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Critiques de Rainer Maria Rilke (340)
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Histoires pragoises

Rilke évoque à travers deux récits, "Le Roi Bohusch" et "Frère et Soeur", la ville de son enfance, Prague, "Ce riche, ce gigantesque poème épique de l'architecture", dont l'atmosphère si particulière stimule l'imaginaire. C'est donc bien la ville qui est au coeur de ces deux récits, mais aussi son climat de conspiration politique, à une époque, la fin du XIXe siècle, où le peuple tchèque entendait se libérer d'une minorité allemande qui le dominait. La prose de Rilke est superbe!
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Lettres sur Cézanne

En 1907 Rilke découvre Cézanne au salon d'automne. Il écrit à sa femme Clara Westhoff ces lettres où il évoque le travail du peintre qui à la fin de sa vie se consacrait entièrement à son art. Rilke se sent proche de l'artiste, de son attitude face au réel et décrit ses tableaux avec la prose ciselée du poète en nous les donnant à voir. Il se dégage de ces lettres une émotion particulière. Celles-ci constituent également un témoignage important de l'écrivain sur sa vie à Paris et son œuvre en devenir.
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Vergers

À la fin de sa vie, Rilke qui réside alors à Muzot dans le Valais, rédige des poèmes en français, abandonnant l'allemand sa langue natale, manière de rendre hommage à la langue de cette région qu'il affectionne et où il mourra en 1926 ( il y est d'ailleurs enterré ). Aucune distorsion de traduction à redouter donc dans ces vers, tant les transcriptions en français des vers de Rilke subissent malheureusement souvent des dommages par rapport à leurs sens et leurs sonorités en allemand. Ils gagnent ici en limpidité, c'est manifeste.

Et quelle chance : c'est Philippe Jaccottet, sensible poète suisse amoureux lui aussi de la nature, qui préface le recueil de ces poèmes français, et nous apprend, entre autre, que Rilke dit avoir été tenté d'écrire en français pour le seul beau nom de Verger. Belle anecdote évocatrice de resplendissante et voluptueuse journée d'été qui inonde ce recueil.

Pour faire très court : ce recueil fait du bien !



Cinq recueils sont ici regroupés : Vergers, Les Quatrains Valaisans, Les roses, Les fenêtres et Tendres impôts à la France ( plutôt hommages et non fiscalité bien sûr ).

Je retiens surtout de ces poèmes la simplicité de la voix de Rilke, sa justesse à dépeindre la nature et les petits détails du quotidien, le tout baigné de la bienfaisante lumière estivale. Quel bonheur de déguster au hasard quelques lignes, ou le soir, en été, après une belle journée en montagne !

J'ai de fait une légère préférence pour les Quatrains Valaisans, magnifiques évocations poétiques de paysages alpins en été qui sont si beaux et que j'affectionne :

" Pays, arrêté à mi-chemin entre la terre et les cieux, aux voix d'eau et d'airain, doux et dur, jeune et vieux ",

" Vois-tu, là-haut, ces alpages des anges entre les sombres sapins ? Presque célestes, à la lumière étrange, ils semblent plus que loin. "

" Été : être pour quelques jours le contemporain des roses ; Respirer ce qui flotte autour de leurs âmes écloses. "

Je pourrais recopier inlassablement...mais je préfère vous encouragez à découvrir ce livre, complété aussi d'une courte biographie du poète.

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Lettres à une jeune poétesse

Après -Lettres à un jeune poète- de Rainer Maria Rilke, voici la correspondance du poète avec la jeune poétesse Anita Forrer. Cet échange épistolaire s'étend de 1920 à 1926, soit 12 années après les échanges avec Franz Xaver Kappus.



Il s'agit d'une édition inédite en France et quasi complète des lettres que se sont adressé les deux protagonistes.



Dans l'avant-propos, l'éditeur précise :

« En présentant cette correspondance, nous aimerions faire entendre la voix d'un Rilke arrivé dans sa pleine maturité d'homme et de poète – mais aussi donner la parole à une jeune femme qui, tiraillée entre la pesanteur de son carcan social et un élan irrépressible vers la création et vers la vie, pourra devenir, à sa manière, source d'inspiration pour les lectrices et lecteurs d'aujourd'hui. »



Tout comme il l'avait fait avec le jeune poète Franz Xaver Kappus, Rilke répond immédiatement aux sollicitations de la jeune femme de 19 ans, qui selon lui, est sensible, « avide de savoir, ouverte aux choses de la nature comme à celles de l'esprit. »



Cette correspondance va permettre, en outre, à Rilke d'accéder au milieu de la bourgeoisie Suisse de Saint-Gall qu'il ne connaissait pas.



