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EAN : 9782757843369
240 pages
Points (17/09/2015)
3.62/5   28 notes
Résumé :
Artie, qui vit dans une pauvreté extrême, essaie de ne pas s’enfermer dans le désespoir et la solitude. Il rencontre Jolene, mère célibataire d’un enfant malade, contrainte de trouver de l’argent pour le soigner en essayant de garder sa dignité – « quand on est une fille, y a plus beaucoup de moyens respectables de se faire de l’argent ».

De leur rencontre naît une association bancale, qui permet à Richard Krawiec de faire le portrait d’un monde soute... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (14) Voir plus Ajouter une critique
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Petit voleur et combinard à la ramasse du genre à ne savoir réellement mentir qu'à une seule personne, lui-même, Artie rencontre Jolene au Wrangler Club, boîte miteuse dans laquelle la jeune femme, pour gagner quelques dollars, à accepté de combattre dans un match de catch féminin dans une fosse remplie de gelée. La vie n'a pas plus gâté Jolene qu'Artie, et elle lui a aussi donné un fils qu'elle aime, Dandy, deux ans, incapable de tenir debout et bientôt aveugle. La rencontre de ces deux êtres fracassés va peut-être être l'occasion de voir naître une histoire d'amour, ou tout simplement celle de faire un bout de chemin ensemble pour tenter de sortir de l'ornière.
Quelques plans pourris, des mensonges à la pelle – auxquels personne ne croit –, un bébé qui vit dans son carton et est nourri exclusivement de beurre de cacahuète et de biberons de Pepsi… et la vie dont on rêve qui ne cesse de nous échapper, voilà autour de quoi tourne Dandy, roman noir vibrant de tendresse et d'humanité mais dans lequel l'auteur se refuse à mentir et à faire croire que la tragédie que constituent à bien des égards les vies de Jolene, Dandy et Artie est évitable.
Et pourtant, c'est évident, Richard Krawiec les aime, ses personnages, tels qu'ils sont, malmenés, brisés et parfois même d'une rare bêtise, mais toujours convaincus qu'il est possible de s'en tirer. Au moins un peu. On souffre bien sûr avec Jolene, traînant Artie comme un boulet :
« -C'était pas du vol. C'était juste des cambriolages. Ils avaient plus de trucs que moi. Je redistribuais de manière juste." Elle ne parut pas convaincue, et il lui dit la seule chose à laquelle il put penser. "C'était un travail en extérieur, Jolene. Les mecs aiment pas rester enfermés, tu sais? Pas comme les femmes. Les mecs ont besoin de soleil, tu sais. Pareil que les légumes. »
Mais au milieu d'une vie dont elle n'arrive pas à s'échapper, glissant sans cesse comme dans cette fosse de Jell-O dans laquelle elle doit s'humilier, Artie au moins, et malgré tous ses défauts, est là.
On lit Dandy avec une drôle de sensation, partagé entre l'affliction face à ce que les personnages de Krawiec subissent et se font subir, empathie pour ces humains qui ont au moins pour eux de ne pas lâcher leurs rêves ni leur envie d'aimer, et même, sourire face aux situations dans lesquelles les mensonges d'Artie l'enferment et aux dialogues de sourds qui s'instaurent parfois.
« -Ça peut compliquer les choses, dit Joey
La mère d'Artie lui fit signe de la boucler. « Allez, c'est un genre de truc mère-fils, ok ? » Elle regarda Artie et tira lentement sur sa cigarette. « Qu'est-ce que t'as fait ? »
-C'est une longue histoire.
-Mon feuilleton commence dans cinq minutes. J'ai pas le temps pour une longue histoire.
-De toute façon j'avais pas envie de te la raconter.
-Tant mieux, parce que j'ai pas envie de l'entendre, dit Joey.
-Je te la raconterai pas à toi.
-Je t'ai déjà dit que j'écouterais pas dit Joey. J'ai dit que j'écouterais pas avant que tu dises que tu la raconteras pas.
-C'est pas vrai, lui dit Artie.
-Oh si.
-Oh non.
-Oh si. »
Tragique, foncièrement noir, violent dans le portrait qu'il fait de la situation d'une Amérique des années Reagan dont on peut penser avec Larry Fondation qui écrit la préface de cette édition française qu'elle n'a fait qu'empirer, Dandy est aussi à sa manière une surprenante et belle histoire, peut-être pas d'amour, mais de quelque chose qui y ressemble pas mal. Un sacré bouquin.

