Citations de William Riley Burnett (163)
La chambre de Clinch était située au troisième étage sur rue. De la fenêtre, il apercevait le square poussiéreux, mité, avec son vieux kiosque cloué de planches, le lacis d'allées cimentées et le bouquet d'arbres au feuillage fatigué et noirci de suie.
Au delà du square était installé une espèce de fête foraine permanente, avec ses stands de tir, ses attractions, ses baraques de strip-tease, et de phénomènes et les bonimenteurs qui gueulaient dans des haut-parleurs d'une voix éraillée.
"J'ai eu mon compte de silence", songeait Clinch. Il ouvrit la fenêtre pour laisser entrer le mugissement assourdissant de la foire mêlé aux bruits de klaxons de la rue à sens unique qui longeait l'hôtel.
"La vraie bamboula", se dit-il encore en riant.
Abilene! Ce seul nom évoquait la grande épopée du Far-West. C'était plus qu'un homme : c'était une légende vivante. Et n'y a-t-il pas une Dalila qui sommeille au cœur de toute femme? Elle s'appelait Mary... Et c'est dans les bas-fonds d'une ville de l'Est qu 'on repêchera l'épave du héros. Qui ne sera plus jamais tout à fait un homme...
"L'éclaireur apache haussa les épaules et fit la grimace. "Très stupide. Mal aux yeux. Livres... Pourquoi lire livres?" Il leva le bras droit et balaya l'espace derrière Grein. "Monde entier, ici... Beaucoup à lire. Livres sont mauvaise médecine."
Grein esquissa un sourire. "Peut-être bien, Dutchy. Moi-même, j'ai un peu d'instruction, mais ça ne m'a jamais servi à rien. Dors maintenant. Ne t'inquiète pas. Ils te relâcheront.
- Sûr. Moi, pas inquiéter." P163
On ne sait jamais à quoi s’attendre : quand on est persuadé que tout doit marcher comme sur des roulettes, tout tourne mal, et quand on s’attend à des ennuis, tout se passe bien. Oui… c’est marrant !
Il pensa avec mélancolie à sa grande chambre si agréable qui l'attendait au bord du lac; à ses rangées de livres qui l'apaisaient avec leurs récits pleins des bouleversements d'une autre époque... des bouleversements qu'on n'avait pas besoin de subir, mais qu'on pouvait vivre en toute tranquillité.
p.189
Mme Taylor pâlit légèrement, mais acquiesça.
- C'est bon, sergent, c'est bon, tout ce que vous voudrez.
Comme ils entraient dans la chambre, elle le saisit par la manche.
- Vous croyez qu'on va me faire des embêtements, sergents ? Faut que je gagne ma croûte, moi.
- Je ne vois pas pourquoi vous auriez des embêtements, si vous êtes décidée à collaborer avec nous ?
- Oh ! pour ça, comptez sur moi. Je collaborerai.
C'était sa vie. Elle avait l'habitude. Ça avait commencé avec son mari, une espèce de cloche bonne à rien, puis ça avait été les flics, les putains, les maquereaux et les pigeons. Elle allait collaborer, et comment !
Les crétins et les imbéciles font toujours plus de bruit que les autres et on a tendance à les croire plus nombreux.
Soudain, toutes les lumières des tribunes s'éteignirent. Jim fut à la fois intrigué et abasourdi par les hurlements violents de la foule. Il se leva d'un bond. Les chiens avaient jailli de leurs boîtes et fonçaient à la poursuite du lièvre leurre qui filait si vite le long de la corde que l'œil ne percevait qu'une ligne continue. La multitude hurlait toujours, mais Jim ne l'entendait plus. Debout, ébahi, il regardait les chiens courir. De sa vie il n'avait vu une telle vitesse. Ils coururent groupés jusqu'à l'entrée de la ligne droite et là, un grand chien bringé, le numéro un, se détacha, allongea le cou, et ce fut terminé.
Ah, chez Salzedo ! L’oasis, le paradis pour les éclaireurs de l’armée en permission, les éleveurs et les fonctionnaires de l’administration, les prospecteurs enrichis, et même la poignée de touristes intrépides qui arrivaient par le train et la diligence depuis la grande ville de San Gorgonio, au nord, destination prisée des vacanciers.
"Pauvre con ! se dit-il. Laisse tomber. Tu rentres chez toi. Tu ne peux pas l'emmener là-bas. C'est une fille pourrie par la ville !"
Enfin, il s'endormit.
Il mène une vie saine, Doc. Il ne boit pas, sauf du whisky sec; Il ne fume que le meilleur tabac. Et il ne regarde aucune femme, sauf si elle est jolie.
