Troisième volet des aventures du dilettante Jack Teddyson, après
Citoyens au-dessus de tout soupçon (bientôt en poche) et du rififi chez les fils de la veuve, ce Bal masqué à Békéland s'invite chez les Blancs-pays martiniquais, qui n'ont pourtant pas coutume de laver leur linge sale en public.
La jeune, riche et belle Marie-Aimée Dupin de Flessac a disparu et son père, puissant homme d'affaires, refuse de faire appel à la maréchaussée. Jack Teddyson, détective quinquagénaire et loser sympathique qui cultive l'amitié, les maîtresses et les fins de mois difficiles se retrouve chargé de l'enquête. Dupin de Flessac lui ouvre les portes de "Békéland", lieu de résidence des grandes familles blanches martiniquaises dans le sud de l'île, où les seuls noirs présents sont les employés. Teddyson, de son vrai nom Raymond Vauban, va se trouver plongé dans un univers fantasmé, abhorré par le mouvement indépendantiste "Békés dehors!": "Sur la véranda, la marmaille se chamaillait, donnant du fil à retordre à leurs nounous. J'avais l'étrange impression de remonter le temps, de me retrouver à l'époque de la Case de l'Oncle Tom."
Je ne serai pas du tout partiale en ce qui concerne ce roman. J'aime beaucoup la prose de Confiant et je l'apprécie encore davantage quand il s'attelle à l'écriture d'un polar. Il semble avoir pris beaucoup de plaisir à plonger Teddyson "diplômé de l'Ecole Supérieure de Criminologie de Paris et de l'Institut de Formation des Détectives Privés de Genève" dans des situations rocambolesques et se lâche pour la plus grande joie du lecteur. La langue est riche et inventive, l'humour et l'ironie pimentent une intrigue menée tambour battant. Grâce aux tribulations de son personnage que son enquête mène d'un bout à l'autre de l'île, Confiant croque les réalités sociales et culturelles de toutes les Martinique, la Martinique des combats identitaires et sociaux, et celle des affaires et des montages financiers gangrénée par un trafic de stupéfiants à grande échelle. Les mésaventures du privé, "Martiniquais de souche comme son nom de l'indique pas" permettent également au romancier d'égratigner au passage quelques institutions ainsi que les églises évangéliques qui commencent à pulluler dans les Antilles. Souhaitons qu'après ces trois opus,
Raphaël Confiant donne une nouvelle fois vie à ce jouisseur impénitent qu'est Teddyson, et que nous retrouvions très vite l'inspecteur Maxence du commissariat de Fort-de-France, ainsi que Francelise et ses telenovelas. le roman devrait séduire les lecteurs hermétiques aux enquêteurs venus du froid, qui trouveront chez Caraïbeditions une nouvelle collection polar.