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Critiques de Régis Jauffret (549)
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Dans le ventre de Klara

Il a bien fallu un jour qu'Adolf Hitler soit enfanté par une femme.

C'est cette gestation qui nous est contée ici.

Klara, la mère, est une femme totalement soumise à son mari Aloïs. Cet Aloïs qui est aussi son oncle de 23 ans son aîné – donc le père d'Hitler est aussi son grand-oncle - est un petit fonctionnaire, un homme dominateur, violent, sans tendresse pour les siens, et foncièrement conservateur, un mari qui prend sa femme pour une chose. Par ailleurs Klara, femme simple et peu éduquée, est sous l'emprise du curé des lieux qui voit la faute partout. Elle est curieusement sujette à des visions qui préfigurent ce que sera la Shoah exterminatrice, sans imaginer porter en elle celui qui sera l'incarnation du mal, cet Adolf dont le nom n'est jamais prononcé.

On ne peut qu'être pris de pitié pour cette femme rabaissée, réduite par son homme à la fonction reproductive, vouée par la société à la culpabilité et, en quelque sorte, de facto condamnée par l'Histoire.

La langue de l'auteur est d'une grande puissance évocatrice, même si on peut ne pas adhérer au procédé narratif.
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Microfictions 2022

Tout d'abord je tiens à la saluer la prouesse. Ce n'est pas facile de faire tenir un récit complet en une page... là il nous en a fait quasi 500.



Microfictions, c'est noir, c'est sombre ad nauseam. Je ne lisais d'ailleurs que quelques récits par jour tellement cela peut me foutre le cafard.

Meutres, cruautés, suicides, sexe déviant, tout y passe sauf l'amour et la joie. Et vu que c'est écrit à la première personne notre petit cerveau en prend un coup.



Ce portrait de l'humanité est horrible mais fascinant. j'avais rarement trainé un livre aussi longtemps.





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Bravo

La prose de Régis Jauffret se reconnaît facilement à son côté dérangeant, cru et grinçant et c'est le cas dans ces nouvelles qui ont pour thème la vieillesse.

Ses 3 précédents ouvrages étaient inspirés de faits divers réels et glauques, j'étais donc contente de voir qu'il revenait à la fiction. Pour moi son meilleur est et reste "les microfictions", un petit bijou d'inventivité.

Comme dans tout recueil, le résultat est inégal. J'ai aimé presque toutes les nouvelles, sauf celles qui basculent dans le fantastique.

J'ai surtout aimé la première et la dernière car on y trouve de la douceur et de la tendresse. J'ai été touchée par d'autres monologues de personnes âgées. Il faut s'accrocher car cela peut s'avérer choquant et déprimant. En tout cas, ce qu'il écrit ne peut pas laisser indifférent et c'est à ça que sert la littérature aussi !
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Dans le ventre de Klara

Régis Jauffret a le don de s’intéresser au pire. Au pire du pire, aux saletés et à la merde. Claustria m’avait choqué et retourné. Là encore, il s’attaque a un indicible.



Enfin… il ne s’y atèle pas directement. Cette fois-ci il s’y prend par la bande, il remonte plus loin pour voir à l’origine des pires travers et (les psy tous en cœur approuveront), quel coupable plus facile et évident que la mère ?



Mais, Régis ne cède pas à la facilité. Si c’est bien dans le ventre de Klara que grandit le futur génocidaire, c’est plus de l’entourage dont il est sujet. Bondieuserie, clergé culpabilisateur, mari abusif et manipulateur (et un peu consanguin…), isolement et rabaissement systématique…



De quoi devenir fou et…



Un livre dans un milieu sale et puant. Terreau fertile pour annoncer pire encore
Lien : https://www.noid.ch/dans-le-..
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Le dernier bain de Gustave Flaubert

Du JE au IL.

De Flaubert à Post-Flaubert.



Le Je raconte sa vie depuis l'enfance, regards tournés vers l'hôpital que dirigeait son père, la soeur bien-aimée, les études amorcées et rejetées, l'épilepsie, les premières amours, l'amitié amoureuse, les voyages…

Le Je dévoile l'importance de l'écriture, l'obsession de la syntaxe, la perfection hantant l'esprit jusqu'à l'excès, la fusion avec les personnages prenant vie dans l'imagination et au bout des doigts usant encre et plumes d'oie.



