Citations de Pascal Bruckner (582)
Je voyais autour de moi les individus s'abimer dans la médiocrité, vieillir en se résignant, abandonner un à un les élans de leur jeunesse pour les marais du fonctionnariat conjugal. Je voyais des hommes audacieux, des femmes libres que la vie à deux avait démobilisés, affadis, dont la cohabitation avait émoussé l'acuité. Je haïssais le mimétisme des concubins, leur docilité à adopter les défauts du conjoint, leur complicité gluante et jusqu'à leur trahison qui les unit encore.
le dragueur est le cousin germain du mendiant; il répond comme lui au principe de l’espérance statistique, il s'attache aux nombres, jamais aux personnes. il ne séduit pas, il harcèle, emporte la place à la fatigue.
Nous n'avons pas la télévision, c'est une chance inespérée : je suis contraint à la lecture, j'échappe par l'imagination à l'hébétude, à à la noyade dans la bouillie des images.
Pauvre papa : lui qui rêvait de la domination mondiale de la race aryenne, du règne de la Bête de proie, il fut soigné à l'hôpital par des Africaines ou des Maghrébines, sa petite-fille Anna était juive, sa dernière belle-fille d'origine rwandaise. Il dut encore avoir sa messe célébrée par un prêtre qui écorcha plusieurs fois son nom devant une assistance clairsemée (ma mère, elle, avait fait salle comble, treize ans auparavant) et expédia le tout en 40 minutes. Quant au registre des condoléances, il n'y eut qu'une signature : celle d'une touriste coréenne qui s'était trompée et avait cru qu'il s'agissait du livre d'or de l'église.
Etre aimé, c'est d'abord être choisi de façon indue par une adhésion, un acquiescement total. Aucune mesure ne pourra abolir cette part d'arbitraire qui fait d'un être le centre unique de mon attention au détriment de tous les autres.
Le monde est un appel et une promesse : il y a partout des êtres remarquables, des chefs d'oeuvre à découvrir.
Nous n'avons pas de télévision, c'est une chance inespérée : je suis contraint à la lecture, j'échappe par l'imagination à l'hébétude, à la noyade dans la bouillie des images. La bibliothèque est un rempart, une arme, elle me protège du monde. et m'offre des arguments pour l'affronter............
Les livres ne m'ont jamais déçu,.........................
Je les ouvre en tremblant , je cherche en eux une révélation comme on découvre le corps d'une inconnue , ému de retrouver ce que l'on connait déjà et qu'on ne connaitra jamais......
page 123 /124 extraits
Rien de plus difficile que d'être père : héros, il écrase de sa gloire, salaud de son infamie,ordinaire de sa médiocrité. il peut être aussi un héros médiocre, un salaud touchant. Quoiqu'il fasse, il a tort : c'est trop ou pas assez. Hier, il étouffait sa progéniture, aujourd'hui il pêche par son absence, tous les hommes de ma génération ont été des pères intermittents. Et quand il manifeste de la tendresse, on ironise sur sa féminisation, son ramollisssement. Je suis toujours ému de voir de jeunes ou moins jeunes papas jouer avec leurs petits dans les parcs, les langer, les nourrir, leur raconter des histoires,les couvrir de baisers. La famille contemporaine est un syndicat affectueux : tout se négocie du biberon à l'argent de poche, tout s'aplanit dans l'effusion sentimentale. Nous élevons nos enfants pour qu'ils nous quittent un jour et ils nous quittent quand nous avons plus besoin d'eux qu'eux de nous. La séparation n'en sera que plus déchirante. Un monde sans pères ne semble guère désirable, les familles monoparentales en sont la preuve, et il n'y a pas de bonnes mères dès lors qu'i n'y a que des mères......
On n'aime rien si l'on n'aime pas tout.
Nous sommes la première société dans l’histoire à rendre les gens malheureux de ne pas être heureux.
La beauté est un fragment d'éternité que le temps finit toujours par détruire.
- N'oublie jamais que tu es juif, disait sa mère à Alain Finkielkraut.
- N'oublie jamais d'où tu viens, me répétaient en écho mes parents;
Cela voulait dire : reste modeste et surtout ne nous renie pas. Je rétorquais :
- On appartient au monde qu'on a fait, pas celui d'où on vient.
page 186.
La liberté amoureuse est dure à assumer : surtout celle de l'autre.
La passion est peut-être vouée à l'infortune, c'est une infortune plus grande encore de n'être jamais passionné.
Elle n'avait plus l'insouciance de la jeunesse qui digère toutes les tragédies parce qu'elle a le temps pour elle.
Le cadeau n'a rien à voir avec son prix, il tient tout entier dans l'intention et la beauté du geste. Si humble soit-il, il est comme un émissaire de la personne et garde sur lui son empreinte.
Le temps n'est pas un jeu, c'est un verdict auquel nul ne peut se soustraire.
Alors que tout se rétrécit, je garde une ligne de conduite : ne rien changer à ma vie, confirmer tous mes choix. Je partirai sans avoir rien appris, sinon le prix hors de prix de l'existence.
Le monde est un appel et une promesse : il y a partout des êtres remarquables, des chefs-d'oeuvre à découvrir Il y a trop à désirer, trop à apprendre et beaucoup de pages à écrire. Tant qu'on crée, tant qu'on aime, on demeure vivant.
J'espère rester immortel jusqu'à mon dernier souffle.
S'émanciper, c'est s'arracher à ses origines tout en les assumant.
L'au-delà désormais, même pour les croyants, c'est d'abord la descendance. Est immortel également tout ce qui nous grandit: les amitiés nouées, les amours vécues, les passions partagées, les engagements pris avec d'autres, les bienfaits prodigués.