je me suis vengée sur ma tablette.

Vous êtes prêt pour le voyage ?

Un mot d'abord des moyens de circulation, à pied évidement, en vélo, et plus insolite en Topolino de 1954 « Sur le marché, c'est celle qui se rapproche le plus de la mule. » dit Paolo Rumiz

Tout commence dans les Alpes en Slovénie, surprenant voyage dans un pays qui n'attire pas l'attention et que les pages de Rumiz m'ont donné envie de découvrir même si le penchant des slovènes va plus vers les ours que vers les étrangers.

On navigue, car c'est bien de navigation qu'il s'agit, entre le pays des loups, des ours et du miel, le Tessin italien, les sommets avec Walter Bonatti un guide idéal dans les Alpes ou Mario Rigoni Stern qui devait disparaitre peu après.

Ce début de voyage m'a enchanté et a ravivé des journées en montagne, des cueillettes de fleurs, des photos de sommets, des vallées presque inconnues, des glaciers et de somptueux coups de soleil.

Une belle randonnée dans les Alpes que j'ai parcouru au fil des années et le récit de Rumiz a réveillé bien des souvenirs pour moi.



On croise des musiciens, des experts, des gardiens d'auberges de montagne, il est à Chamonix juste avant que ne soit décidé la réouverture aux poids lourds après la catastrophe du tunnel du Mont Blanc, entrainant la catastrophe écologique qui sévit aujourd'hui si vous avez écouté les dernières constations sanitaires sur la vallée de l'Arve.

l évoque la catastrophe du Vajont en 1963 qui tua 2000 personnes et anéantit une partie de la Vénétie.

Ces Alpes où la neige est de plus en plus rare, où les stations plongent dans un marasme économique et écologique.



On croise Õtzi l'homme des glaciers découvert par Helmut Simon, avec autour de cette découverte un peu de ce qu'à connu chez nous la Grotte Chauvet et les enjeux médiatiques qui s'y rattachent.

Les Apennins c'est différent, je ne me sentais pas en pays connu. Ces montagnes nécessitent la lenteur, la recherche d'une certaine harmonie. Les lieux ont été parfois saccagés, parfois épargnés, les témoignages sont là pour appuyer les propos.

Et puis les Apennins vivent encore dans l'ombre d'Hannibal.

Traverser ces montagnes « sans croiser un gendarme ou une autoroute » cela tient d'une gageure. On peut lire les marques sur le paysage de la désertification, du manque d'eau, l'installation de la « grande peur climatique »

Paolo Rumiz déniche une Topolino, datant de 1954. Un véhicule pour se faire instantanément des amis. La sienne prend l'eau, a des ratés mais avance vaille que vaille.

On s'enfonce dans « un labyrinthe aussi fascinant qu’infini » qui va des côtes ligures jusqu'au bout du bout de la Calabre.



On navigue dans des villages déserts, uniquement habité de vieillards et de leurs auxiliaires de vie, Paolo Rumiz rivalise d'anecdotes pour faire oublier la tristesse des lieux.

Vous pensez que cela va vous plomber le moral ? Et bien pas du tout, l'humour de l'auteur est là, et puis il y a ces personnages hors du temps qui enchantent le récit.

Certains noms de lieu ne parlent pas à nos oreilles françaises et la magie d'internet est là pour combler le vide

n journal de voyage plein de surprises, sans GPS mais avec carte. Des sites hors des itinéraires touristiques, où la cuisine est savoureuse et les villages dépeuplés.



Un livre par un écrivain de la lenteur, pour les fous de voyage, de montagne, de protection des territoires, d'écologie.




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Le phare, voyage immobile

De tous temps, les voyageurs ont été fascinés par les phares, ces géants de pierre qui bravent vents et marées pour aider les marins à s’orienter. C’est sur l’un d’eux que Paolo Rumiz, célèbre écrivain voyageur italien, a choisi de poser ses bagages.



Dans cet ouvrage, il nous narre son quotidien pendant les quelques mois qu’il a passé sur une ile inhabitée, avec les deux gardiens du phare pour seule compagnie. Les heures solitaires sans moyens de communication modernes, les journées rythmées par la pêche et l’observation de la nature et, bien sûr, la confrontation avec les éléments naturels déchainés (le vent, les marées, les orages violents).



En grand voyageur qu’il est, l’auteur s’autorise de nombreuses digressions, parlant de ses autres voyages et des diverses rencontres qu’ils ont permis. Il nous fait voyager à travers l’Histoire tout en nous faisant découvrir l’ordinaire particulier des gardiens du phare.



J’ai apprécié que l’auteur s’adresse directement au lecteur, le prenne à parti et l’incite à poursuivre sa lecture par des recherches complémentaires. A travers cette lecture, on ressent aussi le respect que l’auteur a pour la nature. Ainsi, dans le souci de préserver cette ile sauvage, Paolo Rumiz ne nous livre aucune carte, aucun nom, uniquement de vagues indications géographiques, de façon à éviter le tourisme massif qui salirait ce bel écrin naturel.



Un texte qui a suscité un certain intérêt mais qui n’a pas réussi à me passionner outre mesure.
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Aux frontières de l'Europe

Voici le journaliste 'amoureux des voyages, des frontières, des grands espaces. Normal me direz-vous pour un homme né à Trieste ville chargée de la folle histoire européenne. Autrichienne du temps de l’empire austro-hongrois, flirtant avec les Balkans.

En un long périple de 6000 km de la mer de Barents à la mer Noire, il effectue une traversée verticale de l’Europe et comme il ne craint pas les zigzags, on le suit de la Norvège du Cap Nord à Odessa en passant par la Biélorussie, l’Ukraine.

Journaliste un peu désabusé après avoir couvert la guerre des Balkans c’est pour lui l’occasion de vivre à son rythme. amoureux des confins, il a choisi de nous mener au plus proche de « l’âme slave »

Un mois de pérégrinations, le passage des frontières de dix pays sac sur le dos, carnet et crayon en main pour satisfaire sa curiosité, son goût des rencontres.



Il traverse des territoires qui ont changé de nom, des contrées oubliées par l’histoire, des pays tout nouvellement créés, des villes aux noms imprononçables et magiques,« ces anciennes provinces frontalières englouties par la géopolitique » la Carélie, la Courlande qui porte un nom de princesse, la Bucovine, la Mazurie et ses lacs...



« c'est ici que bat le coeur, à des centaines de km au-delà de l'ex-rideau de fer, entre les bouleaux et les grands fleuves méandreux, dans une terra incognita faite de périphéries oubliées.»



Paolo Rumiz préfère les trains bringuebalants au TGV, les horaires improbables et les correspondances impossibles qui obligent à demander l’hospitalité. Au gré des rencontres son périple nous fait prendre « un bain d’humanité » : Un prêtre orthodoxe qui fut soldat dans les forces spéciales russes, des moines et des vieux-croyants, l’écrivain Mariusz Wilk qui a choisi de vivre au bord du lac Oniega, Allia et ses blinis, les vieux juifs de la synagogue de Grodno.



Son regard est sensible, plein de curiosité, de chaleur humaine qui s’épanouit dans les rencontres, il est à classer dans la famille des grands écrivains voyageurs, celle des Colin Thubron, des William Darymple. En le lisant on pense au Danube de Magris, à L’usage du monde de Bouvier. Des estampilles bien tentantes non ?



