Je vous demande pardon, à vous qui êtes restés là-bas. Je vous demande pardon, car je ne vaux pas mieux que vous. Mon oeil n'est pas plus vif, bien au contraire : je sais qu'on a tué des artistes et de merveilleux ouvriers. Mes pensées ne sont pas plus profondes, bien au contraire. Je sais qu'on a tué des sages.
Alors, pourquoi ? Chaque jour qui passe m'entend reposer la question : pourquoi moi ? On me répond qu'il fallait des témoins. C'est vrai, il en fallait, mais pourquoi moi ? Puisque je suis là, je témoigne, je ne cesserai jamais de demander pardon aux autres qui auraient aussi bien témoigné que moi, et qui ne sont pas rentrés de là-bas.
Dernièrement, à l'arrêt de l'autobus, mes jambes rougies par le froid, me rendaient le stationnement difficile. (...). Alors, timidement, pour la première fois, l'attente se prolongeant, j'ai sorti ma carte de priorité.
- Mais qu'est ce qu'elle a, celle-là à son âge !
- Excusez-moi, je suis une ancienne déportée.
- Déportée ! Avec cette mine...
- Si t'es r'venue,c'était pas si terrible !
-Des blaques, des blagues, elle avait pas l'âge d'y aller.
Mon bébé a bougé pendant des mois, et puis, ça y est, il est là. Tout de blanc vêtu, il dort. Comme il paraît paisible. Malgré sa croûte au crâne, cette peau griffée par les forceps, il repose, calme.
Comprends-tu, petit, que tu est l'enfant de la victoire ?
Comprends-tu, petit, que c'est cela qu'ils ne voulaient pas ?
L'Enfant des camps, de France Christophe avec Pierre Marlière.
Disponible en librairie. https://bit.ly/2OgQ5JN
Arrêtée en Juillet 1942 avec sa mère sur la ligne de démarcation, Francine Christophe est encore une enfant. Elle a presque neuf ans, l'âge des jours heureux quand elle est rattrapée par la folie nazie. Interrogée par la Gestapo, enfermée de prison en prison, ballotée de camp en camp, en France d'abord, elle est déportée en mai 1944 au camp de concentration de Bergen-Belsen. A son retour, quand elle essaye d'expliquer à ses camarades de classe ce que la guerre lui a fait, celles-ci la regardent, gentiment, mais tournent l'index sur la tempe, l'air de dire : elle est folle. La jeune Francine ne parle plus du cauchemar qui a duré trois ans.
Aujourd'hui, les mots refont surface. Francine Christophe raconte ce qu'elle vu et connu. Les coups, le froid, la faim. Les familles qu'on sépare. Les enfants qu'on entasse dans des wagons à bestiaux. La maladie et la mort. Les travées boueuses où les cadavres pourrissent. La cruauté. Mais aussi l'amour, celui d'une mère et de sa fille, indéfectible, qui résiste à la guerre. Et des miracles, comme ce bébé qui voit le jour dans l'enfer de Bergen-Belsen et survit grâce à l'entraide et la fraternité des femmes.
Pour que tous nous sachions et n'oublions pas ce que fut la Shoah.
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