La jeune femme voit en la personne du poète « un guide », « un maître. », celui-ci va donner selon elle « un sens nouveau à sa vie » « en lui ouvrant des espaces spirituels insoupçonnés… »



Après l'ouverture du recueil sur quelques lettres manuscrites nous accédons à la correspondance entre les deux personnes.



La jeune femme se d'abord montre admirative des oeuvres et de la personnalité de Rilke.



Dans un premier temps, la correspondance est axée sur l'aspect littéraire de l'oeuvre du poète, il y est question, entre autres, des Cahiers de Malte, la jeune poétesse ressent une totale empathie pour le personnage en se sentant en totale fusion avec les émotions de celui-ci.

Rilke apporte alors des lumières à la jeune fille sur cette oeuvre dans laquelle la cruauté est mise en avant mais la sensibilité de la poétesse au texte de Rilke a permis à celle-ci de dépasser la noirceur du livre, l'angoisse que sa lecture aurait pu déclencher pour en tirer l'essence même de ce que l'auteur a voulu exprimer, Rilke lui adresse ses compliments pour cette justesse littéraire. Il lui enjoint toutefois de diversifier ses lectures, de lire d'autres auteurs dont le fameux Jacobsen qu'il admire toujours depuis les lettres à un jeune poète. Les conseils de Rilke, estime-t-elle lui ont permis de transformer son écriture.



Rilke se montre toujours aussi attentif, enthousiaste à l'idée d'éclairer les jeunes talents, de leur prodiguer des conseils ; il éprouve une certaine jouissance à l'idée de les former, les guider dans leurs lectures et leur écriture tel un poète/professeur.



Mais l'homme, le père qu'il est, il a une fille de l'âge D'Anita, ne se comporte pas uniquement en « pédagogue » de la littérature, il est présent également quand la jeune fille confiante lui livre certains secrets inavouables sur l'amour, le désir naissant qu'elle éprouve et dont elle se sent coupable, ses ruptures et déceptions amoureuses, les difficultés des liens familiaux, l'amitié, la religion, elle lui pose aussi de nombreuses questions métaphysiques qui l'obsèdent. Il la rassure et lui apporte le réconfort moral nécessaire en toute simplicité, à la manière d'un ami bienveillant, elle lui en sera pleinement reconnaissante.



L'empathie et la générosité de Rilke à l'égard des autres se déploie pleinement dans ses correspondances. Elles nous permettent de mieux approcher l'être humain qu'il est au-delà de son génie poétique, son altruisme qui le rend apte à se tourner vers autrui et de compatir notamment lorsqu'il s'agit de jeunes gens qui se sentent quelque peu égarés, solitaires. Il a une telle aptitude langagière, une telle profondeur de pensée (tournée parfois vers la métaphysique) qu'il sait trouver les mots justes et atteint le coeur de la poétesse.



Cette correspondance est plus intime peut-être, plus personnelle que les -Lettres à un jeune poète- qui était plus axée sur l'écriture, les formules de politesse sont moins convenues que celles que Rilke adresse à Kappus, la jeune fille et le poète se sentent très proches ; ils signent leurs lettres de leur prénom. Les délais entre certaines lettres les inquiètent au plus haut point, leur rendez-vous manqué affecte le poète, ils sont devenus dépendants l'un de l'autre et s'apprécient mutuellement au plus haut point, je dirai presque qu'il y est question d'amour, filial ? Un amour platonique ? En tout cas un « coup de foudre » qui va au-delà de la littérature et de l'initiation à l'écriture, Rilke est un véritable confident de confiance pour la jeune femme.



Certaines lettres de Rilke sont tout à fait accessibles, d'autres comportent des envolées métaphysiques qu'il faut lire ou relire avec attention. Quant Anita Forrer, elle exprime son admiration, son amour, ses doutes, ses tourments, ses échecs, ses joies aussi, propres à son âge et à sa condition, à son époque, de manière simple, claire et sincère.



