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Critiques de Toni Morrison (1261)
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L'oeil le plus bleu

Claudia et Frieda ont la chance d'être soudées, et d'être nées dans une famille qui leur a donné de la force même si la tendresse maternelle venait à manquer. Pecola, elle est née dans la violence et est rejetée par tous pour sa laideur. Alors que Claudia reste fière de qui elle est et méprise les poupées blondes qu'on lui offre, Pecola ne rêve que d'avoir les yeux bleus et de ressembler à Shirley Temple.

Cette année là, les marguerites n'ont pas germées à Lorain, Ohio. Claudia et sa sœur Frieda se demandent si c'est parce que Pecola allait avoir son bébé, le bébé de son père...



Dès les premières pages, le récit regorge de malheur et de violence. Ce roman, le premier écrit par Toni Morrison, aborde déjà les thèmes qui vont articuler son œuvre. Il dénonce la société américaine ségrégationniste, une société qui décide de la supériorité des Blancs, qui détermine à quoi il faut ressembler pour avoir de la valeur. Et qui pousse les Noirs à la violence et à la folie, folie de ne pas être accepté tout simplement comme un Etre humain.

Tout dans la société tant à montrer à quoi il faut ressembler, comme par exemple le cinéma et ses modèles de stars blanches et blondes. Pour la mère de Pecola qui aimait se coiffer comme Jean Harlow,

"C'était un plaisir simple, mais elle a appris tout ce qu'il fallait aimer et tout ce qu'il fallait haïr" p.130

Les blessures et les vexations sont quotidiennes et entraînent une violence qui doit rester contenue. Comment alors ne pas la déverser sur ses enfants ? Peut-on aimer et faire preuve de tendresse dans l'adversité quotidienne ?

"Les insultes faisaient partie des ennuis de l'existence, comme les poux." p.163



Dans ce contexte où les hommes sont victimes d'insultes et de coups, les femmes sont en plus victimes des hommes.

"Elles étaient entrées dans la vie par la porte de service. Convenables. Tout le monde était en position de leur donner des ordres. Les femmes blanches leur disaient : "Fais ça." Les enfants blancs leur disaient : "viens ici." Les hommes noirs leur disaient : "Allonge-toi." Les seuls dont elles n'avaient pas besoin de recevoir des insultes étaient les enfants noirs et les autres femmes noires." p147

Ainsi que les enfants.

Mais la plus grande violence que j'ai ressentie en lisant ce livre ne vient pas des coups reçus ou portés, elle vient de la négation de l'identité des Noirs. Comment se construire quand tout nous porte à croire que nous ne valons rien ? Comment vivre en rêvant d'être quelqu'un d'autre ? Même si ce roman parle de la situation aux Etats-Unis dans les années 1940, ces questionnements sont universels et peuvent concerner tous les laissés pour compte encore aujourd'hui.

Enfin, l'écriture de Toni Morrison est très belle et poétique. Ce qui rends le roman encore plus fort car ses mots nous touchent et nous font ressentir, percevoir toute la violence dépeinte.
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Home

Première rencontre avec Morrison pour moi, si l'on excepte le film Beloved, vu il y a longtemps et qui ne m'a pas laissé de souvenirs impérissables. Home est un court roman qui ne fait pas dans le détail et qui se soucie peu de ménager son lecteur. En d'autres termes, attendez-vous à avoir la gorge et les poings serrés pendant cette lecture.



Nous sommes dans les années 50 aux États-Unis, suivant Franck Money, récemment revenu de la guerre en Corée, et l'on va pouvoir goûter toute la violence et les horreurs de cette période foireuse de l'histoire américaine, à travers l'histoire de ce vétéran.

Souffrant de traumatismes et incapable de se réinsérer dans la société civile, Franck subit aussi les fantômes de son passé. Car à l'époque, nul besoin de partir au front pour subir la violence et craindre pour sa vie et celle de ses proches, surtout quand on est un afro-americain ayant grandi au Texas et en Géorgie.



Sur fond de ségrégation raciale et de lutte contre le communisme, hors et à l'intérieur des frontières, on suit la lente déchéance de notre personnage, qui intervient parfois à la première personne pour reprendre le récit en main. Celui-ci apparaît parfois comme décousu, avec des transitions dans le temps et l'espace sans logique apparente, mais qui va prendre progressivement tout son sens.

On ressort évidemment meurtri de cette lecture. La narration, souvent glaciale, nous plonge alternativement dans l'horreur et l'affliction, bien aidée par des personnages à fleur de peau, à qui la vie n'a bien souvent jamais fait de cadeaux.



Pas simple de faire une critique de cette oeuvre pour ma part, n'arrivant pas mettre des mots exacts sur mon ressenti, ni à en décrire vraiment ce qui m'y a plu. Ou ce qui m'a pris aux tripes, plutôt.

