Années 40. A quoi ressemble la vie d'un garçon de douze ans sous l'Espagne franquiste ? A celle de n'importe quel garçon du même âge qui commence à analyser le monde qui l'entoure, se découvre autour de nouvelles expériences, de nouvelles observations, voit s'effondrer ce qu'il croyait acquis et se confronte à ce mystère qu'est l'éternel féminin.
Sous la forme d'un journal intime, l'
Apparition de l'éternel féminin évoque le quotidien de Jorge dit "le Ballot", entre les après-midi sur la terrasse de grand-mère en compagnie du Chinois et de Elke aux cours donnés par les prêtres, sans oublier les leçons de boxe de don Rodolfo. le récit se construit comme une suite de fragments spontanés qui se cristallisent autour d'une impression, d'une question ou observation nouvelles de ce jeune garçon amoureux des mots mais qui ne sait "pas parler en ligne droite".
Détail qui n'a rien d'anodin car dés les premières lignes, on est comme assailli par un flot de paroles désordonnées qui jaillit telle l'eau d'un puits artésien. Déstabilisante, l'écriture enfantine d'
Alvaro Pombo réclame certains efforts de la part du lecteur, les phrases n'arrêtant pas de rebondir autour de digressions. Certaines sont si longues que parfois le narrateur en perd le fil conducteur. Il faut donc du temps pour épouser les formes sinueuses de ce récit pour s'y couler comme dans un bon vieux canapé.
Mais une fois le style adopté, on est séduit par ce récit qui façonne ses personnages lentement, décrit une sorte de musique qui rythme les existences de chacun d'eux. On est séduit également par la faculté de l'auteur espagnol à restituer la fraîcheur, la spontanéité et les drames adolescents. C'est le genre de roman qui ravive des sensations oubliées comme l'émerveillement pour l'ordinaire, la dramatisation pour des petits riens, le goût des détails sans savoir ce qui est important et ce qui ne l'est pas ou encore le besoin de réinventer le monde en s'imaginant roi, soldat, aventurier. Même si ce besoin s'atténue au fur et à mesure que les confessions du Ballot se dépouillent pour quitter l'enfance.
Roman investi de la nostalgie du temps qui passe, il se révèle plein de tendresse et a le don de révéler la vraie nature de nos enfances.