Citations de Pascal Bruckner (582)
Quelles sont nos raisons de vivre à 50, 60, ou 70 ans ? Exactement les mêmes qu'à 20, 30 ou 40. L'existence reste délicieuse à ceux qui la chérissent, odieuse à ceux qui la maudissent. Et l'on peut passer d'une position à une autre dans une même période, alterner du désespoir à l'effusion. La vie, à tout âge, est un combat permanent entre la ferveur et la fatigue. il n'y a pas aucun sens à l'aventure humaine, juste une absurde et magnifique offrande.
"Je viens je ne sais d'où
Je suis je ne sais qui
Je meurs je ne sais quand
Je vais je ne sais où
Je m'étonne d'être aussi joyeux"
(Martinus von Biberach, clerc allemand, XVI° siècle)
La vie ne peut être limitée à ce qu'on appelle la quotidienneté, elle exige toujours plus que le petit courage d'endurer la durée. Dire que l'aventure c'était avant — comme si du mot on ne devait retenir que les premières syllabes — ou, ce qui revient au même, qu'elle surgira tel un raz de marée dès la Révolution achevée, c'est accomplir œuvre subtile de terrorisme, tenter d'imposer une vision unique du monde social, c'est forcément par le
pouvoir d'un énoncé décourager toute espèce d'expérimentation. La conduite défaitiste devient la vraie cause de la défaite qui, à son tour,donne raison à ce pessimisme. Qui se plaint de ne rien vivre ne vivra rien et de moins en moins : il y a un dogmatisme du gémissement qui justifie les sommeils les plus casaniers.
Surtout Damien lui fit promettre : plus de cochoncetés, plus de dégoûtanteries. Fini de jouer avec ses billes et son scoubidou. Louis jura. D'ailleurs il s'attacha à la verge une petite sonnette qui tintait à la moindre tumescence. Dès qu'il se sentait durcir, il criait « Au secours, au secours, j'ai la trique ! » et on lui injectait aussitôt du bromure à travers une longue aiguille piquée dans le corps même du délit.
L'homme d'aujourd'hui souffre de ne plus vouloir souffrir, exactement comme on peut de rendre malade à force de chercher la santé perpétuelle.
Il ne s'agit donc pas d'islamiser l'Europe mais d'européaniser l'islam. En faire une religion parmi d'autres, et qui rayonnerait en matière de tolérance éventuellement sur le reste de l'oumma. [...] Pour cette tâche de longue haleine, il faut commencer par ne pas capituler, ne pas renier le coeur de notre héritage : l'esprit d'examen, l'égalité des sexes, la discrétion religieuse, le respect des droits et des libertés individuelles, la liberté d'expression. Ces principes, qui sont des acquis des deux grandes révolutions américaine et française, ne sont pas négociables. Mais ils sont accessibles à tous, indépendamment de la croyance, de la culture ou de la couleur de la peau.
Outre que cette simplicité est à bien des égards une illusion rétrospective, cette renaissance spirituelle que certains appellent de leurs voeux ressemble furieusement à de la régression. Elle a ceci de séduisant qu'elle nous plongerait dans une existence tracée d'avance et nous allégerait de l'obligation de choisir notre vie. La liberté est insupportable, car corrélative d'une insécurité ontologique des individus privés des béquilles de la tradition, de la religion, de la communauté.
L'antiraciste conséquent est un limier qui déniche chaque matin une nouvelle forme de ségrégation, tout heureux d'avoir rajouté une nouvelle espèce à la grande taxinomie de la pensée progressiste.
La pensée religieuse a "pour stricte condition que le salut ne doive en aucun cas advenir "alors que la visée laique du bonheur a pour exigence inverse que celui-ci advienne sans délai .
La critique d'une religion relève de l'esprit d'examen mais certainement pas de la discrimination. Frapper un fidèle est un délit. Discuter d'un article de foi, d'un point de doctrine, est un droit. Confondre les deux constitue un amalgame insupportable.
La vraie vie n'est pas absente, elle est intermittente
Je me croyais l'auteur de mon existence : ce n'était pas la mienne mais celle de tout le monde.
Les gens vous disent toujours qu'ils ont vécu une folle jeunesse : en réalité il s'agit d'excuser leur piteuse maturité. Leur jeunesse était déjà médiocre, l'état adulte n'a rien arrangé.
De la même façon qu'on lit à quinze ans des romanciers qui nous passent au-dessus de la tête et qu'on n'ouvrira plus, on rate par insouciance, entre dix-huit et trente, des êtres exceptionnels que la vie place sur votre route et dont on ne découvre que plus tard la véritable dimension.
Pour les comprendre, nous mettre à leur place, il faut avoir l'âge qu'ils avaient quand nous les avons rencontrés.
Mais il est trop tard.
La bibliothèque est un rempart et une arme, elle me protège du monde et m’offre des arguments pour l’affronter.
Valoriser tout ce qui n’appartient pas strictement à l’ordre des utilités, les biens non comptables : la poésie, l’amour, l’érotisme, la contemplation de la nature, la solidarité, tout ce qui dépasse l’homme, le porte plus haut que soi, l’arrache à sa petitesse, à sa médiocrité pécuniaire, à sa compulsion maniaque d’accumuler.
Ne pas prendre parti dans l'affrontement qui oppose le fort au faible c'est en réalité prendre le parti du fort.
je connais la pathologie des mangeurs de livres, la démence de l'autodidacte qui veut posséder tout le savoir et le retranscrit inlassablement.
Puisque nous sommes dépossédés de tout pouvoir face à la planète, nous allons monnayer cette impuissance en petits gestes propitiatoires, monter les escaliers à pied, devenir végétariens, faire du vélo, qui nous donneront l'illusion d'agir. Entendons-nous bien : on n'éteint pas une calamité cosmique en mangeant des légumes ou en triant ses ordures.
Nous ne sommes plus reliés parce que nous ne sommes plus séparés : la distance nous manque pour communiquer, la profondeur pour entrer en sympathie. Dans un globe plein comme un oeuf où grouilleront bientôt 7 milliards d'habitants, l'isolement, la lenteur, le calme, la contemplation redeviennent des luxes pour lesquels certains sont prêts à payer des fortunes.
Tomber amoureux, c'est rendre du relief aux choses, s'incarner à nouveau dans l'épaisseur du monde, et le découvrir plus riche, plus dense que nous ne le soupçonnions. L'amour nous rachète du péché d'exister : quand il échoue, il nous accable de la gratuité de cette vie. Seul, je me sens à la fois vide et saturé : si je ne suis que moi, je suis de trop