Le livre d'
Antoinette Fouque a suscité de nombreux débats chez les historiennes du féminisme, autour de la naissance du MLF, qu'
Antoinette Fouque place en 1968, alors que l'historiographie féministe la situe plutôt en 1970. Loin de moi, qui ne suis pas spécialiste des gender studies, l'idée de trancher cette question. Je me bornerai à renvoyer vers quelques interventions : celle de
Caroline Fourest, dans le Monde du 10 octobre 2008 ; la réponse d'
Antoinette Fouque elle-même dans le Monde du 13 décembre ; enfin l'interview de
Michelle Perrot dans le Figaro du 10 octobre. Je me permettrai d'ajouter que si la majorité des historiennes du féminisme s'accorde à penser que l'appropriation du MLF par
Antoinette Fouque est un peu abusive, c'est aussi ce qui ressort de la lecture du livre : très peu de témoignages sont consacrés à l'avant-1970, alors que nombreux et bien plus éclairants sont ceux qui font suite à la manifestation du 9 août 1970. de même pour les documents relatifs aux années 1968-1970 qui se présentent d'un seul bloc, tandis que les autres documents sont organisés par année. L'argument de l'opposition naissance-baptême évoqué par
Antoinette Fouque me paraît pour le moins sujet à critique.
Pour ce qui est de l'ouvrage lui-même, son contenu est assez inégal : quelques témoignages un peu redondants, certains très psychanalytiques, d'autres beaucoup plus encrés dans les événements. On trouve de nombreuses informations sur les mouvements féministes de la génération post-soixant-huitarde, présentés ici dans toute leur diversité, sur des actions féministes importantes telle la création des Editions des femmes. Mais la lecture en reste frustrante car un certain nombre de ces témoignages sont sous-exploités. On peut aussi regretter que le livre tourne parfois à l'apologie d'
Antoinette Fouque. Il est étoffé, dans les deux parties suivantes, de documents d'archives de l'époque : photographies, dont on pourra regretter la relative médiocrité des reproductions, mais surtout un corpus de documents riches, variés, éclairants. Articles, tracts, publicités, affiches, hymne du MLF, oeuvres d'art... cette dernière partie se caractérise par la qualité de la présentation de ces documents d'époque, ce qui est assez rare pour être souligné.
Au final, ce livre, qui a suscité bien des polémiques, ne réussit pas à convaincre sur l'une de ses thèses majeures - la naissance du MLF en 1968 - et ne sait parfois éviter l'écueil des longueurs dans l'exercice du témoignage. Je suis sortie de cette lecture quelque peu frustrée, sentiment que n'a pas réusi à faire taire la partie, réussie, consacrée à l'édition de documents.