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Critiques de Régis Jauffret (553)
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Cannibales

Quel style admirable pour ce roman epistolaire au sujet original et loufoque !
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Lacrimosa

Correspondance entre deux amoureux ...

Histoire de deuil, discours épistolaires, recherche de clarté dans ce triste constat... Lacrimosa.

Je découvre Régis Jauffret et je sens l'importance des mots, le choix des phrases et le style de l'auteur. Je rentre dans son univers et je sens l'importance du discours. C'est élégant et sophistiqué et je redécouvrirai surement cet auteur dans une autre histoire si vous avez un conseil je prends.
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Cannibales

Une correspondance drôle, noire et cynique à souhait.

Je ne sais trop quoi penser de l'histoire en elle même, cette jeune fille et son ex belle-mère qui projettent de barbecuter l'homme qui les a déçues. Par contre cela fait longtemps que les mots ne m'avaient pas donné autant de plaisir. Je me suis délectée à chaque page. C'est très bien écrit, mais pas pompeux. Je me suis même surprise à répéter certains mots à haute voix pour en apprécier la sonorité : 'rodomontades', 'fourchetée'...
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Cannibales

Roman épistolaire très très beau style. On peut se croire dans un roman du 19ème, richesse du vocabulaire.

Intime, une intrigue. Parfait pour 160 pages. BRAVO encore à cet auteur.
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Claustria

Le faitv divers avait fait la une de tous les journaux lors de sa révélation en 2008 :2osef Fritzl a tenu sa fille enfermée dans une cave pendant plus de 24 a,s, sous la maison familiale d'Amstetten en Basse-Autriche

Ce roman est le récit d'une enquête (celle de l'auteur lui-même), et l'auteur dresse une fiction à partir de ce fait divers. avec en toile de fond un pays, l'Autriche, particulièrement ébranlé par ce portrait en creux. Déreangeant mais pas totalement abouti..
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Lacrimosa

N°359– Août 2009

LACRIMOSA – Régis JAUFFRET - Gallimard.



Décidément, je joue de malchance avec mes lectures de l'été. J'ai fait ce que j'ai pu, mais je ne suis pas parvenu à entrer dans l'univers de ce roman, au vrai assez étrange qui emprunte son titre du « requiem ». C'est un échange épistolaire entre l'auteur et sa jeune amie, Charlotte, qui vient de se suicider et qui retrace des épisodes de leur vie commune. D'ailleurs par un subterfuge, elle lui répond par delà sa propre mort en l'insultant, le traitant d'écrivassier, de charognard et d'escroc! A priori l'idée n'était pas mauvaise et un dialogue surréaliste entre un vivant et une morte, qui, chacun à leur manière se disent des choses qu'ils n'ont jamais oser se reprocher de leur vivant, pourquoi pas?



Nous sommes dans un roman, les personnages sont donc fictifs, c'est sans doute pourquoi l'auteur affuble la jeune femme d'une parentèle improbable. Je veux bien qu'on parle légèrement du suicide qui est un sujet grave surtout quand il touche les jeunes, mais je ne vois pas très bien l'intérêt d'introduire dans le récit le personnage assez burlesque du philosophe nommé Gaston Kiwi autant que l'énigmatique docteur Hippocampe Dupré dont la particularité est de vivre avec un panda géant, Mazda. Il va donner à Charlotte une sorte de seconde chance de remonter le temps et ainsi d'échapper à la mort.[?]



Écrire quelque chose sur quelqu'un qui vient de mourir est une manière salutaire de le faire revivre et favorise probablement le deuil. Pourtant, dans la même volonté de fiction un peu délirante, l'auteur donne la parole à la morte qui se rebiffe quand il parle d'elle, quand il évoque une liaison qu'elle aurait eu lors de vacances à Djerba... Elle lui déclare qu'elle l'a aimé, mais je ne suis pas bien sûr de l'authenticité de sa déclaration, mais n'oublie pas de l'insulter copieusement. Là l'imagination de l'auteur se déchaîne...



