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Critiques de Serge Lehman (504)
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Vega

Jolies BD aux dessins colorés et psychédéliques. On y sent une forte inspiration des vieux comics de Jim Starlin. La critique de @Lunalithe dit que chaque page ferait un magnifique poster, ce qui résume bien la chose.



Le scénario, par contre, m'a bien reçu. On y découvre une dystopie d'effondrement climatique un peu générique. Les gens en extérieur doivent porter des masques et l'extinction massive des espèces se poursuit. Le pouvoir est désormais dans les mains des mafias et des villes devenues cité-états.



Les protagonistes découvrent en début de livre la dernière orang-outan. Ils décident de la garder pour tenter de faire renaître l'espèce par fécondation in vitro. Un groupe de clones terroristes veulent la récupérer pour sauver le primate par clonage à la place.



Lors d'une expérience qui a mal tourné, la protagoniste a aussi commencé à se transformer en étoile.



Voilà. Chacun de ces éléments est sous-développé. Et surtout, je n'y retrouve aucun thème, aucune complexité qui font habituellement la richesse des œuvres de Lehman.
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50 Micronouvelles

Etonnant ! Pas seulement vite lu, ce qui est la qualité la plus évidente d'un tel livre. J'ai lu ces 50 micronouvelles avec intérêt, 50 petits messages, 50 tweets.



Ces micronouvelles donc, sont destinées à être lues en version numérique.

Je les ai lues sur mon ordinateur portable, pas sur ma liseuse (quoique le format y serait accessible aussi après quelques manipulations informatiques).



Les nouvelles ont plus souvent le goût étonnant d'un court polar, une touche de suspense, un trait d'absurde, d'humour noir ... Peu ont la poésie d'un haiku (pourtant une forme courte aussi, si on y songe), mais j'avoue largement préférer des micronouvelles à du "nouveau roman". Je peux lire avec plaisir des pavés, mais à condition qu'une ponctuation bienvenue permette de respirer.



50 courts textes à découvrir.



PS ouvrage disponible en EPUB gratuit à ce jour (27 septembre 2014). Bonne lecture.
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Sept, tome 17 : Sept Mages

Sans trop savoir pourquoi, j’avoue que la couverture de ce « sept mages » ne m’emballait pas plus que ça. Peut-être l’aspect un peu tristoune de cette couverture, les couleurs déprimantes, un côté statique chez les personnages… Bref, je n’en attendais pas grand-chose. Mais c’était oublier que c’est Serge Lehman qui officie ici au scénario. Finalement, ce 17ème volet de la série « sept » s’est avéré une très bonne surprise.



Sur un thème très classique, Lehman propose une histoire très bien menée et très prenante. En plus, il y a, derrière le divertissement efficace, un propos intelligemment abordé. L’auteur se permet même de le traiter avec une originalité très surprenante. En général, lorsque le thème de la magie opposée au rationnel est abordé, c’est pour évoquer la fin d’un monde, celui de la magie, au profit d’un autre, celui de la raison. Et bien ici ce n’est pas le cas, le rationnel choisit de s’effacer volontairement devant la magie. Et j’aime ça !



Le dessin de Roudier s’avère très agréable. La B.D en elle-même est bien plus réussie que la couverture. Mention spéciale à Gargan le géant feuillu que j’ai trouvé magnifique, une bien belle incarnation de la forêt.



« Sept mages » est une belle réussite. Lehman est décidément un scénariste que j’apprécie de plus en plus au fur et à mesure que je découvre son travail.



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L'Homme gribouillé

J’ai toujours un peu de mal avec le dessin de Frederik Peeters que je trouve trop léché, trop minutieux. J'aime quand il part dans le fantastique, son personnage corbeau est extraordinaire, les incursions dans les rêves sublimes, mais je le trouve trop laborieux dans les passages réalistes, d’une rigueur qui nuit à l’évasion, un manque de liberté, et c’est ce que j’ai ressenti à la lecture de cette bande dessinée. J’ai eu du mal à me laisser embarquer, à m’attacher aux personnages. L’ensemble est pourtant de qualité et bien consistant, plus de 300 pages, le scénario solide de

Serge Lehman tient la route, le fantastique s'insère dans l’histoire progressivement, tout va crescendo, mais dommage que ça manque de légèreté, de poésie, de dérapages, le sujet s’y serait bien prêté. L’homme gribouillé aurait mérité un peu plus de gribouillages. Du coup, je reste un peu sur ma faim après cette lecture.
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La Brigade chimérique : Intégrale

En Résumé : J'ai passé un très bon moment avec cette Bande Dessinée qui nous offre une histoire de Super-héros européen efficace et prenante le tout dans le contexte historique juste avant la seconde guerre mondiale. L'intrigue est vraiment soignée, efficace, complexe et prenante nous entrainant dans une histoire pleine de rebondissements et de surprises qui devraient en étonne plus d'un. L'univers mis en place par les auteurs est vraiment réaliste, efficace et on sent qu'ils n'ont rien laissé au hasard. Le mélange entre historique et fantastique est vraiment bien intégré et cohérent ce qui fait que le lecteur ne se sent pas perdu. Les personnages sont une des grandes forces de ce livre nous proposant des héros complexes, denses, et soignée possédant leurs propres envies et leurs propres émotions. Les graphismes sont vraiment réussis et efficace nous plongeant avec facilité dans cette histoire et cet univers. Je regrette simplement le fait que vers le milieu l'histoire cale légèrement et que le début ne soit pas obligatoirement des plus faciles à comprendre, mais rien de vraiment dérangeant.



Retrouvez ma chronique complète sur le blog.
Lien : http://www.blog-o-livre.com/..
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L'art du vertige

L'Art du vertige, le "sense of wonder", la scientifiction, le merveilleux scientifique, l'anticipation, l'imaginaire, ... : tous ces termes désignent la SF. C'est un genre littéraire à part entière, mais comme le dit Serge Lehman dans ce passionnant essai sur la SF, c'est difficile qu'elle soit acceptée en tant que telle ! Les débuts ont été malaisés et sont restés longtemps un sous-genre dénigré.



