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Wladimir Anselme (Traducteur)
EAN : 9782330095048
160 pages
Actes Sud BD (02/05/2018)
3.21/5   7 notes
Résumé :
Le grand Jules Feiffer signe ici son premier roman graphique, et rend hommage aux privés du cinéma noir et aux bandes dessinées de son enfance. À travers le destin de trois femmes fatales aux rêves enchainés, Feiffer revisite la grande dépression, les figures de l’Amérique de l’entre deux guerres dans une mise en scène éblouissante.
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
Ce tome contient une histoire complète qui ne demande pas de connaissance préalable. Il peut être lu indépendamment de tout autre. C'est aussi le premier d'une trilogie : (1) Kill my mother, (2) Kill my mother, Tome 2 : Cousin Joseph publié en 2016, (3) The Ghost Script publié en 2018. Ce tome a été publié pour la première fois en 2014, et il est écrit, dessiné et mis en couleurs par Jules Feiffer, écrivain, scénariste, professeur d'université, auteur de littérature pour la jeunesse, auteur de bande dessinée, journaliste. Dans sa préface en forme de dessin, l'auteur dédie cet ouvrage à Milton Caniff (1907-1988, bédéaste), Will Eisner (1917-2005, bédéaste), Dashiell Hammett (1984-1961, auteur de polar), Raymond Chandler (1888-1959, auteur de polar), James M. Cain (1892-1977, auteur de polars), John Huston (1906-1987, réalisateur), Billy Wilder (1906-2002, réalisateur), Howard Hawks (1896-1977, réalisateur) et Joan Z. Holden.

En 1933, dans un appartement de Bay City, Annie Hannigan (15 ans) est en train de danser avec son copain Artie Folsom, au son de la radio. Elle n'arrête pas de parler, évoquant sa haine pour sa mère, son admiration pour son père, policier décédé. Assise dans son bureau à sa machine à écrire, Elsie Hannigan (la mère d'Annie, veuve de Sam Hannigan) se fait appeler par son patron Neil Hammond, détective privé. Il lui demande si elle a tapé le rapport pour le client Duane Murdock. Elsie lui explique qu'elle l'a rédigé elle-même parce qu'il était trop saoul la veille au soir. le client a été tellement content qu'il a même ajouté 50 dollars de plus dans son paiement. Il lui propose d'aller faire un petit tour avec lui dans la chambre qu'il loue dans l'hôtel en face. Elle lui répond qu'elle doit aller s'occuper de sa fille. Dans sa chambre, Annie est en train de peindre des arabesques sur le dos d'Artie, tout en lui racontant qu'elle a le béguin pour Neil Hammond, l'employeur de sa mère. Elle se dit que Neil épousera peut-être sa mère, et qu'ils vivront tous les 3 ensemble, et que d'ici 3 ans elle pourra le séduire et partir avec lui, ce qui tuera sa mère.

Une grande et belle femme entre dans le bureau de Neil Hammond. Elle lui demande de retrouver une grande belle blonde, celle sur la photographie qu'elle lui tend. Elle lui indique que cette femme s'appelle Patricia Hughes et que c'était sa professeure d'arts dramatiques. Il accepte ses 200 dollars et lui demande comment elle s'appelle : Normandie Drake. Il a la conviction qu'il s'agit d'un faux nom. Elsie Hannigan rentre chez elle et découvre un bazar sans nom dans toutes les pièces : Annie a écrit au rouge à lèvres qu'elle est partie étudier à la bibliothèque. Annie a emmené Artie dans un grand magasin et elle a commencé à voler des bijoux et des vêtements en le convaincant d'en porter une partie. Ils s'apprêtent à sortir en faisant tout pour ne pas attirer l'attention du vigile. du coup, Elsie est retournée travailler. Neil Hammond lui explique ce qu'elle doit faire : passer une annonce dans les journaux annonçant un casting, louer un bureau à un autre étage dans l'immeuble et se préparer à recevoir les candidates. Annie et Artie sont sortis du magasin, mais ils se font courser par le vigile qui les rattrape. Ils reçoivent l'aide d'une grande belle femme blonde, vivant comme une clocharde.