J'ai toujours été passionné par les personnages de roman, qui sont fictifs par essence et par la vie qu'il peuvent avoir dans le cours du roman et disons-le de la liberté qu'ils prennent eux-mêmes par rapport à l'auteur. Ici il semble n'en être rien et le narrateur manipule complètement Charlotte qui semble consentir à se processus et même l'admettre « Quand on meurt on devient imaginaire ». Ne deviendrait-elle un personnage fictif qu'une fois morte? Cela, qui aurait pu être une piste intéressante dans le domaine de la création me semble tourner au dialogue de sourd! J'ai pensé que cela pouvait être une exploration intime de l'éternité, surtout qu'il est fait mention d'internet et de l'informatique qui, surtout pour moi, comportent autant de mystères que l'au-delà. Mais bon...



Le style, haché parfois, n'a pas non plus retenu mon intérêt [Je ne m'explique pas ce que l'alternance du vouvoiement et du tutoiement ajoute dans l'échange épistolaire] au point que je me demande, le livre refermé, si mon goût en la matière est encore sûr, si c'est moi qui ait manqué un épisode ou si les choses ont changé sans que je m'en aperçoive, sans que j'en ai été informé. Je ne goûte ni les traits d'humour ni la relation par force détails inutiles de l'évocation rétroactive de leurs vies au quotidien ni même la trivialité qui émaille les dialogues. Il me semble pourtant que l'originalité en littérature ne réside pas dans l'à peu près, le banal, voire le ridicule. L'ensemble m'a paru fade et même assez glauque. Il y a bien des aphorismes que l'auteur tente de faire admettre, mais cela tombe à plat. Tout cela fait que j'ai bien regretté ce moment passé même si je le redis comme à chaque fois, j'ai pu passer à coté de ce livre.



« Étonne-moi, Jean » disait Serge Diaghilev à Jean Cocteau. On peut effectivement admettre que l'étonnement soit le motif de l'intérêt pour une œuvre de création. Ici, je n'ai pas été été étonné favorablement et je ne suis pas prêt à m'enthousiasmer pour un tel roman. Est-ce une tendance actuelle dans la littérature française que d'écrire mal et l'originalité réside-t-elle dans l'a peu près des mots et des phrases autant que dans le désintérêt que l'auteur instille dans son texte?

Franchement, la lecture laborieuse de ce roman ne m'incite pas à lire une autre œuvre de Régis Jauffret.







 Hervé GAUTIER – Aout 2009.http://hervegautier.e-monsite.com
Lien : http://hervegautier.e-monsit..
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Sévère

« Sévère » relate de façon romancée (Jauffret le précise dans son préambule, histoire d’éviter tout procès) l’affaire Edouard Stern. Ce dernier, jeune et brillant banquier d’affaires, est retrouvé, en 2005, revêtu d’une combinaison en latex après avoir été assassiné dans son appartement genevois. Tous les ingrédients d’un fait divers croustillant se trouvent réunis : argent, pouvoir, famille influente liée au pouvoir politique, sexe, sadomasochisme, paranoïa… n’en jetez plus

Le récit s’ouvre sur la cavale de sa maîtresse-meurtrière et se poursuit par la reconstruction de leur relation particulièrement toxique. Pourtant, ici, comprendre pourquoi et comment importe peu. On ne saura pas vraiment si l’héroïne est une victime, un bourreau ou tout bonnement une simple idiote. L’auteur ne juge pas. Volontairement, il ne prend pas position pour mieux laisser la porte ouverte à l’ambiguïté. L’intérêt réside surtout dans le ton cynique, le style direct, sans fioritures, percutant comme la balle de revolver logée dans le crâne de Stern. Pourtant cette logorrhée laisse un goût d’inachevé. Là où « Claustria » avait réussi, avec un sujet encore plus glauque, à provoquer de véritables sentiments de suffocation et d’enfermement et forcer à une réflexion de fond, « Sévère » nous laisse sur une impression de vacuité.