Le Je s'adresse à nous, une mise en abyme de l'auteur se calquant sur l'auteur du XIXème siècle, secouant les lecteurs et les regards faussement portés sur la morale d'une autre époque, appelant à une vision moins étriquée de ce qui fut.

Entre réalité et fiction, l'auteur se construit, l'homme existe.

Vices et vertus se côtoyent, tentent de se justifier.

Tout pour l'Art, tout pour le Style, tout pour l'Oeuvre.



Le Tu nous bascule dans un monde à la Jérôme Bosch.

L'agonie est racontée, mêlant différentes époques, faisant surgir les femmes désirées, les amis aimés devenus amants, les personnages (particulièrement Emma Bovary).

Tout ce monde s'explique, réclame, fait mal au futur mort.

Peu de paix en cette fin de vie qui s'accroche.

Des passages violents dont celui de la tête trimballée jusqu'à la mort finale sans postérité.

Postérité bafouée, il suffit de lire ce que Flaubert souhaitait et ce qu'elle en a fait.



Un livre remuant, brutalisant, une biographie entre vérités et projection de l'auteur qui se met également en scène.

De l'humour, de l'écoeurement parfois, une lucidité froide et réaliste qui ne permet aucune concession « romantique » ou autre.

Un style qui rebondit, introduit par des phrases amenant un développement argumenté.

Flaubert y prend vie, déroute, crie comme en son « gueuloir » et le bicentenaire de sa naissance trouvera une originalité incontestable dans ce livre particulier.



Merci à Babelio et aux Éditions du Seuil pour cette proposition de lecture.

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Cannibales

Cannibales est un roman épistolaire qui ne laissera personne indifférent mais risque de diviser ses lecteurs du coup de cœur à la détestation. Je serai dans le clan des coups de cœur pour cette plume qui manie si bien les métaphores, pour cet esprit qui pousse les attitudes au paroxysme pour mieux en cacher la réalité des sentiments.

Noémie, une jeune artiste peintre vient de rompre avec Geoffrey, un architecte de cinquante deux ans. Elle adresse une lettre à Jeanne, la mère de Geoffrey pour lui annoncer cette rupture.

« A votre âge vous savez sans doute que les amours sont des ampoules. Quand elles n’en peuvent plus de nous avoir illuminés, elles s’éteignent…Soyez sereine, nous ne soufrons pas »

Si Jeanne ne comprend pas le besoin de cette missive, elle va toutefois entretenir une correspondance avec Noémie allant du rejet, de l’indignation, de la confession a la complicité et à la passion aveugle.

» un coup de foudre crapuleux entre une vieille dame et une jeune femme sortant de l’œuf réunies par le désamour d’un homme qu’elles ont peut-être aimé un peu jadis ou naguère. »



Plus Noémie est odieuse, plus Jeanne s’attache. Les deux femmes, ayant vécu des passions amoureuses deviennent complices dans leur logorrhée, veulent se venger de la race pénienne, imaginent l’assassinat de Geoffrey et se délectent déjà de sa chair grillée au feu de bois.



Les propos sont incisifs, parfois cruels, voire surréalistes. Et pourtant, ce ne sont que nos travers grossis par la vision acerbe de l’écrivain. L’orgueil de Noémie lui vaut des propos sans concession, sa schizophrénie la rend tortueuse, manipulatrice en quête d’un amour idéal. » Il nous les faut admirables, forts, invincibles et d’une douceur indicible sous le roc. »



La solitude de Jeanne la pousse vers cette jeune femme, dernier lien avec la société. Son fils est pour elle » l’écrin d’un souvenir« , fils du seul homme qu’elle a jamais aimé. A Noémie, elle donnera tout ce qui lui reste.



Régis Jauffret illustre le désenchantement des anciens amoureux à l’issue des rapports humains du couple.

Geoffroy vient parfois ponctuer cet échange incisif de ses déclarations d’amour ou de désamour.



Le style est d’une grande richesse avec de nombreuses métaphores, le ton est direct, incisif.

