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Excellent roman.
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Excellent roman.
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La pièce Le Belvédère a été écrite pour une création prévue à Dresde en 1929. Elle a été finalement éditée en 1970 et jouée pour la première fois en 1969 à Graz. le village d'Europe centrale dans lequel Ödön von Horváth situe l'action a été inspiré par Murnau en Haute-Bavière, que connaissait très bien l'auteur. Certains personnages de la pièce peuvent même être identifiés, comme le garçon Max, qui aurait eu pour modèle un serveur impertinent, qui avait l'habitude d'effectuer son service sans chaussures. Le premier acte expose la situation. Strasser, le propriétaire de l'hôtel du Belvédère est au bord de la faillite. Il a une seule cliente, Ada, baronne von Stetten. La vieille femme appâte tous les hommes présents par sa fortune, en a fait ses amants, et les manipule avec cruauté. En plus de Strasser, il y a Max le garçon, et Karl, le chauffeur. Ils sont tous les deux un passé trouble. Arrive Müller, un représentant, qui réclame de l'argent à Strasser, qui ne peut le payer, puis Emmanuel, le frère d'Ada, qui a besoin d'argent ; sa soeur joue avec lui, ne lui disant ni oui ni non. L'acte se termine par l'arrivée de Christine, une jeune femme pauvre, avec qui Strasser a eu une liaison. Au deuxième acte, l'action se resserre autour de Christine. Ada veut que Strasser la mette à la porte, Emmanuelle suggère que les hommes présents fassent semblant de reconnaître en elle une ancienne maîtresse, ce qui permettra à Strasser s'en débarrasse sous prétexte de mauvais conduite. Les hommes s'en donnent à coeur joie sous le regard goguenard d'Ada. Mais la scène a une fin inattendue : Christine a hérité une jolie somme et elle était venue dans le but de remettre à flot l'hôtel de Strasser. Après le traitement qu'elle a subi, elle veut prendre le premier train le lendemain matin pour repartir. Au troisième acte, les hommes tentent tous de convaincre Christine de prendre le train en question en leur compagnie. Ada est délaissée et humiliée à son tour. En tentant de séduire la jeune femme, chacun des protagonistes se révèle tel qu'il est. Elle décide de partir toute seule et d'élever l'enfant qu'elle a eu de Strasser. Plus qu'une comédie de moeurs, c'est une farce cruelle. Elle met en évidence les différentes façons dont les hommes utilisent et instrumentalisent les femmes. Strasser le charmeur, au fond totalement impitoyable sous des allures avenantes, Karl qui veut s'imposer par la force, Müller qui veut les réduire à des épouses soumises et conventionnelles sans aucune liberté, Emmanuel qui veut les attirer par un titre une position sociale, des manières policées et en échanger les dépouiller… C'est à chaque fois un jeu de dupes. C'est aussi un tableau pitoyable d'une société en décomposition : le noble ruiné, décadent, prêt à tout pour conserver sa manière de vivre, l'individu dangereux et prêt à basculer dans la violence pour obtenir ce qu'il désire, et tous les autres, capables de tous les mensonges et de toutes les compromissions pour un gain plus ou moins dérisoire, prêts à s'avilir devant n'importe qui possédant un peu d'argent, la seule valeur qui a cours. Au final, l'opportunisme et l'absence de toute éthique, ne va amener tous ces personnages qu'à une impasse, à un échec sans recours. Excellente pièce. + Lire la suite |
