le 16 octobre 1984, Grégory Villemin 4 ans était retrouvé pieds et poings liés dans la Vologne, petite rivière Vosgienne. Personne ne s'en doutait encore, mais, c'était le début tragique de l'affaire Grégory Villemin qui allait devenir l'affaire criminelle la plus médiatisée de France.
Denis Robert, alors jeune journaliste, a été envoyé sur les lieux par sa rédaction. Ce livre est donc le récit jour après jour, semaine après semaine, puis mois après mois et année après année de cette enquête criminelle hors normes, qui, 36 ans plus tard, et après de multiples rebondissements, n'a toujours pas aboutie, et, peut-être considérée à ce jour comme l'un des plus importants fiascos judiciaire de notre pays.
Denis Robert suit cette affaire depuis les toutes premières heures d'octobre 1984 et son livre se termine par une postface inédite, suite aux derniers rebondissements judiciaires de l'année 2017. Ce terrible assassinat qui a bouleversé la France entière, a pour cadre dans cette vallée Vosgienne un rectangle de quelques kilomètres carrés dont les quatre coins sont formés par les communes de Lépange-sur-Vologne, Aumontzey, Granges- sur -Vologne et Docellle. Et, à l'intérieur de ce théâtre géographique, les gendarmes chargés des toutes premières investigations se sont rapidement rendu compte que l'assassinat de ce pauvre enfant était un crime sur fond de jalousie et de vengeances dont le ou les responsables ne pouvaient appartenir qu'à un cercle familial relativement restreint autour des Villemin, Laroche, Jacob et Bolle.
Autrement dit, nous ne sommes pas en présence d'un crime perpétré par un tueur en série qui ne laisse aucune trace, ou par un routard du crime. le périmètre de cette enquête devait logiquement se refermer sur une petite centaine d'individus, issus d'un même arbre généalogique élargi. Mais plus de 30 années sont passées et la justice n'a pas encore réussie à mettre un nom sur l'assassin de Grégory.
Il suffit de lire le livre de
Denis Robert pour comprendre comment une enquête qui aurait dû trouver sa résolution en quelques mois n'a toujours pas aboutie des décennies plus tard. Page après page, l'auteur nous livre tous les ingrédients qui ont fait de cette terrible affaire de meurtre un feuilleton pitoyable aux multiples rebondissements, sans jamais aboutir à la vérité.
Denis Robert nous éclaire sur toutes les facettes de cette affaire hors normes et sur les raison de cet invraisemblable échec.
Tout d'abord les gendarmes chargés des premières heures de l'enquête de terrain, avec à leur tête
Etienne Sesmat, ont réalisé je le pense un travail difficile, mais relativement efficace et honnête. On ne peut malheureusement pas en dire autant du juge
Jean Michel Lambert chargé de l'instruction, et dont l'incompétence, n'avait d'égal que la vanité, l'égocentrisme et le désir fou de devenir célèbre. Il est certain que sur ce dernier point il avait réussi.
Denis Robert met une nouvelle fois en évidence, l'interrogatoire de
Murielle Bolle, ses aveux, sa garde à vue, et son retour dans sa famille le soir ou, le juge Lambert avait devant les caméras de télévision de la France entière annoncé qu'elle se trouvait dans la voiture de Bernard Laroche le jour de l'enlèvement de Grégory par ce dernier. Après ces propos médiatisés, la pauvre Murielle remise à sa famille a subit une soirée de violences diverses sur fond de menaces et dès le lendemain, ayant appris par coeur sa leçon forcée et imprimée dans sa pauvre tête de gamine de 15 ans, est venue devant les caméras réciter « Bernard est innocent, mon beau-frère est innocent, je n'ai jamais été avec mon beau-frère ». Leçon qu'elle répète encore plus de 30 ans plus tard.
