Claudia et Frieda ont la chance d'être soudées, et d'être nées dans une famille qui leur a donné de la force même si la tendresse maternelle venait à manquer. Pecola, elle est née dans la violence et est rejetée par tous pour sa laideur. Alors que Claudia reste fière de qui elle est et méprise les poupées blondes qu'on lui offre, Pecola ne rêve que d'avoir les yeux bleus et de ressembler à Shirley Temple.
Cette année là, les marguerites n'ont pas germées à Lorain, Ohio. Claudia et sa sœur Frieda se demandent si c'est parce que Pecola allait avoir son bébé, le bébé de son père...
Dès les premières pages, le récit regorge de malheur et de violence. Ce roman, le premier écrit par Toni Morrison, aborde déjà les thèmes qui vont articuler son œuvre. Il dénonce la société américaine ségrégationniste, une société qui décide de la supériorité des Blancs, qui détermine à quoi il faut ressembler pour avoir de la valeur. Et qui pousse les Noirs à la violence et à la folie, folie de ne pas être accepté tout simplement comme un Etre humain.
Tout dans la société tant à montrer à quoi il faut ressembler, comme par exemple le cinéma et ses modèles de stars blanches et blondes. Pour la mère de Pecola qui aimait se coiffer comme Jean Harlow,
"C'était un plaisir simple, mais elle a appris tout ce qu'il fallait aimer et tout ce qu'il fallait haïr" p.130
Les blessures et les vexations sont quotidiennes et entraînent une violence qui doit rester contenue. Comment alors ne pas la déverser sur ses enfants ? Peut-on aimer et faire preuve de tendresse dans l'adversité quotidienne ?
"Les insultes faisaient partie des ennuis de l'existence, comme les poux." p.163
Dans ce contexte où les hommes sont victimes d'insultes et de coups, les femmes sont en plus victimes des hommes.
"Elles étaient entrées dans la vie par la porte de service. Convenables. Tout le monde était en position de leur donner des ordres. Les femmes blanches leur disaient : "Fais ça." Les enfants blancs leur disaient : "viens ici." Les hommes noirs leur disaient : "Allonge-toi." Les seuls dont elles n'avaient pas besoin de recevoir des insultes étaient les enfants noirs et les autres femmes noires." p147
Ainsi que les enfants.
Mais la plus grande violence que j'ai ressentie en lisant ce livre ne vient pas des coups reçus ou portés, elle vient de la négation de l'identité des Noirs. Comment se construire quand tout nous porte à croire que nous ne valons rien ? Comment vivre en rêvant d'être quelqu'un d'autre ? Même si ce roman parle de la situation aux Etats-Unis dans les années 1940, ces questionnements sont universels et peuvent concerner tous les laissés pour compte encore aujourd'hui.
Enfin, l'écriture de Toni Morrison est très belle et poétique. Ce qui rends le roman encore plus fort car ses mots nous touchent et nous font ressentir, percevoir toute la violence dépeinte.
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