A l’origine ce texte a été publié en feuilleton dans la presse italienne, et c’est bien d’un feuilleton qu’il s’agit car on attend avec impatience le passage de la prochaine frontière, si vous ne fermez pas ce livre avec du vague à l’âme ou l’envie de partir je suis prête à manger mon chapeau !!
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Le fil sans fin

Paolo Rumiz est un auteur réputé, doté d'une aura de grand européen et grand voyageur, qui confronte érudition et travail de terrain pour construire des livres importants. C'est l'idée de lui que je me faisais sans avoir lu un seul de ses livres. C'est pourquoi j'ai sollicité l'envoi de son dernier ouvrage à la Masse critique non-fiction et je remercie Babelio et les éditions Arthaud de me l'avoir offert.

Il est sous-titré " Itinéraire spirituel pour la renaissance de l'Europe." Rumiz part en effet du constat incontestable que l'Europe va mal : il revient à plusieurs reprises sur le scandale des migrants repoussés aux frontières, les tragiques noyades de ceux qui n'arrivent pas jusqu'aux côtes, les souffrances incessantes pour ceux qui survivent. Le déclin de l'Europe ce sont aussi les nationalismes galopant un peu partout, les dérives d'une économie qui écrase de plus en plus les plus faibles et le matérialisme consumériste qui remplace tout idéal, toutes valeurs.

J'ai été tout d'abord charmée par la plume vraiment belle de Rumiz, ses descriptions des hommes comme des paysages. Tout au long du livre, j'ai apprécié de nombreux passages, leur puissance évocatrice qui témoigne du profond et sincère amour de Rumiz pour l'Europe et ses habitants.

J'ai été déconcertée lorsque j'ai compris que la recherche de solutions, de nouveaux souffles pour les Européens prenait la forme d'un voyage d'abbaye en abbaye, en Italie, Allemagne, France, Belgique, Hongrie et Suisse.

Il est indispensable d'approfondir sa connaissance de l'Histoire pour comprendre le monde d'aujourd'hui. Et les valeurs des Bénédictins, Cisterciens ou Trappistes sont honorables et sans doute inspirantes à certains égards. Rumiz sait faire partager son enthousiasme pour la règle de Saint Benoit, l'hospitalité des frères, la beauté des cantiques et des architectures.

Mais est-il suffisant de visiter des abbayes, uniquement des abbayes pour espérer retrouver des valeurs et des idéaux plus généreux à offrir au peuple européen ? Pour ma part, je n'en suis pas convaincue et malgré toute ma bonne volonté et mes a priori favorables, il me semble que fonder l'Europe uniquement sur des "racines chrétiennes" est pour le moins restrictif. Sans nier ces racines-là, elles peuvent aussi bien venir des Lumières par exemple. Rumiz écrit comme si le christianisme avait inventé seul l'Europe et la liberté. Il ne dit pas que si tel était le cas, il serait donc aussi à l'origine des maux actuels. Et qu'une refondation devrait aller s'inspirer ailleurs.

Ces hautes valeurs (chrétiennes et autres) qui ont inspiré les plus belles oeuvres ont pu aussi malheureusement être instrumentalisées pour commettre les pires atrocités. Rumiz les évoque, en Europe, au vingtième siècle. Il dénonce aussi les atrocités d'aujourd'hui : Srebrenica, l'Ukraine, le drame des migrants... C'est admirable quand si peu de voix qui comptent s'en émeuvent, malheureusement.

Mais ses tentatives de réponse ne m'ont pas convaincue. À un moment, à Bruxelles, il évoque les jeunes qui manifestent pour le climat : j'aurais rêvé d'un ouvrage qui relie L Histoire et le présent, les héritages et les points de vue (et actions) des jeunes générations impliquées. Ce n'est pas ce livre-là. C'est un livre qui a sa beauté néanmoins, un ouvrage pieux et sincère. J'en retiens des portraits expressifs et généreux à tous les chapitres, de saines révoltes, des réflexions sur la musique, le silence, l'écoute et l'hospitalité, des moments suspendus, une quête de liens et de sens.

Je lirai donc ses précédents, ceux qui ont fait sa renommée. Peut-être ce dernier est-il mineur dans sa bibliographie.
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Le fil sans fin

J'ai suivi avec enthousiasme Rumiz Aux Frontières de l'Europe, j'ai adoré le voyage des Dolomites aux  des Alpes suisses et dans  les Appenins dans La légende des montagnes qui naviguent, j'ai lu Dans l'ombre d'Hannibal sans aucune réserve. Dès que j'ai lu le billet de Dominique je ai téléchargé le Fil sans Fin et lu sans attendre. 





Amatrice touchée par le séisme de 2016 est encore en ruines et interdite d'accès quand  Paolo Rumiz découvre intacte à Norsia parmi les décombres la statue de Saint Benoît de Norsie - patron de l'Europe - fondateur de l'ordre des Bénédictins. Touché par cette sorte de miracle, Rumiz va parcourir l'Europe de monastère en monastère, cherchant ces "racines chrétiennes de l'Europe". 



Que disait-il, ce saint qui nous bénissait, au milieu des débris de tout un monde ? Il disait que l’Europe se portait bien mal ? Que la Grande-Bretagne venait à peine de voter pour sortir de l’Union européenne et que je me trouvais peut-être devant les ruines



[...]

Oui. Le message du saint pouvait aussi être celui-là : l’Europe avait replongé dans le Moyen Âge et, pour

retrouver ses racines spirituelles, il lui fallait repasser encore une fois par une saison de ruines. Une troisième

catastrophe, en l’espace de cent ans, nécessaire pour sortir du tunnel autodestructeur de la consommation.









Diversité des monastères de bénédictins, et de bénédictines, diversité culturelle mais toujours la même Règle : la Règle de Saint Benoît qui codifie aussi bien la liturgie et les horaires que les principes d'accueil et de bienveillance vis à vis de l'étranger, le pèlerin, le silence aussi



Sous le signe de la devise :  Ora et Labora et lege et noli contristari - prie et travaille, étudie et ne te laisse pas aller à la méfiance. 



De Praglia en Vénétie, à Sankt Ottilien en Allemagne, Viboldone en Lombardie, Muri-Gries et Marienberg au Tyrol du sud, Saint Gall en Suisse, Citeaux, Saint Wandrille en France, Orval en Belgique...jusqu'à Pannonhalma en Hongrie,  Rumiz va expérimenter l'accueil, goûter au vin ou à la bière fabriqués dans les monastères. Il va écouter les trilles des hirondelles dans le silence, les orgues et le piano de moines musiciens...rencontrer moines et pèlerins...



Sans oublier l'Europe bien sûr qui est la préoccupation majeure de l'auteur. 



Je ai lu Le fil sans fin avec plaisir, je suis fan absolue de Rumiz. Pourtant,  dans les monastères, j'ai du mal à le suivre. Ses craintes pour l'Europe, son rejet de la xénophobie qui gagne, je les partage. Mais tout ce discours  me paraît  plaqué, artificiel. Les moines ont inventé le bien-vivre en communauté, pourquoi les Européens n'inventeraient pas le bien-vivre ensemble et avec les migrants? Rumiz a cédé aux séductions du bon vin, de la bonne bière, et du chant grégorien. Je n'y arrive pas.