Reisman regagna sa voiture sous la pluie battante, en parlant tout seul. Il était toujours aussi excité. Il sentait qu’il tenait une piste – où menait-elle ? Mais une chose était certaine : il ne fallait plus poser de questions. Ça finirait par se savoir et tout le monde se méfierait de lui.
— Dans les années 20, dit-il, quand je travaillais dans ce secteur, c’était vraiment excitant. Les bootleggers se tiraient dessus pour le plaisir de faire des cartons. Cette rue-là, c’était une vraie galerie de stands de tir. Quand je descendais du tram pour aller au poste, je rentrais instinctivement la tête dans les épaules. Une fois, un motocycliste a été fauché par une balle perdue, juste devant ce bar – c’était un speakeasy à l’époque. Il ne se passe donc plus jamais rien, maintenant ?
Reisman poussa un soupir et regarda tomber la pluie. Au bout de la rue, on apercevait les bâtiments de brique lépreux de ce qu’on appelait « le Coin de la Mort
— Ma foi, dit Reisman, puisque tu as l’air d’en savoir moins long que ceux qui font courir les bruits, je n’ai plus qu’à regagner mon nid. C’était sympa de te voir.
— Quels bruits ?
— Sur George Cline.
Harry fit la grimace.
— Un tuyau crevé, Ben, il n’y a pas de doute. Ça fait cinq ans qu’on en parle.
— Tu ne connais personne qui s’appelle « Ark » ? s’obstina Reisman, uniquement pour le plaisir.
Au bout d’un moment, Harry secoua lentement la tête, impassible.
— Non. Ça ne me dit rien. Qu’est-ce que c’est que ce nom ?
— Peut-être que j’ai mal entendu. Par moments j’ai l’impression que je deviens un peu sourd.
— Dieu sait pourtant que tu avais l’oreille fine, dit Harry. Les gars t’appelaient Ben-les-grandes-oreilles.
Harry laissa tomber sa cigarette sur le tapis et se pencha lentement pour la ramasser, les yeux baissés, prenant son temps. Reisman comprit qu’il ferait aussi bien d’aller acheter la glace et de rentrer chez lui. Harry avait l’air de savoir parfaitement qui était Ark, mais il ne parlerait pas.
Harry reprit contenance, jeta la cigarette dans le cendrier et en alluma une autre.
C’était à cette heure de la nuit qu’il aimait rester seul, tout à fait seul, sans que rien ni personne ne vienne le déranger. Dehors, la ville était calme et obscure ; pas de rayons inquisiteurs du soleil dont il fallait se garder, pas de foule dérangeante, aucun des regrets, des peurs et des ambitions du plein jour. Dans son petit appartement chaud et douillet, il se sentait à l’abri du monde. Il pouvait boire tranquillement, lire ses journaux et songer à ce qui se passerait le lendemain sur les champs de courses du monde entier ; puis les premières lueurs de l’aube s’élèveraient au-dessus des toits branlants de Camden Square ; les premiers murmures annonciateurs d’une nouvelle journée allaient monter des rues encore obscures de la grande ville ; alors il pourrait éteindre sa lampe dont la lumière aurait déjà commencé à faiblir aux approches de l’aurore ; étendu sur son lit, il pourrait retourner vers son passé : ce passé radieux qui faisait maintenant figure de rêve sans consistance réelle – et pourtant il l’avait bel et bien vécu -, ces années heureuses, sans le moindre lien avec les affreuses et rudes certitudes, mais inéluctables, du présent ; cette époque où personne ne l’appelait « Dixie », ni « Dix », ni « le Bouseux », où personne ne se moquait de son accent du Sud et où personne ne se permettait de faire toute une histoire parce qu’il devait deux mille trois cents dollars qu’il avait bien l’intention de rendre ; où tout le monde le traitait avec amabilité et respect
Peut-être un tschindi, comme disent les Apaches, un démon animal, pensa Crip, en riant de son idée. Il était facile de rire, maintenant qu’il était en selle et que le soleil s’apprêtait à percer à l’est de l’horizon. Mais la nuit, sous les pins et la clarté tamisée de la lune du désert, chaque murmure paraissait avoir un sens, chaque craquement de branche ramenait la peur instinctive d’ennemis inconnus.
C'était le matin. Le soleil venait de se lever et nimbait d'or l'horizon à l'est. L'herbe haute de la prairie ondulait sous la brise. Partout, les cailles saluaient l'arrivée du jour. Un voile de brume étirait ses longs doigts blancs au-dessus de la plaine.