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La ballade de Rikers Island

Pas de « Maquereau fiction » dixit le monde ! Régis JAUFFRET, c’est pas du tout CLOSER !

Sa sympathie va à la femme blessée. Sa plume est fouillée, ajustée et incisive…

Laissez-vous aller dans ce roman à la réalité augmentée, comme nous le promet la quatrième de couverture…. Allez-y ……….pour un excellent moment de lecture !

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Asiles de fous

"A la longue, il finira de toute façon par m'indifférer, parce que tu l'appliqueras sur le mien comme un emplâtre. Ta conversation m'exaspèrera, toujours les mêmes histoires de carburateurs, de tension artérielle, de bricolage, tes rêves de ferme à rénover dans une région boueuse où les agriculteurs rendus neurasthéniques par le climat bradent leur bien pour ne pas devenir fous. Ton petit emploi, ta mère qui téléphonera chaque jour pour te reprocher tes dents de lapin. Ta peur du vide, de la guerre, de la vieillesse, des rides, d'une alimentation trop carnée, de la cuisine grasse à la cantine. Ta terreur devant la moindre ambulance, tes érections dans l'escalier quand tu croiseras la voisine du second, étudiante en économie politique, et mon amour pour toi dont tu riras quand je te le montrerai sous la couette comme un trésor. Car malgré tout je t'aimerai comme on souffre, comme on se sacrifie, mais mon amour t'incommodera comme une odeur de friture. Tu me diras sans cesse de le cramer dans le four, de l'enfermer dans un poudrier et d'aller l'enterrer au pied d'un arbre du Forum des Halles."



Une rupture, le sujet a été maintes fois étudié, explicité, romancé. Mais jamais de la sorte. Imaginez, votre beau-père, sous prétexte de changer votre robinet de cuisine qui fuit, vient vous annoncer que son fils vous quitte. Imaginez tous les arguments qu'il va mettre en place, déployer dans votre esprit, pour vous convaincre que c'est la meilleure chose à faire de toute façon. Que Damien ne pourra pas évoluer dans une relation comme celle-ci. Qu'ils (ses parents), le rémunèrent chaque fois qu'il prend une bonne décision (leur décision). Qu'il vous dit que vous avez eu de la chance de le connaître, qu'il ne faut pas en vouloir à Damien, il n'a jamais été un grand passionné, à peine affectueux, et surtout par obligation. Imaginez qu'il commence à vous dire qu'à votre place, il n'aurait pas supporté de vivre avec un tel homme, qu'il n'est pas forcément un fils exemplaire, mais que c'est le sien, et qu'il doit faire avec. Là, vous venez de pénétrer l'univers de Régis Jauffret. Le monologue à deux personnes.



C'est au tour de la mère de Damien : "Surtout, évitez de vous suicider, Damien n'aime pas la mort, vous le savez. Il serait impressionné, et aussi bien votre mère viendrait lui faire des reproches qui le tarauderaient durant plusieurs semaines.", et aussi "le mépris que j'éprouve envers vous pèse sur ma raison, elle éclate comme une mouche sous le maillet d'une vieille gâteuse qui a la phobie des insectes.". Mais surtout : "Vous le connaissez, et c'est moi qui l'ai fait. Admettez qu'il est injuste que nous ne soyons pas la même femme." On retrouve la même structure dans les discours parentaux. Du mépris pour cette fille qu'on quitte, et puis de l'apitoiement, un peu de compassion, et pour finir une forme d'amitié, du moins d'attachement. La perversité, la folie commence à suinter. La folie d'une mère qui se croit omnipotente. Oscillation de la passion maternelle, qui gonfle jusqu'à l'obsession, la frénésie, et glisse jusqu'au dédain, jusqu'à la haine. Cycle infernal, éternel. le désarroi d'un père qui n'a pas touché sa femme depuis plusieurs mois, qui a dû faire un test de paternité pour convaincre son fils de leurs liens sanguins. Une "famille" dans laquelle on se côtoie plus qu'on ne se connaît.