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Cela débute par une scène qui serait presque cocasse si elle n'était pas surtout tristement sordide...
Dans la fosse à Jell-O d'un rade à poivrots, se livre un combat de catch opposant une jeune furie expérimentée à Jolene, moins jeune, moins vive, qui se demande ce qu'elle fait là, mais c'est tout ce qu'elle a trouvé pour nourrir quelques jours de plus -de beurre de cacahuète et de Pepsi- son bébé de deux ans. Son amateurisme fait fureur : elle s'excuse à tout bout de champ, et se fait laminer... sous les huées délirantes d'hommes imbibés venus voir des nibards et des chattes. Parmi eux Artie, pauvre type fort en gueule dès lors qu'il ne se trouve pas face à plus costaud (ce qui lui arrive rarement), qui vivote de vols à la tire et de menus cambriolages. Il détecte aussitôt la vulnérabilité de Jolene, et l'occasion de grappiller quelques sous contre un peu de gentillesse...

Ces deux solitudes vont se rapprocher, entamant une cohabitation dans le petit deux-pièces sale et inconfortable de Jolene. Son fils, Dandy, un gamin passif à la vision défaillante et ne tenant toujours pas seul sur ses jambes, quitte alors le lit maternel pour une caisse en carton déposée dans la cuisine. Nous partageons leur quotidien de débrouille, en quête permanente de combines pour tenir jusqu'au lendemain, et pouvoir s'acheter le whisky dont Artie a du mal à se passer. Il s'installe entre ces deux laissés-pour-compte une sorte de tendresse fragile, une relation qui tient à un fil, plombée par un contexte qui d'un moment à l'autre peut basculer dans la violence.

Lui est partagé entre une affection qu'il refuse de s'avouer, dont il se protège par un réflexe de survie qui l'amène à prioriser l'impératif financier, et qui lui inspire des mensonges enjôleurs pour dissimuler son égoïsme et sa cupidité. Elle, comme engluée dans sa situation, tantôt méfiante et tantôt crédule, apprécie la présence d'Artie, qui la fait rire, et lui donne parfois la fugace illusion de bâtir un foyer. Elle ne réfléchit pas au-delà du lendemain, se désespère de n'avoir pas la clés pour s'en sortir dans ce monde où elle n'a fait que cumuler, depuis l'enfance, les humiliations, la violence et les défaites. Ses rêves -"avoir une TV et des vrais ustensiles de cuisine, comme les vrais gens"- sont modestes, pitoyables tant ils sont dérisoires, et pourtant inatteignables.

C'est abrupt et d'une tristesse à pleurer, on se sent pris d'une frustration impuissante face à la naïveté de ces laissés-pour-compte quant aux soi-disant opportunités qui se présentent, à l'incapacité de Jolene à se secouer, à s'occuper correctement de son fils, laissé seul pendant des heures dans sa caisse en carton pendant qu'elle erre dans les rues à la recherche de quelques dollars..

Car il n'y a aucune poésie dans la misère dépeinte par Richard Krawiec, et les touches d'humour qui parsèment son récit ne font qu'exhausser sa dimension pathétique. Sa jeune mère célibataire est comme victime d'une hébétude qu'a ancrée en elle une violence familiale et sociale qui la condamne à rester du mauvais côté de la barrière, et dont son fils héritera, à moins d'un miracle, mais ils sont inexistants dans l'univers de déclassés que dépeint l'auteur. Il s'efforce pourtant de traquer, parmi la cruelle et impitoyable petitesse qui y règne, les quelques lueurs de tendresse qui éclairent parfois d'une terne lumière leur quotidien désespérément sombre et se font le suffocant rappel de leur humanité, et de l'inacceptable destin que les limites du rêve américain leur a dévolu...