Cannibales… je l’ai dévoré tout cru et je m’en suis léchée les babines.
Lien : https://surlaroutedejostein...
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Bravo

N°952– Août 2015



BRAVO – Régis Jauffret- Seuil



A la lecture de la préface, je me suis dit qu'il allait être question des vieux, enfin ceux qui ont dépassé la cap de la soixantaine et qui, quand j'étais jeune étaient effectivement considérés par nous comme « des petits vieux » qui avaient déjà un pied dans la tombe et dont l'autre était plus que vacillant. Maintenant, par une sorte d'hypocrisie de vocabulaire, on dit d'eux qu'ils sont jeunes tout en sachant que, même si l'espérance de vie a progressé, leur vingt ans sont quand même bien loin ! Maintenant que je fais partie de ces « jeunes vieux », je me dis que ceux qui ont mon âge ont sûrement, et sans le faire exprès, survécu à la maladie, au suicide, aux accidents de toutes sortes … Bien sûr ils pensent à la mort puisqu'elle fait partie de la condition humaine et que nul n'y échappe, mais ils le font plus qu'à vingt ans où on se croit indestructible, immortel, éternellement jeune et beau, où on entreprend, on prend des risques, on aime la vie alors que dans la vieillesse on la consomme jalousement, on fait attention, on prend des précautions, on s'assure. Elle n'est même plus taboue, par obligation ! Parfois même on se rapproche de Dieu, on ne sait jamais !

Et puis quand on est vieux, si on n'est pas célibataire, veuf ou divorcé, on est encore avec son conjoint. Passées ces longues nuits d'amour et ces vacances torrides qui désormais appartiennent au passé, il faut composer avec le présent devenu insupportable, vivre avec ces espérances déçues, ces trahisons inacceptables, ces invectives constantes, ces mauvais souvenirs, ces remords... Des solutions existent mais quand le code pénal vous fait entrevoir la Cour d'Assises, vous y réfléchissez à deux fois. Plus simple est de divorce, de plus en plus largement usité si on en croit des statistiques. On peut aussi entretenir l'illusion en prenant un partenaire plus jeune, mais c'est risquer une liaison dispendieuse et surtout l'infarctus. On peut aussi se réfugier dans les paradis plus ou moins artificiels mais là aussi la Camarde vous guette. Alors on peut espérer qu'elle frappera le conjoint devenu invivable et vous fera recouvrer votre liberté. Soit cela vous surprend, parce que destin vous joue parfois de ces tours, soit elle vous l'offre comme un cadeau longtemps attendu. Il convient alors de verser quelques larmes qui parfois refusent de couler à cause de la culpabilité dont un psychologue pourra peut-être vous délivrer. Il y aura alors la solitude parce que les choses ne se déroulent jamais comme prévu. Pour l’exorciser on choisit parfois un animal dit de compagnie ou on préfère l’organiser soi-même parce qu'on ne supporte plus ni sa famille ni ses voisins ni ses amis. On flaire cette mort qui nous tourne autour sans oser nous toucher mais qui sait rappeler sa présence et dire que c’est peut-être pour bientôt, qu'il faut s'y préparer. Alors on égrène ses souvenirs, on refait le chemin à l'envers, parfois on entame un improbable compte à rebours, on se dit que « de mon temps... » , on devient jaloux des autres, des jeunes en particulier, qui ont la vie devant eux alors que nos belles années sont derrière nous et appartiennent au souvenir. Mélancolie, schizophrénie, la vieillesse sent sa tutelle et son héritage qu'on lorgne mais on n'évite pas la cruauté et l'ingratitude de ses propres enfants pour qui on s'est sacrifié. Heureusement dans tout cela il y a l'espoir de mourir dans son sommeil, sans souffrir, en évitant le cancer qui moissonne beaucoup chez les vieux. Alors on y pense de plus en plus, comme on pratiquerait un loisir, en essayant de ne pas en avoir peur, comme pour l'apprivoiser. On se dit qu'on est en rémission ou dans l'espoir d'une improbable guérison. Certains arrivent même à en rire, mais c'est rare, et cela vaut peut-être mieux que d'en pleurer parce qu'au moins on a du temps pour cela quand d'autres en manquent tant ! Alzheimer peut venir aplanir tout cela avant que ne sonne le glas de la vie et qu'on soit précipité dans le néant avec en prime l'oubli des autres. Cela vous donne presque l'envie de mourir jeune quand la vieillesse dure de plus en plus longtemps et qu'on laisse aux jeunes générations le soin de payer les pensions… De quoi les rendre jaloux ! La mort signifie l'abandon de la vie, mais pas seulement, c'est aussi l'adieu aux choses durement acquises au cours de son existence. Pour ceux qui croient au ciel, cela peut consoler, tant pis pour les autres ! Cela rappelle, sur un mode parfois léger, une implacable évidence, que chacun n'est qu'usufruitier de sa propre vie et que tout à une fin, que nous ne sommes que de passage...



