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EAN : 9782358721691
326 pages
La Fabrique éditions (19/10/2018)
4.49/5   38 notes
Résumé :
Partout, ça se rebiffait. Les années 1970, a-t-on dit à droite et à gauche, du côté de Samuel Huntington comme de Michel Foucault, ont été ébranlées par une gigantesque « crise de gouvernabilité ».

Aux États-Unis, le phénomène inquiétait au plus haut point un monde des affaires confronté simultanément à des indisciplines ouvrières massives, à une prétendue « révolution managériale », à des mobilisations écologistes inédites, à l’essor de nouvelles rég... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (6) Voir plus Ajouter une critique
Si vous recherchez une analyse documentée et référencée (avec un impressionnant appareil de notes) sur les manoeuvres et stratégies du capitalisme pour maintenir et renforcer sa prédominance idéologique, au niveau mondial, depuis les années 70, alors cet ouvrage est un indispensable.
Car en ces années 70, désormais devenues lointaines pour beaucoup, la classe du profit sans vergogne eut très peur, se voyant menacée par une généralisation des contestations et des dénonciations multiples des effets profondément nuisibles à l'intérêt commun de ses agissements. Nous trouverons donc ici un tableau assez complet de la façon dont la classe des prédateurs reprit la main en multipliant les interventions et manipulations diverses au mépris de l'intérêt général et des populations de la planète. Nulle vision complotiste ici mais un ensemble de faits dont nous mesurons de plus en plus, et sans doute avec quelque accablement, les conséquences mortifères sur notre monde. D'autant que ce sont les mêmes qui restent partout en place et prétendent même vouloir nous sauver. Mais de quoi au fait ?
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Grégoire Chamayou jette des buches dans le feu allumé notamment par Karl Marx et Karl Polanyi, le ravive et lui donne la force d'éclairer comme il faut le monde, de dévoiler ce qui se tapit dans l'ombre de la jungle néolibérale : la violence consubstantielle au capitalisme libéral et la nécessité d'un arsenal militaro-policier pour imposer l'ordre du marché. Chacune de ses buches pourrait assommer un éléphant républicain aussi facilement qu'un âne démocrate, cette version anglo-saxonne des animaux politiques (ne faisons pas l'erreur de les prendre pour des clowns) du cirque politique qui se joue partout désormais : un spectacle d'illusion qui tend à faire passer la dictature du quotidien en structuration du dialogue social, la répression violente des contestataires pour de l'éducation et la volonté totalitaire de construction de l'homme nouveau adapté aux exigences du roi Marché pour la liberté d'homo oeconomicus.
Il y a bien des livres sur le sujet qui nous ouvrent les yeux. certains éclairent véritablement. Celui-ci est éblouissant.
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Grégoire Chamayou est un philosophe français et chercheur au CNRS que j'ai découvert par hasard à l'occasion d'une interview donnée à l'apparition de son livre « La société ingouvernable » en 2018.
Cet essai richement documenté est une mine d'or qui permet de comprendre comment le capitalisme néolibéral a réussi à gagner la bataille idéologique et à s'imposer comme le seul système viable dans nos sociétés contemporaines. « There is no alternative » disait la mère Thatcher.
L'auteur démarre son analyse au début des années 70 qui ont été marquées par le déferlement de revendications syndicales, sociales, écologistes et démocratiques et qui ont ébranlé les gouvernements occidentaux et le monde des affaires.
Se lance alors la riposte des tenants du capital et ce sur tous les niveaux : guerre aux syndicats dans les entreprises, mise au pas des cadres supérieurs des comités exécutifs des entreprises en faisant en sorte que leurs intérêts personnels soient alignés sur ceux de l'entreprise via la « valeur actionnariale », la récupération des enjeux écologiques ou ce que l'on qualifie aujourd'hui de « greenwashing », propagande médiatique et universitaire « pro business », responsabilisation de l'individu pour annihiler toute critique systémique des modes de production et l'éloge des petites actions individuelles qui garantissent la bonne conscience, délégitimation de toute alternative politique réelle…
« Il n'y a d'opposant légitime, aux yeux du pouvoir, que celui qui est inapte à le menacer. Voilà le secret de la « légitimité » vue par les maîtres : ne sont reconnus comme légitimes que ceux qui ont renoncé à leur force. La « légitimité » est la médaille de pacotille qu'on leur octroie en échange de leur désarmement. »
Par ailleurs, le livre décortique avec brio les rouages du néolibéralisme qui à l'encontre du fondement idéologique du libéralisme d'Adam Smith ne s'autorégule pas via une main invisible mais dépend entièrement de l'Etat. C'est ce même Etat via des dérégulations et des lois oeuvre pour le plus grand bien d'une toute petite minorité.
Et l'analyse de s'achever tristement sur l'issue logique d'une telle idéologie qui n'est autre que ce libéralisme autoritaire auquel nous assistons actuellement.
« Un libéralisme autoritaire est un autoritarisme socialement asymétrique. Tout dépend à qui il a affaire : fort avec les faibles, faible avec les forts »
Néanmoins, l'auteur dresse pour conclure les prémices d'une alternative qui serait basée sur de l'autogestion, de la coopération et une autonomie collective fédérée.
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Sous-titre du livre : Une généalogie du libéralisme autoritaire. Tout est dit là : Á la fin des années 70 la réaction contre l'État-providence né après la seconde guerre mondiale, entama le combat. Dans les entreprises d'abord, jusqu'à soumettre le pouvoir managérial à la loi d'airain des actionnaires. Mais il fallait plus : écarter l'État de tout pouvoir économique tout en le renforçant pour que la puissance publique s'exerce au seul bénéfice des forces néo-libérales. C'est ce processus historique qui nous est explicité dans ce livre et qui aboutit en France à la situation que nous vivons aujourd'hui début 2020. L'analyse est d'une grande acuité.On peut juste regretter qu'elle soit fondée principalement sur des écrits et des exemples anglo-saxons. Mais il est vrai que bien de nos malheurs viennent de là-bas.
Je plaisante. Á peine...
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J'avais ce livre dans ma pile à lire numérique depuis plusieurs mois et je suis content de l'avoir gardé pour une période de congés où j'ai eu le temps de le lire tranquillement, à tête reposée.