Difficile d'ouvrir cette bande dessinée sans être impressionné par la quatrième de couverture sur laquelle se trouvent des citations louangeuses de Neil Gaiman, Chris Ware, Paul Levitz et même Stan Lee. Jules Feiffer est un auteur peu connu en France, mais ayant une longue carrière de créateur derrière lui et ayant réalisé cette BD de 148 planches à l'âge de 85 ans. le lecteur est donc un peu impressionné, à la fois par l'expérience de cet auteur, à la fois par le risque de trouver sa narration datée. En ayant choisi de situer son récit dans le passé, la deuxième crainte s'efface car il devient normal que les pages portent la marque du passé. Effectivement que ce soit pour la couverture ou pour les pages intérieures, il est possible qu'il faille un temps d'adaptation au lecteur pour se faire à la narration visuelle. Jules Feiffer trace des contours avec un trait encré ou peint, irrégulier, lâche, aboutissent à des formes qui semblent esquissées, pas finies, irrégulières sans raison apparente, un peu nouille, avec un niveau descriptif en apparence assez faible. Il faut donc un peu de temps pour se rendre compte que les informations visuelles sont bien présentes : les tenues vestimentaires d'époque, quelques accessoires de ci de là, une pièce de mobilier de temps à autre, un modèle de voiture. Prises une par une, les planches ne contiennent pas beaucoup d'informations visuelles sur les lieux. Mais il se produit un effet cumulatif progressif qui fait que finalement le lecteur éprouve bien la sensation d'avoir visité des environnements divers et variés : l'appartement d'Elsie Hannigan, le bureau du détective privé Neil Hammond, les parties communes de l'immeuble des Hannigan, un grand magasin, quelques rues de Bay City, un stade où se déroule un match de boxe, la piscine d'une riche propriété, la jungle de l'île de Tarawa, etc. La mise en couleurs est réalisée généralement en monochrome à l'aquarelle, avec rarement une touche d'une autre couleur.

Une fois passé ce moment d'adaptation, le lecteur peut apprécier la vitalité épatante qui se dégage des personnages. Ces traits de contour déliés et irréguliers font apparaître leur mouvement, leurs imperfections, leur naturel, l'impossibilité de contempler l'entièreté d'un individu quand on le regarde. Il s'agit d'une interprétation de la réalité qui s'attache plus à l'impression produite qu'à une description photographique. Ces dessins capturent le langage corporel avec naturel et élégance, ce qui insuffle de la vie dans chaque personnage. le seul inconvénient est que certains personnages sont parfois difficiles à identifier. L'enquête pour retrouver Patricia Hughes implique en fait 3 grandes femmes blondes, et le lecteur n'est pas toujours certain de l'identité de celle qui se tient sur la page qu'il est en train de lire. Très rapidement même, il se rappelle de la dédicace adressée à Raymond Chandler. Il est dit de l'adaptation de son roman le grand Sommeil, en film en 1946 par Howard Hughes que Chandler lui-même avait du mal à expliquer l'intrigue. du coup, le lecteur doit s'accrocher pour distinguer Patricia Hughes de Mae Hughes, et de la clocharde.

Jules Feiffer a découpé son récit en 2 époques : la première se déroulant à Bay City en 1933 (64 pages pour 24 chapitres), la seconde à Hollywood puis sur une île japonaise en 1943 (84 pages pour 30 chapitres). Effectivement la première partie reprend les codes du roman noir : un détective privé porté sur la bouteille, souvent saoul, une gentille secrétaire futée, une femme fatale de la haute qui vient louer les services d'un petit détective privé, un boxeur dansant, une mystérieuse clocharde… le lecteur se prend au jeu d'essayer de comprendre l'intrigue, d'anticiper les révélations, mais arrête assez rapidement, trop occupé à se souvenir de qui est qui, et comment ils sont reliés. Avec la deuxième époque, le récit change de registre : il reste bien un gros costaud qui est chargé d'accomplir un meurtre, mais la trame de fond relève plus de la comédie dramatique, des relations d'amour et haine entre plusieurs personnes, à commencer par celle entre Annie et sa mère Elsie. Ce changement de registre est très bien illustré par le gros costaud Gaffney (Tiny Tim) s'immergeant tout habillé dans une piscine privé et en sortant nu, ayant abandonné ses habits d'homme de main, pour aller ensuite acheter une nouvelle garde-robe.

Le lien entre les deux époques réside à la fois dans les personnages que l'on retrouve de l'une à l'autre, dans la mise en scène des relations dramatiques entre les personnages, et dans les observations sur la nature humaine. Même s'il se lasse de suivre l'enquête, ou même arrête de faire l'effort d'essayer d'identifier les personnages en cours de route, le lecteur prend plaisir à la plupart des scènes. Jules Feiffer sait mettre en scène la nature humaine avec une sensibilité extraordinaire : le bavardage incessant d'Annie pour se convaincre elle-même, l'intelligence rusée de Neil Hammond malgré son abus d'alcool, la force de caractère d'Elsie Hannigan qui ne se laisse impressionner ni par son employeur, ni par 3 voyous de rue qui essayent de lui faire peur, encore moins par un communiste qui tient un commerce de liqueurs, par les jérémiades d'Eddie Longo, par la capacité de Mae à le réconforter, etc. Séquence après séquence, le lecteur se retrouve sous le charme et la grâce de la narration visuelle de l'auteur. Même dans les moments aussi artificiels que Lady Veil en train de chanter, il fait l'effort de regarder les mouvements de cette dame, et de lire le texte de ses chansons, séduit par sa prestance et la tristesse qui émane d'elle. de temps à autre, le lecteur est un peu perdu dans quelques enchaînements de cases, déconcerté par le placement d'un phylactère ou d'un autre, et très souvent impressionné par une mise en scène qui semble relever du théâtre et qui fonctionne parfaitement, laissant la place aux personnages d'évoluer sur la page en fonction de leur état d'âme.