C'est peut-être bizarre, mais au long de cet ouvrage, abusivement baptisé « roman » puisqu'il s'agit de 16 nouvelles, j'ai presque ri, pas vraiment à cause du propos, mais plus sûrement à cause du style facile à lire, jubilatoire à l'envi, pertinent et même impertinent dans les aphorismes, de cet humour noir qui me plaît toujours malgré sa cruauté. J'ai un peu décidé de jouer le jeu de l'auteur, puisque, de toute façon, je ne peux pas faire autrement.

Hervé GAUTIER – Août 2015 - http://hervegautier.e-monsite.com
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Le dernier bain de Gustave Flaubert

A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Flaubert, auteur incontournable du XIXème siècle, quoi de mieux que de se plonger dans une biographie « romancée » de cet auteur ? Pour cette raison, je remercie Babelio ainsi que les éditions du Seuil pour l’envoi de ce livre !



Le Dernier Bain de Gustave Flaubert retrace en plusieurs parties les derniers instants de l’écrivain et notamment, les pensées qui l’assaillent au cours de ce qui sera son dernier bain. Cette activité est l’occasion pour Régis Jauffret de retracer les évènements marquants de la vie de l’auteur de Madame Bovary. Dans un premier temps, c’est Flaubert lui-même qui évoque -non sans humour- sa naissance, son enfance, ses études (assez compliquées), ses amours, son voyage, ses œuvres, mais aussi la disparition de (presque) tous les êtres qui lui étaient chers, à commencer par Alfred, son grand amour, mais aussi sa sœur Caroline, ou encore sa mère dont il a toujours été proche.



J’ai ainsi découvert que Flaubert ne s’est jamais marié, qu’il était bisexuel (Alfred Le Poittevin et Maxim du Camp étant ses principaux amants, même s’il nous est suggéré qu’il aurait passé la nuit avec bien d’autres personnes, dont un certain…Charles Baudelaire), mais j’ai également eu le plaisir de retrouver des figures « clés » de l’époque, en particulier Guy de Maupassant, le « fils » spirituel de Flaubert ; George Sand, Victor Hugo, Louise Colet ou encore les frères Goncourt, pour ne citer qu’eux.



Malgré tout, même si j’ai trouvé la plume de Régis Jauffret particulièrement savoureuse (les jeux de mots et autres expressions utilisés sont un ravissement), j’ai trouvé des longueurs et des répétitions à ce roman, qui m’empêchent de le classer parmi mes favoris. Néanmoins, ne serait-ce que pour la richesse -culturelle en général, littéraire en particulier- de cette époque, mais aussi pour (re)découvrir Gustave Flaubert et ses personnages devenus mythiques, à l’image d’Emma Bovary, Salammbô ou Frédéric Moreau, ce roman reste intéressant !

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Papa

Quel père fut Alfred pour son fils Régis Jauffret ? C'est la question que se pose l'auteur après avoir vu par hasard, et à sa grande surprise, un documentaire où il reconnaît son père menotté et embarqué par la Gestapo à la sortie de son immeuble. Un épisode de la vie de son père qui lui était inconnu. Régis Jauffret se livre donc à une enquête, qui n'ira pas très loin, mais il fait plus : quel père cet homme était-il ? Un homme secret, taiseux, peu démonstratif, marqué et isolé du monde et avant tout des siens par sa surdité et sa bipolarité, un père qui « n'existait pas beaucoup », et donc un fils aimé sans doute mais en manque de « preuves d'amour ». L'auteur essaye ici de combler les vides de cette « dentelle de papa » grâce à la littérature. Un livre sensible au style mordant qui est aussi une déclaration d'amour.
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Tibère et Marjorie

Abandon

J’ai quand même tenu jusqu’à la moitié du livre.