Cela ne m'empêchera pas de dévorer les autres livres de l'auteur, je n'ai pas encore épuisé ses œuvres. Le podcast de France Culture, A Voix nue Paolo Rumiz, l'homme qui écrit avec ses pieds m'a accompagnée pendant mes dernières promenades en forêt et j'ai vraiment aimé écouter sa voix, d'autant plus qu'il s'exprime parfaitement en Français.  
Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Appia

Appia(2016)

Paolo Rumiz

récit, 515p

traduit de l'italien par Béatrice Vierne, 2019

Arthaud









Paolo Rumiz se revendique écrivain-voyageur. Il est reconnu comme le plus grand écrivain-voyageur italien d'aujourd'hui.. Il est né à Trieste, en 1947 ; Trieste ne redevient italienne qu'en 1954. Il a donc fait l'Appia à presque 68ans, le veinard, avant que l'arthrite ne lui enlève ses pieds, avec lesquels il écrit.





J'étais dans une très belle librairie à Saint-Flour, dont le nom fait rêver, La cité du vent, et qui renferme, entre autres trésors, des cartes très rigolotes. Sur une pile, un nom sur un livre m'a accrochée : celui de Paolo Rumiz, dont je ne savais rien. Le livre : le phare, voyage immobile. Je me réjouissais de le trouver dans la médiathèque que j'aime, un autre lieu de rêve ; elle ne pouvait m'offrir que ce livre-ci, Appia. Je n'allais pas refuser le cadeau. Le livre se compose de trois parties, le récit proprement dit, les remerciements adressés à ses pieds, et les cartes qui livrent l'itinéraire des 612 kilomètres parcourus en 29 étapes, de cette ligne mythique. Si ce n'est pas là une invitation au voyage, à une randonnée sac au dos et sans GPS -les cartes sont là, calligraphie du parcours-en droite ligne ou presque, qui fait traverser l'histoire et les temps, de l'Antiquité à aujourd'hui avec la mafia et les gouvernements viciés,en passant par le fascisme , à la marche , un révélateur de l'humanité, qui rend Rumiz capable de penser et d'écrire, et qui permet de voir de près et de faire des rencontres, en l'occurrence féminines, à croire que l'archéologie militante existe surtout grâce à elles.

La Via Appia est une route rectiligne, descendant vers le Sud, tracée pour les légionnaires dont la fonction n'est pas d e flâner en touristes, qui va de Rome à Capoue du vivant d'Appius Claudius, qui lui a donné son prénom, pas le nom de sa gens, puis étendue jusqu'à Brindisi grâce aux épigones du même Appius. Jusqu'à Capoue, la présence de Rome, la Dominante, l'Vrbs, se fait sentir ; après c'est le Moyen-Age qui marque le territoire.Cette voie existe toujours, les basoli , ces pierres volcaniques de 50 cm/50qui la pavent sont intacts contrairement à l'asphalte qui les recouvre, mais elle n'est pas entretenue, et elle ne compte pour rien quand il s'agit de la vendre à des industriels qui y placent des parkings ou des supermarchés, ou à des particuliers qui y établissent leurs demeures en se servant des ruines des constructions antiques. Or, non seulement c'est la première de toutes les routes antiques, mais encore de toutes celles d'Europe.Garibaldi, qui œuvre pour la réunification nationale, veut qu'on la préserve. Sinon, le grand homme de la route du Sud, extension du tronçon, c'est Frédéric II de Souabe, XII°, le soleil des Pouilles, qui a rouvert les chemins de transhumance et qui parcourait son pays en nomade, de château en château, qu'il s'était fait construire, sa baraque à lui, son lieu de refuge ;la racine du mot renvoie à Barak, qui veut dire sainteté, et à Barka, la lignée d'Hannibal, et à Barcelone, Mais l'Italie a peur de l'histoire. C'est pour cela qu'elle manque d'orgueil pour le passé auquel elle appartient et qu'elle ne tient aucun compte de ses merveilles, comme si le Colisée lui suffisait. La France, elle, soigne les pavés de Paris-Roubaix.

Cette randonnée semble être une première. Qui a fait l'Appia à pied, qui l'a appiédée, comme le dit joliment un vieil Italien du Sud, depuis 1745 ? Aussi les randonneurs sont-ils accompagnés de gens, avertis par le bouche à oreille, qui viennent ou les encourager ou les sustenter ou leurs montrer les trésors du coin. Certes, des grilles, des chiens rendus à l'état sauvage, les hauts-fourneaux de l'Ilva à Tarente, au milieu de l'un desquels la Via est emprisonnée, les glissières de sécurité qui l'entravent, les éoliennes, les sordides appas du fric, la presque omniprésence de la corruption, encolèrent Rumiz que la beauté, toujours triomphante, des lieux apaise, beauté qu'il veut faire connaître à tous, histoire aussi de leur faire ouvrir des yeux plus larges, Italiens qui n'ont plus tellement l'habitude de la marche, comme étrangers, et qu'il engage à préserver l'antique.

Rumiz est sensible aux parlers, aux accents, qui disent la diversité de l'Italie et qui, au fur et à mesure qu'on descend vers Brindisi, annoncent la Grèce. La prononciation différente rappelle la présence de Lombards, d'Allemands, d'Arabes, de Byzantins, d'Espagnols, Il rectifie les on-dits de l'histoire : les Samnites connaissaient une civilisation ancienne, grande et raffinée. l aime à revenir à l'origine des mots : ainsi rappelle-t-il la racine commune des mots hostis et hospes, la terre des Osques qui aurait donné naissance au mot obscène en raison de ses attellanes aux termes orduriers, dont Tibère a demandé au Sénat de les abolir. La racine de Rumiz, -rum, pue l'Orient, dit-il, elle sent le gitan. Il se souvient de son grand-père qui, à l'âge de 8 ans, s'est exilé seul en Argentine. Alors bien sûr il est à côté de ceux qui marchent et qui éveillent des soupçons, des migrants, des vaincus.

Il est sensible aux ambiances également. Il sent que Gênes, Nice, sont méridionales en comparaison de Trieste. Il voudrait appeler, comme les Romains, l'Adriatique, mer du Nord, et la Tyrrhénienne, mer du Sud. Il trouve que le Mezzogiorno est le territoire de l'Est plus que du Sud, l'Est étant le paradis, et mettre le cap vers l'Est, c'est aller vers le renouveau.

Il est sensible, tout court. Le compagnon et peut-être l'inspirateur de la route, c'est Horace, le pochetron ? En tout cas, le poète savait vivre. Les compagnons de l'Appia aussi, qui savourent des vins du terroir, et mangent à l'italienne, car ce qu'il y a de meilleur chez les Italiens se réfugie dans la nourriture, et particulièrement pour Paolo, dans la pizza aux courgettes frites et au pecorino. La marche éveille tous les sens, on respire, on voit, on touche, on goûte et on entend, hélas, le bruit incessant des voitures à certains endroits, mais aussi le chant des oiseaux et des grillons.Les pieds sentent s'ils sont sur la Via Appia. Le soleil est terrible pour les marcheurs qui rêvent de bière. La marche fortifie l'amitié avec le partage des souffrances et le pique-nique, avec saucissons et fromages divers.

Sûr que la Via Appia a des atouts. Rien à voir avec Compostelle, qui est un chemin religieux, un pélerinage, et qui ne se parcourt que dans un sens, et en plus en troupeau. La Via Appia se descend quand on est légionnaire et se remonte quand on est un vaincu. Dans les années 70,, Compostelle n'était rien du tout. L'Appia peut faire mieux. Ceux qui la parcourent, comme Rumiz, sont des anarchistes.