Des thèmes souvent vus dans la littérature américaine, mais abordés et développés de manière habile et puissante. Un livre à mettre entre toutes les mains, passé un certain âge évidemment.
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Home

De retour de Corée, Frank tente de se reconstruire, d’oublier les images de ses amis morts et de se faire une place parmi les vivants. Mais les fantômes de la guerre continuent de le hanter et il peine à garder des relations stables. Quand il reçoit un appel au secours de sa petite sœur, gravement malade, il se lance sur les routes du sud pour la retrouver et la ramener à Lotus, la ville de leur enfance…



Première approche pour moi du livre audio, un support pas si facile en fait ! J’ai dans un premier temps eu des difficultés à me concentrer sur l’écoute, il faut accepter de ne rien faire d’autre en même temps pour fixer son attention. Je fais partie des lecteurs «lents », qui font des allers retours dans l’intrigue, relisent parfois la même phrase pour bien s’imprégner du texte, compulsent les annexes et les notes de bas de pages…donc sans le support papier j’étais un peu perdue !

Mais j’ai écouté cette histoire lu par Anna Mouglalis dont la voix grave et envoûtante m’a finalement happé. Très adaptée à l’écriture enveloppante mais non dénuée de violence de Toni Morrison, j’ai beaucoup apprécié son interprétation.

On retrouve ici les thèmes chers à l’autrice, ségrégation, folie, rédemption, mais j’ai jugé la forme plus accessible que dans Beloved, tout en y retrouvant la force poétique qui m’avait tant plu et marquée.

C’est un texte sur l’acceptation de soi;

c’est aussi un beau roman sur les liens fraternels et leur pouvoir d’apaisement si ce n’est de guérison. Et j’ai trouvé cette dernière idée très belle et touchante.
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Home

« Cette maison est étrange. Ses ombres mentent. Dites, expliquez-moi pourquoi sa serrure correspond-elle à ma clé ? » (p. 9) Celui qui cherche à retrouver sa maison, son chez-lui, c’est Franck. Il s’est échappé d’un asile et il est prêt à tout pour revenir à Lotus, en Géorgie : prêt à traverser tous les pays, prêt à essuyer des humiliations, prêt à courir tous les dangers pour retrouver Cee, sa petite sœur qui a besoin de lui. Revenu de la guerre de Corée avec des souvenirs traumatisants qui confinent à la folie, Franck doit se réhabituer à la vie civile, laisser ses démons derrière lui et ne pas plonger dans le traître et éphémère réconfort d’une bouteille de whisky. « Voilà que revenait la rage incontrôlée, la haine de soi déguisée en faute de quelqu’un d’autre. » (p. 22)



En parallèle, on suit la vie de Cee depuis que Franck s’est enrôlé. La jeune fille qui ne pouvait compter que sur son frère est tombée d’illusions en déconvenues. Elle est en bien mauvaise posture quand Franck la retrouve, mais elle a appris à s’occuper d’elle. Si son frère lui sauve la vie, elle n’a désormais plus besoin de l’intense et constante protection dont il l’entourait. Cabossés par l’existence, le frère et la sœur s’aiment toujours autant, mais leurs peines respectives les ont fait grandir et s’ouvrir au monde. Pour Franck et pour Cee, il est désormais temps de trouver leur foyer et d’apaiser leurs peurs et leurs douleurs. Une vie de souffrance leur a appris à être libres et à vivre pour et par eux-mêmes et leur a permis de comprendre que chacun est sa propre maison, que chaque cœur libre est une demeure solide.



Toni Morrison s’attaque à un autre pan de l’histoire des Noirs américains. Après l’esclavage, elle aborde la ségrégation et pointe les cruelles injustices de ce peuple déraciné, sans cesse empêché de s’intégrer. « Une armée où les noirs ont été intégrés, c’est le malheur intégré. Vous allez tous au combat, vous rentrez, on vous traite comme des chiens. Enfin, presque. Les chiens, on les traite mieux. » (p. 25) Home est plus court que Beloved ou Love, il est aussi moins dense et plus digeste. Entre la narration au style indirect et les chapitres en italique où Franck se livre, voire se confesse, le lecteur découvre toute l’horreur d’une enfance mal aimée et le drame d’une Amérique qui ne reconnaît pas ses héros et qui tremble devant une menace rouge fantasmée.



J’ai été bouleversée par les passages où Franck parle des femmes, faisant d’elles des anges salvateurs même si elles ne sont que des cocottes ou des emmerdeuses. Pour cet homme meurtri qui flirte avec la folie, la douceur féminine est plus qu’un baume, elle est un chant d’espoir et la promesse d’un lendemain plus serein. « Elle avait quelque chose qui m’a stupéfait, qui m’a donné envie d’être assez bien pour elle » (p. 76) Et d’autres passages m’ont noué la gorge, quand Franck évoque l’enfant qu’il était et l’amour surprotecteur qu’il éprouvait pour sa sœur, les deux gamins ayant grandi en se soutenant l’un l’autre. « Sans mes deux amis, j’aurais étouffé vers l’âge de douze ans. C’étaient eux, en plus de ma petite-sœur, qui maintenaient à l’arrière-plan l’indifférence des parents et la haine des grands-parents. » (p. 89)



C’est un sans faute pour Home qui m’a émue au-delà des mots.

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Home

Dans l'Amérique ségrégationniste des années 1950, Frank doit traverser le pays pour rejoindre sa sœur malade. De retour de la guerre de Corée, il a du mal à faire face à ses souvenirs, à ses traumatismes.