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Il s’agit en réalité d’une esquisse de pièce, l’oeuvre n’a jamais été achevée. Elle a été publiée pour la première fois en 1970. Ödön von Horváth s’est sans doute inspiré d’un cas réel, celui d’une institutrice Elly Maldaque. Il a pu avoir connaissance de sa situation alors qu’il travaillait pour la Ligue allemande des droits de l’homme en 1926-1927 à Berlin. Nous avons donc quelques scènes, dont certaines ont deux versions. Dans un premier temps, nous faisons connaissance avec Ella et son amie Eva tout juste sortie de prison. Ella a rejeté son éducation chrétienne ; son soutien à Eva lui vaut une perquisition, une phrase dans son journal intime qui laisse penser à une sympathie communiste, provoque son licenciement de l’enseignement. Elle tente de faire valoir ses droits, soutenu dans un premier temps par un journaliste. Mais très vite des menaces se précisent sur ceux qui l’aident, ses démarches se heurtent soit à une indifférence dissuasive, soit à une violence feutrée. Elle finit par perdre son calme et à être internée comme dangereuse. Ce n’est qu’une ébauche, mais c’est d’une grande force. Ödön von Horváth met à nu un système de violence institutionnelle d’état, la façon dont elle fait plier les individus pour en devenir des rouages, et élimine ceux qui ne veulent ou ne peuvent rentrer dans le rang. Certaines répliques font froid dans le dos, en particulier par leur actualité. Puissant. + Lire la suite |
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Ce texte, daté de 1928, résulte de la réécriture d’une pièce créée en novembre 1927, Révolte à la cote 3018. Il est inspiré de faits réels : un accident survenu en 1925 lors de la construction d’un téléphérique censé être à la pointe du progrès. La pièce sera la cible de violentes attaques, aussi bien nationalistes, que communistes. Von Horváth s’attaque à un sujet d’actualité, il est à la recherche « d’une forme nouvelle pour le théâtre populaire ». Nous sommes sur la chantier de la construction du funiculaire. Un homme, Schulz, se présente à la recherche d’un travail. Une altercation survient entre lui et Moser, un ouvrier, Shulz est rossé. Les ouvriers attendent la venue de l’ingénieur et de l’administrateur, qui veulent constater l’avancement des travaux. Oberle, un ouvrier expérimenté, prévoit un très prochain changement de temps, qui risque d’interrompre le chantier et les priver d’emploi. Schulz est engagé. L’administrateur presse pour terminer le chantier, l’ingénieur envisage la survenu d’intempéries qui risquent d’allonger les délais jusqu’à l’année prochaine. L’administrateur le menace de le licencier si cela devait se produire. L’ingénieur suit les ouvriers dans la montagne pour presser l’exécution des travaux. Schulz a fait une mauvaise chute, et meurt, l’ingénieur refuse que le corps soit descendu, faisant passer l’avancée des travaux avant tout. Mais la tempête arrive. Les ouvriers demandent à l’ingénieur s’ils seront licenciés, ce qu’il leur annonce brutalement. Une violente querelle s’en suit, l’ingénieur à moitié fou finit par tirer sur les ouvriers, mais chute lui aussi dans le vide. Pièce d’une grande intensité et violence, avec la mise à nu des rapports sociaux, et aussi des contradictions et aspirations des individus. Les ouvriers luttent pour la survie, mais chacun a une position qui lui est propre, ses priorités, sa personnalité ; leurs revendications peuvent donc être contradictoires. L’ingénieur est obsédé par la réalisation de son œuvre, presque à n’importe quel prix. L’administrateur a pour seul objectif l’aspect financier de l’affaire, le reste n’a aucune importance et c’est lui qui a tout pouvoir. La catastrophe prévisible et inévitable arrive en conclusion, comme une évidence. Au-delà d’un fait divers, von Horváth met à nu des mécanismes généraux, presque abstraits, qui peuvent se reproduire d’une manière quasi mécanique dans de nombreuses situations. Implacable. + Lire la suite |