Quand on lit le livre, qui recherche la trace d'une très ancienne route, et qui critique avec de sérieux arguments l'Italie d'aujourd'hui, et une fois qu'il est fermé, on a envie, très envie, de marcher sur l'Appia et de relire Horace. On a aussi envie de manger tous les fromages. Appel entendu, Paolo, on se fera l'Appia.
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Le fil sans fin

Durant l'été 2016, un tremblement de terre dévastateur a eu pour épicentre les Apennins entre l'Ombrie et les Marches, dans l'Italie centrale, dont les séquelles sont encore bien visibles. Norcia, la ville natale de Saint Benoît, saint patron de l'Europe et fondateur de l'ordre monastique des Bénédictins, a été particulièrement frappée par le séisme. En avril 2017, en randonnant parmi ses monts nommés d'après la Sibylle, Paolo Rumiz s'inquiète de l'état de l'Europe, de sa balkanisation à l'échelle continentale dont le dernier épigone en date est le Brexit, de sa déshumanisation concrétisée par le refoulement des migrants, des menaces qui pèsent sur ses démocraties, notamment depuis le cheval de Troie que représentent certains régimes d'anciens membres du Pacte de Varsovie, de son système économique prédateur de l'environnement et du bonheur des humains. Ainsi, devant la statue intacte du saint, il est saisi par la pensée que lors de la chute de l'Empire romain, c'est bien le monachisme bénédictin qui sauva l'Occident de dangers bien plus graves encore – de la violence généralisée, de migrations belliqueuses, de dégradations urbaines, de banqueroutes – et qui créa une vision de l'Europe et un réseau territorial touffu grâce à une Règle fondée sur la prière, le travail (« ora et labora »), mais aussi sur l'écoute, l'accueil, le silence et l'exemple. Qu'y a-t-il d'encore actuel dans la Règle bénédictine ? Peut-on y puiser quelques réflexions pour faire face à la déliquescence contemporaine de l'Europe ? Afin de répondre à ces questions, il se met en route vers des monastères bénédictins « de l'Atlantique au Danube », pour recueillir le témoignage de leurs abbés et abbesses.

La description de ces lieux – quatorze font l'objet de chapitres spécifiques dans le livre, mais d'autres sont survolés en quelques lignes – qui sont très différents les uns des autres autant par les paysages qui les entourent que par le caractère propre de chacun, étant donné que le réseau bénédictin se caractérise par l'autonomie et la décentralisation radicales, les propos recueillis, et surtout les digressions innombrables qui font la prose de Rumiz forment le matériau de cet ouvrage. Les endroits sont splendides, les rencontres imprévues, les silences s'alternent aux paroles murmurées, aux chants et autres musiques sacrées et profanes, les bières abbatiales et autres nutriments conventuels abondent, pourtant l'inquiétude de l'auteur domine dans ces pages davantage que dans tout autre livre de lui. Le discours politique sur l'Europe et sur les migrations, depuis l'Italie, a certainement des tons plus alarmés, je dirais même plus tragiques que ceux que nous avons l'habitude d'entendre en France ; le christianisme et en particulier les « racines chrétiennes de l'Europe » ont aussi, clairement, des connotations voire une signification totalement différentes, à la fois plus consensuelles et plus militantes (ce qui peut paraître paradoxal)... De même, les paroles des religieux, bien que mises en contexte autant que possible par Rumiz, y compris celles d'un curé hongrois qui portaient les relents fétides de son gouvernement actuel, révèlent à l'évidence les traces de la diversité des perspectives d'un point à l'autre du Continent. Cela est toujours intéressant à relever entre les lignes. Le pessimisme vainc et le ton est par conséquent, souvent, davantage que celui de l'observation, celui de l'admonestation.
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Le phare, voyage immobile

Voilà un très beau livre, presque de la poésie, dont il est compliqué -voire impossible- de dire ce qu'il raconte!...

L'auteur passe quelques semaines dans un phare, sur une île au milieu de la Méditerranée. Il ne raconte pas vraiment son quotidien, mais au final un peu quand même, en y mêlant des souvenirs, des pensées, des anecdotes. Le style est impeccable, le vocabulaire riche: au niveau de la prose, c'est vraiment de la belle littérature.

J'ai beaucoup aimé les descriptions, les émotions, et aussi quelques petits clins d'oeil écolo, mine de rien, jetés doucement... La population des poissons est amenée à disparaître à cause de la pêche intensive, alors que si chacun cessait d'en manger juste une année, tout changerait dans l'autre sens.

Ce n'est pas un manifeste pour la mer, ce n'est pas de la poésie, ce n'est pas un témoignage, ce n'est pas un récit de voyage, et pourtant c'est un peu tout ça à la fois.
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La légende des montagnes qui naviguent

Lorsque j'ai découvert ce titre La légende des montagnes qui naviguent cela m'a fait penser au titre des romans asiatiques où tout est très imagé voir poétique. Mais Paolo Rumiz ne fait pas très asiatique et pour cause il est italien. Cet auteur est très connu, mais malheureusement absolument pas par moi ! Et quand je découvre que c'est un auteur voyageur qui a reçu de nombreux prix et été traduit dans de nombreuses langues, je me fais toute petite.



J’entame donc ma lecture de ce roman qui raconte la traversée des Alpes et des Apennins. Soit environ 8 000 km. 8 000 Km de paysages, de rencontre, de récits historiques. Un voyage de découverte gustative, géologique. Même politique !



Derrière la métaphore des montagnes qui surgissent de la mer et naviguent comme une grande Armada, j’ai vu poindre parfois l’image d’une Italie aux contours légendaires. Ce qui explique le choix de ce titre étrange, La légende des montagnes qui naviguent, lequel, même traduit en français, compose sans le vouloir un parfait hendécasyllabe, vers de prédilection de la poésie italienne.

Tout comme les 8 000 Km parcourus par l'auteur, ce livre se mérite. Il n'est pas facile à apprivoiser.



Une écriture ciselée, pentue et sauvage telles ces fameuses montagnes. J'ai pour ma part eu du mal à m’acclimater. Si bien que cette lecture a été un peu douloureuse par moment car je manquais de souffle et d'objectif pour continuer. C'est un chemin de croix que l'auteur nous raconte et au final j'ai eu du mal à suivre ses pas.



Si vous désirez suivre Paolo Rumiz chaussez vos crampons, car j'ai trouvé ce récit très long (460 pages ) pour un roman qui finalement ne raconte que cette traversée.



Par contre pour les amoureux du genre et les curieux qui ont une affection pour l'écologie, tentez cette lecture .
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Aux frontières de l'Europe

L'évasion du sédentaire peut parfois s'effectuer par le voyage par personne interposée. Mes rêves de voyage ne sont pas au bord des plages bordées de cocotiers et de barmans chargés de plateaux où s'empile une mosaïque colorée de cocktails. Je serais plus à reprendre les pas d'un voyageur comme Stevenson et son périple dans les Cévennes en compagnie d'un âne. Mais j'avais envie d'horizons plus lointains et exotiques.