* Je me permets de faire ici une parenthèse personnelle sur ce sujet :

Il en est autrement de nos jours car même les plus grands s'y mettent (mais sans le dire bien sûr !) :

Hervé le Tellier, Kasuo Ichiguro, Laurent Gaudé, Ian McEwan, Darrieussecq,

et beaucoup d'autres que j'oublie... Alors on nomme ces romans par des mots à la mode comme dystopie ou uchronie...

Bref, si L'Anomalie avait été édité dans une maison d'édition classée SF, ce roman n'aurait jamais reçu le prix Goncourt ! *



Revenons à Serge Lehman dont cet essai est prenant et attachant.

Au début il essaie de définir et de cerner la SF dans le temps, via les auteurs et ensuite à travers ses chroniques et autres préfaces écrites entre 2005 et 2012, il dresse des tableaux sur énormément d'écrivains de SF en faisant de nombreuses diversions. Beaucoup d'entre eux sont décortiqués dont surtout Michel Jeury, mais aussi : Druillet, Bilal, Niven, Bester, Williamson, Wagner, Harrison, Robinson, King, etc... sans oublier les anciens Verne, Wells, ...

Il a en plus un attachement tout particulier envers Philip K. Dick (moi aussi !) dont il cite et parle de plusieurs de ses romans et en commençant et terminant cet essai avec lui.

Curieusement peu de lignes sur Asimov et Clarke (dommage) mais beaucoup plus sur de nombreux auteurs français.

C'est un petit mémoire de résonnement panoramique et philosophique sur la SF. Une sorte d'anthologie, pas comme celles de Versins ou de Sadoul, un peu comme les chroniques de Klein et avec beaucoup de détails et d'intérêt.

--> L'Art du vertige est un ouvrage de référence sur la SF, à lire absolument pour les amateurs, les inconditionnels, et les récalcitrants !



(Je n'ai jamais lu un roman de Serge Lehman... Je dois remédier à ça !)



* Merci à Babelio pour cet envoi en masse critique *


Lien : https://laniakea-sf.fr/
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L'Homme gribouillé

♫Noir c’est noir, il n’y a plus d’espoir…♫

Généralement, je n’aime pas tellement commencer sur une citation musicale quand en plus le contexte n’est pas le même, mais « L’homme gribouillé » me fait inévitablement penser à l’ambiance que ces quelques mots peuvent convoyer… Cette bande dessinée, dès les premières pages, s’ouvre en effet sur un Paris nocturne, battu par une pluie torrentielle qui provoquera même des inondations. La pluie, avec sa tristesse et sa mélancolie, sera d’ailleurs omniprésente dans les pages de cette bande dessinée, au dessin exclusivement noir et blanc, qui mêle subtilement des thèmes assez opposés comme la mémoire (peut-on s’affranchir de ses racines ? de son passé ? de ses secrets ?), la puissance matriarcale et féminine, les confréries secrètes (!) dans un registre parfois fantastique, voire horrifique. Frissons garantis.



Betty Couvreur vit une quarantaine assez désenchantée : graphiste dans la maison d’édition qui publie sa mère Maud, une autrice de contes pour enfants terrifiants dont la célébrité et le succès semblent l’écraser un peu, elle tourne en rond dans sa vie, entre galères de mecs qui l’utilisent, une adolescente en pleine affirmation (mention spéciale pour cette Clara effrontée et audacieuse) qui la menace d’aller vivre chez son père et des crises d’aphasie qui la handicapent. Mais tout commence le jour où sa mère fait un nouvel AVC, l’empêchant de se rendre au rendez-vous que lui avait fixé Max Corbeau, un sombre individu qui viendra demander son dû auprès de Clara. Qui est ce maître-chanteur qui semble harceler Maud depuis plusieurs années ? Pour quelle raison le fait-il ? Betty et Clara se lanceront, avec un Max Corbeau bien énervé à leurs trousses, dans une enquête périlleuse qui les mènera bien plus loin qu’elles ne le pensaient, aussi bien géographiquement qu’historiquement, entre traque des Juifs et secret de famille provenant de temps anciens…



C’est une intrigue qui, résumée dans ses grandes lignes comme je viens de le faire, peut sembler convenue. Mais Serge Lehman et Frederik Peeters arrivent à créer une ambiance mystérieuse, avec des rebondissements bien placés, qui m’ont rendue curieuse de savoir la suite. J’ai donc tourné les 327 pages de ce roman graphique sans aucun effort, avec plaisir, malgré certains rebondissements et explications un peu gros (j’accepte volontiers les histoires comme elles me sont proposées quand elles sont fantastiques et bien menées), et une fin un peu facilement troussée. J’ai aimé cette famille de femmes fortes, qui vivent dans leur monde matriarcal dans lequel aucun homme ne trouve vraiment sa place, symbole de cette puissance du féminin, clé de bien des mystères, qui est célébrée dans ce roman graphique. C’est original et rafraîchissant.



Seul petit bémol : je n’ai pas vraiment accroché avec le dessin, malgré sa subtilité et le fait qu’il corresponde vraiment bien à l’histoire, permettant à celle-ci de largement contrebalancer cette « défaillance » esthétique (qui n’engage que moi !).



Cette nouvelle incursion dans un univers (les bandes dessinées et romans graphiques) dont je me suis tenue éloignée pendant trop longtemps, est clairement une réussite.

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Metropolis, tome 4

Avec les séries, il y a toujours un risque d’être déçu par le tome final. Et le risque est d’autant plus grand quand on a été enthousiasmé par les volumes précédents. C’est donc avec une impatience mêlée d’inquiétude que je me suis attaquée à cet ultime volet de « Metropolis ». Les 3 tomes précédents oscillaient du très bon à l’excellent, je craignais donc que ce dernier volume ne soit en dessous. Il n’en est rien, ce dernier tome conclut la série en beauté.



Le scénariste se montre très ambitieux dans son propos. Il ne se contente pas de poursuivre son intrigue efficacement mais lui donne une nouvelle ampleur, de l’épaisseur et une profondeur qui force l’admiration. Les multiples apparitions de personnages réels ne sont en aucun cas un gadget. Tout participe à la cohérence et la richesse d’un récit ambitieux et exigeant qui fait appel à l’intelligence du lecteur autant qu’à ses sens.