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Considérée comme la première pièce de von Horváth, Meurtre dans la rue des Maures ne sera publiée qu’en 1970 et jouée pour la première fois en 1980. C’est une pièce courte, (en trois actes) et donc en principe associée à une autre œuvre lors de représentations. Au premier acte, nous sommes chez les Klamuschke. La mère s’entend mal avec sa belle fille, la jeune fille, Ilse est courtisée par un étudiant, Müller, avec qui elle doit sortir ce soir. La venue du fils prodigue, Wenzel, alourdit encore l’atmosphère : Paul, son frère a peur qu’il ne soit venu encore une fois, pour extorquer de l’argent à leur mère. Mais Wenzel ne demande pas d’argent et semble quelque peu étrange. Au deuxième acte, nous suivons Wenzel dans la rue. Il rôde devant une bijouterie, au rideau fermé. Des prostituées et agents de police vont et viennent, le rideau baissé, finit par attirer l’attention. Le bijoutier a été assassiné, Wenzel est le coupable, mais il réussit à s’échapper. Au troisième acte, la police vient au domicile des Klamuschke chercher Wenzel, mais ne trouve que son cadavre : il s'est pendu. Les membres de la famille se défont encore plus. Un univers habité par la médiocrité et la mesquinerie de la petite bourgeoisie, entre égoïsme et sentiment de culpabilité dans une société de contrôle de l’individu, aussi bien par la famille, que par les institutions (la police). Tout cela dans une atmosphère crépusculaire, en noir et blanc, comme dans un vieux film. Sans doute pas encore complètement maîtrisé, mais prometteur. + Lire la suite |
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Il s’agit juste d’un fragment, datant de 1923-1924. Cela devait être un vaste « drame historique hongrois ». L’action se passe en 1495, et la figure principale, qui donne son titre à la pièce, est un personnage historique, le chef d’une révolte paysanne, mis à mort par le voïvode de Transylvanie en 1515. Le texte n’a été publié qu’en 1970. Même si nous somme en face d’un fragment, il laisse entrevoir une grande ambition, un grand souffle. Les personnages sont nombreux, très caractérisés, entre les nobles voulant à tout prix défendre leurs privilèges, et l’entourage de Dósa, prêt à en découdre avec les précédents. Le personnage titre est dessiné de façon puissante : guerrier, indomptable, fier. C’est frustrant de ne pas pouvoir en lire plus. |
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Un très court texte, un dialogue, écrit sans doute en 1920, publié pour la première fois en 1971. Un jeune homme, une jeune fille, presque sans visages, en tous les cas sans noms. Il sont ou ont été amoureux, elle est enceinte. Quelque chose d’étouffant semble rôder autour d’eux, sans que la nature exacte du malaise soit explicitée ; juste une mention à l’hostilité de la mère de la jeune fille. Mais leur relations, leur avenir, sont d’une certaine manière impossibles. C’est très court, un peu elliptique, c’est juste une sorte d’ébauche. Mais, indéniablement, dès cette première tentative, on sent le potentiel, une capacité à installer une atmosphère, une ambiance, quelque chose d’impalpable mais dense. |
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Un roman simple, facile à lire (difficulté moyenne en vo) qui prend bien la température de l'époque - mais qu'est-ce qui est le plus cynique, ces jeunes "sans Dieu" qui répètent la radio ou désirent perdre leur humanité et être des "outils", des obus, grenades... ou ces adultes lâches qui se taisent et tentent de sauvegarder leur retraite, gagne-pain... Laisse songeur, avec un profond sentiment de malaise.
