Pourquoi
il faut lire Blue Period !
Il y a deux façons de lire une série manga dont le nombre de volumes dépasse la dizaine et est toujours en cours de publication, soit volume après volume, d'une part, tout en étant tributaire des délais d'impression en France.
Soit en accumulant plusieurs tomes, d'autre part, et de pouvoir ains
i les lire dans la continuité de l'action.
C'est cette dernière que j'ai ut
ilisé pour lire Blue Period.
Depuis la publication du premier volume j'ai accumulé les 12 premiers volumes avant de me lancer dans la lecture de cette oeuvre si magistrale et addictive.
Cette oeuvre a été plusieurs fois récompensée au Japon et c'est
TSUBASA YAMAGUCHI qui signe le scénario et les dessins.
L'autrice avait déjà fait les dessins d'une autre oeuvre « Elle et son chat ».
Dessiner l'art, où l'art de se regarder dans la glace !
Lorsque l'on parle de manga, on pense One piece, Naruto, Berserk, Astro Boy ou Goldorak pour les plus anciens.
Souvent l'histoire met en scène des ados dans un m
ilieu scolaire et des événements qui vont les transformer pour le reste de leur vie.
Cependant le manga est aussi un moyen de recul et d'analyse souvent ut
ilisé.
En série ou bien en one-shot les auteurs et autrices ut
ilisent se qu'
ils savent faire le mieux pour traiter de leur art.
Le manga devient, alors, un objet introspectif pour son auteur, autrice, sur son trava
il et son oeuvre.
Ces dernières années les mangas traitants de l'art en général ou en étant plus ou moins autobiographiques ont donné des ouvrages très intéressants.
Le premier que j'a
i lu est une série en 4 volumes qui entraîne le lecteur dans le quotidien d'une librairie spécialisée dans la distribution de mangas au Japon.
« Librairie jusqu'à l'os » de l'autrice HONDA est une savoureuse et loufoque autobiographie du métier de libraire.
Toujours dans le domaine de l'édition
il y a la série, en cours, « REIMP '!» de l'autrice
NAOKO MAZDA. Ici c'est la maison d'éditions qui est décortiquée avec jub
ilations.
Sur l'art du dessin,
il y'a plusieurs oeuvres à découvrir. Celles qui me viennent tout de suite est celle sur la vie d'
OSAMU TEZUKA « Une vie en manga » qui existe en intégrale ou en série.
Et puis
il y a un one-shot d'une beauté toute douce. de la poésie à l'état pur.
« LOOK BACK » de l'auteur FUJIMOTO TATSUKI. Cette oeuvre vient s'intercaler comme un ovni inclassable dans la production de « CHAISAW MAN ». L'auteur livre, au travers d'une fiction, deux cent pages, une autobiographiques où
il se met à nu dans sa recherche de création, dans ses relations entre mangakas.
« LOOK BACK » peut-être une très bonne introduction à « BLUE PERIOD ».
Comprendre l'importance pour un auteur, une autrice, du poids d'une oeuvre et de l'investissement personnel pour la concrétiser.
N'est pas mangaka qui veut. On le devient, on se forme pour et on se remet au trava
il afin d'aboutir au résultat escompté.
C'est en cela que « BLUE PERIOD » est important dans l'édition. Cette série est l'élément manquant dans le parcours du mangaka. A savoir sa formation d'artiste en devenir.
Blue Period où la peinture d'une histoire !
Dans « BLUE PERIOD » point de chapitre mais des pinceaux pour découper l'histoire de chacun des volumes.
L'histoire ! C'est celle d'un étudiant Yatora qui se cherchant dans son parcours scolaire va subitement s'orienter dans le domaine de l'art.
L'autrice au f
il des douze premiers volumes nous montrer son parcours et même si son personnage est masculin on peut aisément se dire que c'est tout ou partie de son cheminement artistique personnel que l'on découvre au travers du personnage de Yatora.
TSUBASA YAMAGUCHI va, alors, déta
iller l'apprentissage de ce jeune garçon.
C'est sûrement cet aspect qui a fait que de nombreuses chroniques ont qualifié « BLUE PERIOD » comme une oeuvre sur l'art dans ces techniques fondatrices.
Ce qui est, à mon avis, trop réducteur !
« BLUE PERIOD » est bien plus qu'un manuel imagé sur l'art, sur les techniques d'apprentissage de la peinture ou du dessin.