Enfin c'est à Damien de nous donner sa version des faits. "Maman braillait, obsédée par cette fille que j'avais oubliée avant de l'avoir connue, à moins que je m'en souvienne, qu'elle teinte mes pensées comme de la cochenille." "La famille, porcherie ancestrale, et aujourd'hui entreprise de salaison ultramoderne, à la chaîne du froid jamais interrompue, jambon de père, tranché, daté, sous blister, tripes de maman, en bocaux, en barquettes, avec les produits frais à côté des yaourts..."



Un chaos sous-jacent, imperceptible à l'oeil nu, qui se révèle au moindre grain de sable dans l'engrenage de la routine. Poussière qui rend dingue la ménagère parfaite, goutte d'eau qui provoque l'inondation. Damien, perçu comme un assisté, un rigide un précoce, un cerveau en sous-régime. Jusqu'à ce qu'il donne sa version des choses. Jusqu'à ce délire éthylique poussé à l'extrême. Tout éclate, implose, gicle, déborde. Enfer pavé d'aucune intention, enfer tout court, Damien défonce toutes les convenances, détruit les a-priori, explore les corps, la folie des autres, vides à combler éternellement. Catharsis. Sa séparation a mis en relief les fêlures de ses géniteurs, oeufs plongés dans une eau portée à ébullition, et dont la substance fuit dans la casserole comme la cervelle de leur crâne.

Niveau expressionnisme, Ellis peut aller se rhabiller, nivrau déjanté, Palahniuk a encore des progrès à faire. Question vocabulaire, on pense parfois à Artaud. Point de vue originalité, c'est du Jauffret tout craché. A l'instar de Damien, qui crache à la gueule de ses parents leur folie douce amère, leur folie ordinaire.
Lien : http://www.listesratures.fr/..
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Sévère

"Je l'ai rencontré un soir de printemps. Je suis devenue sa maîtresse. Il m'a initiée au maniement des armes. Il m'a fait cadeau d'un revolver. Je l'ai abattu d'une balle entre les deux yeux."



Cette sécheresse, pas un mot de trop, ce ton froid, définitif, m'ont donné envie d'aller voir un peu plus loin.



J'ouvre le livre de Jauffret et je tombe sur le préambule. (J'avoue, j'aime pas tellement les préambules, et autres introductions..., ils m'empêchent de rentrer dans ma lecture aussi vite que je le voudrais.) Bon, je lis le préambule... je cite :



"Je suis romancier, je mens comme un meurtrier. Je ne respecte ni vivants, ni morts, ni leur réputation, ni la morale. Surtout pas la morale. Ecrite par des bourgeois conformistes qui rêvent de médailles et de petits châteaux, la littérature est voyou. Elle avance, elle détruit."



"Je suis brave homme, vous pourriez me confier votre chat, mais l'écriture est une arme dont j'aime à me servir dans la foule. D'ailleurs quand vous lui aurez appris à lire, elle tuera tout aussi bien votre chat."



"Ne croyez pas que cette histoire est réelle, c'est moi qui l'ait inventée. Si certains s'y reconnaissent, qu'ils se fassent couler un bain. La tête sous l'eau, ils entendront leur coeur battre. Les phrases n'en ont pas. Ils seraient fous ceux qui se croiraient emprisonnés dans un livre."



Et bien, quel programme ! Alors, après ça, je suis allée vérifier, plus avant dans le livre ; voir si Jauffret était un maître de la provocation, si cette annonce n'était qu'un bel effet de manche, si l'arme dont il nous menace n'était qu'un pétard mouillé.