Un grand merci à Jamik dont les avis m’ont fait découvrir cette série qui mériterait une plus grande renommée. J'invite les babélionautes à tenter l'aventure et à découvrir cette formidable série.

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L'homme truqué

Plus léger et facile d'accès que la Brigade Chimérique, oeuvre maîtresse -et grandiose- de Lehman située dans le même univers, L'Homme truqué n'en demeure pas moins un excellent moment d'aventure et de fantastique.



Ce one-shot dédié à un fascinant super héros français est brillamment écrit et l'enquête, qui met en scène des "hyperêtres" au lendemain de la Première Guerre mondiale, est tout du long passionnante et constamment originale. On croit lire une BD sur une simple chasse à l'homme mais on se retrouve rapidement sur un tout autre terrain : une réflexion sur les gueules cassées, sur le retour de la guerre de soldats qui ont tout perdu et bien sûr de nombreux mystères liés aux avancées de la science prométhéenne du début du XXème siècle.



Visuellement, c'est tout simplement splendide. Le "filtre vert" utilisé par le dessinateur, notamment lors de la chasse nocturne, est du plus bel effet et donne un vraie personnalité à ce récit.



Que vous soyez fan de super héros ou pas du tout, il ne faut pas passer à côté de l'oeuvre de Lehman autour de ce personnage du Nyctalope, également objet dune très belle série qui revient sur ses origines.

Un magnifique boulot.

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Nymphée

A la fin du XIXème siècles, Robert Farville, le narrateur, nous relate ses aventures, alors qu'il est parti avec une expédition aux confins de la Sibérie. Il y rencontrera l'amour, et rentrera en contact avec d'étonnantes races d'hommes poissons...



J.H. Rosny aîné a écrit plusieurs nouvelles de ce genre, mettant notamment en scène l’explorateur Alglave ("le Trésor dans la Neige", "les Profondeurs de Kyamo", "la Contrée Prodigieuse des Cavernes"). Des récits d'aventure, qui relatent des expéditions lointaines, où l'exotisme se mêle au danger. Bien que l’esprit résolument tourné vers la science, il y a chez Rosny aîné la conviction profonde que la terre regorge encore d'endroits inexplorés et merveilleux.

Dans Nymphée, c'est aussi tout ce "merveilleux scientifique" qui s'exprime, ce courant précurseur de la SF, dont Rosny aîné, à côté d'un Jules Vernes et d'un Herbert Georges Wells, fut un des grands artisans.



Ici le style est très littéraire (il contraste, par exemple, avec le "Trésor dans le Neige", plus proche de Jules Vernes), le ton éminemment poétique et lyrique. C'est ce qui fait la force de cette histoire, qui reste sinon très linéaire. L'évocation des milieux marécageux et des Hommes des Eaux, que rencontre l'explorateur Farville, est vraiment saisissante, et rappelle la minutie des détails présente dans la "Guerre du Feu". La société des Hommes Poissons, imaginée par l'auteur, confine à l'utopie (on sent derrière une certaine idéalisation de la relation Nature / Culture), mais, si c'est une vision bien humaine qui s'exprime, le merveilleux et l'étrangeté sont pourtant au rendez-vous.



Un texte agréable et, si on aime la "Guerre du Feu", il n'y a pas de raisons de ne pas aimer Nymphée (sauf à ne rechercher que le côté "préhistorique" de l'oeuvre de J.H. Rosny aîné).
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Metropolis, tome 1

« Metropolis », comme le film de Fritz Lang, et pourtant ce n'est pas une adaptation du film ou du roman de Thea von Harbou. Mais le titre n'est pas usurpé, la référence est bien là, et d'une manière très adroite.

Ce « Metropolis » est une uchronie, une histoire qui se passe dans une Histoire où une bifurcation aurait eu lieu. Celle-ci part d'un postulat à priori positif : c'est les année 30 et Briand et Steseman auraient réussit leur pari, réunir le peuple allemand et français, uni, en paix, donc pas de Reich, et Metropolis serait cette ville neutre édifiée entre l'Allemagne et la France, une ville moderne, majestueuse, grandiose, infinie.

Un doute plane sur cette réussite, la situation politique est tendue, et ce drapeau imaginé par les auteurs laisse un léger frisson : un drapeau bleu blanc rouge avec une aigle impérial germanique au milieu dans le blanc, l'image est saisissante.

Donc on est dans les années trente, l'âge d'or du cinéma expressionniste allemand, et les références s'accumulent dans chaque image, les citations sont nombreuses, et le scénario s'appuie dessus, mais pas seulement, les effets s'accumulent, Contre plongées, contre champs, zoom, plan généraux, gros plans, angles improbables, qui s'enchainent, et qui donnent une dynamique, Stephane de Caneva utilise le vocabulaire visuel du cinéma sans jamais tomber dans l'effet artificiel des comics américains. Et la couleur elle même participe à cette vision cinématographique avec de forts contrastes, des contre-jours, une lumière expressionniste, celle d'un Murnau (Nosferatu, L'Aurore) ou de Fritz Lang lui-même. Et les personnages de ces films apparaissent, on y retrouve M le Maudit, Loulou (de Pabst) et ces personnaages se mêlent aux personnages réels, j'ai déjà cité Briand et Steseman, mais on y renconter aussi Freud, Peter Kürten (un célèbre serial Killer allemand de l'époque), et parfois une petite pointe d'humour viens interférer dans l'intrigue, je trouve la présence d'un certain Destouches comme médecin légiste assez bien vue, tout comme celle de Churchill comme membre d'un club de fumeurs de cigares. Et ces personnages réels ne sont pas là que pour l'anecdote, mais s'intègrent dans l'intrigue, afin que notre réalité, l'uchronie et la fiction cinématographique se rejoignent dans un univers parfaitement cohérent.

Et puis il y a la ville, Omniprésente, là encore, référence au film Metroplis, et à l'architecture du Bauhaus., des années 30. Sa dimension est écrasante. Les monuments s'étendent sur certaines planches à une seule image, des planches grandioses, imposantes.

Pour finir, l'intrigue ne se limite pas à l'étalage de citations et de belles images, on est dans un univers de thriller qui mêle enquête policière et socio-politique, sous fond de terrorisme, de serial killer... et peut-être plus encore, après tant de surprises, on peut envisager encore beaucoup de choses dans les tomes suivants. le héros est mystérieux, le peu qu'on connaisse de son passé nous laisse présager quelques révélations par la suite, une suite Hitchcockienne...

