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EAN : 9782849534540
240 pages
La Boîte à Bulles (05/04/2023)
4.15/5   20 notes
Résumé :
Au cours des années 1950, une nouvelle génération d'auteurs et d’artistes ébranle l'Amérique avec son style percutant et contestataire. Ils prennent le nom de Beat Generation, nom signifiant à la fois « génération battue », « génération de la pulsation» et « génération en quête de béatitude ». Parmi eux Jack Kerouac, William S. Bourrough, Neal Cassady…

En 1988, le journaliste français Gilles Farcet se rend à New York auprès d´Allen Ginsberg – l’un des... >Voir plus
Que lire après Au crépuscule de la Beat Generation : Le dernier clochard célesteVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Une bombe Beat lâchée en pleine rue pour contaminer tout ce qui peut l'être.
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Ce tome contient une histoire complète, une adaptation libre des témoignages du journaliste français Gilles Farcet (1959-), ayant passé une dizaine de jours à New York, auprès d'Allen Ginsberg en 1988. Il a été réalisé par Étienne Appert, pour le scénario, les dessins et les couleurs. Il comprend deux cent vingt-quatre pages de bandes dessinés. Il commence par une introduction de deux pages rédigées par Alejandro Jodorowsky, évoquant sa rencontre avec Allen Ginsberg vers 1965, au restaurant La Coupole à Paris, son expulsion de Cuba par Fidel Castro, leur virée au café La reine blanche, pour que le poète trouve un compagnon, leur rencontre au milieu des années quatre-vingt dans un tramway à San Francisco. L'album se termine avec la présentation de plusieurs auteurs, toujours sous format de bande dessinée : Avant les beats, Neal Cassady (1926-1968), Jack Kerouac (1922-1969), William Burroughs (1914-1997), Gregory Corso (1930-2001), Gary Snyder (1930-), Peter Orlovsky (1933-2010), Michael McClure (1932-2020), Ram Dass (1931-2019, Richard Alpert), Allen Ginsberg (1929-1997), La suite pour Gilles Farcet, Patti Smith (1946-) l'héritière. Puis viennent une proposition de bande son pour l'ouvrage par Gilles Farcet, les remerciements et les crédits.

Parole de Hank : de nos jours, un poète c'est pas un type en chemise blanche qui tousse au bord d'un lac. Quand cette histoire commence, Gilles Farcet ignore l'existence de Hank : le poète invisible, le Beat incarné ! Mais Hank va bientôt faire hurler une sirène intimant Gilles de mettre à l'abri sa faculté d'innocence avant qu'elle ne soit pulvérisée pour de bon. Et c'est ce qu'il fera, peu ou prou. Grâce à lui. 30 septembre 1987, dans la ville de Québec, au Canada. Dans la rue, Gilles attend pour déjeuner, des amis qui ne viendront pas. Une silhouette s'approche. Un oeil non exercé ne verrait qu'un barbu usé et claudiquant. Mais il reconnait Allen Ginserbg, le plus célèbre poète américain vivant. Membre fondateur de la légendaire Beat Generation. Inventeur du Flower Power. Grande figure de la contre-culture des années 60 et 70. Conscience morale des États-Unis du XXe siècle. Considéré pendant 30 ans comme un danger national par la CIA

La présence de Ginsberg dans le quartier n'a pas de quoi surprendre Gilles : il est l'invité d'honneur pour une rencontre internationale autour de l'oeuvre de Jack Kerouac, décédé 18 ans plus tôt. Gilles est venu à Québec avec l'espoir de l'interviewer. Mais pas question d'importuner cette légende vivante sur un trottoir. La scène prend alors un tour imprévisible. Ginsberg s'adresse au journaliste et lui demande qui il est, ce qu'il fait là et s'il s'intéresse au bouddhisme tibétain. Au vu des réponses, il l'invite à venir déjeuner avec lui car il en a assez de ne parler qu'à des vieux qui lui rabâchent toujours les mêmes histoires. Plusieurs rencontres suivent, et en novembre 1988, Gilles Farcet passe une semaine avec Ginsberg à New York.

