Rares sont les personnes qui peuvent rester sur le devant de la scène leur vie durant. Des incertitudes planent sur la biographie du sulfureux Caravage. Les condamnations dont il a été l'objet l'ont contraint à l'exil des états pontificaux. Il y avait pourtant très tôt accédé à la célébrité. Il reste parmi les génies du figuratif de la renaissance italienne.
Dans cette gloire du naturalisme, celles et ceux qui ont prêté leur traits aux personnages divins sous le pinceau de l'artiste n'avaient forcément la piété qu'on aurait pu légitimement attendre d'eux. Une prostituée a fait don de sa beauté pour figurer la vierge Morte, l'un des plus célèbres tableaux du Caravage. Aussi, lorsque son modèle est assassiné, le maître se met en quête d'en dénicher l'auteur. le virtuose du clair obscur se fait détective dans des atmosphères tout aussi ténébreuses, desquelles la lumière de la vérité est avare de ses éclats. C'est la part romancée de cette vie du maître qui va permettre à son auteur, Francesco Fioretti, de se hasarder à des hypothèses alternatives sur les traces de son sujet, jusqu'aux circonstances de sa mort dont la version la plus couramment admise reste sujette à caution.
Des personnages surexposés sur contexte entretenu dans l'ombre, voila un ouvrage construit comme les tableaux de son sujet. Cela confère à cette lecture un rythme variable, cadencé par l'alternance des narrateurs, puisque le sujet lui-même intervient à la première personne, à fréquence régulière, comme pour rétablir quelques vérités que l'histoire se serait plu à dénaturer.
Cet ouvrage restitue fort bien l'atmosphère d'une époque qui n'est pas inondée d'images comme peut l'être la nôtre. Les seules à en porter témoignage sont justement les tableaux de ces génies du figuratif. Gageons que si l'abstrait avait prévalu en ce temps, des pans entiers de la vie des contemporains de cette époque auraient échappé à la connaissance de l'histoire.
"L'art du portrait est très dangereux pour un homme comme moi qui peint ce qu'il voit."
A cette époque "l'intelligence ne servait pas à grand chose", la culture, comme le reste, est sous la férule du religieux. La violence fait partie du quotidien. Cela n'a certes pas beaucoup changé depuis, mais au XVIIème siècle elle avance à visage découvert. Elle trouve sa légitimité dans des rapports de force que la démocratie n'a pas encore remis en question. Un ouvrage fort bien documenté qui nous ouvre à la personnalité très singulière de cet artiste dont la célébrité est parvenue jusqu'à nous.
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Dès que j'ai été en âge de m'extasier devant une peinture, j'ai été complètement charmée par celles du grand Caravage. Elles m'ont toujours subjuguée, me laissant sans voix devant tant de grandeur, de vérité et de dureté. A plusieurs reprises (deux en réalité), j'ai tenté un roman qui parlait de cet artiste de génie. Mais rien n'y faisait, malgré mon intérêt pour lui, ces livres romancés n'arrivaient pas à me captiver et je les ai abandonnés tout simplement. Quand Babelio a proposé ce roman dans sa dernière Masse Critique, je me suis dit qu'il était fait pour moi, mais j'ai quand même eu un peu peur de me plonger dedans. Et pourtant...
Ce livre m'a complètement happée dans son monde. J'étais au côté du Caravage, j'entendais ses pensées, je ressentais ses émotions, je buvais ses paroles et j'admirais ses peintures. Je me suis sentie, le temps de cette lecture, proche de lui. Moi qui en connaissais si peu sur sa vie (bien entendu, je connaissais les rumeurs et les grandes lignes), ma soif d'en apprendre davantage a été plus que satisfaite. Les rouages politiques, religieux, artistiques de l'époque sont dévoilés petit à petit. Et c'est peut-être ce point qui pourrait rebuter les moins motivés. le livre est dense, très dense... les informations fusent, les personnages foisonnent. Notre esprit est bousculé par un nombre impressionnant d'informations historiques, certes intéressantes, mais très nombreuses. Et c'est pour cette raison que je ne peux conseiller ce roman à une personne qui n'a aucun intérêt pour cette période historique ou pour Caravage, je pense qu'elle n'y trouverait aucun intérêt. Certes, on nous attire dans ce roman avec une intrigue presque policière puisque notre peintre tente de découvrir qui a tué son amie Anna, qui posait de temps en temps pour lui. Bien entendu, cette intrigue n'est qu'un prétexte à une histoire beaucoup plus passionnante : celle des dernières années de la vie du Caravage. Et quelle histoire ! La vie du peintre était loin d'être de tout repos, apprécié par de grands noms, il ne pouvait qu'être détesté en retour et cela lui porta préjudice lorsque tuant un homme important, il dû s'exiler à Naples et à Malte afin d'échapper à la colère de la famille du défunt et du pape.
Personnellement, je trouve que la vie du Caravage est passionnante. Mais ce que j'ai d'autant plus apprécié ici, c'est que l'auteur a essayé de faire des liens entre ses tableaux et sa vie. D'ailleurs, chaque début de chapitre est illustré par une de ses peintures et en couleurs s'il-vous-plait ! Je restai pratiquement dix minutes à l'observer dans le détail, parfois je revenais même dessus lorsqu'un élément important divulgué dans le chapitre y faisait référence. Comme il est expliqué dans la description du roman, l'un ne pouvait aller sans l'autre et cela n'ajoute que plus de richesses à cet ouvrage déjà bien riche en soi.