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Allers-retours Une pièce écrite en 1933 par un auteur d’origine hongroise, mais de langue allemande, sujet de l’empire austro-hongrois à la naissance avant que cet état ne disparaisse. Havlicek, commerçant en faillite, est expulsé du pays où il réside et dans lequel il est arrivé presque à la naissance. Mais voilà que le pays où il est né a changé ses lois : pour garder sa nationalité, Havlicek aurait dû en faire la demande. A défaut, il se retrouve apatride. Et il ne lui reste plus qu’à faire des allers-retours sur le pont qui sépare les deux pays. Un certain nombre de personnages assistent à l’affaire, où vont jouer un rôle dans le destin de Havlicek : un couple en villégiature venu pêcher, les douaniers ou gendarmes préposés à la frontière, la fille de l’un d’entre eux amoureuse du préposé de l’autre côté, des trafiquants de drogue… Une situation absurde, un personnage perdu, écrasé, mais aussi une incontestable drôlerie, un décalage permanent. C’est très fort, sans être pesant. L’indésirable permet de nouer des liens entre les deux rives et résoudre des problématiques avec lesquels les personnages ne se sortent pas. Les personnages qui ont un statut social qui paraît stable sont presque plus désarmés que l’homme sans place. Von Horvath ne pousse pas l’aspect tragique jusqu’au bout de ce qu’il pourrait être, ce qui ne l’empêche pas d’être suggéré d’une façon marquée. La pièce est rythmée, savamment construite l’air de rien et avance petit à petit vers son dénouement, en machinerie d’une grande efficacité. C’est virtuose. + Lire la suite |
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Une pièce surprenante où tout dépasse du cadre. L'histoire est des plus banales en apparence : un couple de jeunes gens se dispute, à l'occasion de la fête de la bière à Munich (1931), et pour des raisons futiles et des prétextes bancals, se séparent, regrettent, se retrouvent et se fuient. Casimir est un chauffeur idéaliste que la désillusion d'un licenciement récent rend amer, jusqu'à la dureté : la hantise de son déclassement l'isole et le rend taciturne. Caroline, jeune employée de bureau, est au contraire toute légèreté : elle rêve d'ailleurs, d'une vie simple et facile. La dispute initiale pose les bases de ce qui va affleurer sur toute la pièce : entre deux phrases, entre deux gestes, deux scènes, se révèlent des abîmes de non-dits qui séparent les protagonistes de cette histoire d'amour et de société, qui les font se croiser, se lier, se délier... L'enchaînement de scènettes en apparence décousues et musicale colle d'ailleurs au décor surréaliste : un manège, qui tourne, tourne, et tourne. Cette pièce ne brille pas par la finesse du scénario, bien au contraire : elle s'illustre plutôt par son épaisseur, cette couche d'informulé qui articule les dialogues. Derrière les personnages, c'est une société de classe en pleine mutation qui se dessine, des déceptions et des illusions qui se devinent dans cette Allemagne de l'entre-deux-guerres. Inconséquence, refus, cynisme, colère : autant de d'attitudes qui défilent dans le carrousel des mots d'Ödön von Horth, qui passent, disparaissent, et puis... Et puis, "encore trois autres tours", demande Caroline, d'une voix mutine. Quelqu'un a-t-il décidé de l'arrêter, depuis ? + Lire la suite |
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Un naufrage sur un air de Strauss joué sur un piano déglingué Marianne croit pouvoir briser ses chaînes, échapper à une vie étriquée et mesquine, elle croit au grand amour qu’elle éprouve pour Alfred, qui la rend « si grande et si vaste », et rompt ses fiançailles avec son voisin, Oscar, le boucher. Mais, dans cette Vienne des années 20, l’heure n’est pas à l’émancipation, et les amours de Marianne virent au désastre. Une peinture sombre et amère de la puissance délétère du carcan social et des travers petits-bourgeois. |