Je remercie Babelio ainsi que les éditions Bouquins pour l'envoi de ce livre, merci également pour le petit mot de l'éditeur.

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Lettres à un jeune poète

Ce livre traînait dans ma pile de livres à lire depuis bien trop longtemps. J’en repoussais toujours et toujours la lecture et je me dis que j’aurais dû le lire bien plus tôt dans ma vie. Dépassant de loin le cadre de la création littéraire, cette correspondance de Rainer-Maria Rilke est un condensé des apprentissages à faire dans une vie. Il y parle de solitude, de création, de questionnements, d’amour, de relations homme-femme, de connaissance de soi et de bien d’autres choses encore.

Chaque mot résonne en soi, fait du sens. Par ses mots, Rilke nous fait réfléchir. Et de la bonne manière. C’est pour moi, un ouvrage vers lequel je reviendrai encore et toujours, parce que peu importe le moment où on le prend dans ses mains, certaines phrases peuvent nous éclairer d’une autre manière. Un gros, gros coup de cœur, que je me garderai d’avoir sous la main toute ma vie durant.
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Lettres à un jeune poète

Je n'avais jamais lu Rilke mais je connaissais sa relation particulière avec la belle Lou Andréas-Salomé. Ce sont ici les mots d'un poète qu'on découvre. Rilke traite de plusieurs sujets comme l'amour, la création, la solitude tout en répondant à Franz Kappus, un jeune homme âgé de vingt ans qui lui a envoyé ses premiers essais poétiques. L'auteur des lettres veut transmettre sa passion pour l'Art, il parle du sculpteur Rodin mais aussi de l'auteur Jacobsen. Les mots de Rilke nous touchent, nous transpercent et nous bouleversent. Ce petit ouvrage nous permet d'approfondir notre rapport à l'Art, l'auteur se place en véritable maître. Ce petit livre est précieux, il faut le transmettre que ce soit pour enrichir une culture littéraire ou pour le plaisir des mots. L'auteur nous offre un guide pour la vie grâce à des lettres inspirantes et profondes. Rilke est considéré comme l'un des plus grands poètes allemands du XIXe siècle et je comprends totalement pourquoi.
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Est-ce que tu m'aimes encore ?

Une courte correspondance entre deux célèbres poètes : Marina Tsetaieva et Rainer Maria Rilke.



Je connais les vers de l'un mais ignorait ceux de l'autre. Cette lecture était donc un bon moyen de les découvrir et de les redécouvrir autrement.



Les premières lettres sont assez chastes. On y découvre deux poètes passionnés par leur métier et qui en débattent. Deux amoureux des langues car tous deux sont polyglottes. Et deux personnes qui ont du mal à se positionner et définir leur relation à cause de Boris Pasternak, le mari de Tsetaieva.

Au fil des pages pourtant, à mesure que des photos s'échangent et la parole se libère on sent que Cupidon ne tardera pas à se pointer.... Jusqu'à la mort de Rilke.



Des lettres qui montrent l'attachement profond que l'on peut développer sans "passer à l'acte".

Des lettres qui aident à passer un bon moment de lecture.
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Lettres à un jeune poète

Franz K. le mystérieux jeune homme qui sans lui on n'aurait pas eu ces lettres, ces bijoux. D'ailleurs, la première question que je me suis posée après la première lettre, qu'est devenu ce jeune poète ? A-t-il produit des poèmes extraordinaires ? Peu importe, puisqu'il a été le motif à ces lettres. de plus, il a sans doute su poser les questions justes pour recevoir ces excellentes réponses. Merci cher monsieur Kappus.



Rilke je le connaissais depuis la lecture de Blanchot et je l'ai découvert avec ses Carnets de Malte Laurids Brigge. J'étais devant un écrivain qui s'inscrit dans la lignée de Valéry et Mallarmé, un grand. Et dans ses carnets, on trouve déjà les idées des lettres éparpillées çà et là. Rilke a toujours été préoccupé par la création littéraire, toujours essayant de savoir ce qu'est l'artiste, la poésie, l'art, et cette recherche le mène à créer une vision originale et singulière qu'on retrouve exprimée avec sincérité dans ces lettres.