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Découvert dans le cadre du Prix du Meilleur Polar des Lecteurs de Point, Dandy est un roman noir sur les dérives d’une société qui oublie certains des siens sur le bas-côté de la route.
Richard Krawiec situe son roman, « Dandy » dans l’Amérique des laissés pour compte, celle où l’opulence, la richesse et l’espoir existent, mais manifestement pas pour tout le monde. L’autre face du rêve américain en somme. Le décor est planté, et les deux acteurs principaux sont désarmants de sincérité et sans doute de naïveté, mais ils voudraient tant s’en sortir malgré tout. Artie, est un quasi SDF qui traine dans les bars les soirs de grand froid, voleur à la tire à ses heures, il cherche des combines ou des cambriolages faciles pour subsister. Jolene ne sait plus comment faire pour nourrir Dandy, son bébé de deux ans, elle n’a jamais travaillé et vivote comme elle peut. Chacun pense que sa vie est plutôt ratée, mais ne sait pas comment faire pour que ça s’arrange.
De combines en espoirs inutiles, ils vont finir par se rencontrer et tenter de vivre ensemble. Et après tout si c’était la solution, ne pas être seul ou mal accompagné, mais trouver dans celui qui vous ressemble un espoir de vie meilleure, à partager les galères, se tenir chaud et se comprendre, se parler, se réchauffer avec quelques verres de whisky qui rendent parfois la vie meilleure. C’est ce qu’ils essayent de faire, mais après des enfances difficiles et des débuts dans la vie complétement ratés, ils sont totalement inadaptés face aux bases même d’une vie de famille : avoir un travail, élever un enfant, entretenir une maison. Jusqu’au jour où dans la boite à lettre arrive une proposition de vente en time-sharing, et avec ce courrier l’espoir suscité par les cadeaux donnés à chaque visiteur. Dans leur grande naïveté, Jolene et Artie vont rêver l’impossible. Mais tout ne va pas se passer comme ils rêvaient et les évènements vont s’enchainer pour le pire plus que pour le meilleur.
Ecrit dans les années 80, « Dandy » aborde de nombreux thèmes toujours d’actualité : l’inceste, l’abandon par le père, la prostitution, le manque d’éducation, l’alcool comme seul soutient, la rue pour seul repère, l’assurance maladie qui ne prend pas en charge les soins des plus pauvres, enfin, le sort qui s’acharne parfois sur ceux qui démarrent aussi mal dans la vie. De magouilles en défaites, il y a bien peu d’espoir pour Artie et Jolene. C’est noir et sombre. Les scènes sont parfois très visuelles, décrites dans leur moindre détail, comme un film que l’on verrait se dérouler sous nos yeux. Le lecteur assiste impuissant à l’inexorable descente vers le néant.

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Roman de l'exclusion, des laissés-pour-compte, des invisibles.

Il frappe fort ce texte, il s'adresse aux tripes avant tout et vous retourne comme une crêpe. L'auteur ne mâche pas ses mots, il n'enjolive rien, c'est brut de décoffrage et ça fait mal. Et en même temps, ça agrippe le lecteur avec une puissance incroyable.

Ces deux-là, je ne les oublierai pas de sitôt, ils m'ont touchée en plein coeur. Elle est seule avec un enfant, il est quasiment à la rue, ils se rencontrent, et s'aiment, sans le savoir d'abord, puis ils comprennent qu'ils ne peuvent plus vivre l'un sans l'autre. Mais :

« Tous les deux, on fait des tout petits pas et on ne va nulle part. »

Et c'est la descente aux enfers. On espère bien à un moment donné qu'ils vont s'en sortir, parce qu'à deux on est plus forts. Mais la chute est rude.

Ils sont pourtant attachants ces personnages, avec leur naïveté, leurs vaines tentatives pour se sortir la tête de l'eau. Artie, surtout, m'a bouleversée. Il joue les gros durs mais il n'est qu'un coeur tendre, une sensibilité à fleur de peau, un être tout en souffrance.

L'écriture de Richard Krawiec est redoutable, on visualise tellement bien les scènes qu'on a l'impression d'être dans la pièce avec les personnages. Et puis ces brefs flash-back sur la jeunesse horrible de Jolene, ça vous perce le coeur, parce que ça arrive là, au détour d'un paragraphe, sans crier gare et ça nous éclate au visage avec si peu de mots.

Et bien sûr, il y a Dandy, cet enfant de deux ans, qui ne parle pas, ne marche pas, bientôt aveugle, dort dans un carton, biberonne du coca, parfois un peu de whisky, c'est la misère à l'état brut. On ne peut pas tomber plus bas.

C'est sombre, extrêmement sombre. Noir c'est noir. Mais ce n'est pas que ça. L'auteur a une véritable tendresse pour ses personnages et on a envie de les aider, de les porter, lorsqu'il y a des lueurs d'espoir on ressent comme une lame de bonheur. C'est terriblement humain.
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Artie et Jolene. Lui est un voleur à la tire vivotant sans domicile fixe. Un laissé-pour-compte que personne ne remarque. Elle, de son coté, élève seul Dandy, son fils de deux ans qui sera bientôt aveugle si elle ne trouve pas les deux mille dollars nécessaires pour le faire opérer. Il la voit pour la première fois dans un bar. Elle est à moitié nue sur le ring au milieu de la salle, prête à se rouler dans la Jell-O avec une catcheuse sous les hurlements porcins d'une foule surexcitée. La seule solution qu'elle ait trouvée pour dégotter quelques billets. Il la rattrappe dans la rue après le combat, entame la conversation. le début d'une histoire d'amour passionnée et chaotique.