En entament cette bande dessinée, le lecteur a conscience qu'elle a été réalisée par un auteur à la longue expérience jouissant d'une réputation flatteuse et méritée. Il se rend compte que la narration visuelle est fortement marquée par la personnalité de Jules Feiffer, et pas toujours fluide, que ce soit pour les éléments de l'intrigue, pour reconnaître les personnages, ou parfois du fait d'explications copieuses et longues (en particulier dans les dernières scènes). Dans le même temps, il constate que l'auteur fait vivre ses personnages avec une rare sensibilité, que ce soit par leurs mouvements, ou par leurs préoccupations. Il ressent parfois que Jules Feiffer utilise plus des outils narratifs du théâtre que de la bande dessinée, mais aussi qu'ils fonctionnent souvent sur la page dessinée. Au final, il a côtoyé des personnages très incarnés dans une trame policière qu'il a un peu oublié en route, préférant la dimension dramatique, les portraits de femmes, faisant de leur mieux pour exister et vivre à selon leur caractère, contre le cadre de la société de l'époque.
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Jules Feiffer est l'un des artistes les plus injustement méconnus de notre côté de l'atlantique. Auteurs de strips décapants pour le Village Voice et de nombreuses bandes dessinées à l'humout mordant, il n'a guère été traduit chez nous, si ce nest une compilation chez Futuropolis et l'excellent Tantrum. On lui doit aussi quelques livres pour enfant dont "Aboie George", une perle d'humour, mais aussi des scénarios de film, dont le Popeye de Robert Altman ou "Ce plaisir qu'on dit charnel", très grand film de Mike Nichols.
Arrivé à l'âge ou les artistes sont soit à la retraite, soit ont perdu de leur virtuosité, Jules Feiffer signe un livre qui force le respect. Il se place ouvertement sous le haut patronage de Will Eisner, dont il faut l'assistant, mais aussi des maîtres de la littérature noir (Hammet et Chandler en tête) et de l'âge d'or d'Hollywood. Il invoque un peu près tous les marqueurs de la série noire des années 30-40: détective alcollique, stars hollywoodiennes aux petits secrets honteux, combat de boxe, alcool, clubs de jazz, meurtres et trahisons... mais derrière le pastiche, ou la satire, se trouve une histoire de femmes, un affontement qui trouve ses racines dans la difficulté des relations familiales, entre mère et fille, entre soeurs... Cerécit tout en faux semblant s'appuye sur une narration virevoltante. Chapitres très courts qui s'enchaînent, scènes endiablées portées par un dessin virtuose. Dès la première page, Feiffer dessine 2 gamins qui dansent sur un air qu'on imagine endiablé. Dessiner le mouvement est toujours une gageure. Beaucoup peinent à traduire le dynamisme du mouvement. Dessiner la danse est l'exercice ultime. Rares sont ceux qui arrivent à traduire le mouvement, la légèreté, ce bref instant de suspension lors que le corps échappe à la gravité. Blutch y arrive. Dans Polina, Vivès se débrouille bien. J'avais déjà vu des dessins de feiffer des années 60 dans lequel il réussissait à transposer d'un trait cette fragilité. Il y arrive toujours merveilleusement à 80 ans passé, lorsque la main n'est plus sensée être aussi agile. le reste du livre est à l'avenant. La silhouette fantomatique de Lady Veil qui chante sa complainte dans un club est sublime. La danse désespérée et pathétique de Eddie Longo est tragiquement drôle. Kill My Mother est une fantaisie un peu lugubre, un petit théatre de marionnettes torturé, aux placards trop encombrés de squelettes pour que les personnages puissent espérer quoi que ce soit. Et c'est une des bonnes surprises de ce premier trimestre.
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Ambiance noire, époque Humphrey Bogarts et Lauren Bacall. Les personnages féminins se ressemblent un peu, c'est parfois difficile de les distinguer, du coup on cherche des connections là où il (n') y en (pas). La fin me laisse perplexe, un peu confuse : 2 scénarios possibles pour une même histoire ?
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Pas tout compris...
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bd
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critiques presse (3)
ActuaBD
22 janvier 2019
En compétition pour le Fauve Polar SNCF cette année à Angoulême, Jules Feiffer signe un récit noir - et mélodramatique ! - de haut vol, en forme de sarabande échevelée, et d’hommage malicieux au genre.
Lire la critique sur le site : ActuaBD
BoDoi
23 mai 2018
Tout est mouvement, presque pantomime, pour sublimer un mélo comme on n’en fait plus. Si le texte est tout à fait à la hauteur, c’est le dessin – construction, ligne, ombres – qui fait tout ici. C’est rare, c’est beau, c’est du grand art.
Lire la critique sur le site : BoDoi
LaLibreBelgique
15 mai 2018
A 85 ans, l’illustrateur américain a livré un hommage époustouflant au roman et au film noirs. Mais "Kill My Mother" inverse la hiérarchie des genres en donnant aux femmes l’ascendant sur le récit.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique

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On se retrouve la semaine prochaine !
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