Le propos est dense, parfois ardu, toujours très riche. le sous-titre, plus que le titre, décrit parfaitement l'ambition de l'auteur : décrire, en s'appuyant sur des sources, la naissance et l'avènement du libéralisme autoritaire.

Je ne vais pas raconter ici tout le livre, mais je vais essayer d'en résumer les grandes lignes en décrivant les thèmes abordés.

L'auteur part du constat fait par les penseurs libéraux dans les années 1970 : après les Trente Glorieuses et le triomphe de l'Etat-providence, les mouvements civiques, écologiques et sociaux montrent que la démocratie devient un danger pour le capitalisme. Grégoire Chamayou va alors décrire dans six chapitres thématiques la riposte idéologique et pratique opérée par les néolibéraux :

1. Les travailleurs indociles : indisciplines ouvrières, ressources humaines, insécurité sociale, guerre aux syndicats

2. Révolution managériale : une crise théologique, managérialisme éthique, discipliner les managers, catallarchie

3. Attaque sur la libre entreprise : le siège du gouvernement privé, la bataille des idées, comment réagir, l'entreprise n'existe pas, théories policières de la firme

4. Un monde de contestataires : contre-activisme d'entreprise, production de l'idéologie dominante, management des problèmes, parties prenantes

5. Nouvelles régulations : soft law, coûts/bénéfices, critique de l'écologie politique, responsabiliser

6. L'Etat ingouvernable : crise de gouvernabilité des démocraties, Hayek au Chili, aux sources du libéralisme autoritaire, détrôner la politique, micropolitique de la privatisation

Dans la conclusion, l'auteur achève sa démonstration en montrant comment l'expression libéralisme autoritaire n'est pas un oxymore mais au contraire un pléonasme : pour s'imposer à la société, la libéralisme économique doit s'appuyer sur un Etat autoritaire dont le rôle dans l'économie doit se limiter à donner au marché les moyens de fonctionner, un Etat qui doit ainsi être fort avec les faibles mais rester faible avec les forts.