Dans son Aux frontières de l'Europe, Paolo Rumiz m'a offert un voyage comme j'envisageais de le faire : en dehors des sentiers battus et proches de l'humain. Voyageur impénitent depuis plus d'une décennie, il nous offre ici l'un de ses plus longs périples sur plus de 6000 kilomètres de Rovaniemi en Laponie finlandaise jusqu'aux prémices du sérail d'Istanbul. En bus, train, à pied, en bateau ou encore en taxi, Rumiz prend à chaque fois les chemins de traverse et s'arrête là où jamais personne ne fait halte. Et dans les aléas du voyage et de l'attente, des rencontres miraculeuses s'opèrent où s'épanouit le coeur slave, le souvenir hassidique dans le partage d'un poisson fumé ou encore d'un verre de vodka, au son d'un vieil accordéon qu'on sort en l'honneur du visiteur.

Quel voyage ! Cela donne envie de reprendre mes chaussures et mon bâton de marche à la découverte de cette Europe verticale des frontières.

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Le phare, voyage immobile

Après avoir cavalé derrière lui sur les routes d’Europe, sur les traces d’Hannibal, ouf je peux faire une pause avec le dernier livre de Paolo Rumiz.

Un voyage immobile sur une île dont on devine un peu la situation au milieu de la Méditerranée sans doute du côté de la côte Dalmate.

Paolo Rumiz réalise un rêve vieux comme le monde, partir sur une île déserte (enfin presque), se couper du monde et vivre là sans contraintes autres que celles de la météo.

Il va vivre trois semaines dans un phare, avec les gardiens pour seuls compagnons et porter son regard sur ce qui d’habitude nous échappe : les nuages, les étoiles, le vent.

Le temps qui passe est ponctué de pêche parfois miraculeuse, d’incursion en cuisine lorsqu’il invite ses hôtes autour d’un risotto dont le fumet vient nous titiller les papilles. Il observe ces énormes bateaux qui croisent au loin

Paolo Rumiz se fait ermite et épicurien à la fois et c’est l’occasion pour lui de revenir vers ses lectures, vers ses amis, de rêver et de perdre pied parfois.



Même si je le préfère en voyageur, j’ai pris un grand plaisir à cette lecture.

Un récit qui s’adresse plus aux adeptes du Taoïsme qu’à ceux de Marco Polo
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Le fil sans fin

" Tiens, une pelote blanche, toute sale, oubliée sous un platane. Le signe de mon voyage, d’un fil déroulé par-dessus les fleuves, les montagnes, les villages et les plaines. Un fil sans fin qui surmonte les distances et noue des relations en franchissant les murs, les barbelés, les frontières. Qu’ont-ils fait d’autre, les moines de Benoît, que de planter des lieux de prière et de labeur dans les espaces les plus incultes d’Europe pour tisser ensuite entre eux un solide réseau de fils ? Revoici, derrière la laine, le monde pastoral et paysan d’où tout est né au VIe siècle après Jésus-Christ, dans une identité "



Paolo Rumiz nous propose cette fois, de suivre le fil de son chemin, ce fil invisible qu'il tisse de monastères en monastères, ce fil qui les relie les uns aux autres.

14 étapes, chiffre choisi au hasard ? Qui dit 14 pense aux 14 stations du chemin de croix.

Mais, c'est dans un tout autre voyage que nous suivons l'auteur. Un voyage au travers d'une Europe des monastères, une Europe des sens, dont voici les 14 destinations

Le bonheur du périmètre, Praglia, Vénétie ;

Houblon et encens, Sankt Ottilien, Allemagne ;

La patience de la pelote, Viboldone, Lombardie ;

Le trille de Dieu, Muri-Gries, Tyrol du Sud ;

La machine à lumière, Marienberg, Tyrol du Sud ;

La pharmacie de l’âme, Saint-Gall, Suisse ;

Piano et murmures, Cîteaux, France ;

Le démon de midi, Saint-Wandrille, France ;

Hirondelles et alambics, Orval, Belgique ;

La Wunderkammer, Altötting, Allemagne ;

Un prélude à l’Om, Niederalteich, Allemagne ;

La horde et les steppes, Pannonhalma, Hongrie ;

La Symphonie, Camerino, Marches ;

Le fil infini, San Giorgio Maggiore, Vénétie.



Le voyage est un changement, et a toujours été porteur d'un profond processus de purification intérieure. Un chemin de l'âme qui en élargissant le périmètre de la connaissance nous aide à dépasser nos limites.



Et donc, tel un nouveau Prométhée qui défie les interdits imposés par les Dieux afin de donner aux hommes une lueur de connaissance, Paolo Rumiz se met en route et, partant des Apennins, traverse Amatrice et les lieux du tremblement de terre du 24 août 2016, à la rencontre de ces villes devenues et restées fantômes - " éventrées, béantes de manière obscène sur l’intimité des demeures. " - et arrivé à Norcia, il se retrouve face à la statue de Saint Benoît : "Ce fut alors que je vis la statue, illuminée a giorno au centre de la place. Elle représentait un homme à la barbe vénérable et à l’ample robe de moine, qui levait son bras droit comme pour indiquer quelque chose à mi-chemin entre le ciel et la terre. Elle était intacte au milieu de la destruction et l’on pouvait lire : « Saint Benoît, patron de l’Europe ». J’en eus le cœur serré. Jusqu’alors, je n’avais pas pensé un seul instant au saint et à son rapport avec Norcia – Nursie pour les Français –, avec le tremblement de terre, avec la terre nourricière du continent auquel j’appartenais. Que disait-il, ce saint qui nous bénissait, au milieu des débris de tout un monde ? "

Que représentait ce saint bénisseur, abandonné parmi les décombres du monde ? s'interroge Rumiz , devant la statue située au centre de la place.



Et c'est là que l'auteur, dans une sorte d'épiphanie, dans le sens d'une manifestation sensible d’une présence divine à l’humanité , se rend compte de l'énorme portée de l'œuvre bénédictine capable de sauver l'Europe tout en relançant la civilisation, alors que ce territoire était, à ce moment-là, en équilibre comme au bord d'un gouffre, dans un monde qui a survécu la chute de l'Empire romain et donc en proie à la peur et dévastée par de violents raids barbares. "les semences de la reconstruction avaient été plantées au plus mauvais moment qui fût pour notre monde, dans un Occident caractérisé par la violence, les migrations massives, les guerres, l’anarchie, la ruine urbaine, les banqueroutes. Quelque chose qui ressemblait vaguement à ce que nous connaissons aujourd’hui.c



Et désormais - réfléchit Rumiz - cette même Europe avait replongé dans le Moyen Âge et, pour retrouver ses racines spirituelles, il lui fallait repasser encore une fois par une saison de ruines

« Si Benoît avait réussi à reconstruire l'Europe malgré les décombres, il fallait faire revivre le souvenir de cet équilibre si laborieusement retrouvé » – écrit Rumiz – « parce que l'Europe renaquit trois fois de ces montagnes : d'abord avec Rome, puis avec le monachisme et enfin avec la Renaissance ; le temps était donc venu de retrouver ce formidable élan de reconstruction ».



Avec cette pensée en tête, une mission, presque une magnifique obsession, Rumiz commence son long voyage pour retrouver « le fil » de la spiritualité perdue, se déroulant le long d'un chemin qui relie les monastères bénédictins ; des espaces où la haute politique est toujours en vigueur, entendue comme une sage gestion des relations humaines ; une politique fondée sur des valeurs fortes, capable de combattre le langage de la peur, de parler aux autres, de redonner espoir aux plus petits et de redécouvrir ce qu’est et ce qui fait une communauté.



