AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
EAN : 9782864327653
89 pages
Verdier (28/08/2014)
3.33/5   6 notes
Résumé :
Au soir de leur vie, une femme et un homme, qui s’aiment depuis l’enfance, rêvent et se remémorent le secret qui les unit. En autant d’épiphanies, affleurent à la surface du récit : la cave d’un immeuble, une maison de vacances, des jumeaux aphasiques qui choisissent de disparaître, une salle de classe où s’exprime la sensualité du jeune âge, mais surtout Gisèle, l’envoleuse, jeune fille mystérieuse, déesse dont le corps imposant a abrité leurs premières unions.
Que lire après L'envoleuseVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Proches depuis si longtemps et au soir de leur vie, Romain et Guillemette évoquent leur enfance, la dureté des parents - la violence transmise, les silences effrayants -, et, coeur toujours palpitant de leurs souvenirs, leur désir commun pour Gisèle, camarade de classe au corps volumineux, à la chair attirante, maternelle et érotique.

«Je me souviens de son odeur de feuilles de poussière de nuits miellées, celles de nos banlieues loin de Paris mais loin des forêts. Je me souviens de son odeur de chaud et de peur, son front brillait de sueur, ses bras ruisselaient et c'est comme cela que je l'ai aimée, dans des plis de robe et d'eau. Jamais mon corps n'a été si grand, si vaste, jamais mes poumons n'ont accueilli autant d'air, autant de vie, jamais je n'ai senti si près de me bouche autant de cris joyeux.»

Figure de désir aux antipodes des stéréotypes adultes, avec son corps de reine blanche et placide qui semblait dès l'enfance être celui d'une femme, avec une attitude qui semblait détachée des liens qui font souffrir, Gisèle était entière. Elle n'était pas aimée de sa mère, elle n'avait pas de père, mais elle, elle était libre.

«Gisèle bâille, la bouche grande ouverte comme si elle voulait s'aspirer elle-même, toute entière dans son corps. Elle regarde la maîtresse comme on regarde une mouche, elle la chasse de son cerveau génial : un monde exprimé dans un corps, un monde qui fait un tout, un seul et qui expiré tout : la chanson des rondes, les peupliers des rondes, la craie blanche, le pain du goûter, Colette et la blouse de la maîtresse constellée de grosses fleurs bleues comme la robe de chambre de maman.»

«L'envoleuse», à paraître fin août 2014 aux éditions Verdier, résonne très fortement avec le magnifique «Césarine de nuit» d'Antoine Wauters, et réussit également la prouesse de dire, avec justesse et sans commisération, les coeurs abimés de l'enfance et le désir intact en dépit des années, dans un récit intense qui s'écoule comme un chant célébrant avant tout la force du langage.

«Je veux te faire avaler de force tous ces mots qui bouillonnent en nous depuis une éternité d'années pour que tu puisses trouver le repos. Tuons avec nos mots celle qui t'aima, qui m'aima, qui fut cruelle et belle, aimable mais fuyante comme le pain qui s'émiette faute de mieux sur les tables froides des hôpitaux.»
Commenter  J’apprécie          61
Guillemette et Romain, son amant arrivé au soir de sa vie, se remémorent leur amour de jeunesse pour Gisèle. Gisèle est une fille aux chairs généreuses, aux formes maternelles, et surtout sûre d'elle et belle dans sa liberté, celle des êtres qui ne se préoccupent pas du regard des autres, qui ne demandent/quémandent pas leur amour ou leur amitié (« Gisèle n'avait pas de mère, n'avait plus de père, Gisèle était magnifiquement seule, libre, elle n'avait pas besoin d'amour, elle le trouvait dans l'air autour d'elle, dans l'eau, dans les cailloux, sur les bancs publics et chez les enfants que personne ne venait chercher à la sortie des écoles »).

C'est l'histoire d'un premier amour, de ce premier amour qui est souvent le plus puissant, le plus fort, le plus fou … dont on portera le souvenir à jamais. Chacun essaiera d'apporter un peu d'éternité à cet amour, Guillemette à travers les mots et Romain, de ses mains calleuses, à travers les pierres.

C'est un (trop) court roman original, très loin des clichés et des formules toutes faites, au texte flou et poétique, marqué par la brume des années, passées sans avoir atténué les passions adolescentes. C'est écrit en délicatesse, en pudeur, tout en laissant deviner une certaine violence.
Commenter  J’apprécie          50
La bizarrerie assumée du désir, la poésie amoureuse d'un couple autour d'une figure d'enfance l'ayant marqué à vie.

Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/09/12/note-de-lecture-lenvoleuse-laure-des-accords/
Commenter  J’apprécie          90
Livre nectar, enivrant qui tisse autour de nous son cocon de miel.
Souvenirs de sensations et d'émotions de l'enfance, une période bien étrange, vécue du dedans ... et continue sa croissance tel le nénuphar dans "l'écume des jours ".
Un magnifique et délicat travail de restitution
Bonne lecture
Commenter  J’apprécie          40

Citations et extraits (5) Ajouter une citation
La grosse Gisèle porte des robes de coton beige et des chaussures de vieille femme. Ses longs cheveux sont retenus par un élastique très serré, ce qui fait que l’on peut suivre, si l’on veut, le sillon de ses racines jusqu’au pli du caoutchouc. Son front immense, constamment en sueur, hiver comme été, réfracte la lumière, attire tous les regards. C’est ce front immense qui m’interroge : que s’y passe-t-il ? Car Gisèle parle peu. En réalité Gisèle ne parle pas, elle attend quelque chose : l’école, le goûter ? La fin du jour et le commencement de la nuit ? Elle a sa façon bien à elle d’attendre. Elle fixe les choses, les deux mains plaquées sur ses joues, la bouche ouverte, écrasée comme avant le cri. Elle regarde un arbre, un oiseau, une maîtresse, la lumière… et l’arbre s’ébroue, l’oiseau se jette dans le vide, la maîtresse crie et la lumière tremble. C’est une chose singulière de comprendre qu’une petite fille de dix ans vous vole un arbre dans la cour, votre temps, votre vie peut-être. Il arrive aussi que Gisèle vous regarde et cette reine placide absorbe alors en elle les désirs les plus inavouables, les plus refoulés, les plus enfouis. Son regard vide et profond essore votre vie avant même que vous ayez eu l’idée de baisser les yeux, il vous tord votre enfance, exprime tous les bruits intimes de votre corps. Ces voix dans votre tête. Et puis aussi le bruit du sang qui bat dans les doigts, dans la gorge, la poitrine et le sexe.
Commenter  J’apprécie          30
Sept étages, c’est long, alors il donne des petits coups de pied, comme ça, dans la porte de l’ascenseur, pour l’encourager. Nouveau raidissement de la mère, nouveau gloussement du père, les deux pieds de la fille reculent de dix centimètres. Et enfin, l’ascenseur s’arrête. Romain va pouvoir jouer tout seul dans la salle de bains avec tout un tas de petits soldats. Son père rentrera plus tard et à son retour il lui tendra la pierre ponce qui aura combattu avec courage et loyauté contre tous les félons du quartier. Et la pierre légère aura raison des mains noires et brûlées. Son père enfin lui passera la main dans les cheveux, il lui dira bonsoir et il allumera la télévision.
Romain sera tailleur de pierres, comme le père son père. Plus tard, il auscultera le flanc des églises, il dessinera des bonshommes en douce sur les linteaux des maisons, il redonnera aux gargouilles leurs yeux fous et essuiera au coin de leur bouche la bave pétrifiée. Il se promènera dans les cimetières de Thiais ou d’Ivry et, comme le père de son père, il caressera le marbre indocile mais qui capitulera sous ses mains quand il le voudra, oui, quand il le voudra.
Commenter  J’apprécie          20
Jamais plus, nous le savons, nous ne retrouverons l’arbre qui nous poussait dans le corps quand Gisèle plantait ses yeux dans les nôtres, jamais plus, nous le savons, nous ne sentirons notre corps crier quand Gisèle dénouait ses cheveux, s’en allait sans un mot. Jamais plus, nous le savons notre bouche ne s’emplira de l’eau des baisers quand la langue de notre amoureuse insolente croisait le fer avec nus, au plus sombre de la nuit. Jamais plus nous ne verrons couler entre nos jambes autant de rivières brillantes et odorantes que ces nuits-là où Gisèle ouvrait enfin son ventre secret pour nous retenir prisonniers. Jamais plus nous ne tendrons l’arc de nos cuisses comme cela. Le désir fou affolé, la morsure du corps qui n’en revient pas, stupéfait de sa propre puissance.
Commenter  J’apprécie          20
Le passant gravit la marche mais il n’a qu’une hâte : arriver tout en haut quand moi je l’ai caressée, polie, posée, abandonnée. C’est toute une histoire, c’est commode, une marche : elle élève le corps, fatigue les genoux, extirpe du souffle et fait flancher des cœurs, mais c’est bien elle qu’il faut choisir pour s’élever, parvenir, contempler, et rêver …
Commenter  J’apprécie          20
Gisèle n’avait pas de mère, n’avait plus de père, Gisèle était magnifiquement seule, libre, elle n’avait pas besoin d’amour, elle le trouvait dans l’air autour d’elle, dans l’eau, dans les cailloux, sur les bancs publics et chez les enfants que personne ne venait chercher à la sortie des écoles.
Commenter  J’apprécie          20

Videos de Laure des Accords (3) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Laure des Accords
avec Laure DES ACCORDS, auteure, Au bord du désert d'Atacama (Le Nouvel Attila), Douna LOUP, écrivaine, Boris, 1985 (Zoé), Maria POBLETE, autrice, La dictature nous avait jetés là (Actes Sud Junior), animé par Sonia DÉCHAMPS, éditrice, journaliste
autres livres classés : sensualitéVoir plus
Les plus populaires : Littérature française Voir plus

Autres livres de Laure des Accords (1) Voir plus

Lecteurs (8) Voir plus



Quiz Voir plus

Des titres empruntés à d'autres écrivains

"On prenait les loups pour des chiens." a écrit Aragon dans son poème "Est-ce ainsi que les hommes vivent ?" Quel écrivain a repris l'expression dans le titre d'un roman ?

Fred Vargas
Thierry Jonquet
Hervé Le Corre
Jean-Patrick Manchette

10 questions
132 lecteurs ont répondu
Thèmes : titresCréer un quiz sur ce livre

{* *}