Suivre le Caravage dans ses pensées fut un exercice véritablement plaisant. On ne peut que s'attacher à ce personnage si ouvert, si intelligent, si ironique aussi de temps en temps et bien entendu si observateur. Quand il décrit les rues de Naples à un moment, j'ai retrouvé les mêmes impressions que j'avais ressenties durant mon propre voyage à l'intérieur des murs de cette ville. Je déambulais les rues à ses côtés, partageant ses souffrances et ses espoirs. Il est évident que l'auteur a su trouver les mots justes pour nous emporter dans cette période sombre de la vie de l'artiste. Et même si j'ai préféré les partages de la voix même du Caravage, les passages en narrateur externe nous permettait d'avoir une vision plus large et c'est d'ailleurs avec cette écriture que j'ai adoré découvrir les derniers instants de l'auteur, ceux que l'auteur a imaginés, ceux que j'espère tellement qu'ils furent possibles...
Un grand merci à Babelio et aux éditions HC
pour cette belle découverte !
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Je n'ai pas simplement copié Michel-Ange, dites plutôt que je lui ai arraché le cœur et que je l'ai dévoré tout entier, dites plutôt cela, car la vérité c'est que je voulais donner à mon pinceau l'énergie et la dignité qu'il reconnaissait uniquement à son ciseau. Car, vous le savez, la sculpture était tout pour lui : le geste qui libère l'Idée de la matière qui l'enveloppe, qui fait jaillir le concept de l'opacité du marbre qui l'emprisonne [...]. Je voulais faire la même chose sur la toile, dans mes personnages qui émergent de l'obscurité, transpercés par un flot oblique et violent de soleil ; je voulais vous raconter que l'obscurité est la règle, la lumière l'exception [...]. Voilà ce que je voulais faire, sculpter l'obscurité comme il a sculpté la pierre.
Ce que vous appelez sensualité est pour moi l'écriture de Dieu, un corps maigre et creusé par les années est la voix de la fatigue de l'âme, les seins trop lourds d'une mère sont l'excédent de soi qui se donne aux autres, quelque chose de très proche de l'amour ; le corps musculeux encore glabre d'un adolescent, quelque chose comme l'espérance d'une joie de vivre débordante projetée sur l'abondance de l'avenir, dont un jeune dispose encore.
Moi, je vous raconte que l'obscurité est la norme et, la lumière l'exception; que la mort est la règle que la vie vient briser; que le divin se manifeste aux simples et que la Révélation a lieu chaque jour, comme des éclairs nocturnes, dans les ruelles fétides des quartiers populaires plutôt que dans les magnifiques résidences des seigneurs, trop occupés, pris par des choses trop importantes pour pouvoir aussi se soucier de leur âme.
Je ne veux pas de théâtre ni de roulements de tambours, mais une image silencieuse de pure douleur humaine, de tristesse et rien d'autre, comme ici. D'un côté les apôtres en larmes, dans la pénombre, et de l'autre, elle, inondée de lumière : si belle et inutile, si distante, si lasse et sublime.
LE LIVRE SECRET DE DANTE
Un roman de Francesco Fioretti
Traduit de l'italien par Chantal Moiroud
Est-ce vraiment la malaria qui a tué Dante comme tout le monde le croit ?
Ou quelqu?un avait-il des raisons de désirer sa mort et de faire disparaître avec lui un secret particulièrement gênant ?
La fille du poète, un ancien templier et un jeune médecin décident de mener une double enquête pour faire la lumière sur ce qui s?est réellement produit.
En se lançant sur les traces des assassins présumés, ils vont découvrir que le poète avait un grand nombre d?ennemis. Les trois amis n?ont pas d?autre choix que de trouver la clé cachée dans La Divine Comédie et de découvrir pourquoi les 13 derniers chants du Paradis ont disparu... Ils ne se doutent alors pas qu?ils sont à la recherche de l?un des plus grands mystères de la chrétienté.
Avec pour arrière-plan la crise politique et économique du Trecento, le Livre Secret de Dante mêle brillamment faits historiques et personnages fictionnels, tissant ainsi la trame d?un grand thriller ésotérique.
Originaire de Sicile, Francesco Fioretti fait des études de lettres à Florence avant d?enseigner en Lombardie et dans les Marches. En 2012, il obtient un doctorat à l?université d?Eichstätt, en Allemagne, avec une thèse sur le Stilnovo de Dante et de Guido Cavalcanti. Son premier roman, le Livre Secret de Dante, a très vite figuré parmi les meilleures ventes italiennes, il atteint aujourd?hui les 500 000 exemplaires vendus et a été traduit dans une dizaine de pays.
? Un exploit de Francesco Fioretti, grand spécialiste de Dante, qui joue avec les énigmes de la Divine Comédie.?
Corrierre della Sera
? Entre secrets et coups de théâtre...?
Vanity Fair
? Ce roman nous donne envie de relire La Divine Comédie.?
Libri
? Des révélations bouleversantes.?
Secolo
? Entre thriller historique et saga, est aussi la reconstitution d?une époque.?
La Repubblica
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