Un long cheminement spirituel dans lequel, tout en allant de l'Italie à l'Europe dans des territoires totalement différents les uns des autres en termes de langue, de culture et de traditions, Rumiz retrouve quelques socles communs à tous les monastères visités : l'accueil, l'écoute de l'autre, la solidarité , respect de la nature, espoir ; mais aussi la consécration pour la Règle, la discipline, les temps de prière, les rituels, l'importance de la Culture et du Savoir.



Et il est merveilleux de se laisser emporter par la lecture de ces pages et de se retrouver dans ces lieux sacrés, encore immergés dans une nature primaire ; des espaces où le vent « peigne les champs », et où la terre est « travaillée » de telle manière qu'il est presque impossible de distinguer entre le travail de la nature et celui de l'homme. Où rien n'est désinvolte, et où tout a été choisi dans le but de rendre la vie de l'homme douce tout en préservant la nature, dans un parfait équilibre entre l'eau et la terre. On se perd dans la magie de la vie qui se révèle dans les forêts et les potagers, dans le chant joyeux des moineaux et des rossignols, parmi les chênes et les acacias, dans l'immensité du ciel étoilé.



Et comme en proie à un enchantement, nous suivons les pérégrinations de notre « guide » et lisons, ravis, ses écrits dont l'empreinte est une pure poésie capable d'envoûter le lecteur, ainsi que la musique du joueur de flûte de Hamelin.

« Le vieux monastère dort dans les brumes hivernales, navire ancré dans la plaine devant le dernier des monts Euganéens. Au-delà des murailles du périmètre, un coq chante le lever du jour, comme s’il fouillait l’obscurité de son bec, et son chant pénètre dans le labyrinthe des cloîtres, dans les cryptes, les magasins, la bibliothèque. Il fait froid. Je suis un long couloir, jusqu’au moment où le bruit de pas des moines se rendant à l’office des matines rompt le silence."



Une musique à laquelle la vie intérieure des abbayes fait office de contralto, composée d'« autres sons » comme les laudes, les vêpres et les complies, les chaussons des moines, les chants grégoriens amplifiés par l'acoustique savante des églises ; tout un monde où le "silence spirituel" et la présence du "sacré" alternent avec les savoir-faire manuels quotidiens et ancestraux.



Une véritable « arche » où résonne le bruit sourd de la houe qui s'enfonce dans la terre, tandis qu'à l'abri de hautes fenêtres des mains maigres se consacrent à la restauration de précieux manuscrits ; il y a ceux qui surveillent le vin dans les barriques tandis que d'autres sélectionnent les herbes médicinales, ceux qui se consacrent à l'étude de la liturgie tandis que d'autres préparent les ruches pour le printemps prochain ou s'occupent de recevoir les invités. Et nous nous sentons presque saisis par une poussée soudaine, par le désir de fermer le livre et de partir, nous aussi, vers ces mondes pour pouvoir vivre cette expérience, retrouver nous-mêmes, notre âme, notre spiritualité perdue.



"À Viboldone, le sacré, que l’on pourrait croire annihilé à force d’être cerné par la machine de la consommation, vous foudroie dès que l’on pénètre dans la nef médiévale couverte de fresques de l’époque de Giotto. On est à bord d’un canot de sauvetage, on se sent accueilli" écrit Rumiz -

"Mais qu'est-ce que la vie, après tout, sinon un long fil de laine qui traverse les mers, les fleuves, les montagnes et les frontières ?" – demande, et nous demande, l'auteur marchant d'abbaye en abbaye à la recherche du fil blanc de la route.



La culture dominante actuelle ridiculise la dimension spirituelle en éteignant notre boussole intérieure et en emportant nos repères ; et c'est encore Rumiz qui nous rappelle "s’il y a une chose que nous avons perdue, c’est l’écoute. Nous sommes seuls, nous avons peur."[...] la peur, ça suffit comme ça, et aussi la politique fondée sur la peur, parce que c’est là que l’agressivité a ses racines.



Dans le Tyrol, l'auteur retrouve "Byzance, mais sans sa raideur hiératique, le mysticisme oriental préchrétien, l’ascétisme de Pythagore, la vocation judaïque des Esséniens, la spiritualité platonique, la solitude érémitique des prophètes Élie et Jean-Baptiste, le désert des ermites coptes. Autant de choses qui nous viennent d’Orient. Le temple de Jérusalem regardait dans cette direction, puis les chrétiens imitèrent les juifs, et dans les églises ils substituèrent la direction est-ouest à la direction nord-sud des principaux édifices de l’Empire romain. Ils le firent même si bien qu’aujourd’hui, pour dire « chercher la direction », nous utilisons le verbe « s’orienter ». Mais il est paradoxal de constater que cette merveille n’est restée intacte que parce qu’à l’époque baroque, les murs furent blanchis à la chaux et l’endroit dégradé au rang de colombarium ou fosse commune pour les cercueils des moines. Face à un pareil massacre, on se demande si la perception magique du sacré n’est pas morte au XVIIe siècle et si la foi n’a pas été remplacée tout bonnement par la théâtralité."



L' écrivain nous raconte quelle fut la grandeur des bénédictins d'avoir compris la dimension plurielle de notre monde ; réalisant que le christianisme occidental ne se développerait qu'à travers les différences, qu'elles soient culturelles, politiques, juridiques ou linguistiques.

Et c'est précisément cette pensée éclairée qui a donné naissance à un impressionnant réseau d'abbayes économiquement autosuffisantes mais étroitement communicantes. Un système qui a changé l'Europe et civilisé ses espaces les plus sauvages.



« L' Europe » – poursuit Rumiz – « est avant tout un espace millénaire de migrations et il est temps de crier haut et fort combien notre union représente un obstacle fort à l'absolutisme, aux mafias, aux intégrismes et aux économies de vol qui pillent la planète. Se séparer serait donc une pure folie. C'est justement le fait que nous ayons été le terminus des peuples migrants qui doit nous pousser à dénouer d'autres écheveaux en tendant d'autres fils, dans un geste d'amour et de désobéissance civile ».



Après la lecture de ce livre, empli d'exhortations, de poésie, de vie primaire, de règles et de spiritualité, il nous semble que nous avons fait un long parcours de « formation » en compagnie de l'auteur ; un chemin au bout duquel la régénération fait son chemin, tandis que nous entendons encore les échos des voyageurs rencontrés en chemin, la voix calme du Père Anselme qui nous parle de la beauté de la création, le chant des rossignols, la parfum de pain chaud et ce profond sentiment de paix; et en même temps nous sommes envahis par la perplexité à l'idée de devoir abandonner ces pages.



Et si vous vouliez une autre démonstration sur cette quête de sens, à chacun d'y voir sa définition, voici un passage des plus poétiques :

"Vent, murmure, grondement, litanie, voilà ce qui rend votre voyage unique. Voilà la pelote qui renoue les fils et relie Jérusalem à mes monastères. Je ferme les yeux pour mieux écouter. Voici le haut plateau d’Anatolie, la nuit qui tombe, la contrée qui se tait, les portails du ciel immense qui s’ouvrent en grand. Je sens que la perception du sacré se dilate et rappelle d’autres sons. Le lent goutte‑à-goutte dans le silence des souterrains de la Biblioteca Ambrosiana à Milan, où prie un Charles Borromée magnifiquement vêtu, tout seul dans l’obscurité, devant un sépulcre. Le cri des hirondelles sur le Tigre, avec vue sur la Mésopotamie constellée de lumières. Les laudes vespérales des moines sur l’île de San Giorgio à Venise, une voix qui cherche l’Orient et s’éteint dans la lagune.