Dans cette collection poésie/Gallimard, on trouve la version originelle qui se tient imposante devant sa traduction. Je regrette d'ignorer l'allemand car j'aurais pu entretenir cet itinéraire entre les deux. Par ailleurs, il existe une édition arabe ingénieuse qui a réuni les Lettres à un jeune poète et les Lettres à un jeune romancier de Vargas Llosa (moins connues mais aussi intéressantes).
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Vergers

Il pleut sur le jardin. Une pluie fine, pénétrante, presque invisible si ce n’était le sol qui rayonne, gorgé de ses œuvres, les ruissellements glougloutant dès que la pente y suffit.



Il pleut sur le jardin. Le violoncelle de Rostropovitch pour les notes de Bach, la flamme d’une bougie et la chaleur d’un thé de bergamote : habiller cette journée de chaleur et de joie à l’intérieur même de la fructueuse pluie.



Parcourir des yeux et puis des mains les rayons de ma bibliothèque. Nous discutions ici de ce à quoi servaient ces centaines de livres dont les dos nous regardent et nous accompagnent jusqu’à notre dernier repaire. Eh bien, voilà un usage que nous avions omis : par une journée de pluie, retrouver un de ces amis et laisser le temps s’écouler dans ses vers.



Vergers. Une œuvre que Philippe Jaccottet, qui la préface, avoue marginale comparée aux Elégies. Un recueil que Rilke a composé en français à la fin de sa vie, aux prétentions modestes qui me vont bien mieux que toute emphase. Des poèmes toujours courts, un regard ordinaire sur des choses ordinaires : la lampe de bureau, « un simple verre de tous les jours », des fleurs à qui l’on fait des confidences, un lit bien robuste à supporter tant d’humeurs, la paume d’une main pleine « de ces lignes et de ces rides / que l’on entretient / en fermant sur le vide / cette main de rien ». Et dehors, dans un verger blond plein de la dentelle des branches qui donne son nom au recueil, dans la lumière changeante des saisons quelques « dieux hors d’usage » dont la seule occupation n’est plus que « d’arrondi[r] les fruits » afin que l’on s’en délecte dans une chaude après-midi.



Petit monde humble et léger fait d’impressions ludiques et d’une forme d’espièglerie enfantine. Mais la douleur jamais loin, seulement somnolente. Le risque d’un immobile « d’où l’avenir est absent ; où il faut être inutilement fort/ et triste, inutilement. »



Baste ! Laissons là le péril de « notre instant insigne / avant qu’une vague maligne / nous renverse et pousse à bout. ». Amusons-nous plutôt de ce que seraient les cimes des arbres « vues des Anges » : des racines peut-être quand « les profondes racines d’un hêtre leur semblent des faîtes silencieux. » ? Allons à la rencontre du printemps naissant. Ce serait facile et mièvre peut-être si sa sève n’était pas capable de tuer « les vieux et ceux qui hésitent », « tous ceux qui n’ont plus la force de se sentir des ailes ». « Mais quand la terre remue / sous la bêche du printemps, / la mort court dans les rues / et salue les passants. »



A la recherche de mots à mettre sur mon humeur, sur ces impressions printanières qui sont faites de jaillissements, d’humide et de forces érigées, bourgeons boursouflés, lumière toujours un peu plus haute, un peu plus claire que la veille, je feuillette : « Ombres des feuilles frêles, / sur le chemin et le pré, / geste soudain familier / qui nous adopte et nous mêle / à la trop neuve clarté. » M’y voilà, à mon tour fondue dans cette atmosphère, généreusement lovée dans ce « nous » adopté.



Et puis d’autres « chemins qui souvent n’ont / devant eux rien d’autre en face / que le pur espace / et la saison. » Dissolution d’un « je » qui laisse au monde le soin d’être lyrique pour lui, absorption de soi dans une direction abstraite à force d’épure. J’y suis enfin !



Plus tard, les jours en gagnant, imaginer bientôt le « Chemin qui tourne et joue / le long de la vigne penchée, / tel qu’un ruban que l’on noue / autour d’un chapeau d’été. » C’est plus facile, aimable et ravissant et cela a des airs de compliment que l’on trousserait après un repas bien arrosé à l’ombre de cerisiers.



Les pages comme le temps filent, la clématite et le liseron s’unissent « en dehors de la haie embrouillée » « Cela forme le long du chemin / des bosquets où des baies rougissent. Déjà ? Est-ce que l’été est plein ? »



Ah non, pas tout de suite ! Je vais trop vite, grisée par les perspectives à venir, le « silence plein / d’inexprimable audace ». Revenons un temps à un rythme plus lent pour goûter encore les délices de ces Vergers :



Dans la multiple rencontre

faisons à tout sa part,

afin que l’ordre se montre

parmi les propos du hasard.