Ce premier tome de la série ne se contente pas d'un bel hommage au cinéma expressionniste allemand, il donne vraiment envie d'en savoir plus, et crée un univers qui nous incite à approfondir.

La première image de l'histoire, la représentation d'une affiche, se retrouve sur la couverture du quatrième tome... Il faut absolument que je lise la suite !
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Saint-Elme, tome 2 : L'avenir de la famille

Ces toasts sont exactement comme je les aime.

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Ce tome fait suite à Saint-Elme, tome 1 : La vache brûlée (2021) qu’il faut impérativement avoir lu avant. Son édition originale date de 2022. Il a été réalisé par Serge Lehman pour le scénario, et par Frederik Peeters pour les dessins et la mise en couleurs. Il compte soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Ces deux auteurs avaient déjà collaboré pour L’homme gribouillé, paru en 2018.



Dans les alpages, une ferme avec une installation de raffinerie, un chien gisant mort dans la boue, le crâne éclaté par une balle. Non loin un homme étendu dans la boue, gisant inconscient. Adossé à un mur, un homme mort du sang sur le front. Avec un regard de fou, le derviche regarde tout ça, fixement. Une voiture arrive par le chemin de terre. La belle berline s’arrête devant la ferme, à côté du l’homme inconscient. Stan Sax descend du véhicule, toujours vêtu de son pantalon de survêtement rouge, et de son chaud blouson en cuir. Il salue Arno Cavaliéri, et il lui demande s’ils sont tous morts. L’autre répond que non, Kémi s’en est tiré, enfin si on peut dire, il est dedans. Le cadavre adossé au mur glisse lentement vers le sol. Stan Sax rentre dans le bâtiment, pendant que Cavaliéri prend une bûchette pour caler le mort en position assise. Stan secoue Kémi qui gémit un peu, sans reprendre conscience. Il ressort et demande au derviche ce qui s’est passé. Celui-ci lui raconte l’histoire : Félix Morba a pété les plombs. Il devait assurer la sécurité à la place du gros Fred, hier soir, mais Arno imagine que Stan le sait. Il continue : il n’a pas tout vu parce qu’il était dans la camionnette en train de charger la marchandise. Il demande à Stan d’enlever la bûchette, parce qu’elle le gêne. Il adosse le deuxième macchabé contre le premier. Parfait.



Stan Sax demande à Arno Cavaliéri ce qui s’est passé ensuite. L’autre répond que Morba est allé uriner par là-bas, dans la neige, et puis il s’est mis à shooter tout le monde. Sauf Arno qu’il a enfermé dans la camionnette. Stan demande si le signe sur la vitre, une sorte d’œil ouvert, c’est Morba aussi. Arno traîne le troisième cadavre et répond qu’il y avait une fille dans l’appentis, une gamine, neuf ou dix ans, noire. C’est Vassili qui l’a amenée il y a trois jours. Il a juste dit qu’elle valait cher et qu’elle serait partie avant la fin de la semaine. Arno résume : Morba fume tout le monde, part avec la fille et Stan reste bloqué dans la camionnette. Stan continue : il est resté bloqué jusqu’à l’arrivée du type étendu inconscient dans la boue.il s’appelle Franck, c’est un privé, payé par la mère d’Arno pour le ramener. Il l’a cogné un peu fort, mais Franck respire. Stan perd patience, puis se reprend et téléphone. Arno termine sa sinistre besogne en ramenant le cadavre du chien et en le déposant sur les jambes des trois morts adossés au mur. Stan explique que sa sœur Tania va s’occuper de tout, et qu’elle veut une photographie de Franck au cas où il serait passé en ville avant de débarquer ici.



Mystère, mystère. Mais comment les auteurs font-ils pour en raconter autant en si peu de mots ? Le lecteur est frappé par la concision des dialogues : des phrases courtes, rarement plus de deux à la suite par un même personnage, plus souvent seule. Une seule page sans aucun mot, une autre avec seule une onomatopée pour un bruit de moteur, et pourtant une remarquable impression de texte en toute petite quantité. Le lecteur se retrouve épaté par le naturel des dialogues, leur enchaînement à un rythme évoquant une vraie conversation, les particularités d’expression spécifique à chaque personnage. Dans la première scène, le lecteur peut distinguer qui parle de Stan ou d’Arno sans même regarder la case : ils s’expriment de manière différente, dans le choix de leurs mots, dans la construction des phrases, dans les mots ou les expressions qui reviennent. Il en va de même pour chaque personnage, de façon tout à fait naturelle. Le lecteur se rend également compte que malgré leur brièveté, les phrases apportent de solides informations, par ce que signifie la phrase de manière littérale, par ce qu’elle révèle du personnage sur sa réaction à un événement ou à une situation, par son niveau de réflexion. Leur sens en est complété par ce que montrent les dessins : la gestuelle, la posture qui en disent beaucoup sur l’état d’esprit du personnage. Tout ceci, le lecteur l’absorbe de manière inconsciente et automatique, la complémentarité entre texte et dessin étant parfaite.



Le lecteur peut observer l’interaction entre texte et dessin, également à l’occasion des onomatopées : discrètes, toujours parfaitement justes. Cela commence avec le léger bruit du moteur de la voiture qui se fait entendre dans le silence de la montagne. Puis viennent, entre autres, le bruit du cadavre assis qui glisse mollement par terre, le bruit que font les mains du derviche alors qu’il les frotte, le léger clic émis par un téléphone prenant une photographie, les aboiements hargneux du chien, le bruit des coups portés hors champ sur un prisonnier, des murmures inaudibles d’une conversation écoutée derrière une porte, le son des toasts éjectés d’un grille-pain, etc. Ces sons accompagnent la lecture, suscitant l’illusion chez le lecteur qu’il entend parfois ce qui se passe. À sa manière, la mise en couleurs fait également appel aux sensations, avec la présence répétée de différentes nuances de violet, utilisées de manière expressionniste, établissant une forme de continuité entre des éléments disparates, entre des individus même. Outre les ombres portées mauves, le lecteur ralentit de temps à autre son rythme pour savourer une composition inattendue : le contraste entre le rouge et le violet sur le visage de Gregor Sax évoquant un usage similaire par John Higgins dans Watchmen, la lumière verte baignant la chambre en soupente de la ferme, le jaune au cours de l’interrogatoire de Franck Sangaré, entre flammes intenses et effet psychédélique déconcertant, un moment ensorcelant.