Je l'ai dit, c'est un livre très dense, les citations sont nombreuses, mais le propos de Grégoire Chamayou reste toujours limpide. La démonstration est terriblement efficace, même si, c'est l'écueil de ce genre d'essai, je me doute qu'il ne convaincra que des convaincus. J'en sors à la fois conforté dans mes idées, enrichi par une réflexion parfaitement ciselée, et je l'avoue, un peu déprimé par la situation décrite. Même si la conclusion essaye d'ouvrir des perspectives de contre-lutte, autour de l'autogestion.
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critiques presse (1)
NonFiction
01 avril 2019
Un essai stimulant et une réédition bienvenue d'un classique poussent à repenser le dépassement du pouvoir politique par les forces économiques "managériales" et les hautes sphères de l'Etat.
Lire la critique sur le site : NonFiction
Citations et extraits (16) Voir plus Ajouter une citation
Prenons un procédé parmi d'autres : pour privatiser avec succès, toujours « offrir quelque chose en échange de la perte », c'est à dire « acheter les groupes d'intérêt existants ». En 1983, le gouvernement Thatcher entreprend de privatiser British Airways. 20 000 postes sont sur la sellette, soit près d'un salarié sur trois. Si vous décidez de licencier à cette échelle, vous allez devoir affronter de vives oppositions. Que faire ? « On leur a offert des conditions généreuses en contrepartie de départs volontaires » (un chèque correspondant à deux ans de salaire). Il est donc possible, commente Pirie, d'amener les gens « à renoncer à un gain continu à long terme […] en échange d'un gain unique […] qui met fin au système ». Pour torpiller un intérêt durable, faire miroiter un avantage immédiat. (…).
Cette même méthode peut également se révéler très utile pour partir à l'assaut des régimes de retraites. Rien ne sert, là encore, d'exciter les oppositions en s'attaquant trop ouvertement aux droits sociaux des travailleurs encore actifs. Pour faire passer votre réforme, prenez surtout bien soin de préciser, recommande Pirie, que « les changements proposés ne s'appliqueront pas aux prestations promises et n'affecteront personne atteignant l'âge de la retraite avant la fin du siècle ». « Ces propositions, résume-t-il, consistent en quelque sorte à acheter les générations présentes afin de mettre progressivement en place un nouveau système. » Vendez-nous les générations futures et vous serez épargnés. Le message est le même que précédemment : étant donné que vous ne serez pas touchés personnellement, en quoi cela vous concernerait-il donc politiquement ? Pourquoi vous battre pour d'autres que vous-mêmes, fussent-ils vos petits-enfants ? Ne voyez pas plus loin que le bout de votre nez. Qu'importe après tout, puisque vous-mêmes – promis, juré – passerez entre les gouttes. Et après vous le déluge.
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Tous les indicateurs d'un séisme de grande ampleur sont au rouge , parmi lesquels la recrudescence des " maladies mentales " , des crimes violents , des phénomènes de disruption sociale , le recours le plus fréquent à la police pour contrôler les comportements , l'acceptation croissante des comportements hédonistes ( en particuliers sexuels ) , la multiplication des inquiétudes face à l'avenir , la perte de confiance dans les institutions , que ce soit le gouvernement ou l'entreprise , le sentiment que les réponses du passé ne fonctionnent plus .
Bref , c'est la légitimité même du système social du monde industrialisé qui est en train de vaciller , prévenait Willis W Harman en 1975 .
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C'est ce que l'on pourrait appeler, par référence à l'insecte xylophage du même nom, la politique du capricorne : nul besoin de tailler les poutres à la hache quand, tapies dans le bois, milles petites gueules rongent inexorablement la charpente.
Avec cette méthode, il n'est pas nécessaire de persuader tout le monde d'adhérer au projet global d'une société de marché pour que chacun œuvre à la faire advenir. En réalité, il est même crucial de ne jamais poser aux gens la question de cette échelle : cette société-là, on ne va pas la leur vendre en gros, seulement au détail. La grande question du choix de société, on l'élude en la dissolvant dans les minuscules questions d'une société de choix. (...) Petite, cette micropolitique l'est donc encore aussi au sens de la mesquinerie. Rétrécir l'horizon. Ne plus regarder le monde que par le petit bout de la lorgnette. Le paysage général, on ne le contemplera que plus tard, en prenant peut-être enfin un peu de recul. Un à un, les rapports les plus infimes en auront été altérés et, à perte de vue, l'ensemble sera devenu méconnaissable.
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"A quoi ressemble un lundi d'été à l'usine ?" demande-t-on en 1973 à un ouvrier de l'automobile. "Je ne sais pas, je n'y suis jamais allé un lundi." "Comment se fait-il que vous ne veniez travailler que quatre jours par semaine?", interroge-t-on un autre. Réponse: "parce que si je ne venais travailler que trois jours, je ne gagnerais pas assez pour vivre". Mais que voulez-vous au juste?" s'enquiert-on auprès d'un troisième. Ce que je veux: "avoir une chance de me servir de mon cerveau", un travail où "l'éducation que j'ai reçue au lycée compte pour quelque chose". L'usine? "T'es comme en cellule répond encore un autre, -sauf qu'en taule, t'as davantage de temps libre."
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Si l'on veut saisir le véritable sens de la "crise écologique" contemporaine, il faut la replacer dans cette histoire-là, celle d'un système économique dont l'expansion a eu l'appropriation destructrice de la nature pour condition consubstantielle, et la resituer dans la continuité de la prédation coloniale et de l'accumulation primitive du capital.
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Vidéo de Grégoire Chamayou
Une collection d'entretiens et de débats sur l'écologie à travers les livres, par la rédaction de Mediapart et la revue Terrestres. Première émission: "Comment agir dans un monde qu'on effondre? A propos de Devant l'effondrement (Yves Cochet), le champignon de la fin du monde (Anna Tsing), La société ingouvernable (Grégoire Chamayou).
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