Le titre évoque la fin du mouvement Beat, ce qui peut inciter le lecteur à se dire qu'il vaut mieux en connaître son histoire avant de se lancer dans cette lecture. le texte de la quatrième de couverture explicite clairement la nature de l'ouvrage : un court paragraphe de rappel sur la Génération battue, un autre sur le séjour de Gilles Farcet auprès d'Allen Ginsberg en 1988, et la présence d'un véritable clochard céleste. le matin, quand Gilles va prendre son café dans un troquet, il discute avec Hank : poète sauvage, incarnation pure de l'esprit Beat, génie marginal dont les paroles expriment sans filtre le souffle de la grande pulsation et entraînent son auditeur dans un voyage intérieur sur la route de l'initiation psychédélique. de fait, après cinq pages introductives aboutissant à l'arrivée de Gilles à New York en 1988, l'auteur présente ce qu'est la Beat Generation pendant six pages : une synthèse remarquable. Trois auteurs et leur ouvrage majeur : Howl en 1956, par Allen Ginsberg (1929-1997), Sur la route en 1957, par Jack Kerouac (1922-1969), le festin nu en 1959, par William S. Burroughs (1914-1997). La création du mouvement et son développement. Son héritage : fin des années 50 des hordes de jeunes gens partent Sur la route, dans les années 60 et 70 Ginsberg devient une figure de lutte contre la guerre au Vietnam, dans les années 1980 les punks rejettent tout l'héritage hippie, mais adoptent aussi les Beats comme ancêtres, fin du siècle, la prise de conscience écologique devient planétaire, ce que Snyder et McClure avaient déjà porté au début des années 1950.

L'auteur a choisi de développer à sa manière les souvenirs du journaliste Gilles Farcet, en le mettant en scène, à partir de deux de ses livres : La joie qui avance chancelante le long de la rue (2017) et Allen Ginsberg – Poète et boddhisattva Beat (2004). le lecteur commence la première page et il tombe tout de suite sous le charme de la narration visuelle : simple et évidente, dans un registre descriptif avec un bon niveau de détail. Dans cette première page, un dessin en pleine page, un petit diner qui ne paye pas de mine dans une rue de New York, avec le panneau sur ressort devant l'entrée, un arbre, un escalier incendie en façade : une rue aussi plausible que crédible. L'artiste sait montrer ces environnements urbains en extérieur comme en intérieur avec une approche factuelle, et un savant dosage entre ce qui est représenté avec application et ce qui reste plus évoqué. En page trente-quatre, Gilles accompagné par deux personnes se tient devant l'immeuble où se trouve l'appartement d'Allen Ginsberg : la largeur du trottoir, les poubelles métalliques, la grille métallique, les escaliers incendies en façades, les portes d'entrée, tout a l'air authentique. À l'intérieur, la cage d'escalier, les graffitis sur les murs, la rambarde : pareil, tout apparaît réel et réaliste. le lecteur peut ainsi s'assoir dans le diner en face de Hank pour l'écouter, et même boire ses paroles, visiter le grand appartement de Ginsberg avec ses différents bureaux et sa cuisine, effectuer une virée dans le désert et éprouver des hallucinations, se rendre à une soirée mondaine pour se faire crier dessus par Gregory Corso, faire un tour dans Central Park, ouvrir les casiers de rangements de Ginsberg, se tenir sur scène avec lui, etc.

De temps à autre, le lecteur relève une mise en scène ou mise en page qui sort de l'ordinaire : le souvenir de la jeunesse d'Allen Ginsberg en spectres jaune et rouge au-dessus du barbu usé et claudiquant, l'usage modéré de dessin en pleine page, une palette psychédélique quand la scène s'y prête, un hommage à Philippe Druillet pour évoquer Moloch, une même voiture dessinée plusieurs fois dans un même dessin pour représenter son trajet, des cases de la largeur de la page, des cases de la hauteur de la page, des oiseaux se regroupant dans le ciel pour former un visage, quelques séquences psychédéliques pour évoquer la vie spirituelle, un jeu avec la forme même de la page et des cases (coin inférieur droit de la page semblant comme corné, personnage passant au travers d'une gouttière, cases désordonnées comme emportées par un flux d'énergie), transformations corporelles grotesques et monstrueuses.

