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EAN : 9782130628262
248 pages
Presses Universitaires de France (17/09/2014)
4/5   5 notes
Résumé :
Des ouvrages qui prétendent nous aider dans notre développement personnel, à "être nous-mêmes" ou à "bien communiquer", et des individus qui déclarent que ces lecteurs ont "changé leur vie" : voilà la source de l'étonnement dont ce livre est le résultat. Comment est-il possible que tant de personnes puissent trouver du sens au monde si particulier du "développement personnel", au point d'en ressentir des effets concrets?
Nicolas Marquis prend au sérieux cette... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Récompensé par le Prix le Monde de la recherche universitaire et publié dans la collection « Partage du savoir » des Presses Universitaires de France, du bien-être au marché du malaise est un ouvrage, certes scientifique, mais abordable dans son contenu pour un public (relativement) large. Il n'est pas nécessaire d'avoir étudié la sociologie pour suivre le raisonnement de Nicolas Marquis.

Divisé en sept chapitres, l'ouvrage s'attache à dresser dans un premier temps un état de l'art de la recherche sur le développement personnel. L'auteur précise que si la question a déjà été étudiée, elle l'a souvent été par une étude approfondie des contenus (souvent répétitifs) des ouvrages de développement personnel et rarement sur l'effet produit par ces contenus sur la vie des lecteurs. Nicolas Marquis fait ensuite le point sur les reception studies qui ont pour but d'analyser l'expérience de lecture de manière générale. Il dresse un tableau de leurs intérêts et limites.

Avec le troisième chapitre, vient le temps pour l'auteur de définir son propos et de présenter sa méthode et ses sources – à savoir les livres de développement personnel, les courriers de lecteurs de ces livres adressés aux auteurs, et des entretiens avec certains lecteurs.

Les chapitres 4 et 5 s'attachent à développer les causes à l'origine de la lecture de développement personnel (à savoir une brêche ou « failure » dans la vie du lecteur) et les interactions entre le livre et le lecteur, la manière dont le lecteur s'approprie ou garde une certaine distance, effectue un tri dans ce qu'il lit.

Le chapitre 6 s'appuie sur l'idée que si les discours du développement personnel sont acceptés et font sens pour bon nombre de lecteurs, cela s'explique parce que ces lecteurs partagent un ensemble de représentations symboliques qui s'articulent et s'expriment dans des jeux de langage. Nicolas Marquis interroge le fait que ces repésentations – identifiées dans les discours des personnes rencontrées – ne sont jamais remises en cause par les lecteurs. Ce sont des acquis, des représentations établies et partagées. Empruntant ses méthodes à l'anthropologie, l'auteur décortique ces jeux de langage qui présentent l'intériorité de l'individu comme source d'authenticité, de puissance et de sens, la société comme un élément nuisible à l'origine du malaise social, de l'absence de repères et de bien d'autres maux. Les personnes interrogées partagent l'idée que le monde rencontre une période charnière, « que les choses bougent » et que le développement personnel – et surtout sa pratique – contribue à alimenter un processus qui tend vers le bien-être, ou le mieux-être. Une dernière idée retenue est celle qu'il y a toujours potentiellement quelque chose à faire pour améliorer une situation en travaillant sur soi. Tous les problèmes rencontrés par un individu sont source d'évolution à condition que l'individu accepte de respecter certaines règles véhiculées notamment par les ouvrages de développement personnel.

Dans son dernier chapitre, Nicolas Marquis explique que les représentations décrites précédemment n'apparaissent pas suite à la lecture d'ouvrages de développement personnel mais lui pré-existent. Il compare ensuite les similitudes entre la sorcellerie et le développement personnel en s'appuyant sur une étude menée auprès de la tribu des Azandé et leur rapport à la magie. L'efficacité et l'impact de la magie – ou de la croyance en la magie – , tout comme l'efficacité et l'impact de la lecture et de la pratique du développement personnel, est indéniable sur l'organisation de la société et le comportement de l'individu malgré l'absence d'explication rationnelle de la cause de cette efficacité. N. Marquis s'interroge alors à la suite d'autres sociologues et anthropologues sur la source de cet attachement à des phénomènes démentis par la science. Quel est le sens, le but, le pourquoi qu'une culture, une « forme de vie », donne à ses représentations symboliques ? Dans le cas de la magie des Azandé et du développement personnel, le but est identifié comme relevant d'un besoin de trouver un responsable aux malheurs rencontrés afin de pouvoir agir en conséquence. Dans le cas du développement personnel, une cause peut-être trouvée (et transformée) dans l'intériorité de l'individu. Là où le Zandé recherche qui lui en veut, l'adepte de développement personnel s'interroge : « En quoi suis-je responsable de ce qui m'arrive ? Que puis-je faire pour y remédier ? ».