Tout autour veut qu’on l’écoute - ,

écoutons jusqu’au bout ;

car le verger et la route

c’est toujours nous !

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Les élégies de Duino

Comme un fil tendu entre la vie et la mort,

Comme un au-delà de l'amour,

Comme une vibration de la fragilité humaine,

Rilke élève ses Élégies

comme un cri aux anges et aux trépassés.
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Les élégies de Duino

Oui, trois mois ou plus ont passé depuis la fin de ma lecture. Un mois pour oublier le superflu, ressasser l'essentiel, un mois pour trouver des mots et des éclats de lumière au fond de ma mémoire, un mois pour écrire les lignes qui suivent. Mais qu'est-ce que le temps à l'aune d'un poète éternel.



Lire les Élégies se fait à voix haute puis à voix basse puis semble-t-il comme chantée au fond de notre mémoire. Non pas tant pour leur musique mais pour la densité de la parole, l'intensité de celui qui a pris la parole, a osé la prendre pour poser ces vers sur le papier, les suspendre à la légèreté de l'air ambiant.



Ni fredonner ni déclamer, les élégies sont faites pour être, comme une prière, récitées: réciter est noble, cela implique récit et récitant: le récit d'un monde qui naît sous nos yeux, à nos oreilles, le récitant y exprime sa grâce si mélancolique, son don d'apercevoir, de dire cet Ange qui par delà la vie, en deçà de la mort habite notre conscience et exulte.



Cette densité de la parole chez Rilke nous appelle, on lit, relit, relit encore la phrase, le poème, et ce que l'on y relit est neuf à chaque fois, n'a jamais été lu... on redécouvre cette "dansité" qui fait des entrechats autour des lignes sur le papier, qui virevolte autour de notre intelligence du texte.



``Nous, nous infiniment risqués, que de temps nous avons!

Et la mort qui se tait, seule à savoir ce que nous sommes,

ce qu'elle gagne, à chaque fois qu'elle nous baille un prêt."



Ce qui danse et forme le noyau dense des Élégies c'est l'approche lente, prudente mais jamais timorée de la compréhension de l'essence de l'homme et du comment de sa présence au monde. Là est l'Ange, ce terrible mais sublime compagnon de notre identité. Cet Ange qui ne nous répond pas sinon par son invisible présence.



Quant aux Sonnets, écrits dans la même période, il s'affirment comme une remontée vers la lumière, une catharsis contre cette profonde descente dans l'âme humaine. Ainsi ce XXIe sonnet:



"Voici le printemps revenu. La terre

semble une enfant qui sait des poésies ;

beaucoup, ô beaucoup... Apprendre fut long

et pénible, elle en est récompensée."



Ce temps donc entre ma lecture et l'écriture de ces quelques lignes fut le temps pour l'Ange de se retirer à pas feutrés.

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Les Roses

Grand merci aux Editions de l'Aire pour cet envoi poétique au départ de Suisse jusqu'à la fin de la terre (le Finistère).

Une des oeuvres de Rilke écrite en français à la fin de sa vie. Ici, une composition de poèmes exclusivement autour des roses.

Du premier, plutôt guilleret, cela tend progressivement, jusqu'à l'ultime: le vingt-quatrième, vers un poème crépusculaire.



Mais, dans le glissement vers la métaphore de la vie et de sa propre mort, sont aussi 24 "roses" qui chantent la volupté et la sensualité.

Après cela, je ne verrai plus les roses comme auparavant.



Cependant, je n'ai pas été emporté par les nombreuses photos de Nicole Webert qui illustrent chaque poème. Elles surchargent l'ouvrage. Elles relèvent plus à mon avis du catalogue de jardinage que de la photo d'art. Elles gênent la lecture.