L'auteur évoque ainsi la Beat Generation dans ses différentes composantes. le titre s'avère un peu surprenant : il évoque le crépuscule du mouvement. de fait, Gilles Farcet rencontre le curateur du mouvement, l'un de ses principaux initiateurs, après coup. Encore, que l'auteur évoque son héritage dans les années 1970, 1980 et 1990. Un peu inquiet de se retrouver perdu s'il ne connaît pas déjà les Beats, le lecteur découvre que l'ouvrage est incroyablement bien conçu : évoquant le mouvement en huit pages, avec ses principaux acteurs et ses retombées, puis l'évoquant par l'intermédiaire des discussions avec Allen Ginsberg en 1988, alors qu'il dispose du recul qui lui permet d'appréhender ce que la Beat Generation a apporté, dans quelle mesure elle a modifié le monde. Ce dispositif est complété par la rencontre et les discussions régulières qui s'en suivent avec Hank, le clochard céleste, d'après le titre du roman de 1958, de Jack Kerouac. Hank est bien vivant, même s'il semble vieux, peut-être la quarantaine ou plus, et déjà abimé par son mode de vie : un beat au crépuscule de sa vie. Un individu qui continue de lutter contre Moloch plus puissant que jamais : biocide, fratricide, nucléaire, incendiaire, avide, menaçant désormais les conditions mêmes de vie sur la Terre. Une personne qui a ressenti la pulsation (le beat), qui s'est retrouvé défait (battu) par la société (deuxième sens de beat), et qui est parvenu à trouver une cohérence intérieure proche d'un état de béatitude (troisième sens de beat). Un être humain pleinement Beat. le lecteur peut appréhender son art de vivre au regard des autres créateurs Beat évoqués : Gregory Corso (1930-2001), Neal Cassady (1926-1968), Gary Snyder (1930-), Peter Orlovsky (1933-2010), Michael McLure (1932-2020), Ram Dass (1931-2019, Richard Alpert), et la tutelle de Chögyam Trungpa Rinpoché (1939-1987). En découvrant les portraits de la dernière partie, il peut également le comparer à l'héritière désignée incarnant la Beat Generation dans les cinq pages qui lui sont consacrées : Patti Smith

La Beat Generation a laissé une empreinte indélébile sur la culture populaire, a incarné la contre-culture pendant plusieurs décennies. Étienne Appert propose de l'aborder par le biais des écrits du journaliste Gilles Farcet ayant passé une semaine avec Allen Ginsberg à New York en 1988. le lecteur bénéficie d'un auteur prévenant, ayant à coeur de transmettre l'histoire de ce mouvement sans pareil, de le faire comprendre, de le considérer avec du recul, au travers de l'un de ses initiateurs, avec une narration visuelle semblant toute naturelle, tout en étant capable de s'adapter pour évoquer le passé, les forces spirituelles, l'expansion de la conscience. le lecteur en ressort conquis, en phase avec le mouvement Beat, avec peut-être un goût de trop peu sur l'usage des produits psychotropes.
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Club N°53 : BD sélectionnée
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Très bel album qui permet d'en savoir plus sur la Beat generation.

Au-delà des grands noms qui l'ont marquée, c'est un univers sombre et psychédélique à la fois, empreint de légèreté et de souffrance.

Les dessins et le jeu des couleurs rendent bien compte de l'ambivalence de la création artistique.

Un album à lire et à relire.

Virginie
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Une adaptation illustrée par Etienne Appert des textes du journalistes Gilles Farcet, et plus particulièrement autour de sa semaine avec Allen Ginsberg, père du mouvement Beat, à NYC à la fin des années '80.