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La légende de la foret viennoise est une pièce de théâtre écrite par un allemand , qui se nomme Odon Von Horvath .J'ai étudié une partie du texte dans mon cours de théâtre , et j'ai vu une représentation, dont le metteur en scène était Yoan Dacosta . Cette pièce pose la question du conflit entre notre sens des responsabilités et notre part de liberté. D’un côté, elle met en scène la lutte entre l’individu et la société en nous rappelant que l’égoïsme et la bêtise sont le terreau du fascisme. De l’autre côté, elle met en scène des personnages abandonnés, à la dérive. Pour moi , j'ai bien aimé cette pièce car la mise en scène me semblait très bien joué et on arrive à comprendre facilement le but des personnages . |
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Cela change du style des vieux emmerdeurs. La jeunesse sans Dieu libère aussi des idéaux littéraires qui ne plaisent qu’aux esthètes, c’est-à-dire, à ceux qui n’aiment pas l’humain qui se cache parfois derrière l’écrivain. Il y avait un temps où on pouvait encore trouver une raison à son malheur : j’ai perdu Dieu. Il faudrait aujourd’hui essayer de retrouver ce temps. Mais c’est tellement perdu qu’on ne sait plus. Comme disait Lucius Vorenus : vous avez une maladie de l’âme. Fin du bavardage et des mascarades. C’est ainsi que l’écriture d’Horvath accompagne l’histoire de son révolté tranquille avec des phrases courtes, nerveuses, qui ne perdent pas leur temps à enjoliver. Non, il y a la réalité, et c’est déjà un bon gros morceau. « Quand je sors du cinéma, il fait nuit. Mais je ne rentre pas chez moi. J’ai peur de ma chambre. Il y a là-bas un bar, je vais y prendre quelque chose s’il n’est pas trop cher. Il est dans mes prix. J’entre. Une demoiselle veut me tenir compagnie. « Alors on est tout seul ? demande-t-elle. -Oui, dis-je en souriant, malheureusement… -Puis-je m’asseoir à votre table ? -Non. » Elle bat en retraite, offensée. Je ne voulais pas vous faire de peine, mademoiselle. Ne m’en veuillez pas, mais je suis seul. » + Lire la suite |
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Près de 80 ans après sa publication, ce petit roman peut se lire avec un regard contemporain et offrir un parallèle troublant avec l'époque actuelle. Le titre 'un fils de notre temps' s'applique tout à fait aux moments présents. Il montre en effet comment le déclassement social alimente les dérives et hystéries collectives et peut conduire une personne à aliéner sa liberté individuelle pour se soumettre à un ordre et une autorité supérieurs. J'ai lu ce livre en pensant par exemple à ces jeunes qui ne trouvant pas leur place dans notre société, décident de rejoindre la Syrie pour y combattre au sein de l'armée islamique. Le roman met bien en lumière le conflit entre le collectif et l'individuel, les accommodements de survie que chacun peut être amené à mettre en oeuvre pour échapper à sa fragilité, les idéologies de récupération et d'embrigadement des individus dans lesquelles Odön von Horvath inclut aussi les idéologies actives dans le monde de l'entreprise. C'est un roman noir et désespéré, description d'un monde où chacun doit se débrouiller seul et où les plus faibles sont voués à la marge et à la mort. Roman d'une étonnante actualité. + Lire la suite |
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von Horvath Ödön – " Geschichten aus dem Wiener Wald" – Suhrkamp, 1986 (ISBN 3-518-38870-3) éd. sous la direction de Traugott Krischke – Le volume contient "Geschichten aus dem Wiener Wald : Volksstück in sieben Bildern" (pp. 9-100) suivi de "Geschichten aus dem Wiener Wald : Volksstück in drei Teilen" (pp. 101-207) suivis d'annexes (Anhang pp. 209-246). Pubié en français sous le titre « Légendes de la forêt viennoise » (ISBN 978-2851816566) (NB : je n’ai lu que l’original en allemand, je n’ai pas lu la traduction française.) Publié à l'origine en 1931, cette pièce valut à son auteur d'être récompensé la même année par le "Kleist-Preis". Sa lecture aujourd'hui ne présente plus – à mes yeux – qu'un intérêt historique. L'auteur illustre ici le thème usé jusqu'à la corde de la "critique éclairée" de ce qu'il suppose être les mœurs des "Spießer", terme injurieux désignant "les petits bourgeois" ou, dans le langage actuel, "les bourges". C'est fou ce que ce thème a pu inspirer comme littérature dans la sphère culturelle occidentale depuis le début du dix-neuvième siècle, surtout aux auteurs (comme c'est le cas ici) issus des couches les plus aisées de la population souhaitant à tout prix