Ayant longuement fait le tour du propriétaire dans ma critique du tome 1, je serai beaucoup moins prolixe pour la suite et la fin de cette trilogie. Dans ce tome 3 nous assistons au « Grand Soir » que j'avais prophétisé à la lecture des romans antérieurs de
Joe Abercrombie. Les insurgés pensaient se servir des révolutionnaires pour faire réussir leur rébellion, mais ce sont finalement les révolutionnaires qui se servent des insurgés pour faire triompher leur « Grand Changement ». Mais plus les choses changent et plus elles restent les mêmes : les inquisiteurs deviennent des « commissaires » et les tourmenteurs des « enquêteurs » ; la Maison des Questions devient « la Maison de la Vérité » puis « la Maison de la Pureté » ; le Conseil Public devient « la Chambre des représentants » puis « le Tribunal du Peuple »…
En bref après avoir tiré à boulets rouges sur le Grand Capital et l'orgueil des grands, l'auteur tire dans ce tome 3 à boulet rouges sur la Bête Immonde et la rancoeur des petites gens. En six mois de temps dans le livre il nous fait tout le processus révolutionnaire avec la victoire des modérés (les « Casseurs » de Risinau), puis le triomphe des radicaux (les « Incendiaires » de la Juge) qui remplacent ces derniers dans un déchainement de violence inouï. On passe ensuite à la Terreur et la Contre Terreur, avec des chemises rouges remplacées par les chemises noires… C'est ad nauseam qu'on assiste en série à des dénonciations, des jugements et des exécutions à n'en plus finir où explose toute la bêtise de l'humanité. On tremble pour les personnages qu'ils soient anciens ou nouveaux, et on finit par se demander qui va bien pouvoir survivre à toute cette folie…
Orso passe tout le tome emprisonné mais ses fidèles tentent de le libérer. Il continue de suivre son credo de devenir meilleur pour un monde meilleur mais on ne lui laisse aucune marge de manoeuvre.
Mutilé lors de sa dernière charge, Leo passe de la guerre à la politique en empruntant à Savine sa maxime : il faut changer de principes selon le public… le fier et naïf héros du Pays des Angles devient une ordure prête à tout et au reste pour s'emparer du pouvoir et le conserver !
Savine retrouve l'horreur de Valbeck mais à l'échelle de tout le Midderland. Mais elle ne perd pas le Nord et devient la Petite Fiancée des Taudis sous le règne des chemises rouges et la Mère de la Nation sous le règne des chemises noires. Niveau retournement de veste, elle se pose bien !
La Mata-Hari Vick épouse la cause de la révolution avant d'être dégoûté par les exécutions à répétition. Elle finit par choisir un camp qui n'est pas forcément celui des vainqueurs.
Le John Rambo Broad épouse à nouveau la cause de la révolution jusqu'à en devenir presque fou. Mais dégoûté par les massacres de masse de la Juge, lui aussi finit par choisir un camp qui n'est pas forcément celui qui mettra sa famille à l'abri…
Dans le Nord Rikke doit toujours sauver sa peau et celle du Protectorat d'Uffrith, et après s'être occupée du fils Stour Ténèbres elle doit s'occuper du père Calder le Sombre. Bayaz propose ses services à l'un et à l'autre et que peut-on faire contre le Gandalf ultralibéral adepte du darwinisme social ?
Jonas Quatre-Feuilles continue de nous faire voir l'autre côté dans la guerre pour le Nord en passant d'un camp à l'autre. Il pense toujours choisir le camp des vainqueurs, mais il ne peut pas gagner à tous les coups…
ATTENTION ZONE SPOILERS :
* La Révolution a été montée de toutes pièces, y compris dans ses pires dérives, pour faire le grand ménage au sein du Grand Capital. Il n'y a qu'à voir la vendetta que mène les anciens membres de l'Inquisition contre le système bancaire. Derrière chaque Tisserand s'en cache un autre et on remonte ainsi toute la hiérarchie de l'Inquisition jusqu'à ce bon vieux Glotka qui réalise ainsi un tour de cochon à ce bon vieux Bayaz.
* Depuis le début on nous tease avec le retour des Dévoreurs, c'est donc sans aucune surprise qu'on découvre que Zuri et ses deux frères venus du Sud sont des Dévoreurs. Sauf qu'ici ils oeuvrent pour la bonne cause en affrontant Yoru Sulfur l'envoyé de Bayaz venu exprimer son courroux.
* Orso est le personnage le plus sympathique du roman et de la trilogie. Jusqu'au bout j'ai espéré qu'il survive à tout ce merdier, mais non l'auteur continue de cultiver les bad guy qui se lolent sur la tombe des good guys. C'est ainsi que jusqu'au bout du bout que Leo et Savine se dispute le titre de grand méchant de l'histoire…
* Mais le grand méchant de l'histoire cela reste Bayaz le Premier des Mages. Il prépare déjà sa revanche avec le second fils de Calder le Sombre pour reconquérir le Nord, et avec Hildi l'ancienne protégée d'Orso pour ressusciter la banque Valint & Balk !
FIN ZONE SPOILERS !
Encore 600 pages qui se lisent vite et bien :
Joe Abercrombie reste une valeur sûre de la Fantasy ! Car
Joe Abercrombie ce n'est pas que des dialogues incisifs et un verbe acide, c'est aussi des intrigues bien ficelées pleine de rebondissements et des personnages bien travaillés plein d'ambivalence.