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EAN : 9782226179609
359 pages
Albin Michel (22/08/2007)
3.4/5   30 notes
Résumé :

Avec une insoutenable clairvoyance, Solenn Colléter explore à travers l'expérience limite du bizutage la dynamique du rapport d'obéissance et de soumission au pouvoir. Un premier roman dérangeant, violente métaphore du système totalitaire.

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Critiques, Analyses et Avis (7) Voir plus Ajouter une critique
Je suis morte et je n'ai rien appris , dit-elle. Et pourtant si. Malgré la volonté d'afficher le contraire.
Dans son interview imaginaire publié sur Mot Compte Double, Solenn Colleter pose la question de la mise en scène de quelques uns de nos instincts les plus archaïques, de l'exhibition de nos émotions de la première heure, du spectacle - souvent macabre - qui, d'une manière ou d'une autre, organise nos jours et nos nuits. Au nom du détachement et de la perte des illusions elle s'est engagée dans la narration d'un roman intime qui voudrait dire l'épreuve de la honte, l'expérience de la peur, l'affirmation du mal et l'espoir d'une rédemption. Elle aurait envie de croire, de nous faire croire qu'au fond nous pouvons nous laisser séduire par la lecture et la vision des pires horreurs, nous laisser aller à une hystérie ravageuse, nous aménager sans coup férir des espaces obscènes, puisqu'en définitive ces monstruosités ne seraient que des supports puisés dans un imaginaire collectif suffisamment maîtrisé (de part et d'autre du rideau) pour que l'opération ne soit au bout du compte qu'un divertissement assimilable sans trop de risques.
Et pourtant. On sait bien qu'il n'est nul besoin de passer par l'épreuve de réalité pour que l'angoisse s'installe. Dans les romans comme dans la vie, il y a des moments, des instants, des interstices où un mot, une image vient faire irruption, fixer une angoisse, exposer l'inquiétante ambiguïté de nos désirs, et sans que l'on fasse attention, sans même que l'on retourne son regard, figurer l'effroi.
Un bizutage raconté sous la couleur noire du polar, voilà ce que l'auteure a savamment concocté pour dire  l'envers du décor. le sujet, assurément intime, est intelligemment documenté et l'intrigue menée avec talent. " Je fais le pari qu'il (le lecteur) n'en sortira pas indemne " affirme-t-elle non sans raison. Ses mots font resurgir les restes de maux, remettent à l'oeuvre des conflits internes, ravivent un passé que l'on croyait disséminé dans les poubelles de l'histoire.
Une histoire de bizutage donc. Mais que l'on ne s'y trompe pas, le propos renvoie crûment à l'expérience du mal et de la souffrance. Que l'on évoque un rituel de passage ne change rien à l'affaire, que l'opération soit une mascarade ancrée dans le folklore estudiantin n'enlève rien au fait qu'il se joue dans cette histoire quelque chose de l'ordre de la désubjectivation. Une mise à mort, fût-elle symbolique, ne s'interprète pas exclusivement du côté du jeu. Il est des enchaînements morbides qui échappent forcément au contrôle ; en enfermant le novice dans une position d'objet on cherche avant tout à lui apprendre la soumission à un ordre absolu, incontournable, une servitude qu'il lui faudra perpétuer pour en être en partie affranchi. Seulement voilà, cette position-là peut s'avérer insoutenable pour quelques pauvres diables égarés dans les méandres de la perversion et on peut craindre pour le coup que certains d'entre eux, laissés sur le carreau, se retrouvent en prise directe avec la folie. Dès lors où le sujet se noie dans ses pensées, qu'il ne parvient plus à articuler un mot, à être dans une sorte de déliaison de l'humain, on peut craindre une fracture psychique, une décompensation dont on ne se relève pas avec seulement de grandes claques dans le dos et de gros éclats de rire.
Avec ce roman, Solenn Colleter est allée saisir au fond d'elle-même cette mort qui voulait l'arrêt des mots et c'est en brassant ce théâtre intérieur, avec une voix écorchée et souffrante, qu'elle a peut-être appris à ne pas mourir d'accablement.
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Martin et Laure sont promis à un brillant avenir. Tout leur réussit : les amoureux, avec leur bac scientifique mention très bien en poche, ont été admis à la prépa jésuite de Sainte-Thérèse. Martin suit ainsi le chemin tout tracé par son père, Charles Beauprais, ancien élève de Sainte-Thérèse et lui-même enseignant de ce lycée où "l'élite de la nation" prépare notamment le prestigieux concours de l'X...