"Home" fait partie de ces romans qui peuvent changer notre compréhension de l'Humain. Petit à petit la vie de Frank et de ses proches nous est dévoilée : son enfance difficile, sa relation avec sa sœur Cee, sa relation aux femmes...

Et par la vie de Frank, l'auteur nous parle de rédemption, de culpabilité et l'expression "les fantômes du passé" prend ici tout son sens. Elle nous parle aussi de l'Amérique de cette époque, comment étaient traités les Noirs, le maccarthysme.



Toni Morrison a écrit un roman très court ; à se demander comment elle peut y aborder toute une vie d'homme. Mais c'est pourtant ce qu'elle fait. Il n'y a aucun remplissage dans ce roman, pas un mot de trop. L'auteur va à l'essentiel et peut dire beaucoup en une simple phrase. Ce qui est à mon avis la maîtrise absolue de l'art d'écrire. Le style est exquis, la construction du roman parfaite.
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Beloved

Si Beloved est puissant par son sujet, superbe hommage aux femmes et aux esclaves, ses constants allers-retours entre présent et épisodes passés plus ou moins proches, son Southern Gothic hanté par une nature envoûtante et des fantômes inquiétants, son ambiance lourde, pesante, le malaise qui y est prégnant rebuteront plus d'un lecteur. En réalité, c'est le dernier tiers qui fait de ce roman un livre vibrant : les personnages y acquièrent davantage d'épaisseur, notamment grâce à des passages à la première personne, et le rythme chantant de la langue de Morrison s'envole, enfin (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/05/01/beloved-toni-morrison/)
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Remember The Journey to School Integration

Je suis tombée sur ce livre alors que je cherchais des photos d'archives pour expliquer la ségrégation et la déségrégation aux Etats-Unis à des jeunes.



Connaissant assez bien cette brillante auteure américaine qu'est Toni Morrison, je me suis bien sûre précipitée pour acheter ce livre dès que j'ai eu connaissance de son existence. Et c'est un pari plus que gagné.



Toni Morrison a su faire une sélection intelligente et pédagogique pour expliquer le cheminement qui a amené la communauté Afro-Américaine au combat pour les droits civiques, demandant la fin de la ségrégation raciale. Cette tâche très ardue a débuté avec la déségrégation des écoles. Certes, surtout en théorie.

Les archives sélectionnées montre bien le décalage entre le décret acté par la Cour Suprême le 18 mai 1954 ( "Brown vs Board of Education") et l'application de la loi, mais surtout la résistance farouche opposée par les blancs, notamment dans les Etats ruraux comme l'Arkansas et les Etats du Sud.



La prose fine, pleine d'intelligence et de bon sens de Toni Morrison sert à merveille les images qui ont pourtant réputation de mieux valoir qu'un long discours.

L'auteur permet à des générations plus jeunes (et à des non Américains) de comprendre l'effet de la ségrégation et le combat des droits civiques d'un point de vue "émotionnel" sur les Noirs.



Ce livre - qui réalise un véritable devoir de mémoire - a reçu le Coretta Scott King Award, un prix qui récompense des oeuvres qui favorisent l'esprit de fraternité, de paix et de changement social non violent.

Pour l'anecdote, qui a tout de même son importance : Toni Morrison a dédié ce livre à Denise McNair, Carole Robertson, Addie Mae Collins et Cynthia Wesley : les quatre jeunes filles mortes dans l'attentat à la bombe de Birmingham, Alabama. Pour nous rappeler que comme tout combat, les heurts dégénèrent et emportent souvent des vies innocentes.

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Home

150 pages d’une écriture finement ciselée, qui parle du sud des États-Unis dans les années 50. On y retrouve les misères du racisme envers les noirs qu’on traite moins bien que les chiens, la misère aussi des enfants qui découvrent la « beauté » du monde.



Parmi les thèmes abordés, je retiens celui de la culpabilité. Culpabilité du soldat pour les actes commis pendant la guerre, mais aussi culpabilité d’être encore en vie alors que ses compagnons sont morts. Culpabilité de la victime qui se sent coupable de s’être fait avoir, de ne pas avoir été capable de se défendre, culpabilité aussi d’un inconnu qu’on a obligé à se battre à mort et dont « sa vie, dont je doute qu'elle ait valu grand-chose pour lui après ça. ».



Heureusement, un autre thème est porteur d’espoir, celui de la résilience, la force tranquille de ces femmes qui travaillent sans relâche, qui soignent même celle qui ne le mérite pas, qui oublient la haine et la vengeance pour continuer à vivre. Malgré toutes les difficultés, elles créent un chez-soi, un « home » pour que la vie continue.

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Home

Plus un texte est court, plus il se doit d’être efficace et intense. Le dernier roman de Toni Morrison a indiscutablement ces deux qualités, et bien d’autres encore… Il ravira tous les adeptes de l'auteur et surtout ceux qui ne la connaissent peut être pas encore, Home est l'un de ses romans les plus accessibles. C’est une plongée frémissante dans une Amérique encore frappée par la terrible ségrégation raciale et rongée par le maccarthysme.