passer pour "libéraux", "éclairés", "progressistes" ou – aujourd'hui – "de gôôôche" : les ondes de France-Culture et les pages de revues comme Télérama en sont saturées. Issu de l'aristocratie, Horvath se propose froidement de ressusciter le "théâtre populaire" (Volksstück), à une époque où d'autres intellectuels se proposaient de créer une littérature ou un théâtre "ouvriers", c'est-à-dire d'inspiration plus ou moins marxiste. Ce genre plaît beaucoup dans les milieux cultureux. petits-bourgeois (Marx lui-même mena d'ailleurs une vie des plus bourgeoises, sans vergogne aucune, incluant la pantalonade à la Feydeau). Comme dans d'innombrables autres textes de l'époque, l'auteur centre ici son récit sur des fiançailles rompues par la fiancée tombée amoureuse d'un gourgandin de passage, qui bien entendu l'abandonne à son triste sort de "fille mère" (comme cela se disait en ces temps-là), et tout se termine fort mal pour elle, tandis que les autres se réconcilient plus ou moins. Il est d'usage (et la règle est respectée dans la préface de l'ouvrage) de préciser combien les suppôts du nazisme furent irrités par cette pièce, ce qui incite les spectateurs à communier dans un noble anticonformisme moutonnier. A l'époque, ce genre de littérature était sensée contribuer à la lutte contre la montée du nazisme, le moins que l'on puisse constater est que l'échec fut total. + Lire la suite |
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Un fils de notre temps. Les enfants de nos villes. « en réalité tu découvriras l'enfer sur terre et tu mourras seul, loin de chez toi ». C'est une phrase de la campagne lancée par le gouvernement à l'adresse de ces enfants qui partent se jeter dans le gouffre de la haine. Est ce que cela est suffisant ? Que doit on dire à tous ? Que doit on enseigner à cette jeunesse, quels mots se sont trouvés absents de nos livres, de nos bouches, nous tous parents de ces enfants ? Comment leur faire entendre que cette histoire est vieille comme le monde ? Que lorsqu'il y a une guerre c'est toujours au départ une question d'argent. Une question de draps, de poudre, d'acier, de charbon, de ciment. Que s'ils ont faim, s' ils ont froid, si ils pensent n'être rien, n'être personne, qu'ils sachent que même le dernier des pauvres chiens sait qu'il ne doit pas partager le festin d'une hyène. Les mots absents. L'absence des mots que l'on comble, comme on remplirait une tombe. Qui efface peu à peu toute possibilité de réponse. Ödön Von Horvath est étonnant par sa lucidité, sa clairvoyance. Son écriture est stupéfiante par son ton, sa modernité, son rythme. Il nous est entièrement contemporain. Par la façon dont il dresse devant nous l'effroyable vérité qui éclaire toute l'injustice d'une réalité. « Lorsqu'en 1933, les nazis brûlent les livres, ceux d'Ödön von Horváth en sont. Un ami lui écrit : « L'information disant que tu n'es plus joué, « auteur dégénéré », vaut plus que n'importe quel prix littéraire. Elle te confirme publiquement comme poète ! ». » Lorsqu'une parole est immortelle, qu'elle s'adresse à tous, quelque soit le siècle, la religion, la couleur, le sexe de l'homme, lorsque cette parole l’interpelle, et se dresse face à lui et lui rappelle qu'il n'est ni chien, ni hyène, et que son seul choix reste l'humain, alors cette parole est belle parce qu'elle est juste, et cette parole il faut la donner et la faire entendre. « Un fils de notre temps » , création 2015, adaptation, mise en scène par Simon Delétang se joue au Théâtre des Célestins à Lyon jusqu'au 31 janvier 2015. Astrid Shriqui Garain + Lire la suite |
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C'est un nouveau coup de cœur que je viens de terminer ! Je ne connaissais pas Ôdön von Horvath, son nom m'était inconnu jusqu'alors... et quel tort ! Sa plume ne fait pas grand bruit, mais pourtant quelle pertinence ! Ce livre a été écrit en 1938 en Allemagne, le narrateur est un jeune professeur qui est en proie a un violent décalage avec ses élèves. En plein questionnement sur sa "foi" (après avoir vécu une guerre), il doute que la jeunesse croie encore en quelque chose... Montée du nihilisme, ou d'un idéalisme assez singulier... Ce roman fait écho en nous, ne serais-ce que pour l'attitude des générations précédentes à l'égard d'une jeunesse que l'on ne comprend pas, qui nous est étrangère... A lire sans plus tarder, les chapitres sont très courts (le plus long fait 9 pages !) et l'histoire vaut le détour. La réflexion sur Dieu peut en irriter certains, cependant en cette période troublée de l'histoire cela offre une clé de lecture pour la pensée de l'époque. Bref, à lire d'urgence ! + Lire la suite |