Une histoire de couple dont la fille, est complètement déjantée. S’y mêle un ministre pas bien net non plus. Une histoire sans queue ni tête, sans intérêt réel, sans intrigue particulière. Mais ça, ce n’est pas le plus grave. Ce qui m’a vraiment insupporté, sans être pudibonde, c’est l’apparition du mot bite toutes les trois pages, quand ce n’est pas trois fois par page. Lassant.

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Sévère

Livre que j'ai choisi parce qu'il est dans ma liste "faits divers". Je confesse qu'il y a du voyeurisme dans cette lecture.

Tiré d'une récente affaire criminelle, "Sévère" est l'histoire d'un couple qui entretient une relation à haut risque. Entre le riche banquier pervers, dominateur, psychiquement torturé et sa maîtresse en titre, courtisane vénale, servile qui s'est habituée au luxe et tombe dans le piège des grands sentiments (c'est du moins ce que l'auteur laisse entendre) le périlleux parcours finira mal.

On peut trouver l'histoire malsaine mais c'est bien le cas de tous les polars.

Sauf qu'ici, la base est authentique.

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Ce que c'est l'amour et autres microfictions

Mon premier livre de cet auteur. Un recueil de près de quarante textes courts, trop courts peut-être à mon avis, car ils n'ont pas le temps d'exhaler toutes leurs émotions... Un livre que j'ai lu jusqu'à la fin, mais qui me laisse un avis mitigé. Je ne sais pas si je relirai du Régis Jauffret.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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Histoire d'amour

Encore un livre acheté un peu au hasard dans le cadre de mes études, en littérature contemporaine, dans la liste d'auteurs donnée par ma prof.





Mon avis :



La première règle du fight club: ne pas se fier à la couverture d'un livre, ce que je fais pourtant souvent. La deuxième règle devrait être de ne pas plus faire confiance au titre, c'est ce qu'Histoire d'amour nous apprend, presque dans la douleur.

La quatrième de couverture (= le résumé dans le premier message) fait déjà son petit effet, en nous offrant quelque chose de très éloigné de ce que le titre nous laissait imaginer. Dès lors, on s'interroge. Cet homme a-t-il été piegé, pourquoi, par qui? Comment va-t-il s'en sortir?



Avec mes suppositions, j'étais encore bien loin du compte.



On est propulsé très vite dans le roman, avec ce narrateur qui raconte à la première personne sans que l'on ne sache jamais son prénom.

"Un matin, je l'ai vue assise en face de moi dans le wagon de métro qui me ramenait du lycée. J'ai tout de suite compris qu'elle serait ma femme."

A nouveau, un instant de surprise. Alors c'est bien une histoire d'amour? On aurait presque pu y croire si cette introduction n'était pas tout de suite suivie d'une description hyper-sexuée de cette jeune femme. Très vite, on se trouve vaguement mal à l'aise, gené par ce regard sans détour que l'on est obligé de partager. Incapable d'aborder la jeune femme, il va la suivre à son arrêt, puis dans la rue, jusqu'à la boutique où elle travaille. Il n'osera pas rentrer, alors il attendra la fin de sa journée de travail, et il la suivra encore, jusque chez elle, dans son immeuble. Presque à sa porte, elle le remarquera, elle prendra peur, restera tetanisée. Il essaie de la rassurer, se présente, exprime son désir de la connaître... et prend le trousseau de clefs qu'elle tenait à la main, l'invitant à entrer dans l'appartement en sa compagnie. Il essaie de discuter, elle ne dit rien, effrayée. Le viol se déroule dès la 7ème page, presque banalisé, le narrateur n'y voyant qu'une scène d'amour, sans jamais se rendre compte du mal infligé à sa victime.



Car Histoire d'amour, c'est un coup de foudre malsain, à sens unique. Notre narrateur est un prof tout ce qu'il y a de plus normal, on le découvre au fur et à mesure avec une vie sociale remplie, une situation paisible, un homme insoupçonnable en résumé. Et pourtant, habité par des pulsions qu'il ne peut réprimer, c'est un violeur-gentleman, qui se ment à lui-même, qui transforme son besoin de possession en désir de séduction et de conquête.

