Il s'agit d'une oeuvre posthume retrouvée dans les cartons de l'auteur.
Cette oeuvre se présente comme une suite de 28 proses poétiques
très courtes.
Texte dense, décrivant la déambulation du narrateur hors du
monde, hors du temps, jusqu'à l'effacement de soi.
L'auteur-narrateur marche, jour et nuit, dans une errance méditative
et se laisse peu à peu assimiler jusqu'à devenir une sorte d'être végétal.
Ainsi, en témoigne l'extrait du texte 8. :
« Je finissais par respirer comme les rejets de tilleul, par foisonner
comme les froissements des roseaux. Ma peau me berçait
d'une odeur de foin, jusqu'à m'incommoder.
…
J'étais devenu ma propre bauge, où je me ruminais. »
Dans les descriptions (arbres, plantes, mares d'eau stagnante,
oiseaux, etc.), la narration va progressivement passer du « je »
au « nous », pour accentuer ce sentiment d'absortion.
Ainsi, l'exprime l'extrait du texte 26. :
« Nous connûmes grands renversements de ramures,
…
Nous fûmes fatras. Nous fûmes gorgées. Nous fûmes
incroyances, par plongées de paresse vert sombre enche-
vêtrée….».
Belle langue brute sans pose ni artifice, distillant un climat
d'étrangeté poétique.
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9.
Plus j'écoutais, plus j'en étais sûr, quelqu'un passait assez
proche. Le pas avait beau se faire silencieux, je le sentais
rire. J'allais être découvert. Si je cherchais à fuir, les
froissements de branches étaient à craindre. Je respirai à
très petits coups, comme les acacias par feuilles saccadées.
Je ne reprenais souffle que lentement, sans bruit, autant
que possible, à la façon des menthes. Je me voyais
perdu. Mais à cet instant, dans la torpeur de la forêt,
un arbrisseau, tout seul, se mit à bruire, à s'agiter, sur la
gauche. Puis, au-dessus de moi, un peu contre moi, tout
un érable frémit. Les crépitements et les déchirures des
branches gagnèrent par vagues le dévalement.
p.23
25.
Cet après-midi là, nous avons constaté un calme brusque.
Les insectes ne vibraient plus. Il languissait une fadeur
de temps venu des montagnes. Nos sèves avaient pris
une lenteur d'automne. Vers la mer, de longues couches
de nuages se superposaient, plus ou moins opaques.
Depuis assez longtemps, nous ne parlions plus tout
seuls. Écoutions-nous, même ? Oui, sans doute, puisque
la rumeur grégorienne des racines, toute en longueur,
montait, et inondait l'herbe. Puis, au-dessus, un blaisement
continu la haussait, sulfurisée. Au-dessus encore, mais
plus élastique, en soprano, une vigne de chant, souple
comme les lignes des dunes, toujours relancée et régressée,
éternisait des racines aériennes. Depuis longtemps, nous
ne parlions plus qu'au point mort.
p.55
7.
À la longue, je me méfiais à mon tour de ces fougères qui
me traçaient un parcours de terre séchée, mais sortaient
d'une vase profonde. Je finis par croire que les chèvre-
feuilles se défiaient aussi de moi. Ils n'embaumaient plus
à mon approche. Puis je compris que les tiges, les racines,
et le moindre brin d’herbe crissaient de la même peur que
moi, une peur légère, assurément, mais très ancienne, et
qui ne s’apaiserait qu’au terme de longues vagues d’an-
nées. Il ne s’agissait en somme que d’une crainte presque
joyeuse. Nous nous retirerions dans la pénombre, aussi loin
que possible du beau temps, atroce, pour une attente qui
n’en finirait pas.
p.19
21.
Les nuits allongeaient, mais très lentement, avec des
crépuscules sans couleur. Les couleurs ralentissaient. Les
ciels s'éternisaient. Les fougères se cassaient silencieuse-
ment les unes après les autres. Le bien-être des après-midi
gagnait. Je m'habituais, indifférent à des appels d'alerte
de plus en plus espacés, de plus en plus, me semblait-il,
lointains. La lagune réchauffait, molle, ma torpeur. Je pris
la lassitude des herbes, des nénuphars, faisant la planche
au milieu de leur fatalisme. Je m'étalais sans fin avec eux,
m'éloignais, dérivais d'immobilité. Les nuages aussi, qui
ne s'en rendaient guère compte. Survie à plat.
p.47
10.
Or je sentais nettement se répandre sur moi, non pas
des feuilles tombées de fin août, mais de lichens livides,
tout le long de mon flanc, des moisissures vaguement
lumineuses, des grumeaux comme des mûres rouges, ou
vertes. Je me reflétais sur les troncs des bouleaux ou, entre
eux, dans un vert assombri. Je me laissais inonder de cet
envers velouté des feuilles de chêne. Il me semblait brûler
doucement, frire, comme des feuilles sèches. J'appartenais
enfin à l'incendie des hautes cimes, au soleil tombant, à
la friabilité de l'herbe jaune par places entières.
p.25
À l'occasion du centenaire de Bernard Manciet (1923-2005), une soirée ponctuée de lectures pour célébrer le grand écrivain occitan en présence de Guy Latry, ami et spécialiste de son oeuvre. Entretien avec Katy Bernard
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