Dans le fil des pages, le lecteur absorbe tout naturellement ces compositions de couleurs, sans chercher à les analyser, juste en ressentant le décalage qu’elles induisent, l’ambiance particulière qu’elles installent, l’intensité du ressenti qu’elles provoquent. De la même manière, il ressent l’efficacité de la mise en scène, sa rigueur. Une scène en trois pages : Jansky, Piotr, Arno Cavaliéri et Stan Sax se retrouve dans une petite chambre mansardée en train de regarder Kémi allongé inconscient à la suite d‘une blessure. Jansky ordonne à Piotr de l’achever, Cavaliéri s’y oppose, il s’en suit un affrontement physique. La mise en scène relève du grand art pour parvenir à raconter ce combat dans un espace confiné, à établir une suite de mouvements et de coups cohérente, que le lecteur peut parfaitement suivre, les deux hommes s’adaptant à l’exiguïté de la pièce. Dans un tout autre registre, le lecteur peut suivre Paco et Romane Mertens en balade dans les alpages : le sentier caillouteux, les grands étendues herbeuses, les montagnes pierreuses, les rares sapins, les quelques traces de neige, le repas frugal transporté dans un sac à dos, le rapace qui passe haut dans le ciel. Tout cela donne envie au lecteur de respirer l’air frais et pur de la montagne. Il se remémore alors la présence du règne animal dans le premier tome : ici, les auteurs mettent la pédale douce sur les grenouilles, un peu moins présentes que précédemment. Outre le rapace, il peut voir un chien vivant, un loup tenant une grenouille dans sa gueule, l’animal de compagnie de madame Dombre, et un chamois.



L’intrigue s’avère facile à suivre en ayant le premier tome en tête. Les auteurs prennent la peine de rappeler le nom des personnages ce qui permet de les mémoriser plus facilement : le derviche, la famille Sax (Roland le père, Vik l’épouse, Stan le fils, Tania la fille, Gregor le beau-père de Roland), les hommes de main (Jansky, Piotr, Yanski), Madame Dombre et Bruce, madame le maire (Béatrice), Arthur Spielmann le patron de l’auberge capable de prédire le début et la fin de la pluie, Paco berger blessé à la jambe, Sylvia la cliente de Spielmann, Romane et son père. D’un côté, l’enquête de Franck Sangaré suit son cours et il subit un interrogatoire musclé et chaud. De l’autre côté, l’intrigue est tributaire des aléas, comme la cheville foulée de madame Dombre, ou des brusques sautes d’humeur du derviche. Aussi les développements de l’histoire dépendent de personnages et des imprévus, à l’opposé d’une trame aux enchaînements automatique. L’enquête se serait déroulée tout à fait différemment sans cette cheville foulée, la situation n’aurait pas empiré à ce point si Stan Sax avait pu mettre à profit une plus longue expérience des affaires.



Même s’il y a moins de grenouilles, le lecteur ne peut pas se départir de l’impression qu’il y a d’autres forces à l’œuvre que celles visibles dans les cases. C’est une sensation indéfinissable et ténue : la façon dont un loup tient une grenouille dans sa gueule, le symbole de l’œil ouvert tracé dans le sang par Katyé, les qualités de combattant de Cavaliéri, le stoïcisme téméraire de Sangaré, le père de Romane qui s’adresse à une silhouette invisible ou encore la capacité de prédire le début ou la fin d’une pluie. Il y a quelque chose de pourri au royaume de Saint-Elme. Mais dans le même temps, les auteurs parviennent à raconter un vrai polar, avec la corruption passive de la police, l’enlèvement de la fillette, le trafic de drogues, etc. Mais comment font-ils pour en raconter autant en si peu de pages, et avec une telle économie de dialogues ?



Ce deuxième tome confirme la puissance addictive de cette série : le lecteur est accro et veut en apprendre plus, continuer de pouvoir arpenter les rues de Saint-Elme et la montagne alentour, en découvrir plus sur ce projet de Saint-Elme 2.0, côtoyer cet enquêteur de peu de mots, se réjouir de ne pas avoir le derviche en face lui, se retrouver sous ces éclairages bizarres, voir les méchants châtiés, etc. Et pourquoi des grenouilles ?
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La Brigade chimérique : Intégrale

Lehman nous sert ici une version Franco-européenne de La Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Fantômas y côtoie le Docteur Mabuse, Marie Curie et l'homme-cafard de Kafka.La recherche littéraire est fouillée et respectueuse, l'intrigue est accrocheuse et la chute est excellente!



C'est sincèrement l'une des meilleures BD que j'ai lu. On y aborde de manière très intéressante la montée du fascisme, tout en faisant un parallèle avec la présence des surhommes dans les littératures imaginaires. Lehmann y fait donc une synthèse assez savante entre la tradition de la BD francophone et du comic Anglo-Saxon.
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La Brigade chimérique : Intégrale

« Dans l'Europe en état de guerre civile larvaire, une nouvelle génération de surhommes travaille au contrôle des foules. À l'est, l'organisation qui se fait appeler "Nous Autres" ne se cache plus derrière le gouvernement des Soviets. Au sud, l'archimilliardaire Gog domine la Méditerranée. Mais c'est au centre que se dresse le plus grand ennemi de la liberté, le maître du crime légal et de l'hypnose de masse, MABUSE ! Ce nom seul fait trembler et gémir sur tout le continent... Sauf à Paris. Dans les salles secrètes de l'Institut du radium, la riposte se prépare. Réservez dès maintenant auprès de votre libraire La Brigade Chimérique contre Mabuse. »



Ce texte est une publicité d'époque que l'on pouvait lire à la fin du roman Les Pirates du radium, écrit par Georges Spad en 1934. Serge Lehman, 80 ans plus tard, s'en est inspiré pour écrire, en association avec Fabrice Colin, le scénario d'une bande dessinée. L'histoire est découpée en douze épisodes d'une vingtaine de pages chacun, comme les comics.