Il n'aura qu'une seule obsession, Sophie Galot, la "femme de sa vie". Après le premier viol, il fera deux mois de prison, jusqu'à ce qu'elle retire sa plainte pour une raison inconnue. Malgré ce séjour pénible, il n'aura de cesse de la traquer, l'attendre devant chez elle, forçant l'entrée, la retrouvant malgré les déménagements, allant la chercher jusque sur ses différents lieux de travail, allant harceler ses parents... A aucun moment, il ne se perçoit comme un violeur. Il veut la convaincre, qu'elle apprenne à le connaître, et si elle ne peut pas l'aimer, au moins, qu'elle s'efforce de l'endurer, car de toute façon, l'envie ultime qu'il ressent est insurmontable, elle n'aura jamais le choix.



Ce livre est effroyable, fascinant. On est très violemment projeté dans les désirs de cet homme, et c'est dérangeant, car on sent presque sa "bonne foi", on se demande jusqu'à quel point il y croit. On vit le roman avec lui, on le déteste, mais on le suit. Paradoxalement, Sophie n'ouvrira jamais la bouche de tout le roman, ou seulement à de rares occasions, par monosyllabes.

On se demande combien de temps ce manège pourra durer. On souffre pour cette femme silencieuse, qui abandonne progressivement, ne voit plus d'échappatoire.



J'ai dévoré ce livre, qui m'a totalement bluffée. J'ai adoré détester ce narrateur, j'ai vraiment apprécié que pour une fois, on nous offre de découvrir ce point de vue là. La virulence, cruelle, de notre "héros" est parfaitement effroyable, les jugements qu'ils portent sur certains de ses semblables, totalement méprisants. Le choix du traitement du sujet est tranché, à aucun moment on ne se placera du côté de la victime, on n'aura jamais le droit de connaître directement son calvaire, on ne le devinera qu'à travers le plaisir que lui ressent.



Les dernières lignes du roman sont magistrales, d'une horreur superbe.







Ma note : 5/5

Bon, j'ai pas mal hésité pour la note, c'est très subjectif. C'est pas forcement un de mes livres préférés, mais c'est sans doute, parmi mes lectures récentes, l'une de celles qui m'a le plus surprise, voir choquée, j'étais totalement fascinée et revulsée, et rien que pour ça, je trouve que ça mérite le 5.







Je le conseillerais à... : Des personnes qui cherchent une vision rare et dérangeante, amorale, qui mène également à réflechir sur le côté obscure de la force des pulsions, d'une societé où le danger est de plus en plus camouflé, enrobé... Je le conseillerais aussi à tout ceux qui veulent essayer quelque chose d'un peu différent de ce que l'on voit d'ordinaire, car pour le coup, on peut difficilement faire mieux je pense.



Je le déconseillerais à... : Des gens un peu "sensibles", ou facilement choqués, même s'il n'y a pas de scènes insoutenables (les scènes sexuels tiennent sur quelques lignes, les termes sont sans détour mais jamais exagérés ni rien), l'idée seule peut suffire à mettre mal à l'aise je pense. L'absence de moral et la fin peuvent aussi déplaire. D'autres s'ennuieront peut-etre de la traque qui semble être sans cesse une répétition des mêmes rituels, gestes et phrases...
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Dans le ventre de Klara

« En juillet 1888, aux alentours de la Saint-Jacques, Oncle me fit grosse. » (p. 7) Dans le ventre de Klara s’étend sur les neuf mois de grossesse de cette femme, de qui le nom n’est jamais prononcé. Seul son prénom est indiqué. Son patronyme n’est cité que dans la quatrième de couverture : Hitler.