Tout va dépendre, en fait, du lecteur.
Pour une personne néophyte, la série peut paraître très professorale.
Pour une personne qui dessine et / ou qui a dessiné, ce ne sont pas ces moments dans la série qui vont attirer l'oe
il du lecteur. Même si ces derniers m'ont permis soit de découvrir des choses soit de raviver des connaissances.
C'est l'histoire de Yatora dans son parcours d'arts qui m'a captivé au point de lire les douze premiers volumes à la suite.
Venant d'a
illeurs, d'un m
ilieu non artistique Yatora choisit ce monde si attractif, si grisant tout en restant impitoyable.
Exister dans l'art, demande bien plus que de la technique.
TSUBASA YAMAGUCHI va jouer avec son personnage principal, elle va le faire douter, le décourager, le rendre euphorique, heureux devant ses créations.
« BLUE PERIOD » n'est un manga sur l'histoire de l'art, mais sur l'histoire d'un artiste en devenir !
Blue Period où la communauté du pinceau !
Je pense que « BLUE PERIOD » est bien plus autobiographique que les critiques ont pu le dire.
L'autrice saupoudre finement les états d'âmes d'un prétendant artiste dans la variété de ses personnages.
Les compagnons de voyage de Yatora représentent les différents états émotionnels que l'on peut rencontrer lorsque l'on est dans un processus créatif.
Ses personnages, attachants, permettent à Yatora de commencer son parcours initiatique artistique.
Au lieu de tout concentrer dans un seul personnage,
TSUBASA YAMAGUCHI, ut
ilise les autres protagonistes comme étant des reflets de sa propre personnalité ou des rencontres qu'elle a pu avoir lors de sa propre formation artistique.
Ainsi, chacun des personnages représente ce que l'on ressent lorsque l'on crée.
On peut être, tour à tour, aussi érudit que le personnage d'Haruka Hashida, avoir un « don » comme Yotasuke Takahashi, se sentir perdu au point de tout vouloir abandonner comme Maki Kuwana ou bien se sentir inspiré par un mentor comme le personnage de Masako Saeki.
La mise en abîme de ces personnages montre le parcours de Yatora et surtout de son évolution dans son parcours artistique. J'aime penser que l'artiste est tout à la fois.
La force de « BLUE PERIOD » est de personnifier ces différentes émotions. de donner un visage, un corps, des attitudes et des mots à des ressentis.
Il faut avoir créer pour savourer le moment où l'oeuvre prend forme sous ses yeux, où le résultat dépasse l'idée.
Il faut avoir créer pour, sans pouvoir l'expliquer, la page reste blanche, le processus de création ne s'enclenche pas.
Il faut avoir créer pour douter sur le bien fondé de ses créations.
Il faut avoir créer pour découvrir le retour de celui ou celle qui regarde, qui commente, qui critique ce que vous créez.
« BLUE PERIOD » est tout cela ! le parcours de celui qui voudrait faire de l'art !
Blue Period où l'art influencé assumé !
« BLUE PERIOD » est une oeuvre contemporaine, pour ses contemporains. L'autrice ne triche pas avec le lecteur,
il n'y a pas de dimension fantastique, ni de monstre dans le récit. Encore moins de pouvoirs surhumains créatifs.
TSUBASA YAMAGUCHI pose le cadre de sa to
ile. L'art se transmet, l'artiste s'inspire de l'art dans son histoire. Que se soit dans une école de dessin ou à l'université le personnage de Yatora va s'imprégner de tout le passé artistique afin d'y trouver sa voix.
TSUBASA YAMAGUCHI nous rassure en ne donnant pas de don particulier à Yatora,
il est une personne normale qui intrigué par l'art, se donne les moyens de commencer son parcours.
Yatora est humain devant l'art,
il s'inspire du passé, découvre et acquiert des techniques du passé pour se réaliser au présent.
La pureté n'est pas dans l'art mais dans l'honnêteté de l'émotion de celui qui réalise une oeuvre.
Regardez ma to
ile, ma feu
ille, ma sculpture, vo
ilà ce que je suis.
Je suis nu, devant vous ! Je me mets à nu !
Il n'y a plus que l'oeuvre qui vous parle. Je suis nu et muet !
Il faut prendre le temps de lire les textes de
TSUBASA YAMAGUCHI qui accompagnent ses dessins et puis
il faut prendre, un autre temps, pour regarder ses dessins.