Ouvrage vaste qui retrace les origines du mouvement, ces principaux piliers, et ce mouvement artistique incroyablement prolixe qui continue à vivre aujourd'hui.

Très accessible pour ceux qui connaissent peu, pleins d'anecdotes pour ceux déjà intéressés, et une recherche graphique très intéressante pour illustrer tout ça.

Beaucoup apprécié, aussi bien le fond que la forme.

Pas forcement un thème qui attirera tous les bédéphiles, mais ça a le mérite d'être suffisamment accessible pour plaire à tous.

Greg
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Rencontre à New-York entre un journaliste français et Allen Ginsberg, l'un des leader de la Beat Génération.

On passe en revue tous les noms qui ont fait le succès de ce mouvement : Kerouac, Burroughs, et tant d'autres.

Le monde psychédélique est très bien retranscrit graphiquement.

À lire pour découvrir l'univers hippie avec tous ses fantasmes mais aussi ses désillusions.

David
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Lien : https://mediatheque.lannion...
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Voici un roman graphique qui a dû demander beaucoup de travail. Cela se ressent à la lecture !!!
Mais malheureusement j'ai eu du mal à vraiment m'imprégner de cette ambiance fort particulière.
L'ensemble vraiment de fluidité même si la passion de l'auteur est plus qu'évidente !!! Mais pour les novices du sujet c'est ardu et pas forcément accessible à tous.
Le graphisme est en parfaite adéquation et certaines planches sont assez impressionnantes voir déstabilisantes. La colorisation est incroyable et apporte un plus indéniable à l'ensemble. Les fans apprécieront sans aucun doute !!!
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Tout d'abord merci à Babelio et aux éditions La Boîte à Bulles pour cet ouvrage reçu lors d'une Masse Critique.

Fin des années 80, Gilles FARCET se rend aux States palper ce qu'il reste de la Beat Generation, ancêtre du mouvement hippie.
On en connaît tous les célébrités : GINSBERG, qui accueillera notre frenchie, KEROUAC, BURROUGHS etc, l'auteur en rencontrera d'ailleurs certains.

Une rencontre à laquelle il ne s'attendait pas , c'est celle de Hank, authentique clochard: au premier abord on aurait plus envie de lui filer la pièce que d'entamer une discussion intellectuelle, céleste: envolées lyriques, quasi lunaires, aux frontières de la folie (un traumatisme ayant sucé une partie de la santé mentale du bonhomme) sur la définition du Beat.

Une BD intéressante, peut être un peu ardue pour les non initiés dont je fais partie, j'aurais tendance à conseiller de se documenter auparavant sur le mouvement Beat avant d'en entamer la lecture.

J'y ai néanmoins appris beaucoup de choses, les noms de certaines icônes du mouvement, l'origine du mouvement lui même, l'existence de ce Moloch, ennemi juré du Beat, qui corrompt nos âmes (que je comparerais à la Babylone des rastafaris) et nous condamne, selon les mots de notre ami Hank, qu'il a lui même empruntés à Thoreau, à "un désespoir tranquille".
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Gilles Forcet est un journaliste français, passionné par la Beat Generation. En 1988, il se rend aux États-Unis pour rencontrer les derniers représentants du mouvement : Allen Ginsberg, notamment. Il rencontré également un poète marginal qui n'a rien écrit, mais qui incarne l'esprit beat : un clochard céleste, Hank.

Étienne Appert s'appuie sur le témoignage de Gilles Forcet pour présenter ces différents personnages. J'ai beaucoup aimé cette immersion dans le New-York de la fin des années 1980. le dessin arrive à rendre l'ambiance de la ville, l'effervescence de l'appartement de Ginsberg. On se rend compte de l'évolution de sa poésie : d'abord, poésie de l'amour et de l'individualité, elle devient impersonnelle et empreinte d'un certain mysticisme. Ce livre donne à découvrir et surtout donne envie de découvrir. Il est passionnant !