Frank Money vit dans un monde où les "cagoules blanches" mènent la vie dure aux siens, un monde dans lequel "les médecins ont besoin de travailler sur les pauvres qui sont morts pour pouvoir aider les riches qui sont vivants", un monde dans lequel "les flics tirent sur tout ce qu’ils veulent ", même les enfants, fouillent les pauvres types dans la rue et leur confisquent le peu d’argent qu’ils ont, un monde dans lequel on tue les gens qui refusent de quitter leur maison quand on le leur demande. Frank est noir et il habite l’Amérique des années 1950. Enfant, alors qu’il regarde, en compagnie de sa sœur, Cee, des chevaux se battre, "se dresser comme des hommes ", Frank assiste à quelque chose qu’il n’aurait jamais dû voir, l’enterrement à la sauvette d’un homme dont il ne verra que le pied, noir. Des années plus tard, de retour de Corée où ses deux meilleurs amis sont morts de manière forcément atroce, où il a laissé une partie de sa raison et de son insouciance de jeune homme, il essaie de se reconstruire aux côtés de Lily, rencontrée à la blanchisserie où elle travaille. Le réapprentissage de la vie est difficile et les occasions de péter les plombs nombreuses. Hanté par des souvenirs douloureux, Frank avance comme il peut, entre moments de répits et crises d’angoisse. Jusqu’au jour où il reçoit un courrier lui annonçant que sa sœur est en danger de mort et qu’il doit venir très vite s’il veut la sauver. Le chemin est long, de Seattle à Atlanta, dans sa Géorgie natale, pour aller la retrouver, long et semé d’embûches pour qui ne connaîtrait pas les lieux à éviter. Mais rien ne l’empêchera de ramener Cee qu’il a toujours protégé, vers la ville de leur enfance, Lotus, qu’il a pourtant jadis qualifié de "pire endroit du monde"…



Dans ce court roman (153 pages) incroyablement dense, on retrouve tout le talent et l’efficacité de Toni Morrison. La structure du texte est remarquable. La force de son écriture, belle et subtile, est présente du début à la fin. Les grands thèmes de l’auteur sont là: les origines, le racisme, la détresse, l’enfance, la folie, la possibilité de rédemption. Partageant son récit entre le frère et la sœur, elle équilibre parfaitement ce qu’elle veut nous transmettre : la difficulté de cette jeunesse maltraitée à trouver sa place ; le poids de l’Histoire et de la famille ; l’injustice qui semble immuable ; le cauchemar de la guerre. Ne cédant pas au pessimisme, elle montre que le chemin vers un certain bonheur est difficile mais pas insurmontable, que la force de caractère mène à la guérison et que, même blessé, l’être humain peut s’en sortir. Un livre pour ne pas oublier, pour continuer la lutte, pour rester humain.

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Un don

Vingt ans après Beloved, Toni Morrison nous emmène de nouveau sur les traces de l'esclavage aux États-Unis, avec un lyrisme et des personnages envoûtants.



Ouvrir Un don, c'est se plonger dans le monde sauvage et encore anarchique qu'était l'Amérique du XVII ème siècle, " un monde si neuf, presque inquiétant de cruauté et de tentation " . C’est aussi se plonger dans l’univers des esclaves et des riches plantations, comme seule Toni Morrison, Prix Nobel de littérature 1993, sait le raconter.



Il y a tout d’abord Florens, narratrice et esclave. Abandonnée par sa mère, Florens est visitée chaque nuit par le fantôme de celle-ci, hantée par la blessure de cet abandon, par un secret, dont nous découvrirons la clé qu’à la toute dernière page. Florens travaille pour Jacob Vaark et son épouse Rebekka, « Mistress », émigrants européens épris de liberté, et entourée de Lina, l’intendante d’origine amérindienne, et de Sorrow, considérée comme une faible d’esprit.



Nous suivons Florens, son quotidien, sa découverte de l’amour, ses conditions d’esclave, ses démons. Nous retrouvons à travers son destin les thèmes si chers à l’auteure : l’esclavage, évidemment, l’épreuve, la dureté de l’homme, la façon qu’à chacun de se construire dans l’adversité, la lutte, la douleur, la violence, la destinée.



Chant lyrique et polyphonique, Un don est aussi animé par les songes, les pulsions, les délires et les obsessions de certains personnages, et l’on retrouve la dimension mystique et symbolique que nous avions plaisir à trouver dans Beloved.



Ce roman demande une attention particulière, le récit se fait à plusieurs voix et dans l’intemporalité. En d’autres termes, on peut être souvent perdu. Il est donc conseillé de ne pas l’avoir entre les mains dans un moment où l’esprit est trop agité. On s’accroche aux premières pages, il ne faut pas se décourager car on finit toujours pas retrouver le fil de l'histoire. … pour se laisser porter, puis envoûter.



Un très beau livre qui donne envie de relire Beloved !

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Paradis

Ruby est une ville de l’état de l’Oklahoma, fondée par une communauté noire dans les années 50 sur des principes religieux très stricts, et refusant tout contact avec des Blancs ou des métis. Ils vivent en autarcie dans une société presque idéale…refusant d’admettre certaines vérités. A quelques kilomètres du village vivent une poignée de femmes seules dans un ancien couvent. Ces femmes blessées par la vie viennent trouver refuge et espoir dans cette étrange demeure dont la vocation ne fut pas toujours aussi sainte.