"Sévère", l'histoire d'un meurtre, une femme tue son amant, elle raconte, depuis la cellule où elle est emprisonnée, cette "généalogie" du crime.Elle replace les pièces du puzzle pour nous, ou pour elle ; comment elle est devenue la "secrétaire sexuelle" d'un homme riche, puissant, et malade. Malade de l'argent, de la violence, du pouvoir. Malade dans son rapport aux autres, qui n'existent que pour être achetés, vendus, humiliés, réifiés. Malade enfin dans son rapport à lui-même, à son corps, à ses peurs d'enfant.



Partant d'un fait divers réel : l'assassinat du banquier suisse Stern en 2005, Jauffret met des mots sur l'indicible de cette histoire. Le fait divers ne compte pas - il a raison de le dire dans le préambule : "Ne croyez pas que cette histoire est réelle, c'est moi qui l'ai inventée" -, Jauffret tend à l'universel, l'exemplarité ; comment la société broie les êtres, comment le rouleau compresseur fonctionne si bien sur nous.



"Ne croyez pas que cette histoire est réelle"... L'écrivain ment comme un meurtrier. Il manipule aussi. C'est tout le malaise que l'on ressent à la fin du livre. Qu'a-t-il fait de nous - lecteurs - pendant ces quelques pages ? Il nous a fait voyeurs, haletants jusqu'au dénouement pour quelques détails sordides. Il nous a rendus complices de cette époque de banquiers, de négociateurs, qui transforment les corps en métal.



"Sévère", c'est elle, c'est le système dans lequel nous rampons, grave et austère, qui n'a le droit ni à la chute ni à la faiblesse, et qui pourtant nous y réduit.

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Univers, univers

« Nous sommes des univers passagers dans l’univers qui s’éternise » (Régis Jauffret). Oui, sans aucun doute… Et c’est ce qui résume le mieux ce livre de 609 pages qui, je l’avoue, m’a coupé le souffle et me laisse légèrement ahurie. Mais je ne sais pas encore si c’est d’admiration ou de lassitude ou de stupéfaction. Peut-être un peu des trois à la fois. Parce que… l’ouvrage est déroutant à plus d’un titre.

Il est impossible d’en synthétiser le contenu. Il faudrait pour cela, au minimum, évoquer les personnages principaux. Or, si ce livre foisonne de personnages et de situations, c’est à partir d’un seul individu -une femme qui surveille la cuisson d’un gigot en attendant son mari - que tout se joue. L’exercice titanesque auquel s’adonne Régis Jauffret consiste à imaginer, à partir de cet individu ordinaire, à l’existence quelconque, plongé dans une activité domestique anodine, la multitude des « possibles » : d’autres noms, d’autres origines, d’autres passés, d’autres attentes, d’autres destins…Les variations s’enchainent sans répit autour de ce personnage insignifiant, familier, et de son entourage. Je n’ai pas dénombré les univers « possibles » façonnés par Régis Jauffret…Mais croyez-moi sur parole, l’étendue et la variété des hypothèses sont impressionnantes.

Difficile alors de tracer les grandes lignes d’une histoire qui en réalité n’est ni unique, ni figée, mais démultipliée à l’infini. La seule constante étant l’incipit récurrent : une femme qui surveille la cuisson d’un gigot. Difficile aussi de disséquer clairement le mode de construction de ce livre (je n’ose pas dire roman, car il défie les standards passés et contemporains de la littérature). Il est –linéaire -… Oui, vous avez bien lu : 609 pages d’un récit linéaire rythmé par le flux et le reflux d’une situation de base. On en sort à bout de souffle, sens dessus-dessous comme après un passage dans une centrifugeuse ou le tambour d’une machine à laver à la fin du cycle essorage.