En fermant le livre, j'ai eu envie de découvrir ces auteurs que je ne connaissais que de nom : Ginsberg, Burroughs, Ram Dass, etc. J'ai déjà lu Kerouac, mais j'ai bien envie de le redécouvrir .

Merci à Babelio et à la Boîte à Bulles pour cette bande dessinée, reçue dans le cadre de la masse critique de mai 2023.
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critiques presse (1)
LeMonde
17 mai 2023
En déployant un univers graphique et chromatique d’une beauté hallucinée, Etienne Appert retrace ce voyage initiatique, odyssée psychédélique au cœur d’une contre-culture qui dit tant de l’histoire nord-américaine contemporaine.
Lire la critique sur le site : LeMonde
Citations et extraits (19) Voir plus Ajouter une citation
Mais avant toute chose, peut-être faut-il présenter ce qu’est la Beat Generation ? Appelée à devenir un très vaste mouvement, la Beat Generation se résume au départ à un trio d’amis, trois écrivains incandescents qui publieront chacun un livre à l’impact considérable. Howl en 1956, par Allen Ginsberg. Sur la route en 1957, par Jack Kerouac. Le festin nu en 1959 par William S. Burroughs. Ils se rencontrent dans les années 1940 autour de l’université de Columbia, à New York, et adopte d’emblée un mode de vie bohème et audacieux qui deviendra la norme contre-culturelle 20 ans plus tard. Sexe libre. Culte du voyage. Exploration de la conscience par les drogues et la poésie. Ouverture d’esprit tous azimuts. Recherche de la nouvelle vision. Dans les années 1950, un deuxième cercle se rassemble autour du trio avec des poètes très proches et bientôt célèbres comme Gregory Corso ou Gary Snyder. Le terme Beat Generation a été inventé par Jack Kerouac et John Clellon Holmes dès 1948, et Holmes l’emploie dans un article célèbre du New York Times en 1952. Mais l’acte fondateur du mouvement est une lecture à la Six Gallery de San Francisco en 1955, où Ginsberg dévoile pour la première fois son poème Howl. Publié dans la foulée par Lawrence Ferlinghetti, ce texte est attaqué pour obscénité et donne lieu à un procès retentissant qui ouvrira la voie à la fin de la censure aux États-Unis et à l’immense célébrité de Ginsberg. Le mouvement s’élargit, se déploie, en grande partie grâce à l’énergie que Ginsberg dépense sans compter. Il se déplace partout avec les manuscrits de ses amis qu’il défend inlassablement auprès d’éditeurs initialement dubitatifs. Au-delà de son œuvre personnelle, Ginsberg travaille à la création d’un vaste courant susceptible de faire contrepoids à la mouvance maccarthyste et réactionnaire qui impose au pays, pour seul horizon, un Amrican Way of Life étroit et mortifère. Le résultat est impressionnant. Avec le recul, on peut considérer la Beat Generation comme le creuset d’où ont jailli toutes les contre-cultures occidentales du XXe siècle. Dès la fin des années 50, des hordes de jeunes gens partent Sur la route, à la suite de Kerouac. Dans les années 60 et 70, Ginsberg devient une figure de lutte contre la guerre au Vietnam. En 65, il est élu Roi de mai, à Prague, puis chassé du pays avec fracas. Avec Snyder, il initie ensuite les hippies aux spiritualités orientales. Ginsberg est aussi célébré par des figures majeures du rock‘n’roll conscientes que les lectures publiques des Beats, chantant 20 ans avant eux le corps électrique (selon la formule de Walt Whitman) préfigurait leurs grands-messes païennes. Dans les années 1980, les punks rejettent tout l’héritage hippie, mais adoptent aussi les Beats comme ancêtres ! Ginsberg collabore avec The Clash et Burroughs devient le Grand-Père du Punk. Et, quant à la fin du siècle, la prise de conscience écologique devient planétaire, on peut se souvenir que Snyder et McClure avaient porté cet enjeu au sein de la Beat Generation dès le début