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Il ne s’agit pas de la révolte de l’enseignant d’une jeunesse fanatisée. Pas de stéréotypes dans ce texte qui n’a rien de la fresque historique, le propos est dense, intimiste, sans pathos. Il se fait révélateur de situations et d’une période troubles – comme le sera ce meurtre, aux mobiles qui n’ont rien de politique au sens strict -, révélateur de cette société allemande entre crise économique, nationalisme et racisme. Il se fait annonciateur de jours froids, de la damnation d’un peuple, de la quête de rédemption d’un homme. Ni l’époque ni le pays ni la doctrine nazie ne sont nommés explicitement, le lecteur sait – par l’intervention de personnages secondaires plus âgés que le narrateur y faisant référence en précisant qu’ils sont de la génération l’ayant vécue – que les faits se déroulent environ une dizaine d’années après la Grande Guerre. Amère et cruelle lucidité dans ce roman rédigé en monologue rythmé par des chapitres courts, une narration particulière tant sont prégnantes les angoisses et les questions du narrateur : l’écriture, exigeante et incisive, néanmoins parfaitement limpide, parvient à rendre le paradoxe entre cette acuité, ce réalisme social et la forme de démence dans laquelle ces scènes, ces dialogues, semblent entraîner parfois le narrateur. Mais cette folie n’est pas la sienne. C’est en cela que son enquête sur l’assassinat de l’élève durant un camp de plein air ( d’entraînement militaire ), ses choix de vérité, se font quête. Pourtant, Ödön von Horvath ne donne pas de sens à son récit – y-a-t-il encore du sens ? « Les hommes ont perdu la tête et ceux qui ne l’ont pas perdue n’ont pas le courage de passer la camisole des fous » -, il prononce une sentence : pour jugement, l’enfer qui attend les adolescents de cette génération et leurs parents, filant non pas la métaphore du mouton mais celle du poisson, de la métamorphose en poisson, hors humanité ce corps froid au regard rond, impavide. Métamorphose, oui, il y a quelque chose de kafkaïen dans les angoisses du narrateur aux prises avec son monde, son temps. Un roman écrit en exil en 1938 qui raconte l’égoïsme, la bêtise, la misère, la lâcheté ordinaires, le nazisme au quotidien sans le nommer, « la peste brune » qui contamine les esprits. Bien-sûr le meurtre, mais la violence de ce roman est finalement ailleurs, plus complexe malgré l'évidence, elle est grouillante, grondante. Ce malaise, le malsain, les âmes perdues, encore quelques unes avec des idéaux face à l’idéologie quelques jeunes, dans cette classe ils sont quatre, déjà, encore… Rien de sensible dans ce roman au sens premier du terme, pourtant une perspicacité au cœur des hommes, dérangeante tant elle semble juste. Et universelle. Lien : http://www.lireetmerveilles... + Lire la suite |
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Le personnage de Don Juan a fait couler beaucoup d'encre. Cette version moderne est pour le moins cynique. Le anti-héros a fait la grande guerre et revient chercher sa fiancée à qu'il a abandonnée avant celle-ci. Sur son chemin des femmes désespérées, qui toutes attendent de lui l'amour. Il y a comme une sorte de malédiction, toutes vont tomber dans ses bras, ou en rêver, puis le haïr. Le personnage détaché de tout sentiment aura finalement ce qu'il mérite moralement pour avoir délaissé toutes ces femmes : la mort. Pas de rédemption possible.... A moins que l'on voit sa mort comme un hommage à Roméo et Juliette, Don Juan a retrouvé celle qu'il cherchait et la rejoint là où elle est. Il y a un décalage terrible entre le désintéressement de ce personnage principal qui recherche celle qu'il a abandonnée des années plus tôt et la folie meurtrière qu'il déclenche, presque (oui, presque) à ses dépends auprès de ces femmes. |
Agamemnon, Eschyle, (-458)