Un roman de 1986 qui plonge le lecteur au coeur du désespoir. Une mère qui n'a pas les moyens de sauver son bébé, le nourrit au beurre de cacahuète et au biberon de pepsi, qu'elle coupe au whisky quand elle veut l'assommer quelques heures. Un pauvre type, beau parleur, magouilleur à la petite semaine. Des pas grand-chose dans l'Amérique des années 80 et son capitalimse triomphant. Jolene et Artie sont des personnages inoubliables. Des personnages acculés, incapables de joindre les deux bouts. Ils veulent éviter la noyade, tentent des choses, se débattent. Échouent. Relèvent la tête, s'interrogent, replongent. Ils rêvent, tirent des plans sur la comète, envisagent des solutions extrêmes, les mettent en oeuvre. Se plantent. Mais ils s'aiment et finalement, rien n'est plus important.

Au-delà du désepoir reste une humanité et une vitalité qui amène un rayon de lumière dans les ténèbres. Richard Krawiec n'enjolive rien. Il fut l'un des premiers auteurs américains à donner des cours d'écriture dans des centres d'accueil de SDF, des prisons ou des cités défavorisées, guidé par le souci de redonner la parole à ceux qui ne l'ont plus. Avec Artie et Jolene, il dresse le portrait s'un couple incroyablement touchant, un couple qui avance à tout petits pas et ne va nulle part. C'est beau et tragique sans jamais être sordide, malgré les apparences.