Régis Jauffret confie les pensées de celle qui porte la vie de celui qui incarnera la mort. Elle vit sous le joug d’un mari, qu’elle n’a pas choisi : un homme violent et sadique. D’elle-même, elle s’enferme dans une autre prison : celle de la religiosité punitive et étouffante. Elle s’accuse de tous les péchés. Son quotidien n’est que souffrance. Cependant, elle ne le perçoit pas entièrement, elle n’a connu que la domination patriarcale. Seuls des mots secrets, aussitôt cachés, brûlés ou effacés, montrent une certaine prise de conscience. Ses pensées sont entrecoupées par des visions des atrocités futures de son bébé. Ce sont des suites de mots, insérées dans ses phrases, de manière fugitive : ils remuent, car, contrairement à Klara, nous les interprétons sous le prisme de l’Histoire.



Ce roman m’a montré que le poids de la mémoire est si fortement ancré en moi, que je n’ai pu m’attendrir des douleurs de cette femme. Ma raison les entendait, mais je lui fermais mon empathie. Cela m’a déstabilisée, car si je n’avais pas su qui était son futur fils, j’aurais été émue par la vie de cette malheureuse. En effet, à travers elle, Régis Jauffret décrit la condition féminine, sous un angle qui me touche, habituellement. Je m’en voulais. J’étais déstabilisée par mon jugement injuste au sujet de Klara. Par moments, mon cœur s’ouvrait, mais se refermait. Ce livre m’a aussi permis de constater que mon esprit ne fabrique une image du dictateur, qu’à partir de son âge adulte. En raison de ses actes, je lui refuse toute enfance.



Dans le ventre de Klara est un roman puissant et troublant. Décidément, la rentrée littéraire des Éditions Récamier me bouscule et me confronte à moi-même.


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Papa

Papa.

Ce n'est pas par hasard que Régis Jauffret a intitulé son livre de ce petit nom affectueux que l'on met à la place de "mon père".

J'avais entendu parler de cet auteur, failli lire Microfictions ou Claustria, et puis j'ai oublié.

Assurément je n'oublierai pas cet ouvrage.

Jauffret c'est d'abord un style, une ponctuation capricieuse, où les tirets annoncent un paragraphe, un résumé ou bien quelques phrases sublimes.

Peu ou pas de ponctuation.

Jauffret se met à nu, c'est indéniable.

Papa est un chef d'oeuvre.

Touchant, réaliste, mensonger parfois, de très belles pages, des envolées lyriques, tout cela sent l'authentique.

Papa ne fut pas un père.

Jauffret écrit ses plus belles pages sur son papa.

Il souffre Régis d'être transparent aux yeux de ce parent bien étrange.

Sourd, sous Haldol, puissant neuroleptique qui stoppe tout dėlire psychotique, ce fut le père de la honte, petit personnage falot, avare de tout sentiment, d'affection, d'amour.

Mais surtout malade.

Papa est un livre bien étrange, Jauffret en a souffert de ce manque de père, ici, ailleurs et maintenant.

Ce livre est une catharsis pour l'auteur.

On perçoit le petit garçon derrière l'écrivain, parfois d'une tristesse abyssale.

D'où ce titre enfantin.

Il dit, et c'est presque un aveu, qu'il n'a écrit ses livres que, finalement, pour dire à son père tout ce qu'il n'a pu lui dire. Un livre sans fin.

La fin est bouleversante, quand il invente un belle journée radieuse avec son père, c'est touchant à l'extrême.

L'enfance nous rattrape sans cesse, un détail, un son, une image.

Je dis que ce livre est un petit miracle, mais surtout pour l'auteur.

Et pour nous, lecteurs, une bien belle lecture.

Papa.

Que Régis Jauffret en soit soulagé.

Enfin.





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Papa

Guérit-on d’un père absent, enfermé dans sa surdité et qui ne vous regarde qu’à peine ?



Régis Jauffet essaye… Difficilement, et c’est rude.



Parti d’un petit bout de film documentaire visionné par hasard, Régis Jauffret aperçoit son père sortir de l’immeuble de son enfance, menottes aux poings, encerclé de deux gestapistes. Il se lance à sa mémoire
Lien : https://www.noid.ch/papa/
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Asiles de fous

La rupture d'un couple dans laquelle s'immiscent le père et la mère de Damien.

Il faut se concentrer pour la lecture car l'auteur enchaîne les dialogues sans annoncer le narrateur ou la narratrice donc on ne sait pas qui parle tout de suite. Je le dis maintenant, ce livre ne m'a pas plus du tout. Les causes sont :

- Le père (de Damien), Joseph, je crois bien que ça ne l'aurait pas dérangé de coucher avec Gisèle (la femme quittée par le fils).

