Une bonne idée de la part des auteures
Annelise Heurtier et Delphine Jacquot que d'adapter "
La parure" à un jeune public, avec un sujet et un humour satirique, que l'on saura adapter à une société d'aujourd'hui, tout aussi dictée par le culte des apparences.
L'anthropomorphisme sera aussi une excellente idée, rappelant un peu le moyen du conte et des fables pour offrir à une morale cinglante un peu de distance, plus d'humour avec de la légèreté enfantine.
Voyez Monsieur Loisel en castor et son épouse en pigeon.
"Ce soir, je serai la plus belle pour aller parader, mais que vais-je porter, monsieur mon époux ? Je vais me couvrir de ridicule et de honte en me présentant comme je suis, juste comme je suis (à entendre, une ménagère qui éveillera à l'imaginaire de l'assemblée les produits pour le parquet, les fumets de pot-au-feu et les cris d'enfants. A noter tout de même que les Loisel bénéficiaient d'un personnel de maison)".
Tout partira de là, pour la mésaventure de "
La parure", récit d'un humour savoureux et un peu mordant.
Il sera permis au couple Loisel de pouvoir assister à une de ses soirées mondaines données pour un Ministre et l'épouse ne saura pas quoi se mettre pour ne pas faire honte et se sentir à la hauteur esthétique.
Le mari, prévenant, se serrera la ceinture, se privera donc de l'achat d'un nouveau fusil pour acheter une nouvelle robe pour son épouse.
Mais cela ne suffira pas.
Il
lui indiquera l'idée d'emprunter alors une somptueuse parure à une de ses amies plus riches pour présenter bien.
La suite fera penser à la fin du conte de Cendrillon, l'épouse retrouvant ses simples atours et ayant égaré une chaussure du costume magique (
la parure de diamant, ici).
Comment faire pour ne pas subir une humiliation sans nom ? Elle a emprunté, cette fortune autour du cou n'était pas elle et elle a perdu ce bijou.
Que faire, dieu des ménages ?
Emprunter, la remplacer, se ruiner ?
La fin est terrible, hélas,
Maupassant promettra un retournement de situation et on en rira et à gorge déployée.
Les apparences sont décidément sans mercis.
"
La parure", une des Nouvelles les plus connues de l'auteur français
Guy de Maupassant.
Une comédie et une satire d'une époque, se moquant un peu d'un idéal social, de ses apparences, raillant sous-couvert autant les riches (qui tricheront parfois) que les plus modestes qui les envieront.
Sans nul doute qu'avec le temps et la douleur, l'auteur, malade et spectateur des comédies qui l'entourent, n'y trouvera plus sa place et verra en cette quête de réussite sociale "vitrine" une futilité et de quoi rire car devant la mort, il le sait, nous sommes tous égaux.
Cette petite introduction permettra de recontextualiser un peu le personnage féminin de "
La parure" qui va suivre.
Oui,
Maupassant se moquera un peu d'un moule social familial obligatoire de son époque et vanté comme la marque d'une réussite sociale minimum, mais où maris et épouses parfois se sentiront un peu pris au piège.
Les apparences seront trompeuses et il faudra jouer le jeu, ne jamais avouer que cela ne fonctionne pas toujours avec les règles de société, avec la pression de l'éducation des enfants, des relations de couples, avec l'organisation familiale du chef de famille qui seul travaille et de sa fidèle assistante qui règle les soucis domestiques seule, il faudra tenir bon, l'estime des autres sera à ce prix et avec un peu de chance, peut-être nous honoreront-ils en nous enviant un peu.
Maris, épouses, carcan social d'une époque pour des "Loisels", mode d'emploi stricte d'une utopie ?
Les jeunes lecteurs devront bien réaliser avec pareille histoire que papas et mamans seront des gens ordinaires avec leurs lots de soucis et d'aspirations personnelles qui ne concerneront pas toujours la famille.
Travail, famille, patrie, pour les adultes. Ecole, famille et une tenue correcte exigée en société pour les enfants.
Comment se détendre, s'octroyer des récréations revigorantes lorsque l'on est adultes et revenir gonflé d'une nouvelle énergie, fin disponible sur le devant de la scène familiale et professionnelle (il n'y avait pas encore les bistros, la télévision, internet et les réseaux sociaux, les cours de pilates, les cours de gol
f ou de squash, jeunes gens) ?
Et il était de bon ton que les hommes ne discutent qu'avec les hommes, les femmes qu'avec les femmes, c'était une autre époque.
L'époux comme M. Loisel aura ses parties de cartes en clubs privés de temps à autres, pour parler politique entre hommes, refaire le monde, y tenir un langage moins retenu, se détendre sans tenir de rôle de composition et de modèle, pour s'encanailler un peu avec des jeux d'argent et de l'alcool qui n'auront pas leur place à la maison (ou exceptionnellement si l'on reçoit).
Et des épouses comme Mme Loisel?
Où retrouver du rêve à son époque, sa bouffée d'air frais dans un quotidien très réglé, d'une pression sociale aussi usante, où retrouver l'excitation d'une aventure plus envoûtante et imprévisible, au-delà de la reconnaissance d'un travail de "management" domestique bien fait (que parfois l'époux ne remarquera pas. Imaginez un patron qui ne dirait jamais à ses employés qu'ils font du bon travail)? Une maison bien tenue, une nouvelle coiffure, tu ne vois donc rien?
Bleu ou rayé, pour recouvrir ce siège ? Tu ne m'écoutes plus.
Pauvre "Mesdames Loisel".
Eviter surtout de s'épancher sur ces problèmes de coeur auprès des amies dont les époux côtoient son mari et auprès de la bonne aussi.
Des épouses qui profiteraient d'un club pour femmes, qui boiraient des cocktails alcoolisés, diraient des gros mots, parleraient garçons en des termes gourmands ? Grands dieux, jeunes gens, votre imagination va trop loin. Il faudra vivre avec son temps et avec des prétentions "olé olé" qui ne décoiffent pas de trop dans des vêtements trop cintrés où l'on étouffe parfois.
Devenir adultes, promettait-il vraiment d'être aussi contraignants ?
Rien d'étonnant à ce que leurs grandes soirées qui rassembleront le beau monde fassent un peu rêver des épouses dans de jolies cages dorées, privées au quotidien des grandes sujets du monde entre grandes personnes (De quoi parlent-ils entre eux ? Comment s'habillent-ils ? Qu'y aura il de servi aux invités en cuisine ? Il n'existait pas encore la tv, les People, c'était eux).
Devenir soi un "People", quel frisson, quel tourbillon !
Mais ces gens importants, ces modèles, jouent-ils eux-mêmes le jeu de toutes ces contraintes ?
La fin de "
La parure" sera sans appel : chacun fera comme il pourra pour entretenir les apparences.