Je réentends tout. La cloche de Saint-Marc, qui appelle les muezzins de Constantinople. Le chœur des Ukrainiennes, des Russes et des Roumaines en Italie, réunies dans la crypte de San Nicola, tandis que des escadrilles d’hirondelles emplissent de cris le ciel de Bari dans une lumière aveuglante. Les lamentations de la gaida macédonienne, qui vous appelle comme à la bataille, ouvrent la route aux amanedes, chansons déchirantes d’une Grèce perdue, d’Éphèse et de Smyrne. Et puis l’orage sur le mont Athos…, le chant des Thraces après le sacrifice du taureau, la danse des hommes étreignant les icônes, l’invocation d’un Konstantinos, saint, guerrier, empereur. Le tonnerre planétaire des minarets, à l’heure de la prière du soir, à Istanbul ; une vague arrivant de l’Asie annihile le chant des Grecs, à qui il est interdit de sonner les cloches."



Mais c'est précisément lorsque nous atteignons la dernière ligne que le désir de recommencer prend le dessus, nous amenant à retracer les étapes de ce voyage pour nous replonger dans ce monde, réabsorber ses principes et ses idéaux, les faire nôtres et les transmettre à les autres.
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Le fil sans fin

Paolo Rumiz arpente l’Europe sans désemparer depuis des années . Dans ce volume ,il a choisi d’en retracer les racines chrétiennes et plus précisément bénédictines , au fil de visites , de rencontres , d’entretiens dans des abbayes de divers pays. Partout il interroge sur la crise actuelle de l’Europe , l’accueil fait aux migrants et les solutions que peut y apporter le règle de Saint Benoit . Je partage assez largement son diagnostic sur la déréliction de notre civilisation mais pas du tout ses croyances ,de plus, il me semble qu’il idéalise excessivement la vie monastique des origines . Si ,de nos jours ,ceux qui se vouent au monachisme le font par choix et idéal , dans les temps anciens beaucoup de vocations étaient forcées soit par les règles familiales soit pour échapper à une misère omniprésente. Il y a cependant beaucoup à découvrir dans cet ouvrage qui est écrit avec passion même s’il est souvent répétitif.. .
Lien : https://andre.chiaroni@wanad..
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La légende des montagnes qui naviguent

Paolo Rumiz est un écrivain-voyageur, un journaliste de La Repubblica natif de Trieste (1947) . Il a également écrit L'Ombre d'Hannibal et Aux frontières de l'Europe que j'ai beaucoup aimés et qui sont des récits de voyage.



La Légende des montagnes qui naviguent raconte l'exploration des Alpes le plus souvent à vélo sur huit itinéraires de la Dalmatie à Nice en passant par l'Autriche et la Suisse. L'auteur en huit étapes descendra la botte italienne sur les Appenins à bord d'une Topolino bleue.



L'écrivain triestin commence son périple aux portes de Trieste dans les montagnes de Dalmatie.

Entre Slovénie et Croatie, il connaît les toponymes en italien, les frontières fluctuantes, auberges habsbourgeoises, kiosques post-communistes. Son voyage est imprégné d'un passé que j'ignore, je me suis perdue dans les cols et les lacs et les souvenirs de guerre. Quelle est cette armée perdue en 1915? L'effondrement plus récent de la Yougoslavie ne facilite en rien le repérage.

En revanche toutes les histoires d'ours me plaisent, surtout quand les ours nagent jusqu'aux îles ou quand ils volent le miel.

C'est un voyage à vélo ou à pied, loin des destinations touristiques à la rencontre des autochtones. Interrogation sur les identités après le démantèlement de la Yougoslavie et l'adhésion de la Slovénie à l'Europe :

Il passe alors en Autriche par "la tanière de Jörg Haider, gouverneur de Carinthie et croquemitaine du populisme alpin" qu'il va rencontrer. En ce début du XXIème siècle, il s'attarde sur cette montée de la démagogie et de la xénophobie, non seulement en Autriche mais aussi en Italie. Ce thème sera récurrent dans l'ouvrage.

Il décrit la vie des alpages, équilibre séculaire mis en danger par les aménagements hydrauliques et raconte la catastrophe du barrage Vajont (1963), dans les montagnes qui naviguent il sera beaucoup question d'eau! je découvre une montagne insolite , milieu fragile et menacé qui se referme sur lui-même.

C'est aussi l'occasion de très belles rencontres : avec l'écrivain Mario Rigoni Stern, des alpinistes ou Mauro Corona, alpiniste et sculpteur qui lui offre un couteau. Histoire d'alpinistes. Histoire de bois, de luthiers..

Je pense au film sorti récemment La Symphonie des arbres de Hans Lukas Hansen où un luthier de Crémone était à la recherche de l'arbre idéal pour construire un Stradivarius parfait dans les forêts bosniennes.

Histoires de trains, de trains italiens parfois négligés, de trains autrichiens, et surtout d'un train modèle suisse. Histoires de tunnels ferroviaires suisses et aussi de tunnels qu'on aménage sans concertation avec les riverains. Incendie du tunnel du Mont Blanc (1999)



Histoires de glaciers malades, de changement climatique....

J'ai lu avec un plaisir immense ce récit qui soulève des questions très actuelles et qui nous promène dans ces montagnes magnifiques.



la deuxième partie de La Légende des montagnes qui naviguent se déroule dans les Apennins de Savone au Capo Sud, à l'extrême sud de la Calabre.

En contrepoint, il va chercher à suivre la colonne vertébrale de l'Italie en suivant sa crête, il part



Et pour moyen de transport : une Topolino 1953 bleue, une voiture de collection, qui suscite curiosité et sympathie partout où il va passer. Ce roadtrip est presque une histoire d'amour entre lui et sa voiture qui va imprimer son rythme particulier, et ses limites (elle prend l'eau). Il sera beaucoup question de pannes, de réparations qui imposeront des étapes imprévues et des rencontres.

Les rencontres sont inattendues comme celle de la baleine des Apennins, fossile bien sûr mais inspirante. Autres mastodontes : les éléphants d'Hannibal . Hannibal sera un personnage récurrent au cours de cette expédition ainsi que Frédéric II. Cette montagne que les humains désertent est une sorte de bout du monde

"

C'est aussi le domaine du loup, et celui des bergers et des agneaux.

Si les montagnes sont désertées, les auberges sont chaleureuses

On y joue de la musique : on y apprend que la cornemuse en serait originaire. Les souvenirs historiques racontent la dernière guerre, les partisans, les Américains mais aussi un passé plus ancien des guerres napoléoniennes

L'Antiquité a laissé des noms puniques :



Il traverse aussi des villages remaniés par Mussolini où le souvenir du Duce est encore honoré avec boutiques de gadgets fascistes. L'auteur note avec humour

"Il nous suffit de savoir que, par un perfide retour des choses Mussolini repose dans la via Giacomo Matteotti; locataire de sa propre victime"

Dans les Marches, il passe par les monts Sybillins, quel beau nom, qui évoque la Sibylle, les mystères, les forces cosmiques des orages, les ermitages et les couvents, Camaldules et Padre Pio... on approche du Gargano.

.

Nous voici revenus aux eaux souterraines, comme au début de l'aventure, à ces eaux que le tunnel du TGV a volée, à l'eau qui manque...à l'exode rural. parce que la désertification des Apennins est aussi le thème principal.