Lecteurs étourdis et/ou à la recherche d’un roman à survoler sur la plage et/ou pour s’occuper l’esprit dans les transports et/ou besoin d’un roman où l’auteur tire le lecteur sur des chemins balisés ... ? Attention : ici, il faut se débrouiller tout seul pour ne pas perdre le nord et surtout, s’accrocher du début à la fin. A quoi ? A la femme qui surveille la cuisson de son gigot, puisque c’est le seul point d’arrimage. Mais…rassurez-vous, on peut aussi se laisser emporter dans « la centrifugeuse de Jauffret » dont le regard tranchant, l’imagination totalement débridée, l’écriture d’une densité incontestable et d’une force peu commune restent on ne peut plus captivants… Univers, Univers, c’est aussi « le style Jauffret » : cynique, amer, acide, cruel, dérangeant. Novateur et hypnotisant.

Univers, Univers, n’est pas un livre comme les autres. C’est une révolution, un grand coup de pied dans les standards de la littérature, de l’écriture comme de la lecture. Un exercice de haute voltige. Une œuvre plutôt qu’un simple roman. Pour en profiter, il faut faire des efforts : « l’œuvre » se mérite…



Extrait (Epilogue)

« Elle a eu trop de noms pour qu’on s’en souvienne. A présent, le gigot est cru, l’agneau s’en sert encore pour gambader dans la campagne, grimper aux arbres, s’envoler de la plus haute branche avec la grâce d’un caillou, d’un caïman, d’un lecteur tombé tête la première dans un roman. Un roman décédé de mort subite. Les livres meurent debout. »


Lien : http://lascavia.com
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Dans le ventre de Klara

Dans ce roman Régis Jauffret remonte à l’origine du mal, sa genèse, sa gestation : la grossesse de Klara, qui aboutit à ce jour funeste de 1889, le jour de la naissance d’Adolf Hitler.



Klara arrive dans la maison de son oncle comme domestique, à Braunau am Inn en Haute-Autriche. Elle devient ensuite sa femme et perd ses deux premiers enfants de maladies infantiles. Voilà pour la réalité historique. Hitler est né d’un inceste, d’un père violent et dominateur.



Nous vivons avec Klara les neuf mois de sa grossesse, faite de privations et d’asservissement, avec une religion fanatique exacerbée. Elle imagine son futur enfant, l’idéalise, mais chacune de ses pensées devient pour elle un péché et elle y laisse sa santé mentale.



Je découvre Régis Jauffret avec ce roman, sa plume poignante qui sait décrire l’intime avec une tension saisissante. L’histoire est entrecoupée par des élans visionnaires terrifiants, décrivant les horreurs qu’engendrera cet enfant à naître, comme une prémonition funeste.



Klara a mis au monde ce que l’histoire a fait de plus sombre. Mais les mères sont-elles responsables des abominations de leurs enfants ?

« les humains accouchent de demain et ils jettent un regard vitreux à la catastrophe dont ils viennent de mettre un fragment au monde et ils espèrent n'être plus quand elle surviendra et le présent ne peut plus rien et le passé ne savait pas »
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Dans le ventre de Klara

L’Histoire ne la connaît pas. Klara est pourtant celle qui porte une bombe dans ses entrailles, « 

la rampe de lancement du massacre »,.

Née à Spital ( hameau de la Basse-Autriche) d’un père paysan, Klara est envoyée chez son oncle Aloïs, afin de s’occuper de sa femme malade et de ses enfants. Elle n’a que quinze ans quand l’Oncle la met dans son lit, une semaine après la mort de sa femme.

Aloïs, né en 1837 en Basse-Autriche, est officier des douanes. D’origine incertaine, peut-être le fils de Georg ( Hiedler), il change de nom puis se marie avec Anna, une femme plus âgée que lui. Après son divorce, il épouse sa jeune maîtresse Franziska dont il aura deux enfants, Aloïs et Angela.

Après avoir perdu deux enfants en bas âge, Klara est à nouveau enceinte. C’est un bébé façonné par Dieu qu’elle souhaite plus robuste. Sa soeur bossue, Johanna, l’aide au quotidien dans cette vie difficile.