En ce sens, une condition sine qua non au déploiement du développement personnel est l'existence d'une société prônant l'autonomie de l'individu, pensée par ailleurs largement importée de nos voisins d'outre-atlantique.

La conclusion de l'ouvrage ainsi que la notice méthodologique qui la suit viennent préciser quelques points de méthode liés à la recherche en sciences sociales, à la définition d'un sujet, à la récolte et au traitement du matériau étudié. Une bibliographie largement étayée vient ensuite compléter l'ensemble.

Pour clôturer ce billet, je pense que les thématiques de recherche de Nicolas Marquis et ce livre en particulier sont extrêmement bénéfiques. Elles permettent une mise à distance d'un phénomène largement répandu, parfois vanté, souvent critiqué, rarement argumenté et encore moins présenté avec l'objectivité du scientifique. J'ai vraiment apprécié cette lecture et d'avantage encore vous la résumer ici – l'exercice m'a permis de me l'approprier un peu mieux.

Et je suis maintenant curieuse de savoir ce que les idées développées par Nicolas Marquis vous inspirent… ?


Lien : https://synchroniciteetseren..
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Pour ce que je pense de la littérature dite de "developpement personnel", je cherchais un tel livre pour essayer de comprendre le succès de ces publications, auxquelles j'ai toujours eu du mal à accorder du crédit !

Extrêmement érudit et argumenté, ce livre arrive à point nommé. La thèse de Nicolas Marquis (je devrais dire ses thèses) est construite à partir de d'enquêtes et de réflexions autant sociologiques que psychologiques, voire littéraires, et explore ce que le lecteur "fait" de ce qu'il lit.
Les chapitres préalables sur l'expérience de lecture, l'approche psychologique structurent les conclusions de l'enquête présentée ensuite.

L'auteur ne juge pas, il éclaire ! du coup le propos apparaît comme particulièrement saignant pour ce genre de littérature, les auteurs qui en ont fait un business et les croyances auxquelles les lecteurs essayent de se rattraper, pour souvent franchir un cap difficile de leur vie, dans une société individualiste en pleine interrogation sur son sens.
Ces ouvrages de DP mettent le lecteur devant la responsabilité de ce qu'ils peuvent faire de leur vie, de la nécessité de se prendre en charge et de retrouver leur moi profond. L'aura et l'expérience de l'auteur apportant une caution à ce qu'il propose.