Cela reste cependant un hommage à Rilke et à celles qu'il aimait tant jusqu'à faire inscrire en épitaphe sur sa tombe cet ultime poème:



Rose, ô pure contradiction, volupté

de n'être le sommeil de personne

sous tant de paupières

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Les élégies de Duino

Rilke... tout comme Mozart, parfois ennuyeux , et soudainement une flamboyance confine au sublime.
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Lettres à une jeune poétesse

Après la lecture de Lettres à un jeune poète, écrites entre 1903 et 1908, qui m'avait laissé un goût amer et triste, j'ai choisi de lire Lettres à une jeune poétesse, car il faut bien le dire, la profondeur des pensées de Rainer-Maria Rilke est une belle découverte. Et je remercie Babelio pour cet envoi dans le cadre d'une Masse critique privilégiée et les éditions Bouquins littérature.



La correspondance entre l'auteur et Anita Forrer âgée de 19 ans, s'échelonne entre 1920 et 1926, année de la mort de l'écrivain. Heureusement pour moi, je n'ai pas retrouvé le sentiment de mal-être de R.M. Rilke, bien au contraire. Peut-être avait-il acquis une certaine sagesse; et sa philosophie de vie était arrivée à maturité. En cette période, il était également au faîte de sa gloire.



A la demande d'Anita Forrer, jeune fille désoeuvrée par sa vie, s'en suivra une correspondance où, en toute confiance, elle fera part à l'écrivain de ses nombreuses questions existentielles. Enfermée dans un carcan de bonne éducation et de valeurs morales pour jeunes filles de cette époque, la jeune Anita, indépendante d'esprit, trouvera un guide en la personne de Rainer. Un maître à penser. L'écrivain, dans une immense générosité, fera don de lui en tentant de répondre aux nombreuses questions que son "élève" ne peut aborder dans son cercle familial.

Dans les dernières années de leur échange épistolaire et tout en continuant à prodiguer ses précieux conseils, R.M. Rilke expliquera à Anita la raison de la rareté de ses lettres, et ce, avec la plus grande délicatesse. En effet, ses grandes oeuvres sont sur le point d'aboutir et il doit y travailler. Anita quémandera toujours, comme une enfant gâtée... (en tout cas, c'est ce que j'ai ressenti).



Ce livre est un très beau travail de recherches, par des passionnés. Bien qu'il s'agisse de lettres des dernières années de vie de l'écrivain, je trouve qu'il serait un bon début pour découvrir et plonger dans l'univers de R.M. Rilke.

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Les élégies de Duino

« Les Elégies de Duino » est sans conteste son œuvre maîtresse.

Ce recueil souligne le désarroi de la créature humaine qui se sent étrangère dans un monde abandonné par la beauté et par le sacré.

Hantée par la fuite du temps et de la mort, elle se révèle impuissante à participer pleinement à la vie universelle.

Dans ces conditions, le rôle du poète s’impose : il doit s’efforcer de rendre compte de ce jaillissement de l’existence dont la saisie est seule capable de faire reculer l’angoisse.

Rilke prolonge cette réflexion dans les « Sonnets à Orphée » : où il magnifie la mort en célébrant le souvenir d’une jeune fille morte à l’âge de dix-neuf ans.

Cette réflexion sur la mort atténue ainsi l’angoisse et permet de libérer la liesse que l’on doit ressentir à être au monde.

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Lettres à un jeune poète

Ces lettres sont à lire encore de nos jours, en priorité par ceux qui ne s'autorisent pas à écrire ou par ceux qui n'osent pas envoyer leur manuscrit à des éditeurs. Rilke se dresse face aux détracteurs des productions artistiques que sont les autres… et soi-même. Il faut y croire et persévérer. Au fond, le seul juge de la production naissante incombe à son maître. La critique n'est que littérature au sens bas du terme.

Véritable plaidoyer qui définit ce qu'est l'acte d'écrire, Les Lettres à un Jeune Poète n'omettent pas de souligner que la passion ne doit pas céder face aux loups, et aux spectres minant le for intérieur des auteurs.

Pris de stupeur en refermant l'ouvrage, je me suis posé les questions suivantes (brûlantes et grimaçantes) : combien d'oeuvres n'auront jamais été publiées en restant dans les tiroirs de leurs auteurs découragés, accablés ou abattus ? Combien de chefs-d'oeuvre déchirés, jetés dans l'oubli ?
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Correspondance à trois : Eté 1926

Entre ces trois êtres, trois poètes aux âmes incandescentes, il suffira d'une simple étincelle, de quelques mots échangés par écrit, pour qu'une flamme emporte leur imagination, vers de nouveaux rivages, abolisse les distances, et installe une correspondance qui va transfigurer leurs perceptions de l'amour.