Mais l'incompétence du juge Lambert ne s'est malheureusement pas arrêtée là. En effet, au milieu d'une incroyable faune de journalistes, un certain Jean Michel Bezinna, correspondant de la station de radio RTL, et, auteur de plusieurs papiers dans divers journaux et revues, voulait faire vendre d'avantage ses torchons. La culpabilité éventuelle de Bernard Laroche, c'était pas mal oui, mais si c'était la mère,
Christine Villemin elle-même, qui avait tué son propre gosse, alors là, pour lui c'était l'apothéose, les ventes auraient explosées…un vrai bonheur. La faiblesse de ce juge, a permis ce revirement spectaculaire de l'enquête, car, vivement influencé par Bezinna et appuyé par les avocats des Laroche, les gendarmes ont été dessaisis de l'affaire au profit du SRPJ de Nancy et de Jacques Corrazi, un très bon copain de Bezinna qui a vu son rêve se réaliser avec l'inculpation de
Christine Villemin.
Denis Robert nous compte l'enchaînement incroyable des évènements qui se sont succédé après l'assassinat de Grégory. Dans ce tourbillon médiatique infernal, l'incompétence du juge Lambert a été le terreau essentiel de ce terrible fiasco.
Bernard Laroche, le cousin, d'abord inculpé, incarcéré puis libéré a été assassiné à son tour par
Jean Marie Villemin le père de Grégory, persuadé de sa culpabilité. Son procès fleuve de plus de 30 jours, devant les assises de la Côte d'or, en 1993 est largement et superbement détaillé et commenté dans ce livre.
La suite, ce fut enfin le dessaisissement du juge Lambert. Un autre juge, le juge Simon, âpre au travail et hautement compétent a ensuite refait toute cette enquête. Quatre années passée à retrouver des témoins, interroger, chronométrer le trajet de
Christine Villemin ce jour-là, vérifier les alibis, explorer les lieux du crime et même simuler à l'aide de mannequins le trajet du petit corps dans la Vologne. Un travail de titan qui a eu raison de sa santé, car victime d'un infarctus dont il ne se remettra jamais, il se réveillera amnésique et ne reprendra jamais l'enquête. Cependant, Maurice Simon c'était approché au plus près de la vérité, cette vérité est aussi suggérée par
Denis Robert qui nous livre ses sentiments personnels. L'enquête de ce juge aussi conduit la justice à mettre définitivement hors de cause
Christine Villemin pour absence totale de charges, fait unique dans les annales judiciaires Françaises.
En 2017, les enquêteurs ont eu recours à un nouvel outil informatique ; le logiciel Anacrim. Ce formidable logiciel ne permet pas de désigner formellement un coupable, mais il met en évidence, les failles et les incohérences d'un dossier criminel, en recoupant plusieurs témoignages, en examinant les horaires et en pointant par exemple, des alibis particulièrement fragiles, non vérifiés ou manquants. Grâce à cet outil, cette année-là, plusieurs personnes ont été mises en garde à vue. Dont
Murielle Bolle, mais aussi, Marcel et Jacqueline Jacob, grands oncle et tante du petit Grégory. Un scénario probable se dessine, déjà suggéré par le juge Simon. Aussi, je me permets d'ajouter que je partage la conviction profonde que ce crime a été perpétué par plusieurs personnes, peut-être 3, avec parmi elles, les corbeaux une femme et un homme qui ont inondé la famille Villemin de coup de fil et de lettres anonymes durant plusieurs années, jusqu'à celle de la revendication de ce crime atroce.
Malheureusement, l'incompétence du premier juge, un déferlement médiatique sans précédent, l'influence néfaste d'un certain journaliste, mais aussi les sempiternelles manoeuvres des avocats de la partie adverse qui depuis 1984 se battent sans cesse pour retarder la manifestation de la vérité, et ce, à grand coup d'annulation de pièces essentielles, de vice de forme ou de vice de procédures. Ce cocktail qui donne la nausée est pourtant tragiquement véridique, et explique pourquoi, malgré des certitudes et des évidences les assassins de Gregory n'ont jamais à ce jour été mis en examen et encore moins jugés.
Il faut lire ce livre de
Denis Robert qui nous narre cette histoire tragique et macabre sur fond de ses propres impressions sur l'affaire Gregory Villemin.