Fin du XIXe siècle, la mortalité infantile est élevée avec les épidémies. Au loin grondent déjà les prémisses de la première guerre mondiale avec la montée de l’antisémitisme, l’assassinat de l’archiduc Rodolphe ( 1889).

La religion a une grande influence sur le peuple, surtout sur les femmes. Klara vit en permanence avec la conscience du péché. Chaque jour, elle se confesse auprès de l’abbé Probst qui l’assomme de pénitences.

Écrire, penser sont aux yeux de la jeune femme des péchés. Pourtant, Aloïs, homme incestueux qui la viole chaque jour, a la conscience tranquille.

Régis Jauffret met toute la lumière sur une mère heureuse d’avoir prochainement son propre enfant. Après avoir perdu Gustav et Ida, ses deux premiers nés, elle s’occupe des enfants de son mari. En toile de fond, l’auteur évoque parfaitement les conditions de vie de cette femme soumise à l’approbation de Dieu et de son mari.

Par contre, il n’écrit pas le vrai nom de cet enfant à naître. Si Aloïs a changé quelques lettres à son nom d’origine, l’auteur ne le cite pas. Ce n’est qu’en lisant la quatrième de couverture ( ou en connaissant parfaitement ses origines) que le lecteur fait le lien avec Klara Hitler.

Ce qui laisse un grand flou sur cette histoire. D’autant plus que le style, initialement rythmé de phrases courtes, prend parfois des élans vers une logorrhée visionnaire et énigmatique. Comme si le foetus vomissait par le biais de sa mère les visions cauchemardesques du prochain holocauste.

Il me semble même que le récit se perd parfois entre les prénoms des enfants. Ce qui laisse un goût d’imperfection.

J’ai choisi de lire ce roman pour son sujet. Et il n’est certes pas facile de mêler un futur inconnu de la narratrice à ses émotions de l’instant. Mais à part la consanguinité, les origines incertaines du père, l’éducation qu’on peut ensuite imaginer, rien ne peut laisser présager que nous assistons à la genèse d’un futur monstre.
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Microfictions 2018

C'est odieux, macabre, très drôle ! C'est un livre de chevet pour s'endormir en riant, à condition d'aimer l'humour très noir! Quelle imagination pour écrire 500 textes aussi fous les uns que les autres! On aime ou on déteste, pas de demi mesure ! Bonne lecture....
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Microfictions 2022

Avec son humour noir, son pessimisme crasse et son sens inégalé de la formule, Régis Jauffret continue à dresser le portrait d'une population excessivement violente, sexuée, connectée et malade. Et quand on voir à quel point cette société moribonde l'inspire, on ne peut que souhaiter qu'elle continue sur sa lancée. Mieux encore, qu'elle tende à empirer !

L'article complet sur Touchez mon blog, Monseigneur...
Lien : https://touchezmonblog.blogs..
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Papa

Lu dans le cadre grand prix RTL lire 2020

Bon bein déso mec... t'auras pas mon vote. Même si j'avoue qu'il y a de belles formulations et que j'ai souligné plusieurs phrases.

Regis Jauffret nous alpague en début de récit avec la stupéfaction de reconnaître son père, à la télévision, en 2018. Alfred Jauffret apparaît menotté dans un documentaire sur la police de Vichy. Ça commence fort et on se dit qu'il va y avoir de l'action, du rebondissement et du sale secret de famille révélé.

Ah bah non, c'est juste un règlement de compte bien égocentré qu'il nous livre sur 200 pages en rabaissant plus bas que la terre boueuse ce père sourd et bipolaire, la mère en prend aussi pour son grade au passage. Oui l'enfance dépeinte dans ce roman/récit est cruelle (j'en ai eu mal au coeur à certains endroits) mais tout de même il n'en ressort aucune émotion, aucun sentiment ni empathie. Ça ne résout rien, ça accuse et ça ment pour arriver enfin à prononcer le mot PAPA à la fin. On entend bien la voix de l'enfant qui hurle son manque d'amour mais on n'est pas dupe de la voix de l'homme qui crache pour être dans la lumière.