Les premiers super-héros américains sont les descendants des héros littéraires tels que Doc Savage ou The Shadow. En Europe, de tels héros ont existés, ils s'appelaient le Nyctalope, Félifax, Harry Dickson... Mais à la Libération, ils sont tombés dans l'oubli. Où sont passés les super-héros européens ? C'est pour répondre à cette question que Serge Lehman a écrit le scénario de la Brigade Chimérique, et également pour nous faire redécouvrir tout une période de la science-fiction. Grosso modo, celle qui s'étend des derniers romans de Jules Verne aux premiers de René Barjavel.



La démarche de Serge Lehman rappelle celle d'Alan Moore et sa Ligue des Gentlemen Extraordinaires. Lehman dépeint une Europe où les héros de la littérature coexistent et côtoient leurs créateurs. L'idée étant que ces derniers ne sont plus des romanciers, mais des biographes. On croise également de grandes figures historiques (Irène Joliot-Curie, Daladier...), des monstres, des extraterrestres, des robots géants, de la magie, des gadgets scientifiques... On pourrait craindre que de tout cela résulte un fourre-tout indigeste mais au contraire, l'univers est étonnamment cohérent et crédible.



La lecture n'est pas facile d'accès. Le rythme est assez lent, il y a beaucoup de textes, l'histoire est dense et ultra référencée. À ce propos, la trentaine de pages de notes concluant l'ouvrage est précieuse. Une vraie mine d'or donnant envie de découvrir un paquet d'œuvres (pour la plupart malheureusement difficiles à dénicher de nos jours, mais Serge Lehman indique parfois quand des rééditions récentes existent). Une lecture exigeante, donc, mais également passionnante. Personnellement, j'ai adoré. Le ton est sombre, le scénario et les personnages sont bien écrits. Visuellement, le trait de Gess est différent de ses Carmen Mc Callum. L'encrage est plus classique. Avec la colorisation de Céline Bessonneau, le rendu colle très bien à l'ambiance rétrofuriste.



La Brigade chimérique est une uchronie steampunk très réussie que je recommande chaudement à tous les amateurs de science-fiction.
Lien : http://lenainloki2.canalblog..
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L'Homme gribouillé

Un drôle d'oiseau planant dans le brouillard du Jura

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J'ai choisi cette BD notamment pour l'auteur. Serge Lehman. Appréciant certains de ses romans.

La couverture: un personnage mi-homme, mi-corbeau me faisant penser aux médecins du 16e siecle, ceux qui soignaient la peste (masque).

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Un ouvrage dense de 328 pages. Le dessin est en noir & blanc, le trait est net, précis et non avare de détails.

Certains dessins ressemblent à des photographies (notamment les scènes dans le Jura, dans la campagne).

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Le thème? Esotérique, intrigue policière, recherche de généalogie, fantastique, légende urbaine,horreur, historique...

Quel petit bijou de fantaisie. J'ai vraiment accroché depuis le début. J'ai tourné les pages avec un réel plaisir. Comme Betty et sa fille, j'ai voulu connaître leur histoire de famille. (un clan exclusivement féminin).

La sensation de pluie qui est partout, elle colle à la peau des personnages. Ce gris, ce noir si glauque qui transperce dans chaque mouvement. Qui scie littéralement les corps humains. (petit spoil!).

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Une atmosphère onirique et surnaturelle qui donne un twist à l'ensemble. La fin est assez abrupte, je n'ai pas bien compris l'histoire du corbeau (attention spoil). Il doit me manquer un élément dans le fil de l'intrigue, peut-être.....

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La quatrième de couverture parle d'un "secret vieux comme le monde", mais là encore je n'ai pas bien saisi. Ou alors, est-ce une ouverture qui propose une suite à cet opus?

Mais, hormis cette fin, j'ai savouré chaque case, chaque script, chaque paysage croqué (l'auteur a dû faire des repérages dans le Jura).

Je le conseille à tous ceux qui aiment cette ambiance à la Tim Burton et aussi aux amateurs de récits fantastiques/fantasmagoriques.





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Metropolis, tome 3

Le 1er tome était très bon, le 2ème excellent, ce 3ème tome est... je commence à manquer de superlatifs. Quel est le mot pour dire plus qu'excellent ? En effet, ce 3ème volet est encore meilleur que les précédents.



L'intrigue et les personnages s'étoffent encore d'avantage, et cela sans que jamais ça ne paraisse fouillis ou incompréhensible. Tout ça est très immersif et complètement addictif. Il y a de belles trouvailles scénaristiques. Visuellement, c'est toujours la fête pour lse yeux.



Ce 3ème tome ne se lit pas, il se dévore. Que dire de plus, si ce n'est qu'après un tel épisode, qui touche au sublime, j'ai maintenant une petite crainte, celle que le dernier volet ne soit pas à la hauteur. Il ne me reste plus qu'à le lire pour le savoir.
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Metropolis, tome 2

Le 1er volume était un très bon tome d'exposition, très prometteur. Ce 2ème volet est encore meilleur et dépasse mes espérances.



L'aspect uchronique prend encore plus d'ampleur et l'utilisation de personnages réels dans ce contexte historique alternatif est particulièrement intéressant.

Les personnages et leurs relations se complexifient tandis que l'enquête progresse de façon passionnante. Les développements proposés dans ce tome en font une lecture de plus en plus addictive au fur et à mesure de l'avancée dans le livre.

Le dessin est toujours aussi beau, simple sans être simpliste, élégant et osant parfois des audaces qui enchantent l’œil comme ces pages très inspirées de Klimt.



Ce 2ème tome est un régal et invite à poursuivre la série de façon urgente.



Challenge B.D 2017
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Saint-Elme, tome 1 : La vache brûlée

C'est une phrase de vieux, ça.

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Ce tome est le premier d’une pentalogie, une série qui constitue une histoire complète, indépendante de toute autre. Son édition originale date de 2021. Il a été réalisé par Serge Lehman pour le scénario, et par Frederik Peeters pour les dessins et la mise en couleurs. Il compte soixante-dix-huit pages de bande dessinée. Ces deux auteurs avaient déjà collaboré pour L'Homme gribouillé, paru en 2018.