Marina Tsvétaïeva, est à st Gilles-sur-vie, Boris Pasternak vit à Moscou.

Rainer Maria Rilke publie depuis le château de Muzot en Suisse. Ce dernier répond enfin le 14 mars 1926 au père de Boris Pasternak pour lui dire combien sa lettre expédiée depuis Berlin l'a touché. La nouvelle parvenue à Moscou fait sur Boris un effet foudroyant. Son amour épistolaire pour Marina devient un amour absolu, elle a 33 ans, elle a quitté la Russie.





De ce chassé-croisé, c'est le duo Marina-Rilke qui va tout emporter. le 3 mai 1926 la première lettre de Maria Rilke à Marina Tsvétaïeva est reçue comme l'incarnation suprême de la poésie..

Marina reçoit ses Élégies et dès le neuf répond dans la langue du poète Rilke en allemand, le tutoie sans plus attendre, elle écrit « je t'aime ».





Dans cette correspondance Rilke s'exprimera beaucoup sur sa solitude, sur sa fragilité, sur son incapacité à créer une famille, sur la maladie qui le ronge, comme s'il trouvait par les mots de Marina, la douceur nécessaire à une confession. Étrangement il livre sa mélancolie, et plus encore sa propre conscience aux mains de Marina, son chant alors devient celui de la douleur à mots feutrés, comme si une fissure s'était enfin ouverte.

Il lui écrit ces mots page 58 : je t'ai reçu dans mon coeur, dans toute ma conscience qui tremble de toi, de ta venue, comme si ton grand compagnon de lecture, l'océan, avait avec toi, Ô marée du coeur déferlé sur moi.



C'est l'océan qui offre au poète Rilke la plus belle des métaphores. Les digues sont rompues et ses aveux comme les vagues glissent vers Marina. Elle a dessiné un grand 7 son chiffre fétiche.

Chacun des mots choisis par Marina Tsvétaïeva, devient alors comme un bourgeon prêt à s'ouvrir.

Ces lettres offrent un balancement entre un optimisme démesuré de l'espoir d'une rencontre, et le rappel à peu plus loin des discordances du corps.





Marina lui répondra le 12 mai, toi tu es l'ami qui rend plus profonde et plus haute la joie d'une grande heure entre deux âmes. Elle veut écrire en allemand pour ne pas céder à trop de facilités dans son expression écrite pour que ses mots s'affirment avec plus de profondeur encore.





Leur correspondance ne durera que quelques mois, 4 mois . Car tout se tait, Maria Rilke est mort. Rilke est mort le 30 décembre, nous n'irons jamais visiter Rilke dira t-elle à Pasternac.

Ils étaient tous les deux mariés à la solitude. Ils se seront aimés comme l'envol des oiseaux, à distance, mais dans le même ciel. Marina mettra un terme à sa vie le 31 août 1941.



Mieux qu'un certain abandon, c'est une communion, elle écrit page 126 : "si je veux aller te voir, c'est aussi à cause de la nouvelle Marina, celle qui ne peut naître qu'avec toi, en toi, je veux dormir avec toi m'endormir et dormir, la merveilleuse locution si profonde si vraie si dépourvue d'équivoque qui dit si bien ce qu'elle dit simplement dormir c'est tout non ! En plus la tête enfouie dans ton épaule gauche, et en plus, écouter comment sonne ton coeur ? Et embrasser ton coeur.



Les lettres s'enchaînent se répondent dans une écriture qui est celle de la communion où les lettres pourraient s'inverser.



C'est une partition d'une émotion palpable et brûlante, plus profonde que celle de la lettre à un jeune poète, Maria Rilke se sent proche de la mort, écrire à Marina est une sur-vie.

J'ai ressenti comme le prélude à une piéta, et doucement une longue descente, vers un espace créé pour deux amants libérés enfin de leurs corps douloureux.

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Le livre de la pauvreté et de la mort

Je connais très mal la poésie de Rilke, bien qu'ayant apprécié les élégies de Duino. Je ne sais pas comment relier ce long poème à son oeuvre. Toujours est-il qu'il ne me laisse pas indifférent. J'y vois une ode à l'Homme dans son dénuement le plus complet. « Car nous ne sommes que l'écorce, que la feuille, mais le fruit qui est au centre de tout c'est la grande mort que chacun porte en soi ». L'homme naît pour mourir et doit en être conscient pour s'accomplir pleinement et en faire sa force. C'est également un appel à Dieu pour qu'il donne à l'Homme toute sa mesure. C'est dans la misère que l'on reconnaîtra la valeur de chacun.