Or les hommes du village, ayant recréé la société intolérante qu’ils fuyaient, et avides de ne rien remettre en question de leurs convictions profondes, vont reporter sur ces femmes libres toute la rancœur qui les habite, les accusant des maux qu’ils ont eux-mêmes engendrés. Une société fermée sur elle-même arrive forcément à ses limites, les jeunes ont le désir de vivre, d’aller voir ailleurs, l’amour ne suit pas forcément la bonne couleur de peau, la mort et la maladie font partie de la vie…Donc ils s’arment un beau jour de fusils et c’est le massacre. A l’opposé de ce que devrait prêcher la religion…



On est happé par la puissance du texte et de l’écriture de Toni Morrisson et frappé par l’actualité de son récit, à l’heure où les replis minoritaires et identitaires semblent pour certains un refuge. Et alors que beaucoup d’individus en souffrent, les femmes sont souvent les premières victimes, même si certaines se font le porte-parole de leur oppression…Un très beau livre !

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Beloved

Ce roman se déroule après la fin de la guerre de Sécession, dans une ferme de l'Ohio où une femme vit avec sa fille et le fantôme d'une enfant. L'arrivée d'un homme dans la maison chasse le fantôme mais alors surgit Beloved (Bien-aimée), une mystérieuse jeune femme …



L'histoire se construit petit à petit autour de nombreux retours en arrière qui évoquent l'époque où les protagonistes étaient encore des esclaves. Ses nombreux tours et de détours dont les méandres dissimulent l'énigme du réel, font la peinture d'un monde cruel où les esclaves étaient privés de leurs parents, de leurs enfants, de leurs compagnons. Un monde qui révèle la réalité de l'esclavage aux Etats-Unis dans toute son horreur. L'extrême violence dont ont fait preuve les esclavagistes était d'une cruauté telle que la souffrance engendrée pouvait rendre fou et que certains lui préféraient la mort.



C'est ce que nous raconte Toni Morisson dans ce roman sublime. J'ai tout aimé. De l'écriture si particulière, pas toujours facile à comprendre quand l'auteur procède par allusions (elles s'éclaircissent au fil des pages) ou en utilisant des images qui ne m'ont pas parlé, à l'histoire elle même qui fait appel au surnaturel, écho de l'imaginaire africain.

L'évocation de l'utilisation du mors, parmi tous les mauvais traitements infligés aux esclaves, m'a profondément choquée. Il faut avoir totalement perdu le sens de l’humanité pour pour imaginer mettre cet attirail dans la bouche d'un homme ou d'une femme. A elle seule cette pratique en dit long sur la façon dont les esclavagistes considéraient les Noirs. Pire que des bêtes... car il ne serait jamais venu l'idée des esclavagistes de torturer leurs chevaux.

Ceci dit, un grand moment de lecture !
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Délivrances

Un roman atypique, métaphorique et presque onirique.



Une histoire qui parle de traumatismes, d'amour et de deuil.



Lula Ann, dite Bride, n'a jamais su se faire aimer de sa mère à cause de sa peau trop noire. Sweetness la mal nommée, n'est avec elle que distance et dureté. Ce qui laissera à Bride une plaie au cœur et une soif d'amour difficile à étancher. Elle transforme son étonnante noirceur en fascinante et lumineuse beauté, se délivre de la prétendue laideur de sa peau et trouve Booker à aimer sans toutefois parvenir à s'abandonner à lui, à eux. Elle ne sait rien de lui, rien du fardeau qu'il porte lui aussi. Pour elle, il s'agit d'un terrible mensonge, pour lui, d'un fantôme trop lourd à porter.

Alors, lorsqu'il la rejette, sans qu'elle comprenne pourquoi, elle sait juste que le rejet lui est intolérable, elle part à sa recherche et nous assisterons enfin à leurs délivrances...



Mon premier Toni Morrison qui me laisse un peu interdite et déconcertée, mais aussi, intéressée par l'expérience de ma lecture et ma route avec elle n'est donc pas terminée.
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Beloved



Bel exemple de « réalisme magique », un style littéraire que j’ai un peu de mal à aborder d’habitude (ne pas tout comprendre m’agace beaucoup !) ce livre exigeant, m’a oppressé, remué et pourtant vraiment fasciné.

Sethe, ancienne esclave échappée de la plantation du « Bon abris »il y a 18 ans, vit dans les souvenirs de sa vie « d’avant » et d’un épisode tragique en particulier : la mort de sa fille de deux ans, qu’elle a tué de ses mains.

Ecrites dans un style très lyrique, les premières pages m’ont données du fil à retordre, car j’avoue avoir été un peu submergée par les passages oniriques, à la frontière du surnaturel, où les époques et les voix s’entremêlent... Et pourtant, je n’ai pas pu abandonner, j’étais comme hypnotisée par la beauté et la poésie de la langue et par la violence de l’histoire.

Comment trouver la rédemption, se réconcilier avec soi même et avec la vie, quand on a commis l’impensable, un infanticide ? c’est sur cette question terrible que Toni Morrison invite à la réflexion, avec en toile de fond les dégâts psychiques, séquelles de l’esclavage, d’une population noire américaine non encore affranchie.