des années 1950. On reproche aujourd’hui à ce courant visionnaire d’avoir manqué de clairvoyance sur un thème : la place faite aux femmes. La Beat Generation ne manquait pourtant pas d’autrices de talent : Diane di Prima ou Anne Wadman, par exemple, ont commencé très tôt à produire des œuvres importantes. Mais elles ont toujours été moins mises en avant que les hommes. Quelle que soit l’aspiration des auteurs Beat à une nouvelle vision, ils sont sans doute restés conditionnés par l’atmosphère machiste de leur jeunesse, dans l’Amérique des années 1940. Pourtant, si on cherche un successeur aux poètes Beat, une personnalité qui a connu de très près Ginsberg et Burroughs, qui s’inscrit clairement dans leur sillage et incarne après eux l’esprit du Beat avec une influence mondiale, c’est le nom d’une femme qui s’impose : Patti Smith.
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30 septembre 1977, ville de Québec au Canada. J’attends pour déjeuner, des amis qui ne viendront pas. Une silhouette s’approche. Un œil non exercé ne verrait qu’un barbu claudiquant. Mais je reconnais Allen Ginsberg, le plus célèbre poète américain vivant. Membre fondateur de la légendaire Beat Generation, inventeur du Flower Power, grande figure de la contre-culture des années 60 et 70, conscience morale des États-Unis au XXe siècle, considéré pendant 30 ans comme un danger national pour la CIA. Sa présence dans le quartier n’a pas de quoi me surprendre : il est invité d’honneur pour une rencontre internationale autour de l’œuvre de Jack Kerouac, décédé 18 ans plus tôt. Je suis venu à Québec avec l’espoir de l’interviewer. Mais pas question d’importuner cette légende vivante sur un trottoir. La scène prend alors un tour imprévisible. […] Et me voici entraîné dans les ruelles de ville la plus catholique d’Amérique, dans le sillage d’un Juif new-yorkais adepte du Vajrayãna. Plusieurs rencontres prolongeront celle-ci dans les jours suivants. Et un an plus tard je partagerai pendant une semaine le quotidien du poète dans son appartement new-yorkais, quartier général de tout ce que la Grande Pomme compte d’artistes et d’activistes de la contre-culture américaine.
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Parole de Hank – Au commencement était le Beat. Tu sais ce que ça veut dire, au mois, Beat ? Bien sûr, il y a le beat : le rythme, le tempo ; ce truc que les Nègres nous ont restitué, si tant est qu’on l’ait eu un jour. Oh, on a bien dû l’avoir, il y a de ça très longtemps, cette pulsation qui te fait sentir vivant chaque fois que tu te branches sur elle. Cette pulsation sourde, insidieuse, qui imprègne tout et re paraît naturelle. Pourtant, il nous a fallu la reprendre aux Nègres pour commencer à respirer un peu en dessous de la ceinture. Un sacré cadeau qu’ils nous ont fait, les frères. Et loués soient-ils car il n’y a pas de poésie sans Beat. Kerouac était un pauvre enfoiré, un pathétique fils à maman qui a fini par aller se cuiter pour de bon en fucking Florida. Mais quand il était jeune, quand il se faisait bien mettre par Cassady et parfois par Allen, il le captait, le Beat des Nègres sur ses rouleaux de télétype. Tout le propos de Sur la route, tu le sais bien, et le monde entier le sait, enfin, quiconque en a quoi que ce soit à branler, tout le putain de propos c’est ce Beat. On s’en tape après tout, des états d’âme de bouddhiste catho de Jack et des histoires de Neal. On s’en balance de leurs gesticulations d’est en ouest et réciproquement, des crises de nerfs des bonnes femmes bafouées. Ce qui nous retient dans le roman, c’est le beat, la pulsation qui fonce sur toi comme une autoroute sur laquelle on s’enfonce dans la nuit.