Tout cela ne sont que des réflexions éparses qui me viennent après cette lecture. Encore un livre que je garde auprès de moi pour le compulser régulièrement.
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Le Testament

Voilà que, pour la 2e fois, j'aborde RMR par une œuvre mineure… ni la Lettre, ni les Élégies. Ai-je peur de faire front ou le hasard a-t-il mis dans mes mains ces ouvrages qui me permettent d'apercevoir la montagne sans, de suite, la franchir ?

Le Testament désigne ici un essai de mettre en mots le possible renoncement à l'écriture par le poète. Il ne s'agit pas de la mort d'un homme mais bien de la mort du poète dans l'homme et cela du fait de l'amour.

Rilke, après la grande guerre, s'étant choisi une retraite , recommence ses Élégies cependant le voilà amoureux. Et cet amour requiert de non seulement son attention mais un investissement complet de toutes ses forces, de tout son être dans la gestion de ses émotions.

Ce texte, loin de tout romantisme, résolument moderne même, expose en profondeur le conflit entre le sentiment amoureux et la création.

Testament-renoncement donc du destin qui s'ouvrait au poète. Nous savons maintenant que Rilke retournera à l'écriture et laissera ce testament inachevé. Mais n'est-ce pas dans cet inachèvement, dans cette renonciation ratée, ces essais erreurs, ces recommencements pour approcher la vérité de son incapacité d'écrire, ces fragments abandonnés à la postérité que Rilke est résolument moderne…

D'être passé outre cette épreuve, nous lui en savons gré car nous pouvons lire les Élégies, d'avoir mis cette même épreuve sur papier, voilà le vrai geste d'écriture, post-moderne même, conscient de son échec mais le transcendant.
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Lettres à un jeune poète

J'ai lu ce livre que j'avais déjà, et curieusement jamais lu, alors que je le connais depuis longtemps. Je l'ai récemment acheté à une amie qui a étudié la langue allemande : j'avais fait attention à prendre la nouvelle version avec les lettres de Kappus ; mais quand je me le suis racheté, j'ai pris la version qui ne comporte que les lettres de Rilke.

J'ai eu envie de lire ce livre, car ce poète allemand était un peu le maître à penser d'Etty Hillesum, il lui donnait de l'espoir durant la guerre puis en déportation, avec toutes ses œuvres d'ailleurs, pas seulement les Lettres.



J'ai été admirative de la pensée de Rilke effectivement, et on voit se dessiner dans ces lettres une belle âme : bien qu'il ait une mauvaise santé, et voyage souvent pour essayer de trouver la paix intérieure, il prenait soin de répondre aux lettres du jeune homme, de lui donner des conseils qui l'aident à vivre et à endosser cette responsabilité d'être créateur. Il lui arrive aussi de décrire dans un passage bouleversant les eaux vives de Rome, les escaliers et les jardins, la nuit étoilée au-dessus de la ville, c'est magique, il a les mots.



Il est beaucoup question, dans ces dix lettres, de solitude assumée, de relation à la poésie, qu'on doit laisser arriver en travaillant sur soi, en se tenant prêt, mais qu'on ne peut forcer. L'auteur conseille fortement de s'inspirer de sa propre vie, ses propres sentiments, et d'y mettre la plus grande sincérité. Je sais que Rilke souffrait profondément lui-même de périodes sans inspiration, parfois pendant plusieurs mois ou années. Je ne connais pas Kappus, mais il semble que leur correspondance se soit peu à peu terminée, car celui-ci ne s'est pas détaché de la vie active, militaire, puis sociale, pour ne se consacrer qu'à écrire. Il a eu une petite réussite mondaine mais n'a pas été un grand auteur.



Si j'avais seulement lu les Lettres, j'aurais sans doute mis une note un peu plus élevée, car elles sont touchantes et vraies, mais les textes autour m'ont moins plu, j'ai trouvé son œuvre un peu froide, distante, les textes font réfléchir mais ne m'ont pas touchée. Il faudrait que je découvre plus sur ses livres, mais ce ne sera pas dans mes priorités, plutôt si je retombe dessus par hasard.
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