Intriguée par ce titre très poétique j'ai pris ce livre à la bibliothèque sans même en lire la quatrième de couverture et sans me laisser arrêter par la couverture rose bonbon. C'est dire l'impact que ces petits mots ont eu sur moi.
Sur la forme je me suis retrouvée devant un roman choral assez surprenant. Il alterne entre des extraits d'articles de journaux, des passages sur la vie de la narratrice, des documents officiels du gouvernement
Thatcher, des interventions de soldats américains, d'autres du fantôme d'un enfant et pour la plus grande partie du récit les différentes étapes du voyage clandestin de Anh, Minh et Thanh, enfants boat peoples ayant quitté le Vietnam, avec en ligne de mire les États Unis.
Cette histoire est présentée comme celle de la mère de la narratrice, ce qui donne au récit un côté biographie très marqué. Il s'agit pourtant d'une fiction mais derrière laquelle on sent un travail de recherche solide et poussé. Tant sur l'aspect culturel, historique, politique et humain.
Cécile PIN nous met dans la peau de trois enfants Vietnamiens jetés sur une embarcation de fortune dans l'espoir d'une vie. Pas d'une vie meilleure, juste dans l'espoir de vivre, sans être en danger constamment, sans risquer de perdre la vie à chaque instant.
En compagnie de ces trois enfants j'ai ressenti toute la violence d'être contrainte à l'errance. le provisoire devient permanent. Passer d'un voyage en mer qui a faillit vous tuer, à une mise en quarantaine, puis à un camp de réfugié et un autre, avec ses grilles, ses portes ; une prison qui ne dit pas son nom. Porter des vêtements donnés, manger ce qu'on vous donne, être reconnaissant pour tout, dépendant tout le temps ; sans foyer. Se sentir inférieur, ne pas comprendre la culture, la langue, ne pas savoir cuisiner ces légumes et ces fruits jamais vus avant.
Quitter son pays c'est être déraciné, entrer en errance. Une course en avant qui ne permet que la survie. C'est subir la charité, le racisme ordinaire. Celui qui s'ignore et se dissimule sous un voile de bienveillance.
Être réfugié, immigré, sans papier, boat people, peu importe le nom qu'on leur donne, c'est aussi renoncer à faire son deuil. le deuil de ceux qui sont morts pendant le voyage et pour lesquels aucun rite n'a été respecté. Laissant les morts et les vivants l'âme en peine.
A travers l'histoire de cette famille, l'autrice interroge sur la transmission des traumatismes entre les générations, sur l'importance des rites funéraires et du deuil. Elle redonne à ces générations d'émigrés le droit à la souffrance et à la tristesse. le droit à se débarrasser de leur culpabilité d'avoir survécu et d'avoir trouvé une terre d'accueil.
Je découvrirais au fil des pages les multiples explications à ce titre qui m'a tant intrigué, et l'une d'entre elle est surprenante.
Une histoire poignante qui ne sombre pas dans le pathos, très instructive et abordé sous différents angles ce qui rend le récit instructif et touchant à la fois.