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Ces pauvres chiens de misère, ces malheureux cabots que leurs salopards de maîtres ont cru bon d’attacher pour toujours et qui ne frémissent ni ne jappent plus de rien… Le Christ himself pourrait passer à deux pouces de leur gamelle qu’ils n’en auraient rien à secours. Eh bien, vois-tu, ces misérables bêtes sont Beat. C’est l’un des autres sens de ce sacré mot. Beat, c’est aussi ça que ça veut dire : battu, défait, léthargique et sans réaction, à force de mauvais traitements, de manque de soins, d’indifférence. Neal était Beat. Jack était Beat. Ils ont capté la pulsation et à force de danser, ils se sont fatigués parce qu’ils n’ont pas trouvé le deuxième souffle. L’autre moteur, le cœur absolu. L’autre pulsation, celle qui n’est pas donnée, celle que tu ne captes pas par la simple grâce de ta jeunesse, celle qu’il faut payer de la sève même de ton âme. Si tu ne la trouves pas, de deux choses l’une… Sois tu vis comme la plupart des petits hommes, ce que Thoreau appelait une existence de désespoir tranquille, pas de Beat, mais pas d’horreur non plus, pas d’abîme, pas de vertige, juste des petites routes cernées d’abysses. Soit, comme Jack et Neal, t cultives ce foutu Beat, tu le bichonnes, tu te branches sur lui et tu le laisses gronder en toi. Mais alors gare ! Parce que personne ne peut soutenir le Beat. Le tenir, c’est pas humain. Quand la vitalité de la jeunesse te quitte, alors tu sais que le Bet te quitte et que tu ne peux pas vivre sans lui. Tu ne peux pas revenir au désespoir pénard, tu n’as même pas le choix parce que tu es foutrement trop ouvert, transpercé de flèches comme saint fucking Sébastien. […] Le deuxième souffle n’est pas un truc que tu achètes avec du pognon ou du pouvoir. C’est le troisième sens du mot Beat. Et ce souffle-là, mon petit, ne peut être que celui de l’esprit. Il y a du Beat dans la béatification, la béatitude, Il beato angelico, comme Allen dit toujours. Mais la dimension béatifique du Beat demande du travail. Du travail, nom de Dieu, du turbin, de la sueur ! On pourrait supposer que la grâce est l’ingrédient, mais non. Il faut la mériter, la grâce, il faut préparer le réceptacle, les circuits, tu piges ?
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Le regard frais, fiston. Frais comme dans Poisson frais, Fleurs fraîches, Fruits frais. En bref non avarié. Même à New York, les fruits frais sont cent mille fois plus courants qu’un regard frais, tu sais ? Regarde-moi tous ces vieux regards avariés. On ne le sent pas, en tout cas, pas avec le nez de chair. Mais avec le nez de l’âme, par contre, tous ces milliers, ces millions de regards qui trottinent dans Manhattan, juchés sur des têtes encombrées, on sent bien que tous ces regards puent. Ils empestent la corruption déjà tous grignotés par la vermine. Ah, mon garçon, dégage-toi le nez de l’âme et respire-moi cette pourriture ambulante ! Tout Manhattan, ou presque, une meute de pourritures. Il y a les pourris pourris – et il y en a pas mal ici, crois-moi – et il y a les pourris braves. Il y a même les pourris honnêtes ou presque. Mais tous on le regard pourri. Pourquoi ? Tout simplement parce que ça fait longtemps qu’ils ont cessé d’être frais. Comme éructait le vieux Whitman qui s’y connaissait en fraîcheur du regard : Il empeste le cadavre, vite à la fosse, sans tarder ! Ou T.S. Eliot : Tant des gens… qui eût cru que la mort eût défait tant de gens… Note bien que Whitman comme Eliot ne dénonçaient pas les morts morts mais les pseudo-vivants, les hommes creux dont le regard a cessé d’être frais. Sans un regard frais, putain… qu’est-ce que tu peux faire ?
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Video de Étienne Appert (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Étienne Appert
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