Chacune de ses cases sont posées , calées avec le texte.
« BLUE PERIOD » n'est pas un manga qui va se lire en 5 mn.
Il n'est pas un manga d'action avec des scènes de bagarre.
« BLUE PERIOD » demande d'être concentré sur sa lecture autant dans les dessins que pour le scénario.
Car chaque déta
ils comptent. Même ceux qui ne semblent pas importants dans le déroulé de l'histoire.
Ils prendront tout leurs sens quelques pinceaux plus tard ou bien quelques volumes après une action bien précise.
Autre influence assumée, la dimension sociale de « BLUE PERIOD ».
Cette série est, aussi, une oeuvre sociale. L'artiste a un point d'origine et
TSUBASA YAMAGUCHI nous montre son parcours dans ses relations amicales et fam
iliales.
On pouvait s'attendre à ce que l'autrice s'attarde que sur la cellule fam
iliale de son personnage principal. Les relations fam
iliales restent un thème récurrent dans la série. Outre la fam
ille de Yatora, c'est aussi présent pour les autres personnages. le lecteur est immergé dans le au quotidien de celui qui se veut être artiste. La vision de la société japonaise sur l'envie de faire des études artistiques est cinglante. Se faire accepter comme tel est déjà un parcours de combattant. Au travers de Yatora c'est nous lecteurs et lectrices qui assistons impuissants aux difficultés que rencontre Yatora pour se sentir reconnu et valorisé, lorsqu'
il décide de s'orienter dans l'art.
Ne pas oser l'annoncer à sa mère ou à ses camardes de bars. D'être obligé de prendre un job afin d'assumer son statut d'étudiant artiste.
Des situations que
TSUBASA YAMAGUCHI a sûrement vécues ou rencontrées à son époque.
Blue Period où les arcs narratifs annoncés !
D'habitude se sont les lecteurs et lectrices, les chroniqueurs qui décortiquent une oeuvre afin d'en faire ressortir par leur analyse les différents arcs narratifs. Dans « BLUE PERIOD »
TSUBASA YAMAGUCHI nous simplifie la tâche en précisant à la fin du tome 6 la fin du premier cycle, celui du parcours initiatique de Yatora dans le monde de l'art.
Le volume 7 est celui de son début à l'université (deuxième arc narratif).
Cette première année est déta
illée du tome 7 au tome 10. le volume 11 peut être considéré comme un arc narratif à intermédiaire part entière,
il traite de la façon où Yatora passe sa transition entre sa première et sa deuxième année d'université.
Le tome 12 étant le début de sa deuxième année d'université.
Où va nous emmener
TSUBASA YAMAGUCHI ?
Le plaisir que me procure la lecture de cette oeuvre fait que quelque soit la direction prise par l'autrice pour la suite de l'histoire, elle me conviendra.
Le cadre posé est tellement riche que l'avenir de Yatora m'intéresse déjà.
Deviendra t-
il un artiste accompli et reconnu à la fin de l'histoire ?
Ira t-
il vers l'univers du manga comme sa narratrice ?
Abandonnera t-
il l'idée de poursuivre dans le m
ilieu de l'art ?
Je n'ai qu'une envie c'est que récit soit long et déta
illé.
La sortie d'un nouveau volume est toujours un moment priv
ilégié et attendu.
Blue Period où le trava
il à plusieurs mains !
Non seulement
il faut lire cette oeuvre mais
il faut aller jusqu'à la dernière page.
Outre des bonus, mini scènes souvent humoristiques, les dernières pages sont le moyen pour l'autrice de remercier ceux qui auront contribué par une oeuvre reproduite dans l'album.
Là, encore,
TSUBASA YAMAGUCHI est moderne et honnête. le trava
il, collaboratif, dans la création d'un manga, est courant.
« BLUE PERIOD » permet à l'autrice de rendre hommage à ceux qui ont, qui ont eu, une importance dans sa vie d'artiste.
Alors oui !
Il faut lire Blue Period, pour toutes les sensations que j'ai eu et que j'ai essayé d'évoquer.
Il faut lire cette oeuvre si comme pour mo
i, la création artistique a accompagné tout ou partie de vos moments de vie.
Lorsque je crée, je me sens vivre, exister.
C'est peut-être tout simplement ça « BLUE PERIOD » !
Bonne lecture !