- La mère (toujours de Damien), Solange est une personne d'une méchanceté, d'une suffisance, d'une arrogance, d'une insolence sans bornes. Pour elle, son fils est un être Unique. (Il faudrait quasiment payer pour avoir l'honneur d'être sa compagne).

- Le clou dans la catégorie ignoble est le fils Damien qui n'a pas la trempe d'annoncer lui-même sa rupture à sa copine, c'est le père qui fait la démarche. Ce personnage est infâme. Il est lâche, dépravé et les pensées qu'il a concernant sa mère sont crues, dégoûtantes et incestueuses.

Oui, cette famille est nauséabonde.

Gisèle est le personnage le plus sain à mes yeux.

Même en essayant de lire l'histoire au 3ème degrés, je n'ai pris aucun plaisir, il aurait fallu que je lise au 10ème degrés !! Sur la quatrième de couverture, il est inscrit le mot burlesque mais rien ne m'a fait rire, j'ai plutôt ressenti de la répugnance.



Information : a reçu le Prix Fémina en 2005.



Lu en avril 2019 / Folio - Prix : 7 €.
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Cannibales

Quel sentiment étrange en refermant ce livre ! L'impression de ne pas savoir quels mots choisir pour démarrer ma critique. Je vous mets au défi de rester de marbre. Le constat est sans appel : Ce livre ne peut vous laisser indifférent, la palette d'émotions qu'il est susceptible de provoquer chez vous... est assez vaste.

Vous pouvez haïr, prendre en pitié, maudire, vous réjouir, etc. pour ces personnages. Dans la lutte entre leurs différents égo, difficile de prédire si l'un d'entre eux sortira vainqueur de ces multiples joutes épistolaires.



Bref, un roman à l'écriture soutenue qui renouvelle le genre épistolaire. Je vous conseille de le découvrir.



Bonne lecture :)
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Asiles de fous

Un livre sur deux compagnons qui se sont séparés. L’auteur présente l’histoire par une série de monologues. Ce sont les deux compagnons et leurs parents qui donnent leur avis successivement en ce qui concerne chaque compagnon et leur relation.

Bien que je trouve l’idée très intéressante, présenter une relation échouée du point de vue de tous les personnages intéressés, l’élaboration dans ce livre ne m’a pas plu vraiment. Je ne sais pas exactement pourquoi je n’ai pas aimé ce roman. Le texte est assez facile à lire, de temps en temps les phrases sont peut-être un peu longues, mais ce n’est pas le style de l’écriture qui a posé un problème pour finir la lecture. Ce sont probablement les personnages et leurs caractères peu sympathiques qui m’ont agacé. Je n’ai pas non plus trouvé quelque chose d’intéressant ou quelque chose d’amusant dans le livre. J’ai dû recommencer au début quelques fois pour finalement le terminer après environ deux semaines. Le livre a gagné le Prix Femina en 2005.


Lien : http://nebulas-nl.blogspot.n..
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Microfictions

Ce recueil de micronouvelles ou de microfictions comme annoncé par le titre à de mon point de vue plusieurs défauts. Composé de près de 1000 pages (en poche) dont chaque nouvelle n'excède pas 2 pages, nous approchons des 500 micronouvelles ce qui constitue un défaut selon moi. Ce livre m'a fait l'effet d'une soirée où une personne raconte des blagues à la chaîne. Une fois rentré chez soi, je suis généralement incapable de m'en souvenir de plus de 2 (quelqu'en soit la qualité).



Second défaut, le nombre de nouvelle entraine fatalement des thématiques redondants. Sans être parvenu au bout, j'ai eu plusieurs fois l'impression de lire deux fois la même micronouvelle!



Dernier défaut, la thématique des nouvelles est vraiment trop noir! Je ne pouvais lire plus de 5 nouvelles d'affilés sans me sentir déprimé ou dégouté par la nature humaine.



Pour finir sur une bonne note, Jauffret est un superbe écrivain. A travers sa plume, il m'a fait ressentir de véritables émotions en très peu de lignes, je serais curieux de voir ce qu'un roman entier peu me procurer.
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