Une bonne enquête sur le terrain de la campagne présidentielle américaine, suivie de janvier 2016 à la fin de l'été, donc après la conclusion des conventions républicaine et démocrate et avant les trois grands débats télévisés entre Clinton et Trump.
Une campagne sans précédent, voyant la première femme à prétendre sérieusement à la magistrature suprême étasunienne, archi compétente mais contestée pour avoir fait un peu trop partie du paysage et du système, s'affronter à un trublion populiste bouffi de machisme primaire et d'incompétence face à ce qui est traditionnellement considéré comme le B.a.-ba de tout qui veut prétendre à un tel poste mais dont le "mérite" est de fédérer la colère de tous les petits blancs mâles américains pris d'angoisse face à leur perte d'influence dans la société ex wasp et la détérioration de leur niveau de vie dans cette sorte de Wall street Empire qui donne aujourd'hui le ton d'une société américaine où les inégalités se creusent. En effet diverses études démontrent que si seuls les hommes votaient Trump serait élu haut la main et ce particulièrement dans les Etats du centre ou de la Bible belt, ceux où les touristes et personnes "éduquées" ne se rendent jamais. Par ailleurs 95% des fruits de la croissance sont désormais accaparés par le pourcent le plus riche, les 90 "autres" % de la population continuant à s'appauvrir.
Le livre montre bien que la situation - pas spécifique aux USA - d'un système politique complètement gangréné et contrôlé par les puissances d'argent n'a d'ailleurs pas profité qu'à Trump mais aussi au rival de Hillary Clinton, Bernie Sanders, un obscur sénateur du Vermont qui n'a pratiquement rien fait de notable durant ses longues années de parlementaire mais qui se retrouve soudain érigé en une sorte de Mélenchon sur le retour électrisant les foules, composées surtout de jeunes, grâce à un discours situé très à gauche pour les USA. Deux extrêmes d'une même logique, contestant Clinton, la candidate du système...
Le livre est essentiellement un journal de campagne : la journaliste suit les candidats battant l'asphalte des villes, grandes ou petites, ou des campagnes américaines, depuis l'hôtel de luxe jusqu'à l'arrière-salle d'un bar enfumé. Elles ne s'entretient toutefois jamais directement avec eux (un choix ou n'en a-t-elle pas eu l'occasion vu le dédain généralement affiché vis-à-vis de la presse étrangère au cours de ces campagnes nationales ?) mais recueille des témoignages d'experts, de quelques proches (mais jamais très proches), retranscrit certaines analyses...
Du bon travail mais personnellement j'aurais aimé un peu plus d'engagement personnel de l'auteure, un peu plus d'analyse de son cru, d'autant plus qu'elle connaît les USA, y-compris de l'intérieur (elle y a débuté en tant que jeune journaliste, si mes souvenirs sont exacts), comme sa poche. Mais peut-être ne s'agit-il pas de sa "partie" journalistique...
Je recommanderais tout particulièrement l'ouvrage à ceux qui connaissent peu la réalité, notamment électorale, américaine. C'est tout à fait informatif et éclairant.
Pour ma part je suis quelque peu restée sur ma faim. L'auteure fait une observation intéressante en début d'ouvrage : le système, complexe à souhait, d'élection indirecte du président des Etats-Unis d'Amérique avait été conçu par les Pères fondateurs de la nation afin d'éviter l'intrusion de candidats par trop démagogues. Pourtant ce risque s'est précisément matérialisé avec Trump. On aurait aimé que l'auteure y consacre davantage de réflexion...
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Un ouvrage très intéressant, que j'ai lu, peu avant l'élection de Trump, en pleine campagne présidentielle.
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Quel a été son rôle : celui de l'épouse bornée et trompée ou celui de la complice hypocrite ? Est-elle jusqu'au bout une femme cocue ou une partenaire cynique ? Entre les deux hypothèses, l'Amérique ne cessera d'osciller. Les bien-pensants opinent : qu'elle préserve les apparences, l'institution et sa famille ! Les féministes trépignent : qu'elle le quitte ! Qu'à l'image de sa génération, elle préserve la dignité de la femme bafouée et libérée !
Dans ses Mémoires, Hillary se contentera de cet argument, qui ne va pas loin dans la confidence mais qui correspond sans doute à sa conviction profonde : "Je voulais lui tordre le cou, mais il n'était pas simplement mon mari : il était le président des Etats-Unis."
Hillary et Donald ont au moins deux caractéristiques en commun, et elles ne sont pas à leur avantage. Ils sont l'une et l'autre détestés par une majorité de leurs concitoyens. En effet, 60% des Américains ne font pas confiance à Mme Clinton, alourdie par trente-cinq ans de présence dans la vie publique et nombre de scandales associés à son patronyme. M. Trump est détesté par 60% des Américains, essentiellement issus des minorités ethniques, qui lui reprochent d'avoir exalté et nourri les pires préjugés de la majorité blanche.
Autre singularité partagée : leur âge, avancé par rapport à la norme politique américaine. La candidate démocrate aura 69 ans au moment de l'élection de novembre, le républicain 70 - seul Ronald Reagan était plus vieux quand il s'est installé à la Maison-Blanche. Du coup la probabilité que le vainqueur ne fasse qu'un seul mandat aiguise déjà dans les deux camps calculs et appétits.
La campagne présidentielle américaine illustre à grande échelle une autre mutation. Sous l'impulsion des réseaux sociaux, l'information ou ce qui en tient lieu se répand en silos, réservée de façon tribale à ceux qui pensent déjà à l'identique. On est entré dans un monde d'"auto-référencement", selon l'expression de Richard Edelman, président de la société éponyme. Les études d'opinion démontrent qu'"une personne comme "moi", c'est-à-dire un ami faisant partie des 1,7 milliard d'utilisateurs de Facebook, est perçue comme une source d'information plus crédible qu'un chef de gouvernement ou une personne d'autorité".
Le monde, selon lui et contrairement à la vulgate républicaine, n'est pas divisé entre la droite et la gauche, entre le bien et le mal, mais entre les gagnants et les perdants.
"Moi, j'adore l'argent, répète l'homme d'affaires de meeting en meeting. L'argent, on va en accumuler pour l'Amérique. On va en prendre, en prendre, en prendre ! On va faire rentrer tellement d'argent, tellement !" Les supporteurs applaudissent à tout rompre.
Pas question cependant d'augmenter le salaire minimum. Au contraire, les rémunérations sont trop élevées, c'est mauvais pour la compétitivité.
En 2007, à la fin du second mandat du président républicain, il chante les louanges d'une "femme très talentueuse, qui vit à New York, qui ferait du très bon boulot face aux Iraniens : Hillary Clinton". Il contribue au financement de la campagne pour l'investiture démocrate que la sénatrice de New York mène contre un jeune sénateur de l'Illinois, Barack Obama. Reconnaissante, cette dernière assiste à son troisième mariage, cette fois avec un jeune mannequin slovène, Melania.
Christine Ockrent - La guerre des récits