D’une écriture sublime, Toni Morrison tend un miroir ou se reflète la folie des âmes privées de leur liberté d’aimer.

Un très beau roman, qui toutefois se mérite.

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Beloved

On voudrait croire au paradis....sur terre. Et puis l'enfer...pour personne.

Beloved, bien aimée. Toni Morrison a ouvert les entrailles du monde, elle nous les a écrites.

A nous de trouver le courage de les lire.

« L'oeil le plus bleu »... « Home ». Et puis Beloved. Bien aimée, Beloved, l'enfant sans nom, le nom de tous et de personne.

On tue d'amour, comme on peut en mourir parfois.

Enfer,... paradis, entre les deux ? de la terre, toute la terre dans le creux de nos mains.

On ne tue jamais par amour, mais de la haine, celle que l'autre vous a infligé.

Sethe n'est pas Médée. Sethe ne tue pas par dépit, par vengeance, elle ne détruit pas, elle ne sacrifie rien. Elle choisit. Elle choisit de sauver ses enfants. De la seule façon qu'il lui reste. Avec sa raison, avec son instinct, elle porte la main sur ses enfants pour crier le Non le plus irrémédiable qui soit. L'enfer pour personne. Beloved. Qu'ils meurent plutôt qu'ils ne respirent en enfer. Parce que l'enfer la fait naître, elle l'a traversé, elle en revient, elle s'en est échappé. Alors : Non. Ils ne prendront pas ses enfants. Elle garde ce qu'elle a de plus cher, de plus précieux. Elle garde ses enfants. Ceux qui sont déjà sur terre, de sa propre main elle décide de les délivrer. Ils ne sont pas des bêtes, des animaux, de la chair à coton, ils sont ses enfants. Ils ne seront jamais le bétail du Maître et Maîtresse. Sethe n'est pas Médée. Sethe devient folle à lier, une mère déliée.

Toni Morrison a porté son esprit au delà, au delà de l'infanticide.

Elle nous fait entendre des voix. Profondes, terrifiantes, bouleversantes, puissantes, sublimes, terriblement humaines.

Elle n’effleure pas un drame, elle appose ses mains sur le cauchemar pour que nous puissions toucher la profondeur de l'Enfer. Elle fait remonter le fantôme du traumatisme des abîmes pour que nous puissions voir le vrai visage des crimes.

Pourrons nous comprendre ? Comprendre totalement, véritablement ? Non.

Mais nous pouvons tenter d'imaginer l'horreur du geste.

Pas celui d'une mère qui décapite l'enfant qu'elle a mis au monde, mais celui d'un monde qui a fait naître l'enfer sur la Terre en jetant le paradis au fond d'un puits.



Astrid Shriqui Garain



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Sula



Ah, le pouvoir fécond du roman qui me fait vivre « d'autres vies que la mienne » , pour reprendre le titre de ce beau livre d'Emmanuel Carrère.

Ici, c'est un peu de la vie des noirs dans la première moitié du 20ème siècle, dans un État du centre des États-Unis, l'Ohio, et plus particulièrement des femmes noires, qui nous est donné. C'est-à-dire le double malheur d'être noire, et femme, dans un pays où même si l'esclavage a été aboli il y a quelques années, une ségrégation sévère est présente,

Et comme c'est la grande Toni Morrison (c'est le quatrième livre que je lis d’elle) qui nous conte cette histoire, c'est d'une exceptionnelle justesse et d'une beauté qui suscite l'admiration.



Le cadre, c'est un quartier de Medallion, une petite ville de l'Ohio, laissé aux noirs par la communauté blanche, et dénommé ironiquement le Fond, alors qu'il s'agit de collines difficiles à cultiver, et que la vallée fertile est réservée aux blancs.



L'histoire, c'est celle de deux jeunes filles de ce quartier, Nel et Sula, toutes deux enfants uniques, et toutes deux « avec le rêve d'une autre vie », qui se rencontrent à l'âge de 12 ans. .. «avec l'aisance et l'agrément d'amies de longue date ».

Et pourtant, Nel Wright, est élevée seule par une mère très rigoureuse alors que Sula Peace vit dans une maison débordante de gens, dirigée par Eva, une grand-mère fantasque et cruelle, avec une mère, Hannah, plus préoccupée d'aventures masculines que de sa fille.

Et pourtant l'une, Nel, a un caractère pondéré et réfléchi alors que Sula, dont le nom de Peace est à l'opposé de son caractère, est une fille inquiète, excessive et provocatrice.

Mais elles vont tout partager, le pire et le meilleur, puis tout cela se brisera sans retour.



L'auteure nous fait vivre l'évolution de la relation entre ces deux filles adolescentes, puis adultes, celle de leur famille et de leur quartier.

Nel qui deviendra une femme mariée, à la vie plutôt ranquille et Sula, avide de liberté qui quittera le Fond pour y revenir 10 ans après, et y semer le désordre, jusqu'à finir par être détestée de tous et surtout de toutes, y compris de Nel, dont le mari Jude, d'abord séduit par Sula puis rejeté par elle comme un Kleenex après usage, abandonnera Nel et ses enfants.



C'est un monde de pauvreté et de souffrance, mais aussi d'une entraide sans limites.

