Une magnifique présentation (claire, rigoureuse, très documentée) du développement des conceptions freudiennes. Borch-Jacobsen détaille leurs sources philosophiques, scientifiques et psychiatriques. Il mène conjointement un examen épistémologique rigoureux. Il montre que
Freud, qui se présentait sans cesse comme un positiviste s'en tenant à des observations, était en réalité un « penseur » qui n'arrêtait pas de spéculer, sans beaucoup de retenue, à partir de quelques faits.
Freud a certes produit des théories psychologiques, mais il est toujours resté un philosophe de la nature. Parmi les exemples que développe l'auteur, notons la prétendue « découverte » de
l'Inconscient. En fait,
Freud a imaginé et « construit » un type d'inconscient bien particulier, qui s'ajoute aux versions déjà en circulation à son époque : un inconscient basé sur des interprétations hautement subjectives. Une question capitale est dès lors : qu'en est-il des différences d'interprétation des tenants d'Écoles psychanalytiques dissidentes par rapport à celle de
Freud ? le concept de « refoulement », que
Freud considère comme « le pilier de la
psychanalyse », lui a permis d'expliquer, à très bon compte, toutes ces divergences d'interprétation de la même façon qu'il expliquait tous les troubles de ses analysés. Borch-Jacobsen passe en revue la pratique et la
métapsychologie de
Freud, notamment la fameuse théorie de la séduction et sa transformation en théorie du fantasme, le refoulement et le transfert, la sexualité infantile et l'Oedipe, les théories pulsionnelles, l'éternelle question de la suggestion (
Freud avouant fournir des « représentations anticipatrices » pour aider le patient à trouver ce qu'il est censé « ignorer »), l'explication lamarckienne du «
malaise dans la civilisation » — malaise attribué au sentiment de culpabilité soi-disant transmis depuis le meurtre du Père primitif par les frères ligués contre lui ! En (re)lisant
Freud à la lumière de cet ouvrage, on en arrive à conclure qu'il a peut-être toujours cherché à être un maître de vérité, à « traiter des choses dernières, des grands problèmes de la science et de la vie », à « spéculer librement sans avoir à s'embarrasser de prouver ».