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EAN : 9782912222336
Claire Paulhan (01/03/2010)
4.6/5   5 notes
Résumé :
"Progressivement, je le répète, comme un rouleau compresseur qui avance, ne connaît aucun obstacle et fait lentement son travail d'heure en heure,la morphine a tout détruit, tout sapé, tout anéanti, et j'ai tout perdu, mon amie, son argent, nos maisons, ma confiance, ma santé, mes années, mon talent, mon courage, ma fraîcheur, l'amour, même l'amitié, la poésie qui s'est retirée de moi comme la mer abandonne un rocher trop ingrat et qui, désormais, déchiqueté, rude, ... >Voir plus
Que lire après Journal 1927-1928 : Héroïne, cocaïne ! La nuit s'avance...Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Je vous propose le récit de ma véritable découverte de ce livre pour saluer ces confessions littéralement bouleversantes et ô combien intimes. Je feuilletais le récemment paru rapport de la Cour des comptes sur la situation de Radio France, actualité oblige, et je ne vous cache pas que la tentation fut grande de profiter de cet ouvrage, certes pas tout à fait comme les autres mais que je trouve très instructif, de profiter, me disais-je, pour récolter une nouvelle première citation et percer dans le classement respectif, quand soudain, arrivé(e) au passage sur le coût, jugé exorbitant par les rédacteurs des fictions radiophoniques, mon esprit invoqua le souvenir de Mireille Havet. C'est en effet sur France Culture que je fis la connaissance de l'écrivaine, classée aussitôt dans ma catégorie d'écorchés vifs. C'était, si mes souvenirs sont bons, en juillet 2013. Était-ce peut-être pour me rappeler que certains témoignages n'ont, de par leur exemplarité, pas de prix, que mon esprit fit cette association d'idées : coût de revient d'une fiction radiophonique – valeur littéraire et humaine du journal de Mireille Havet ? C'est aussi pour moi l'occasion de reconnaître qu'il m'arrive de lire, l'oreille tendue, l'oeil concentré sur l'aiguille qui raccommode chaussettes et autres menues affaires. le style se prête à une lecture fragmentée, brisée par l'insoutenable. Si la morphine a été rendue en quelque sorte célèbre par un récit de Mihaïl Boulgakov je trouve pour ma part que les Éditions Claire Paulhan ont eu grandement raison de faire rentrer dans la collection "pour mémoire" ces écrits. Soyez courageux et feuilletez au moins !
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Il m'aura fallu six ans et demi avant de retrouver le chemin du Journal de Mireille Havet avec ce volume qui trônait pourtant sur ma table de nuit depuis son acquisition. Si mes listes n'étaient pas formelles, je n'aurais jamais cru que j'avais laissé tant de temps tant le souvenir de mes lectures reste vivace. Je ne comprends même pas comment il a pu en être ainsi tant l'émotion de la retrouver était forte.
Je parcours mes anciennes chroniques – parues à une époque où ce blog tournait un peu au ralenti, me semble-t-il – et je m'aperçois que je n'arrive pas à parler de ces journaux correctement, c'en est assez désespérant.

Elle est loin, la jeune femme si prometteuse de 1918. On retrouve la diariste rongée par les drogues qu'elle consomme sans mesure aucune, dans des proportions sans cesse grandissantes. Avec le constat de sa « déchéance » tant financière que physique et intellectuelle, son envie de mourir se fait omniprésente. Rien d'autre ne paraît réellement pérenne dans ce qu'est devenu le quotidien de Mireille Havet.
Elle continue ses tentatives de désintoxication, voit chaque nouvel essai comme celui qui signera son retour à la vie, fait pénitence, dénigre les années et attitudes passées, promet de renouer avec une vie saine, avec l'écriture, remercie Dieu d'avoir été sauvée. Elle vibre alors d'un optimisme joyeux, violent, enfantin, qui lui fait voir le monde beau, bon et gentil et fait naître en elle une foi apparemment indéfectible. Contraste terrible avec ce que l'on pressent, ce que l'on sait de la suite, à savoir la rechute que l'on appréhende tout en sachant inéluctable. (Cruellement, c'est grâce à cette suite funeste qui s'annonce que son discours d'illuminée par sa religion n'est pas trop insupportable à lire…) Et effectivement, elle replonge, toujours plus sévèrement. Regrettant son passé prometteur, elle se dit esclave, morte encore vivante. Souffre et perd le compte des doses.
Malgré tout, elle continue d'aimer. Elle aime follement Robbie. Puis Alice. Puis Renée et Norma. Elle les aime toutes, ces femmes qui traversent sa vie, le temps d'une année, d'un mois ou d'une nuit. Ses sentiments sont sans cesse exacerbés à l'extrême, tant dans la passion que dans le mépris qui suit la rupture. Ses mots d'amour et de désir se font, avec la même véhémence, insultes assassines.