C'est plein d'amour et de haine, de folie et de drames terribles, d'une sexualité crue.

Mais aussi de religiosité mêlée à des croyances magiques, telle cette invasion de rouges-gorges qui annonce le retour de Sula.



J'ai eu le sentiment d'y vivre, de le sentir, de le comprendre, ce quartier du Fond, et de ressentir les espoirs et les échecs de Sula et de Nel.



Un très beau roman de cette écrivaine magnifique et engagée, et pas loin du niveau de Beloved, son chef-d'oeuvre.

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Récitatif

Ce livre ne contient qu'un texte, très court, une nouvelle, la seule écrite par Toni Morrison, prix Nobel peu prolixe. C'est l'histoire de deux fillettes qui sympathisent à l'occasion d'un placement provisoire par les services sociaux dans un orphelinat. Le lecteur comprend assez vite qu'elles n'ont pas la même couleur de peau. Aucun indice ne vient définitivement convaincre le lecteur de la couleur de peau de l'une ou de l'autre. le truc, expliqué dans la postface, repose sur des a priori culturels. L'inconvénient c'est que même si le texte marche aussi pour le lecteur français, il marche un peu moins bien, et ce n'est pas un problème de traduction. Par exemple, l'histoire n'est pas non plus située dans le temps, le lecteur la situe facilement dans la deuxième moitié du XXème siècle mais seul un lecteur baigné de culture américaine peut le situer avec plus de finesse avec les mentions de programmes télé de l'époque (heureusement il y a une note du traducteur). Et ce qui est plus embêtant, car aucune note ne peut y remédier, c'est que le texte repose sur le même principe avec les a priori sur la couleur de peau : prénom, adresse, travail, logement, voiture, vêtement, etc. Ce n'est pas qu'il n'y a pas d'indices mais qu'ils sont contradictoires, pour la bonne raison que leur lien avec la couleur de peau n'est qu'une probabilité statistique et une question de vécu culturel. C'est un texte quasi expérimental conçu comme « l'expérience d'ôter tous les codes raciaux d'un récit concernant deux personnages de races différentes pour qui l'identité raciale est cruciale ». le lecteur est censé être perturbé par une oscillation incessante pour comprendre laquelle des fillettes est blanche et laquelle est noire, et, impossible de passer outre car c'est un élément majeur dans leur vie et dans leur relation puisque l'histoire repose sur leurs retrouvailles intermittentes et leur perception différente d'un événement qu'elles ont vécu ensemble et qui les préoccupe toutes deux. Il semble que "la plupart des lecteurs blancs estiment que Twyla est blanche, tandis que la plupart des lecteurs noirs la voient noire". Une fois n'est pas coutume, je regrette de ne pas avoir lu la postface plutôt avant ! le texte fonctionne quand même en français (ou plutôt devrai-je dire pour un français, car ce n'est pas du tout un problème linguistique) car on se prend à réfléchir à ce que pourrait donner la même histoire, quels indices ambigus marcheraient. Un texte très fort, « petit mais costaud », qui interpelle et amène à s'interroger au-delà de sa lecture sur les préjugés, les codes culturels, les conventions sociales, ...
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Home

Difficile, quand on garde un souvenir tellement fort de Beloved, de ne pas être un peu déçue par tout autre roman de Toni Morrison... Home est un court roman, il se lit vite. Il n'en est pas moins fort, touchant, dans sa briéveté et sobriété.

Frank est le personnage principal. Tantôt évoqué à la troisième personne, tantôt à la première, c'est lui qui donne à l'auteure et narratrice la voix de son récit, c'est lui qui, en réalité, la met dans l'impossibilité de narrer ce que c'est que la guerre, le froid ou la chaleur intenses: "Vous ne savez pas ce que c'est que la chaleur tant que vous n"avez pas traversé la frontière entre le Texas et la Louisiane l'été. Vous ne pouvez pas trouver de mots pour la capturer. Les arbres renoncent. les tortues cuisent sous leur carapace. Décrivez-moi ça si vous savez comment."

Rentré au pays, hanté par le cauchemar qu'a été la Guerre en Corée, il traverse les états pour secourir sa soeur menacée de mort. Racisme, pauvreté, ségrégation, indifférences et maltraitances traversent le roman. . Une chose m'a surprise, agréablement finalement: c'est que Toni Morrison ne prend pas la peine de préciser que ses personnages sont des Noirs, et évoluent dans un monde de Noirs américains (afro-américains on devrait dire, quelle aberration...) et d'ailleurs, pourquoi devrait-elle le préciser? Prévient-on le lecteur lorsqu'il s'agit de Blancs? Cela dit, ça a quand même largement son importance, dans les romans de Morrison.

Autant le dire tout de suite, si le récit à multiples personnages et cette voix de Franck qui sépare les chapitres sont très prenants, si pas mal de passages sont choquants et malheureusement sans doute très réalistes, et si on devine une écriture travaillée, sobre et fracassante, je n'ai pas été convaincue par la traduction. Les dialogues notamment sont à peine crédibles, ainsi que dès que la narration se veut orale...

J'avoue, lire en français me repose, mais je me dis souvent que la version originale est quand même la meilleure.