Quelque part en montagne, aux abords d’une grange abritant une installation artisanale de traitement chimique, une grenouille croasse. Elle s’élance et bondit dans une zone herbue, puis s’arrête sur la route. Un van passe à vive allure et l’écrase, sans même que le conducteur en ait conscience. À côté de lui se tient un passager, Félix Morba, un grand noir chauve. Le conducteur ralentit et prend un chemin de traverse, celui qui conduit au chalet avec la grange. Les aboiements d’un chien agressif se font entendre. Le conducteur arrête son véhicule devant la maison, et le chien aboie sur les nouveaux arrivants : il est solidement attaché, ce qui rassure le conducteur qui sort du van. Deux hommes armés de fusil viennent l’accueillir. L’un des hommes fait remarquer au conducteur que d’habitude il travaille avec le gros Fred. Pendant qu’il ouvre l’arrière du van avec un trousseau, il explique qu’il y a eu un problème, il racontera plus tard et Curzon est à l’hôpital, il ne restait que Morba, le seul mec qui donne l’impression d’être en taule à l’extérieur. Le chauffeur déplace les cartons à l’arrière, sort un cutter, ouvre une trappe dans le plancher du van et demande à l’homme armé d’aller dire au derviche d’apporter les colis.



Pendant ce temps-là, Morba descend du van à son tour, et s’éloigne pour aller se soulager dans la neige. Il remarque derrière lui un appentis accolé au chalet, avec une porte et un une fenêtre avec un éclairage rouge, sur laquelle est dessiné un unique œil, ouvert. Il s’en approche, dérangeant au passage une grenouille qui croasse doucement. Il se baisse et il regarde par la fenêtre : un enfant se tient assis à même le sol. Il relève la tête et regarde Morba sans parler. L’homme tapote au carreau et lui demande si c’est lui qui a dessiné ça. Il est interrompu par l’arrivée d’un autre homme qui lui demande ce qu’il fait là, et qui lui ordonne de retourner dans son tas de boue. Le chien continue d’aboyer avec hargne. Un autre homme armé indique qu’encore deux voyages et c’est bon. Morba redescend du véhicule. Il enferme le derviche dans la partie arrière et il jette les clés au loin. Un homme armé approche, Morba lui tire une balle dans la tête, à bout portant. L’autre réagit, il l‘abat à deux mètres. Le conducteur rentre dans la maison en courant, Morba l’abat d’une balle dans le dos. Il rentre dans la maison, il remarque quatre verres sur la table : le quatrième lui tire dessus en même temps qu’il ouvre le feu sur lui. Le premier s’écroule à terre, mort, Morba est blessé. Il ressort et il va délivrer l’enfant qui lui dit s’appeler Katyé. Plus tard, un ferry traverse le lac : Franck Sangaré débarque à Saint-Elme et il est accueilli par madame Dombre.



Une couverture qui frappe l’œil du lecteur avec ce rouge éclatant et un peu terni, cette zone de terre assez vague et cette silhouette de dos, qui s’éloigne du lecteur, visiblement un homme en souffrance se tenant le ventre et perdant son sang. Le titre s’avère tout aussi énigmatique : La vache brûlée, et il constitue une image dérangeante. En effet, la mise en couleurs repose sur des choix tranchés et audacieux, mis en œuvre également dans les pages intérieures. L’artiste réalise une colorisation de type naturaliste pour les séquences de jour en extérieur, tout en jouant sur un léger décalage (le ciel crème pour la traversée du ferry) et sur les contrastes (la foule noyée dans une ombre violette sur le quai de débarquement). Il utilise majoritairement des aplats de couleurs, plutôt que des dégradés, apposés en respectant les bordures formées par les traits encrés, et en même temps un aplat peut ne pas remplir complètement une surface détourée, étant alors complété par un autre d’aplat d’une couleur différente. Sous la lumière artificielle ou la nuit, tous les chats ne sont pas gris. L’artiste a recours à une mise en couleurs expressionniste, avec des contrastes très tranchés. Le rouge projeté par une lumière artificielle sur les tuyaux dans la grange baignant dans un vert bleu. Le violet profond de la nuit s’opposant au bleu entre turquoise et aigue marine de la lumière des phares ou des ampoules de la cabine.



Ces teintes participent à l’ambiance bizarre et étrange tout du long de l’album : vues de la rue les lumières vertes ou rouges des fenêtres des maisons, dans la boîte de nuit la cohabitation entre les rouges, les verts, les bleus, les violets, dans les toilettes tout passe en violet. Le lecteur s’en trouve un peu déstabilisé se demandant s’il doit voir quelque chose de particulier dans ces choix d’éclairage non conventionnels. Les questionnements proviennent également des images dès la première. À commencer par le cadrage en plan rapproché sur ces éléments d’une installation de plus grande ampleur : que faut-il comprendre de ce gros plan, sans avoir une vision du tout ? Vient ensuite le sort de la grenouille écrasée sur la route : faut-il y voir une métaphore de ce qui attend les personnages, se déplaçant par automatisme, sans aucune maîtrise sur leur destin, sans compréhension aucune des forces à l’œuvre autour d’eux ? Par la suite, les auteurs mettent en scène d’autres animaux : ce chien que le dessinateur rend des plus agressifs, même le lecteur est rassuré qu’il soit solidement attaché (tout en craignant que le lien ne rompe). Après quelques autres grenouilles, apparaissent un hibou, une vache qui connaît un sort funeste, des mouettes (dont une qui mange une grenouille), un oiseau de proie haut dans le ciel. L’artiste n’humanise en rien ces animaux qui conservent toute leur étrangeté animale, les laissant hors de portée de l’empathie du lecteur. Le lecteur observe cette vache qui est la proie des flammes : il est évident qu’elle souffre, et en même temps la prise de vue en fait presque un objet de vénération ou une victime sacrificielle. Le lecteur envisage alors ces manifestations du règne animal comme des signes de la nature. Mais qui disent quoi ?