Oui mais voilà, entrer à Sainte-Thérèse suppose de se plier au rite du bizutage traditionnel de ces CPGE. Débute alors, pour Laure et ses camarades, une semaine interminable d'insultes, d'humiliations, brimades, coups, censés inculquer "aux nouveaux les valeurs de Sainte-Thérèse. Solidarité, dévouement, sens de l'effort et de la persévérance... le bizutage est là pour vous armer devant les épreuves de la prépa et de l'existence", clament les anciens !
Médusée, Laure subit comme tous les nouveaux un déferlement de violence physique et verbale, une "intronisation démente". Jusqu'où peut conduire cette escalade de violence ?...
Le bizutage s'inscrit comme un délit dans le Code pénal, depuis une loi du 17 juin 1998. Ce roman percutant montre comment les dérapages de cette pratique ont pu détruire de jeunes étudiant(e)s. Un récit effroyable qui brise ce phénomène tabou.
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Jamais je n'aurais pensé lire un livre consacré presque entièrement au bizutage et pourtant j'ai commmencé ce livre hier et j'ai eu beaucoup de mal à m'arrêter. Il est pour le moins dérangeant. La violence, les humiliations répétées, l'épuisement physique, la bêtise des dominants tout cela est très difficle à supporter. Encore plus troublant : l'accord tacite des bizutés à la règle d'admission à leur « grande école », la participation et même l'effort mis à la réussite des épreuves stupides de certains d'entre eux tout cela pose question. Tous ces bizuts, ces « sous-merde » comme les appellent les « bizuteurs chefs » deviendront à leur tour bizuteur (une activité très fatigante qui demande du temps et de l'organisation !) avant d'entrer enfin dans le cercle des futurs décideurs de leur pays.
Solidarité, dévouement, sens de l'effort et de la persévérance... le bizutage est là pour vous armer devant les épreuves de la prépa et de l'existence", clament les anciens !
Solidarité ? celle qui pousse à penser « pourvu que ce soit l'autre et pas moi » avant une punition. Dévouement ? lorsque la peur, la fatigue, la force vous oblige à faire quelque chose c'est du dévouement ?
Sens de l'éffort ? il n'y aurait donc pas d'autres motivations à se dépasser que la contrainte ?
Persévérance ? la seule que je perçois c'est celle des bizuteurs.
Nous avons appris que des manifestants contre la réforme de la retraite pouvaient se faire arrêter et mettre en garde à vue dans des conditions d'hygiène plus que douteuses dans les commissariats français pendant un voir deux jours mais c'est juste l'équivalent d'un bizutage pour ceux qui auraient suivi la préparation à Sainte Thérèse ! Alors peuvent-ils s'émouvoir pour si peu ! Jusqu'en 2006 le bizutage était appliqué encore et ce rite de passage a été certainement vécu par ceux qui décident pour le pays. Est-ce pour cela que certains sont déconnectés de la population ?
Est-ce vraiment l'intelligence qui permet à ces élèves de franchir les étapes ou plutôt la force, l'asservissement et l'envie de dominer ?
Comment peut-on sortir indemne de la situation décrite.
Un livre qui pose de très nombreuses questions
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A son arrivée dans un très prestigieux lycée parisien, Laure s'inquiète un peu de l'accueil qui lui sera réservé, ainsi qu'à ses condisciples : une rumeur veut que le bizutage des nouveaux élèves y soit un peu « musclé », mais au final, rien de bien méchant…
Ils vont vivre une terrifiante semaine de tortures et d'humiliations : privation de sommeil, alimentation rationnée, punitions dégradantes et mises en scène ultra-violentes, tous ces sévices leur étant infligés par les « anciens » avec l'assentiment de la direction de l'établissement, sous couvert de rites « d'intégration ».
Ce roman éprouvant est certes une fiction, mais qui n'est pas très éloignée de la réalité du bizutage brutal que subissent les élèves de certains lycées et grandes écoles aujourd'hui encore, et qui doit être dénoncé comme le fait courageusement Solenn Colleter, une ancienne victime de cette tradition abusive.
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Au départ, c'est insoutenable, j' ai cru que c'était une autobiographie. Le point de vue d' une bizutée qui a vécu un enfer alors que pour d' autres, il s' agissait juste d' un jeu. Je reste révoltée par l'idée que cela puisse exister réellement...
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Citations et extraits (1) Ajouter une citation
Les bizuts doivent mourir pour apprendre à renaître. Sauf moi, qui resterai seule et incomprise : j'ai succombé à une barbarie qui n'a jamais eu lieu. Je suis morte et je n'ai rien appris.
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