Si ce n'était pas du Toni Morrison, je dirais que ce roman est excellent. Mais je dis que c'est un bon cru, qui en peu de mots, en dit beaucoup sur les Etats-Unis.


Lien : http://pourunmot.blogspot.fr..
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Home

Challenge Nobel 2013/2014



Au retour de la guerre de Corée, Frank plonge dans l'alcool. Traumatisé par la mort de ses deux amis d'enfance sur le front, et des horreurs qu'engendrent la guerre. Il trouve cependant un peu d’apaisement dans sa relation amoureuse avec Lily. Mais un courrier, l'informe que sa sœur est en danger et il part à son secours. Cee est séquestrée par un médecin mal intentionné à son égard.

Tous deux très solidaires dans leur enfance vont-ils retrouver les mêmes sensations ou seront-ils différents après les épreuves que chacun a subi.



On a beau savoir que ce roman est une fiction, il nous révèle des vérités sur une période de l'histoire des États-Unis peu glorieuse avec la ségrégation et la racisme. La lecture de ce livre est remarquable grâce à une force d'écriture.
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Le chant de Salomon

Toni Morrison fait partie de mes écrivain.e.s préféré.e.s.

Et ce roman formidable ne me fera pas changer d'avis, bien au contraire.



Un roman riche de nombreux thèmes traités avec cette manière d'écrire extraordinaire de l'auteure, une écriture quasi-orale, faite souvent de dialogues assez crus, mais pleine d'images et d'une dose de magie, mais aussi d'humour mêlé de tragique.



Parmi ces thèmes, il y a bien sûr la condition des noirs marquée par la ségrégation en cette première moitié du vingtième siècle avant l'arrivée de Rosa Park, Martin Luther King, Malcom X et bien d'autres. Et aussi la condition des femmes et leur aliénation, et ce d'autant plus qu'elles sont des femmes de couleur.

Et l'extrême pauvreté des noirs dans le Sud des Etats-Unis.

Mais aussi, ces croyances magiques, souvent si poétiques.



Mais ce sont surtout deux thèmes principaux qui m'ont marqué et qui traversent ce roman.



D'abord la famille et notamment dans ce qu'elle peut avoir de dysfonctionnel. On connaît la célèbre phrase de Tolstoi (qui savait de quoi il parlait!) et qui commence Anna Karenine « Toutes les familles heureuses se ressemblent. Les familles malheureuses le sont chacune à leur façon ».

Ici, c'est la famille du jeune Malcom Mort, le troisième du nom, un nom porté aussi par son père et par son grand-père. Son grand-père qu'il n'a pas connu, et à qui l'on a donné ce nom suite aux réponses hasardeuses qu'il a données lorsqu'il a été affranchi.

Un famille dont le père, qui a réussi dans l'immobilier est un tyran domestique, qui méprise et bat sa femme Ruth, interdit presque tout à ces filles, Corinthiens Uns et Magdalena qu'on appelle Lena. Et le petit dernier, Malcom, que l'on surnomme Laitier (je ne vous dis pas pourquoi, ça ne manque pas d'humour), « couvé » par sa mère, et bien que ses rapports avec son père soient difficiles, va rapidement travailler avec ce dernier. Et puis il y a sa tante Pilate, soeur de son père avec lequel il est fâché (on découvrira pourquoi il lui en veut), dont la petite-fille, Agar, est follement amoureuse de Laitier. Le roman nous raconte, en faisant des allers-retours dans le temps, l'histoire difficile de toutes et de tous, une histoire pleine de rancoeurs, du couple haine-amour si fréquent dans les familles.



Mais ce roman est aussi un magnifique roman initiatique, dans lequel Malcom dit Laitier va, dans sa recherche d'un hypothétique trésor, découvrir le vrai trésor qui est celui de ses racines, et pouvoir reconstituer avec émerveillement l'histoire de ses ancêtres et le mythe de Salomon. Et lui, l'enfant des villes venu du Michigan, découvrir des personnages hauts en couleurs (sans mauvais jeu de mots!) et tout un monde d'une grande pauvreté, ayant un rapport prodigieux avec la nature. Et puis toute cette histoire a parfois l'allure d'un conte avec la découverte par Malcom/Laitier d'une grande bâtisse délabrée, une sorte de château tenu par une vieille femme (plus que centenaire, dit-on!) aux allures de sorcière, avec la recherche d'une grotte qui devrait contenir un sac d'or, et ne renferme que des ossements, tout cela a une valeur symbolique, mythique.



Enfin, c'est un roman d'amour et de mort, la mort injuste du premier Malcom, mais surtout la mort comme perçue comme une délivrance, un aller sans retour vers un monde meilleur. Et comment l'amitié, l'amour sont si ambigus, et peuvent conduire dans leur folie à donner, à se donner,, la mort.



Et puis il y a la façon unique de raconter, de faire ressentir les lieux et les gens, la musicalité des phrases qui sont parsemées souvent de comptines, tel ce chant de Salomon que notre héros arrivera à décrypter et à comprendre qu'il évoque le mystère de ses origines.

Voilà, j'espère vous avoir donné l'envie de lire ce livre de la grande Toni Morrison, plus facile à lire que Beloved, mais tout aussi beau, je trouve. Enfin, à vous de vous faire une opinion.

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