Donc... non.
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Claustria

Abandon.



Un roman sur l'affaire Fritzl qui est connue médiatiquement, j'en ai vaguement entendu parler. Je me lance les yeux fermés.

C'est un pavé de plus de 500 pages. Dès le début j'avoue que je n'ai pas été à l'aise ! Les paragraphes se suivent.. pas de chapitres distincts, rien! On passe d'une période à une autre comme ça d'un paragraphe à l'autre. Je ne sais si c'est du à la version numérique que j'ai ou est ce délibéré de la part de l'auteur.

C'est plus un roman documentaire que j'ai malheureusement trouvé un peu lourdaud, je n'ai pas pu accrocher.

Je vois un documentaire sur YouTube sur l'affaire, mais non ! Ça ne m'aide pas à reprendre la lecture, je n'arrive pas à aller au-delà de la 150 ème page, je décide de m'arrêter là !

J'abandonne sans regrets.
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Sévère

Plongée la tête la première dans une vie déjantée au sens sexuel du terme. Un couple d'amants se raconte en toute décomplexion. La narratrice qui vient de tuer son amant pour un million de dollars promis se remémore de leur histoire durant sa cavale en avion. Tout est déglingué, sans règle, contradictoire, virant à l'absurde trashoïde. Parfois c'est un peu lourd mais à la fois quand on est riche on peut tout se permettre. La prose sèche et concise sait se faire apprécier car les descriptions de ce genre de pratique au bout d'un moment... Ce que je trouve fort réussi dans ce récit, c'est la quête de sens dans ce non sens absolu, menant jusqu'à l'extrême, le meurtre et l'incohérence comportementale. Elle finit en prison, est-ce moral ou pas ? Ici pas de morale, pas de psychologie au sens psychologisant du terme. Des pulsions, des actes et des conséquences tout allant toujours plus loi qu'on l'aurait imaginé.
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Microfictions 2018

Régis Jauffret récidive. "Microfiction"s date de 2007 ; et en 2018 sort un nouvel opus daté cette fois : "Microfictions 2018".



Cinq cents histoires de famille décomposées, recomposées, désespérées, relatées avec un humour grinçant, féroce, cauchemardesque qui fait souffrir le lecteur ou le fait jubiler pour peu qu'il soit un tant soit peu masochiste. En ce qui me concerne, je suis passée par tous les états...



Sur la forme, les micro-récits d'une longueur égale, (1 page 1/2) sont écrits au scalpel, à la virgule étudiée, au tiret dévié de sa fonction de dialogue, avec des mots justes et bien sentis. Les histoires sont titrées et présentées dans l'ordre alphabétique du titre. Le narrateur écrit à la première personne ; il est homme, femme, vieillard, enfant, patron, pute, employé.e et j'en passe, rarement animal ou objet.



Sur le fond, les narrateurs de ces micros-récits, parfois des petits bijoux de nouvelles littéraires, croquent des vies bancales et composent une immense saga familiale, avec des portraits de monstre comme ils composeraient une galerie macabre où le lecteur viendrait chercher un modèle, une idée pour pimenter sa vie... enfin, peut-être.



L'outrance, l'énormité du propos, à la fois rabelaisien ou relevant de l'univers de Tim Burton, ou de celui du cinéma italien des années soixante dix ("Affreux sales et méchants" d'Ettore Scola), se banalise au fil des pages et quand soudain, une petite envolée lyrique, agréable, s'immisce entre les lignes, on a du mal à y croire. La banalité de la monstruosité : c'est peut-être ce qu'il faut retenir de ce livre.
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Microfictions 2018

C'est drôle, cruel, voire dérangeant, parfois surréaliste, parfois hyperréaliste et toujours remarquablement écrit. Régis Jauffret est un des meilleurs auteurs actuel.
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