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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Ce livre est rempli de gens désespérés, de gens qui me sont chers – tout comme mes amis et mes voisins d’enfance. Ils n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Ils se plantent. Mais ils ne sont jamais sordides. Ils se débattent. Ils échouent. Ils essaient un autre plan, un autre espoir, un autre vœu, un autre rêve. Ce sont les Joad urbains de la fin du millénaire – la fin du XXe siècle, quand le capitalisme est devenu totalitaire.
La tragédie frappe le duo de Krawiec, mais sans aucun faux sentimentalisme. Elle n’est que ce qu’elle est – elle est inexorable.
Comme mon premier roman, le premier livre de Richard Krawiec arrive en France de nombreuses années après avoir été écrit. C’est en fait un bon moment. Le capitalisme débridé – mené dans cette ère précise du temps historique par Reagan et Thatcher – a entretemps frappé le monde entier telle une météorite. Jadis, les dinosaures se sont éteints ; aujourd’hui c’est au tour de la morale.
Dandy a été publié alors que Reagan était président des États-Unis. Depuis les années 1980, la pauvreté, les inégalités, la faim et la famine, la dégradation de la planète – tout a empiré. La première étape du changement consiste à observer et à témoigner.
Littérature du témoignage, et tout simplement sacrée bonne fiction, Dandy était enthousiasmant et pertinent il y a vingt-cinq ans. Il l’est encore plus aujourd’hui. Lisez-le. (Préface de Larry Fondation)
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Elle plaça sa main libre sur son autre hanche et dit, « Écoute, mon gars, tu me connais ni d’Ève ni d’Adam. C’est la première fois que je me retrouve coincée à ce poste, tu vois ? Mais ici tout le monde te connaît, toi.
– Mais bien sûr, c’est ça », dit-il. Il ouvrit les mains en un large mouvement. « Tout le monde connaît Artie. » Il se recula et se balança sur les pieds de sa chaise. « Tu m’as tapé dans l’œil une fois quand j’étais là. T’es la fille qu’on peut pas oublier. Même quand on t’a jamais rencontrée.
– Ouais, dit-elle, et toi t’es le connard qui vient tous les mardis, qui tête sa bière pendant trois heures et qui laisse pas un rond. Tu restes planté là avec ta langue qui frotte le sol. Ici c’est un bar, bon Dieu, pas un hôtel. Y en a qui doivent bosser pour vivre. » Elle jeta un œil aux autres clients et commença à s’éloigner, glissant entre la table d’Artie et celle d’à côté. Les tables étaient tellement proches qu’elle devait se faufiler en travers.
Il tendit le bras pour la retenir mais s’arrêta quand elle rejeta la tête en arrière et lui dévoila ses dents serrées. Il pointa un doigt comme un flingue, dirigé pile entre ses yeux. Mais sa main tremblait et il dut mouiller ses lèvres et déglutir avant de pouvoir parler. « Tu vas avoir des ennuis, ma jolie. Je suis un ami du patron.
– Arrête ton char », répliqua-t-elle. Sans se retourner, elle lança, « T’es l’ami de personne. »
Il abattit sa main droite sur la table et reprit sa position face à la fosse en contrebas où les filles combattaient. Un homme épais, barbu, vêtu d’une salopette, d’une veste en cuir et d’une chemise de travail avec le nom Randy sur la poche, tractait dans la fosse un bidon crade et gras de deux cents litres. Il avait les manches retroussées et des dragons assortis tatoués sur les avant-bras. Il renversa le bidon qui répartit une gelée rouge et tremblotante. La Jell-O scintillait sous les projecteurs, points blancs intermittents comme des battements de cœur.
Les doigts d’Artie tambourinaient sur la table. Il aimerait bien voir la serveuse dans cette fosse, pensait-il. Il avait envie d’attaquer sa bière, mais il savait que s’il prenait cette première gorgée ensuite ce serait cul sec, et on ne se laisserait pas rester là avec un verre vide. C’était ce genre de rade. Il ne pouvait pas envisager de boire à des tarifs pareils, alors qu’il avait de quoi s’acheter un pack de six pour le prix de deux bières ici. Alors il resta assis, à regarder ses pouces, attendant que quelque chose se passe. Il songea à faire un saut chez sa mère. L’occasion d’un repas à l’œil. Il soupesait cette idée lorsqu’un vacarme soudain se fit entendre à l’entrée. Les gens tapaient des pieds et commençaient à parler plus fort. Ça donna un coup de fouet à Artie. Il siffla la mélodie de When the Saints Come Marching In et jeta par-dessus son épaule droite un regard vers la porte.
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-Ça peut compliquer les choses, dit Joey
La mère d’Artie lui fit signe de la boucler. « Allez, c’est un genre de truc mère-fils, ok ? » Elle regarda Artie et tira lentement sur sa cigarette. « Qu’est-ce que t’as fait ? »
-C’est une longue histoire.
-Mon feuilleton commence dans cinq minutes. J’ai pas le temps pour une longue histoire.
-De toute façon j’avais pas envie de te la raconter.
-Tant mieux, parce que j’ai pas envie de l’entendre, dit Joey.
-Je te la raconterai pas à toi.
-Je t’ai déjà dit que j’écouterais pas dit Joey. J’ai dit que j’écouterais pas avant que tu dises que tu la raconteras pas.
-C’est pas vrai, lui dit Artie.
-Oh si.
-Oh non.
-Oh si.
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Chez elle, il fit un tour dans la chambre du fond comme pour s’assurer que personne ne lui tendait d’embuscade, il inspecta les coins, remarqua l’enfant endormi sur le matelas. Il retourna à la cuisine et posa une bouteille d’un demi-litre de whisky et un paquet de Camel sur la table. « À l’attaque », dit-il en se frottant les mains avant de déboucher la bouteille.
Les mots jaillissaient d’elle telles des choses qui viennent d’être libérées ; les phrases se dressaient en forces physiques. Parler parler parler parler parler. Sans rien d’autre que Dandy et sa radio pour lui tenir compagnie, elle avait tout oublié de cette joie. Ils discutèrent de tout : perceptions extrasensorielles, OVNI, astrologie. La réincarnation était un sujet important. Dieu aussi. Aucun d’eux ne L’avait jamais vu.
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-C'était pas du vol. C'était juste des cambriolages. Ils avaient plus de trucs que moi. Je redistribuais de manière juste." Elle ne parut pas convaincue, et il lui dit la seule chose à laquelle il put penser. "C'était un travail en extérieur, Jolene. Les mecs aiment pas rester enfermés, tu sais? Pas comme les femmes. Les mecs ont besoin de soleil, tu sais. Pareil que les légumes.
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Video de Richard Krawiec (1) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Richard Krawiec
L'écrivain américain Richard Krawiec lit un extrait de son roman "Paria", paru en 2020 aux éditions Tusitala, et traduit de l'anglais par Charles Recoursé.
http://www.editions-tusitala.org/
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