Comme dans le volume précédent, son journal côtoie son agenda. Différence tranchante entre le premier – littéraire, passionné, faisant l'impasse sur de nombreux sujets (peut-être trop terre-à-terre) de sa vie – et le second – factuel, à l'écriture sèche, allant à l'essentiel, énumérant noms, lieux et activités quotidiennes. La lecture en parallèle des deux supports permet de croiser ce qu'elle vit et ce qu'elle raconte.
Dans son journal, Mireille Havet n'est pas sans faire preuve d'une certaine grandiloquence. Ses mots subliment, exaltent le vécu, même quand celui-ci est maussade ou maladif. Elle exagère, elle dramatise, elle exacerbe ses sentiments et son vécu, donnant à tout cela une puissance renversante et magnifique. Avec ces longues phrases, son discours se fait hypnotique. Une hypnose qui fait vibrer dans une course digne d'un manège de fête foraine, de l'exaltation la plus joyeuse aux bas-fonds de la déchéance.
Lorsqu'elle est trahie par Robbie, partie dans son dos pour son Écosse natale, son journal fait le récit d'une rupture, de celles qui laminent, déchiquettent et laissent pour morte, mais dont, finalement, on se remet envers et contre tout. Elle écrit le désespoir, l'incompréhension, la haine rancunière et les remords qui retirent les mots cruels écrits juste avant. C'est beau, douloureux et triste. Paradoxalement, c'est cet événement qui la tue (ses mots) qui fait revivre son journal et la rend volubile à nouveau alors qu'elle y écrivait assez peu pendant les mois heureux avec Robbie.

Evidemment, elle n'est pas parfaite. Elle se montre même parfois insupportable. Quand elle se montre mesquine envers une personne autrefois aimée. Quand elle répète inlassablement qu'elle n'a « pas d'amis » alors qu'il se trouve toujours quelqu'un pour sonner à sa porte ou pour lui prêter de l'argent. Quand elle se plaint d'être mal aimée. Mais peu importe. Elle écrivait pour elle-même, elle pouvait bien se raconter comme elle en avait envie. Et puis, ces exagérations résonnent d'un accent de vérité et de passion absolument irrésistible, donc comment lui en vouloir ?

Mireille Havet, comme toujours à vif, comme toujours poignante. Désespérée, suicidaire, droguée, et pourtant animée d'une envie de vivre qui resurgit sans cesse, d'un espoir assez incroyable finalement de retrouver le cours de sa vraie vie et d'oublier ces années de déchéance et d'impuissance.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
J’ai tout perdu, et j’avais tout au monde. J’ai tout eu, je ne possède plus rien que mes paquets de cocaïne, d’héroïne, mes pauvres paquets honteux, mortels, achetés de préférence à toute nourriture ou vêtements, certes, achetés avec mon dernier argent.
Je ne possède plus rien et ce sont mes paquets mêmes qui me possèdent.
L’amour est loin, la vie aussi.
Héroïne, cocaïne ! La nuit s’avance… Mes seules passions, mes confidentes, mes complices dont je suis le prisonnier anéanti, allons, je vais à vous encore une fois, avant de dormir, mes ennemies que je hais, car je connais ma mort ! elle est en vous !
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La traductrice et critique Ludmila Savitzky, à qui Mireille Havet confia tous ses manuscrits : "vous êtes la seule personne qui ne plaisantera jamais avec ces papiers, ne les fichera pas brusquement en l’air, n’en perdra pas, ne les laissera pas s’envoler, ni brûler, ni s'égarer... et ne les oublierait pas en cas de déménagement. Et vous n’imaginez pas comme cela est rare..."(Lettre à L. Savitzky, du 9 avril 1931).
(légende de la photo de cette dernière, page 31)
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Ma vie est devenue ce fumier où, nuit et jour, je me roule, oublieuse, par instants, de ses réalités, asphyxiée littéralement tant l’odeur est forte et me monte à la tête, oublieuse de tout, à moitié idiote, figée moi-même en statue de fumier, en statue d’ordure et d’horreur recouverte, recouverte… sans nom, sans pensée, sans mémoire, à demi aveugle et dans un noir cent fois plus épais, plus vaste que celui de la cécité, n’attendant qu’une chose au monde, n’espérant qu’elle, celle-ci, d’être éveillée enfin de mon cauchemar par la vraie mort humaine.
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Je ne suis plus un enfant qui attire la compassion et un intérêt attendri. Comme les autres, seule comme les autres, un cas entre des millions, sans autre singularité qu’un glorieux et étincelant début et une fin lamentable, complètement anonyme et obscure pour tout ce même monde qui, à 15, 16, 17 et jusqu’à 25 ans même, m’accordait du génie et, en échange, me promettait une gloire sans précédent.
Beaux rêves de sucre rose d’une petite fille sotte et crédule, plus crédule et sincère, même, que vraiment vaniteuse et outrecuidante.
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Ô Morphine, qui donc s’occuperait de moi, qui donc s’immiscerait dans ma vie de supplices et d’injures misérables, sinon toi, puisque tout et tous m’ont depuis longtemps abandonnée ?
Ô Morphine, tu es mon secret, mon amie la plus folle, mon ennemie la plus sûre et ma sauvegarde, puisqu’il paraît qu’il faut vivre malgré ses blessures et ses amputations. Mais qui donc peut le comprendre ou le comprendrait loyalement et férocement comme je l’avoue cette nuit où, dans l’excès de ma solitude et de mon impuissance, l’amertume de vivre et la rancœur des souvenirs font éclater ma poitrine et rongent mes paupières comme des vers.
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