Globalement le livre demande une attention élevée, chaque chapitre explorant plusieurs conclusions, l'auteur ne se privant pas d'utiliser des mots savants et des concepts parfois obscurs (qu'il a pris soin d'expliciter) ; certains paragraphes demandent plusieurs lectures et il est difficile de lire plus de 10 pages de suite..
Mais le résultat est percutant ! Et j'ai trouvé des réponses !
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J'ai lu avec beaucoup d'intérêt le livre de Nicolas Marquis ainsi que les très bons commentaires qui ont été faits.
Le soin apporté par l'auteur à sa recherche rend ce livre passionnant même si, je l'avoue (enfin, je ne suis coupable d'aucun crime), je me suis parfois senti pointé du doigt. Personnellement (et je ne porte aucun jugement sur ceux qui ne le font pas), je me pose des questions sur le sens de la vie et sur l'être humain dans son environnement sociétal depuis ma jeunesse et je lis des livres qui me permettent de réfléchir. Ça part dans tous les sens : ethnologie, sociologie, psychologie, philosophie, astronomie, histoire, épistémologie et même...du développement personnel. Eh oui, vous avez bien lu, du développement personnel...
Je crois au pouvoir symbolique des mots. Ils peuvent blesser, soigner, réconforter,faire rêver,... ils peuvent même nous faire vivre la vie d'un autre (dans un bon roman par exemple). Dans certains ouvrages de DP j'ai pu retirer des phrases qui m'ont permis de réfléchir, de me positionner (en accord ou en contradiction), de mettre en mots mes propres pensées, voire même
d'évoluer...
Je crois que le problème n'est pas tant le DP que ce que l'on en fait et que ce que la société nous "demande" de faire. On peut se poser des questions sur ceux qui suivent certaines injonctions aveuglément, mais a-t-on le même regard critique sur ceux qui suivent des préceptes religieux? (Je précise que je suis agnostique). On peut aussi questionner cette course au bonheur dont parle Eva Illiouz dans happycratie qui peut avoir sur certains l'effet inverse.
Je ne pense pas que la vie était plus facile avant, je ne pense pas non plus qu'elle le soit maintenant. Elle est à mon avis toujours sur la brèche car l'humain est une machine très complexe.
En tout cas ce livre m'a beaucoup fait réfléchir et ça c'est génial.
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critiques presse (1)
LaViedesIdees
05 décembre 2014
En analysant le contenu des livres de développement personnel et les modalités d’appropriation des textes par leurs lecteurs, l’ouvrage de Nicolas Marquis permet de comprendre comment s’opère la rencontre entre ces ouvrages à succès et le public.
Lire la critique sur le site : LaViedesIdees
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Derrière la proposition démocratique selon laquelle « tout le monde a les capacités pour s’en sortir, nous sommes plus que ce que nous croyons », se cache en effet une appréhension beaucoup plus méritocratique : « Celui qui n’assume pas cela n’a que ce qu’il mérite (tout comme celui qui l’assume d’ailleurs). » (…) Ne pas respecter les règles consiste à ne pas se demander ce que l’on peut faire face à un problème quel qu’il soit. L’individu qui ne fait pas contre mauvaise fortune bon cœur, qui ne cherche pas à entrer en adéquation avec lui-même, qui se contente des bénéfices secondaires que lui apporte une vie qui pourtant ne lui convient pas, qui attend que tout lui tombe du ciel, ou qui s’épuise dans une croisade vengeresse contre les entités responsables de l’origine de ses soucis, celui-là ne peut s’en prendre qu’à lui-même. Cette expression, pourtant d’ordinaire connotée très négativement, ne l’est pas spécialement dans le discours de développement personnel.
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Qu'est ce qu'un ouvrage crédible?
...
Le livre crédible est celui qui est en mesure d'attester ce qu'il avance.
Dans leur enquête, les lecteurs se montrent particulièrement sensibles à trois types de registres aux statuts diffèrents justifiant la confiance qu'ils accordent à l'ouvrage.
Il s'agit, par ordre d'importance croissante, du bon sens et de la tradition philosophique ou spirituelle, de la preuve scientifique, et, enfin, de l'authenticité de l'expérience vécue.
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Quiconque lit une dizaine de livres de développement personnel à succès se rendra compte qu'ils sont différents, voire très inégaux à de nombreux points de vue. Ils ne parlent pas tous de la même chose (certains portent plutôt sur La santé, d'autres sur La communication ou La confiance en soi), certains ont un style beaucoup plus travaillé que d'autres, certains s'appuient sur des travaux scientifiques dûment référencés alors que d'autres sont moins enclins à mobiliser de telles preuves, certains mettent fort en jeu La vie de l'auteur alors que d'autres sont écrits à la troisième personne ou sous forme de roman, certains adoptent un ton permet alors que les prescriptions sont absentes ailleurs, certains annoncent en quatrième de couverture des transformations à venir dans la vie du lecteur, certains donnent finalement plus envie d'être lus que d'autres, etc.
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Le développement personnel est bien une lecture "qui fait suite" à une situation considérée comme génératrice de malaise. Ce n'est donc pas une lecture "gratuite", puisqu'il faut avoir payé de sa personne , avoir été secoué, voire boulversé. Il est d'ailleurs très instructif de demander aux individus qu'elles sont les conditions qui font qu'on est "ouvert" ou non au développement personnel. Leurs réponses indiquent clairement qu'ils ne voient pas le sens (et n'évoquent même pasla possibilité) d'une pratique ludique du développement personnel.
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Ainsi, les lecteurs semblent vouer un grand respect et une confiance importante au personnage du scientifique transfuge qui raconte comment, en ne reniant rien de ce qu'il était, il a quitté (ou pris quelque distance avec) un milieu scientifique dans lequel il était pourtant reconnu pour le terrain beaucoup plus glissant et incertain (mais aussi plus authentique)du developpement personnel, parce qu'il ne pouvait plus accepter les carcans et limitations qu'impose la pensée scientifique.
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