La lecture oscille alors entre un défi ludique et des sensations à ressentir. Bon d’accord, des grenouilles et un chien. La prolifération des premières peut s’interpréter comme le signe d’un écosystème spécifique à la région de Saint-Elme. Le chien peut se voir comme le symbole d’un animal captif qui a développé une haine envers le genre humain tant qu’il ne recouvrera pas sa liberté, avec la possibilité de faire un parallèle avec Katyé, également captif. L’œil dessiné en rouge sur la fenêtre ? La mention d’un derviche ? L’animal de compagnie inhabituel de madame Dombre (et d’ailleurs ce nom, d’ombre) ? La cérémonie avec la vache qui finit par prendre feu, ce qui correspond au nom de l’auberge La vache brûlée, simple synchronicité ? La cicatrice permanente de Romane Martens, brûlée par une bouilloire renversée quand elle avait douze ans, simple coïncidence ? À ce petit jeu, les auteurs se montrent redoutables, et le lecteur n’a aucune chance. Il voit bien que certaines mentions, certains éléments prennent tout leur sens quelques pages plus loin. Un petit trafiquant mentionne le nom de Stan Sax dans la même phrase que celui d’Arno Cavaliéri, et le lecteur comprend plus loin comment se positionne la séquence du chalet dans tout ça. Mais doit-il retenir le nom de Curzon dont le conducteur indique qu’il est à l’hôpital ?



Le scénariste a acquis un niveau expert pour mener le lecteur par le bout du nez : il n’utilise que des phrases courtes, avec des objets, des noms, comme ça en passant, et le lecteur ne dispose d’aucun moyen de savoir s’il s’agit d’un détail sans importance, ou au contraire d’un indice dont l’importance sera révélée ultérieurement. Dans ces informations, qu’est-ce qui relève du bruit et qu’est-ce qui constitue un signal essentiel ? Cela rend la lecture aussi ludique qu’addictive par le réflexe participatif qu’elle provoque mécaniquement chez le lecteur. Le dessinateur s’avère tout aussi habile à intégrer un élément visuel de manière négligée, induisant également des tentatives d’identification des schémas chez le lecteur : la case avec les quatre verres vides sur une table (Ah oui d’accord, les trafiquants sont quatre), les passagers sur le ferry, les anonymes dans la rue, les graffitis sur les murs, faut-il prendre le temps de les examiner pour les mémoriser ? Les animaux dans la vitrine du taxidermiste ? Les photographies au mur de la grande salle de l’auberge de La vache Brûlée ? Pour ces dernières, c’est facile, grâce à l’insistance du regard de Romane Mertens. La mention de la mère d’Arno Cavaliéri ? Et pourquoi pas le port de lunettes de soleil par Franck Sangaré ? Après tout, chaque détail peut être signifiant, en application du principe du fusil de Tchekhov.



Dans le même temps, le lecteur peut très bien prendre l’histoire au premier degré, sans se prêter au jeu des indices qui sont peut-être signifiants, ou peut-être pas. Il suit alors Franck Sangaré dans une enquête pour retrouver un jeune homme disparu, un monsieur pas commode, assez sec, très capable d’intimider et de recourir à la violence quand il le faut, faillible (il se fait avoir deux fois avec un coup asséné sur la tête par derrière), une femme qui l’assiste quand elle peut (avant de se fouler la cheville). De rencontre en entretien, ils côtoient des individus issus de différentes couches de la société, et ils mettent leur nez dans des petites combines et dans des gros coups, faisant apparaître au grand jour les véritables intérêts qui façonnent la ville de Saint-Elme, un vrai polar.



Bienvenu à Saint-Elme pour enquêter sur la disparition d’Arno Cavaliéri, une petite ville thermale, avec une population de grenouilles anormalement élevée. La narration visuelle jette littéralement un éclairage inhabituel sur les scènes nocturnes et manie les zones de noir pour donner plus de profondeur à l’étrangeté et au mystère. Les auteurs sont des maîtres en matière de bizarreries, entre indices et altérité inquiétante, le lecteur se retrouvant implacablement à jouer aux devinettes entre signifiant, métaphore, et indices.
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Saint-Elme, tome 2 : L'avenir de la famille

Le deuxième tome reste dans la prolongation du premier, le graphisme de Frederik Peeters est tranchant, contrasté et en couleurs vives, le scénario est toujours aussi tendu, mais on attend toujours le dérapage. L’intensité est toujours bien là, L’aspect mafieux de la famille qui dirige la ville se confirme, mais pour les autres personnages, l’enquêteur, sa collègue, l’enfant enlevé le mystère s’intensifie. Il y a des rebondissements, le suspense est à son comble. Je suis accroché. Vivement la suite.
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L'Homme gribouillé

"Always stays the same, nothing ever changes. English summer rain seems to last for ages"



Quand j'ai feuilleté cette BD j'ai toute suite vu les cases, les planches, magnifiques.

Alors je l'ai lue entière, cette histoire sous la pluie. Des gouttes, des inondations, une pluie de scènes, un découpage de folie. Quel régal de s'arrêter par moment subjugué sur quelques pages. Quel talent.



Et là je ne vous parle que de l'enrobage, parce que l'histoire est tout aussi forte. Aux frontières du roman noir et du conte horrible et fantastique.



Maud Couvreur, célèbre autrice d'histoires grinçantes et horrifiques pour enfants est à l'hôpital, inconsciente. Depuis, il se passe d'étranges choses, elle reçoit chez elle, en son absence, de bien curieux et effrayants visiteurs, et sa fille Betty, qui jusqu'ici avait l'impression de vivoter dans l'ombre bienveillante de sa mère, a bien l'intention de tirer tout ça au clair. Elle embarque pour ce faire son ado de fille pour enquêter velu dans le passé de sa famille qu'elle croyait solitaire et sans histoire.



Polar, sorcellerie, mystère et boule de poils. Le rythme ne laisse aucun répit sauf celui de contempler les cases, heureusement l'histoire est découpée en chapitres, idéal à lire épisodiquement donc quand on peut se poser, car le livre est gros, lourd, peu transportable.



Un coup de cœur phénoménal et que je n'attendais pas pour cette BD. Un regret de l'avoir déjà terminée (et égoïstement que je l'ai empruntée et qu'elle ne soit donc pas mienne car ce doit être un régal tout aussi grand à la relire).



[Coup de cœur]
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