J'ai pris 13 pages de notes tant j'ai été enchantée de cette lecture. Incapable maintenant de tout restituer.

Vers la fin, quand il traverse la Basilicate et la Calabre j'espère croiser des routes que nous avons parcourues en juin 2019. En vain. En revanche il détecte ce que nous n'avions pas pu voir ni entendre : l'ombre de la n'drangheta et les rapports sociaux

Un beau livre à ranger à côté de ceux de Fermor, de Chatwyn, Durrelln de Lacarrière, et de son compatriote triestin Magris.




Lien : https://netsdevoyages.car.bl..
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Le phare, voyage immobile

Le phare, voyage immobile : expérience de solitude ? Presque. Car Paolo Rumiz n'est pas seul dans le ventre du grand cyclope dont le faisceau scrutateur des profondeurs de la nuit rassure les navigateurs de sa ronde lumineuse. Il partage son séjour avec les gardiens de la lanterna. Ces derniers s'attacheront toutefois à respecter sa retraite du monde civilisé. Il n'en dévoilera pas la localisation, au risque de voir son éperon rocheux envahi par une affluence de lecteurs curieux et irrespectueux d'une nature pour laquelle il ne cache pas sa vénération.



Confrontation avec les éléments ? Certainement. Il paraît que les phares méditerranéens, bien qu'en déficit de notoriété au regard de leurs équivalents atlantiques, n'ont pourtant rien à leur envier quant à la bravade des furies venteuses de tous les points cardinaux, des assauts des lames écumantes de rage venant battre cette provocation de l'espèce humaine placée en travers de leurs migrations liquides. Et lorsque la foudre relie ciel et terre de ses grandes zébrures électriques, petit homme a les poils qui se dressent sur tout le corps.



Confidences philosophiques ? Si peu. L'expérience nous semblait pourtant propice à quelques réflexions sur la nature de l'espèce intelligente avec laquelle il prend ses distances dans cette retraite. Les allusions ne s'attacheront qu'à la blâmer de son goût trop prononcé pour le confort et le progrès technologique qui lui font mépriser son écrin naturel.



Confidence mystique ? Au monothéisme en vogue, Paolo Rumiz préfère les ancêtres plus fantasques de la mythologie grecque. Ces divinités étaient finalement plus humaines que le grand ordonnateur de nos croyances modernes, lui qui s'est arrogé l'exclusivité en les reléguant au rang de fantaisies insensées. Quand il est question d'âme, c'est pour rappeler l'origine grecque de ce mot, anemos, le vent. Il est vrai qu'il nous ébouriffe tout au long de cet ouvrage et change de nom au fur et à mesure que tournent les pages.



Ce n'est pas l'aube qui fait éteindre le phare, mais bien ce dernier qui fait se lever le soleil au dessus de l'horizon quand, las de sa ronde nocturne, de son lot de marins rentrés à bon port grâce à lui, il veut s'assoupir à son tour.



La lanterna, c'est une pause contemplative entre mer et ciel, "dans le ventre de la machine insomniaque… seul devant le Grand horloger".

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La légende des montagnes qui naviguent

Écrire pour qu'on n'oublie pas toutes ses belles figures, tel est le fil rouge que Paulo Rumiz à la fois, journaliste, linguiste, ethnologue, historien, géographe suit dans ce très bel ouvrage.



Certaines constantes structurent son propos et se répètent, c'est un fil d'Ariane qui aide à se repérer et à ne pas se perdre dans un récit foisonnant et qui demande une bonne dose de concentration au lecteur. Les voici selon moi : la toponymie, la présence des morts le lien avec eux surtout la nuit, la place ambiguë du hasard, la découverte in -situ des vestiges concrets en général grâce à des rencontres provoquées ou suscitées, l'eau, les fleuves, les guerres.



Paulo Rumiz raconte ses nombreuses visites toujours guidées , il aime parcourir les routes mythiques, utiliser les cartes anciennes les guides touristiques ou les récits de voyage anciens.



Il est rarement seul dans ses multiples pérégrinations, il est accompagné d'un expert, er va à la rencontre de hautes figures locales.



Je me suis étendu sur la description de sa manière de faire, car elle constitue pour moi son originalité et une grande réussite dans un exercice de mémoire, mêlant les lieux ici grandioses des Alpes et les Apennins, l'histoire et l'adaptation des hommes à leur territoire singulier, adaptation perdue de vue aujourd'hui.



Ces sujets me passionnent et j'ai éprouvé beaucoup de plaisir tout au long de ma lecture.



"Il faut parler des lieux dans leur langue " nous dit l'auteur, c'est le cœur de son œuvre et je vous encourage à découvrir comment il y arrive, et sur le fond à enrichir vos connaissances d'un monde alpestre fort méconnu dans toutes ses dimensions.



Pour terminer mon propos, je me permets de citer les thèmes qui me sont apparus comme les mieux traités et susceptibles de changer notre regard, c'est au fond ce que je cherche le plus en tant que lecteur, encore plus sur le compte-rendu d'un voyage spatio-temporel dans le réel, sur un petit morceau de notre planète. Le silence à son importance, sa couleur, sa sonorité particulière, tout au long du récit.

- L'oralité, la parole captée, restituée tient une place centrale et le choix de l'auteur va vers des personnes qui parlent et agissent :

" Parler sans agir est une limite grave pour ne pas dire un mal " nous confie Paulo Rumiz".



- Le génie propre des montagnards et aussi la fatuité des italiens en particulier, des villes et des plaines qui ont perdu le sens du territoire sont les leitmotivs du livre,

- nous vivons le crépuscule de l'Europe, Le pastoralisme est en déclin partout sauf en Autriche et en Suisse déplore Paulo Rumiz car la plaine pompe toute l'énergie de la montagne la pille sans vergogne et la blesse profondément de par l'impact des grandes infrastructures.

- Le sacré a également toute sa place et sa vibration particulière ressentie dans certains sanctuaires ou comportements de personnes rencontrées m'a également beaucoup touché.



C'est donc un ouvrage, pas facile d'accès, sans doute trop foisonnant mais aussi très original, pour moi c'est une très belle découverte, je ne m'y attendait pas et je me risque à lui prédire un immense succès.



Pour conclure, sur son côté magistral, et vous donner envie de vous y plonger, laissez vous raconter comme jamais :



-L'éboulement d'une montagne tel le Vajont,

-La rencontre des trépassés célèbres ou anonymes sur des lieux marqués à jamais,



-Le trajet en Topolino dans les Apennins jusqu'à l'extrême sud de la botte italienne, au point où cette voiture mythique devient la patronne du récit son propriétaire avait prévenu Paulo : "

Cette voiture est comme une mule, avec elle la mémoire des personnes rencontrées se met en marche ".



Un grand merci à Masse Critique pour m'avoir permis de découvrir à la fois l'auteur et cet ouvrage passionnant.

Bonne lecture !

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Pô, le roman d'un fleuve

A la fois vagabondage poétique et triste état des lieux, nous découvrons un fleuve exploité et mal traité mais qui malgré tout recèle de trésors. Découvrir le fleuve se mérite, il faut se laisser porter par l’eau, suivre le courant, écouter ses bruits, dormir près du fleuve pour qu’il vous parle et enfin « entendre la voix du Pô ». Un roman parfois difficile à suivre mais qui donne envie de faire comme l'auteur.
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